Une rumeur dans l’atmosphère
Le pas hâtif de la misère
Expectorée de l’assommoir
Tel un miasme sur le trottoir.

Un souvenir d'amande amère,
Le fiel d'une liqueur légère,
La belle absente du comptoir,
Pitoyable obsession du soir.

Nuées de crépuscule aubères
Dévastent un ciel de bruyère ;
La lune anime le miroir
De mornes flaques au tain noir.

Sa figure de craie altière
Distille une étrange lumière ;
Le feu du zinc, en repoussoir,
Semble chercher son déversoir.

Je suis pauvre, du jour au lendemain,
la page blanche, je n'ai plus de mots!
Le poète est nu; qui compte sur les doigts d'une main,
sa famille, ses amis, ses égéries, ses maux...

( L'imposture des mots! )

Creuse le temps son lent cratère
Sur les friches et la jachère ;
De la nuit l’infini couloir
N’offre plus un asile où choir.

Et vogue vogue la galère
Sur un océan de colère,
La vie et les flots, sans espoir,
Cognant contre un même butoir.

Incontinent et délétère,
Le sang se rue dans les artères.
Vont à vau-l’eau dans l’entonnoir
Les repentirs et les devoirs.

Le temps, comme un souffle éphémère,
Laisse le présent en jachère ,
Un pisse-froid, un éteignoir
Coiffant la flamme du bougeoir.

Ta main une colombe, et tes yeux deux soleils
il est aisé de peindre un corps qui fait image.
Tu es une oeuvre d'art sous mon regard de sage
et je peux te ravir tes heures sans sommeil.