L'étage 17 ne s'atteint qu'en ascenseur à roue carrée qui doit passer entre le 1 et le 7 sans les toucher.
De mémoire d'étagère, c'est arrivé plus d'une fois. Raison pour laquelle les livres de ces étages errent depuis des siècles, ébranlés par le passage en force de l'engin, dans les coursives mal éclairées ; ils lâchent des idées qui tombent dans l'oubli et l'obscurantisme. Leurs auteurs ont renoncé à les répandre, ils jouent à présent à la marelle éternelle en se querellant comme des gosses à propos de l'existence ou non de la case "ciel".
Les aspirants au 17e en ascenseur peuvent en témoigner, et c'est ce à quoi ils s'occupent parvenus à ce palier, chacun ayant une version différente de l'histoire, bien entendu.

Étage n° 18

Abracadabra, cet étage est celui de tous les sortilèges. Blancs, noirs, à califourchon sur un balai, à dos de démons ou de gargouilles, tous sont là, dans les recoins les plus osés, les plus reculés, les moins accessibles.

Maléfices, espiègleries, ensorcellements. Vous en trouverez pour tous les goûts, toutes les bourses.

Car il faut en avoir les moyens pour se payer le luxe d'une histoire qui sent le soufre.

À minuit sonnant, chaque septième mercredi du mois, ont lieu les tirages d'un tarot si particulier, qu'indubitablement un souffle chargé de peurs délicieusement insupportables circule de long en large parmi une assemblée tenue au silence absolu.

Pour accéder à ce palier dédié à l'étrange et parfois au surnaturel, vous endosserez le rôle mystérieux de votre choix et vous vous laisserez, sans rechigner, lécher les doigts de pieds par d'horribles succubes grimaçant tordus de rire, tandis que résonneront dans l'au-delà d'étranges cloches invisibles à l’œil nu.

Etage n° 19

Là se sont réunis les fantômes de plusieurs peintres célèbres décédés, chacun muni d’un de ses tableaux et de peintures afin d’effectuer quelques retouches. Sur Guernica Picasso ajoute le portrait de Franco déguisé en diable, avec cornes et longue queue fourchue, Botticelli jette un châle sur les épaules de sa Vénus qui, depuis sa Naissance grelotte à poil, debout sur sa coquille St. Jacques, sur L’embarquement pour Cytère Watteau dessine le bateau que tous les passagers attendent et qui curieusement est absent sur la toile, sur sa Persistance de la Mémoire Dali remet toutes les montres à l’heure, enfin beaucoup d’autres peintres inconnus ont délégué leurs fantômes et toutes ces entités s’affairent à qui mieux-mieux.

L'étage numéro 20 se paie en espèces sonnantes et trébuchantes. Mais pour qui n'a pas les moyens, il est convenu de la composition d'un poème par le prétendant, de sa récitation par cœur et par principe, le nez au vent et la mèche rebelle.
Si le poème est bon, l'aède est adoubé par ses pairs qui peuvent lui offrir des plumes.
Si le poème est mauvais, l'aède est adoubé par ses pairs qui peuvent lui offrir des plumes.
L'étage est surpeuplé. On y entend des poètes désespérés déclamer des quatrains de trois vers et des rondeaux carrés. On y voit gesticuler des pieds-de-nez au vent vendant la mèche rebelle pour le prix de l'étage, échangeant des rimes riches contre le double de suffisantes. On y rêve de gloire posthume et d'interminables poèmes à 20 plumes. On y jongle avec des mots de sa propre invention, les marques étant déposées dans une urne à gauche en sortant sur le palier. Elle déborde de bizarreries ampoulées et de chewing-gums remâchés, d'idéogrammes et de coins dont chacun peut se servir à sa convenance. les canards ont un faible pour les coins dans la mesure où ils sont par deux tandis que les idéalistes pèsent les mots qui servent leurs idéaux.
On y cultive du laurier pour ceindre les fronts ambitieux et de la vache enragée pour les autres.

[Étage 21]


L’étage 21 est, dès la sortie de l'ascenseur, une grande cité, aux limites encore indiscernables à ce jour.
Vous êtes à présent quelque part dans un recoin perdu de cette zone urbaine labyrinthique.
Un vent léger souffle entre deux silences. L’on entend quelques rires d’enfants jouant aux alentours.
Une vieille dame est assise au pied d’un bâtiment. Du linge est en train de sécher aux fenêtres.
Au centre de la cour, une bibliothèque de rue vient d’être installée par des animateurs de proximité,
tous bénévoles. Parmi eux se trouvent quelques poètes venus de l’étage 20. Les premiers enfants
s’approchent des cartons remplis de livres, impatients de retrouver leur arbre à histoires.

[Étage 21,5]


ATTENTION ÉTAGE-CHAOTIQUE


Note d’exploration :
Pas facile de décrire un univers qui se défragmente…
C’est comme un gigantesque puzzle qui explose soudain.
On se demande encore ce que sont ces étages-chaotiques.
Sont-ils des prototypes ? Des niveaux dont la fragilité les mène à l’effondrement ?
Sont-ils tout simplement dédiés au chaos, pour aider à la création d’autres étages plus stables ?

L'étage 22 est l'étage de la flicaille.

Attention ici c'est du sérieux. On y trouve notamment le Bureau Interne qui enquête sur tout ce qui concerne l’Immeuble Univers. Et, en ce moment, on s'agite beaucoup : l'heure est grave l'existence même de l'immeuble est en jeu.

Il y a d'abord le problème très fâcheux de ces étages qui influent les uns sur les autres alors que l'immeuble avait été conçu pour éviter cela : chaque étage devait être un monde indépendant des autres...

Mais il y a surtout le drame ultime : deux étages 7, cela devrait être impossible, la cohérence de l'univers entier est compromise, tout peut s'écrouler d'un instant à l'autre.

Qui est derrière tout cela ? Nous ne le savons pas encore, mais une chose est sûre l’ennemi est extrêmement dangereux, les noms de Elena et hersen sont murmurés avec crainte : les deux 7 ce seraient elles…

[Note d’exploration trouvée à l’étage 22,1]

Certains étages peuvent se reconfigurer totalement, et ainsi changer la face de l’univers qu’ils contiennent.
Il est probable que l’étage 7 soit un des étages concernés par ce phénomène.



[Panneau à l'entrée de l'étage 22,4]

L'étage 22,4 est interdit d'accès.
L'étage 22,4 est un étage-prison, d'une superficie de 700 000 km2.
Détenus humains et non-humains.
13 % des créatures captives viennent d'un seul et unique étage.

[Note de copropriété concernant Le Tage 7]

Le système a buggé et les détenus ont réussi à s'évader dans l'autre monde, celui avec des arbres et des fleurs et des vrais gens par voie de rivière insuffisamment surveillée.
Les habitants de l'immeuble doivent signaler toute personne rencontrée dans les escaliers équipée de rames et de gilet de sauvetage.
Le ponton est encerclé.

Etage 23

Pour des raisons de sécurité d'Etat, cet étage est flottant, aucunement relié physiquement au reste de l'immeuble. Pour y accéder, il faut le password, on peut dire aussi mot de passe ou palavra chave ou tralalalla ( pour les personnes atteintes d'illectronisme, maladie que l'Etat s'engage à combattre activement).
Tout est accessible à cet Etage-Etat, chacun se connectant se verra attribuer dans un premier temps un cadeau de bienvenue, puis ensuite recevra les factures afférentes au bon fonctionnement de la copropriété.
Des choses sont décidées à cet étage, en toute transparence. L'achat d'un uniforme pour chaque locataire, un uniforme simple mais seyant, a été la première mesure. Il sera à la charge financière dudit locataire.
Le Monde avance, chacun bien rangé dans son Immeuble.

Étage n° 24 (je tremble en l'écrivant... )

Cet étage est celui de la rédemption. Celle du n° 7 (le deuxième) désormais ciblé comme étant le borderline psychédélique de l'immeuble. Alors que son auteur, dyslexique notoire de son état, se croyait de A à Z dans son bon droit en usant d'un numéro qui était pourtant déjà pris en amont avec rames et tutti quanti...

Otage Ô, Tage, de ton ponton spolié par mégarde peut-elle espérer le pardon ?

Accepterait-t-il, ledit ponton, les plates-excuses d'une attardée dans la lune qui par mégarde, lors d'une froide matinée de janvier, s'est octroyé des terres déjà conquises ?

Le fin mot de l'histoire, c'est que cette distraite s'en est rendu compte, mais trop tard, le temps imparti était... parti vers d'autres horizons toujours ouverts à la création.

Elle s'en frottait silencieusement les mains, lorsque soudain l'intrusion d'un certain Vicomte, qui ne perd pas une miette de la chronologie, a fait sonner l'hallali. Haro donc sur l'étourdie, obligée d'investir un étage tout entier pour s'absoudre (*) de ses péchés.


(*) Oui, parce que l'on est jamais mieux servi que par soi-même ! (Proverbe emprunté à un anonyme célèbre)