Empathie

Je me suis retenue aussi longteùps que possible, mais j'ai fini par éclater en larmes. Le monsieur du Canada, assis en face de moi a d'abord fait semblant de ne pas me voir pleurer, puis il m'a tendu un paquet de kleenex sans dire un mot; J'étais à moitié noyée de larmes sans compter une grosse morvouille sous le nez. J'avais honte en même temps.J'ai quand même annoner:'Merci Monsieur ' et il a rétorqué gentiment: «  ne vous inquiétez pas,je comprends, j'ai eu, moi aussi des gros chagrins affreux dans ma vie »...J'ai redoublé de sanglots...Quand j'ai entendu le drelin du téléphone, je lui ai tendu le truc en lui faisant comprendre que j'étais incapable de répondre...Deux minutes après il m' apprenait que d'après ma soeur Odile, la santé de Papounet ,était beaucoup moins inquiétante que ce que je redoutais et qu'il faudrait juste limiter sa consommation d'alcool pendant quelques temps et remplacer les parties de belote chez Tatave par quelques kilomètres de marche à pied tous les jours... Ce Monsieur est le meilleur canadien que j'ai jamais rencontré et je lui ai plaqué aussitôt deux bisous sonores sur ses bonnes joues..

Contrôle

« Billets, Messieurs-Dames ! Contrôle des billets !

Mon voisin d’en face, un type qui a fauché ses lunettes à un tarsier, chemise à carreaux rouges senteur érable, s’approche de moi. ( http://www.maxisciences.com/tarsier/le-tarsier-possede-34-dents_pic14933.html )
- Seriez-vous assez aimable pour m’expliquer « contrôle » ?

Bien sûr, je me dis que ce type de cinquante ans, costaud comme un Botero, va me faire la peau avant la prochaine gare.

- C’est juste pour savoir si vous avez bien payé votre billet. Excusez-moi, j’ai un appel… Sophie, c’est toi ? Papa n’est pas mort ?

Le contrôleur arrive, je me jette sur le canadien (je savais qu’il était canadien, vu sa question) et lui compte les dents avec ma langue pendant qu’il tend son billet. Le contrôleur lui fait un coup d’œil, genre « voyage de noces ? » et file jusqu’au prochain pigeon.
Bon, il faut quand même que je me fasse une raison : j’ai pas l’intention de me taper la terre entière pour pas acheter de billet !

Fallait tout dire en six lignes, le modérateur rappela la règle et Garou qui semblait vouloir changer de wagon. Il lui dit non, qu'on ne devait pas quitter sa place sans y être autorisé. J'en profitai pour demander au contrôleur/modérateur s'il pouvait dire au téléphone à ma sœur que mon voisin de compartiment avait tout d'un sex symbol. Ce qu'il fit.

C'est sur cette invention révolutionnaire du XVIII siècle que mon choix s'était fait pour effectuer ce déplacement, nécessitant de parcourir une distance que même mes jambes n'auraient pu effectuer en une si brève durée. Si c'est le charbon son secret, je ne m'y attarderai pas pour lui montrer à cette ferraille que mes jambes peuvent être en tête en ce qui concerne la rapidité. Pendant que je soutenais cette ambition, je ne pus être indifférente à l'arrivée de ce jeune monsieur de cinquante ans à peine qui s'assit en face de moi,"c'est beau votre pays" m'annonça t il avec un drôle d'accent que jamais j'ai eu le souvenir de l'avoir entendu, j'en est vite déduit deux hypothèses certaines, il est certainement drôle et extravagant au point de se ridiculiser avec une telle manière de discuter (avec une femme quand même), de plus il a des difficultés pour prononcer le pauvre c'est à cause d'un traumatisme enfantin, c'est indubitable. Alors que je m’apprêtai à lui faire part de ma compassion, l'invention révolutionnaire du XIX siècle sonna, c'est alors que j'ai deviné que ma sœur était en train de m'appeler au même moment, ou alors c'est un faux numéro qui m'appelait au même moment. Hésitante entre ma sœur et l'inconnu, l'invention n’arrêtait pas de sonner, son son a énervé le drôle handicapé devant moi car il me dit "il faut répondre je crois" toujours avec cette maniéré unique de parler aux femmes. Ayant compris sa douleur, je me jetai sur le téléphone qui avait soudainement arrêter de sonner. C'est là où j'ai reçu la merveilleuse nouvelle de ma vie, cette nouvelle était sur la messagerie. "Papa est loin du péril" me cria ma sœur. J'étais tellement contente pour son papa qui est loin du péril, même si j'aurai préféré qu'elle me parle de notre père, s'il allait mieux. Mais comme je l'ai dit la joie m'a tellement ravi que j'ai enlacé le bel homme en face de moi. Ce n'est pas parce qu'il a eu un traumatisme enfantin qu'il n'a pas le droit d'avoir un câlin. Le bonheur ça se partage pas vrai?!

Merci Yellog de votre excellente contribution. Toutefois, afin de respecter l'esprit de l’exercice et surtout un nouveau pan sur le bec de Salamandre nous devrions essayer de limiter le texte à 6 lignes (allez, 7, exceptionnellement 8 pour ceux qui écrivent gros...).

Bonne continuation
Ludi

Mauvaise humeur!

Encore le téléphone!
C'est l'horreur...dans le train surtout!
Le canadien assis en face de moi va entendre tout ce qu'on dit!

-Oui Odile, c'est moi....Qui veux-tu que ce soit...Que se passe-t-il encore?

Papa va mieux? Tu oses me dire ça? Je suis en train de traverser la France pour le voir parce que tout le monde le dit mourant...j'ai changé à Paris parce qu'il n'y avait pas de ligne directe...j'ai pris un train de nuit en plus, mal comme je suis toujours la nuit en voyage...je n'ai pas eu le temps de casser la croûte à la gare...et toi, tu me tombes sur le poil avec tes:'Papa va mieux'?.

Bien sur que je suis contente. Mais oui, mais oui, embrasse-le pour moi!
Mon voisin canadien me tend un sandwich au paté. IL ne peut pas savoir que je suis au régime sans sel. Mais oui je l'ai remercié quand même. Ne me donne pas de conseil de politesse ou je raccroche! Je vais aller jusqu'au bar mais, chanceuse comme je suis, tout sera fermé.Quelle journée!

- Dis Odile,une chose encore...donne moi des nouvelles de Papa demain. Je te le rappelle car tu serais capable d'oublier avec ta tête de piaf! Bon, je raccroche. Je n'ai pas de temps à perdre au téléphone.

LUDI!
Pardon!
Moi aussi trop longue!
mais je suis en plein progrès...tu verras...
Pimp!

Faux Départ

Un grand monsieur m'a aidée à monter dans le wagon G du Paris -Marseille ce matin et mon téléphone a sonné au moment même où je m'asseyais .
C'est to iOdile? Du nouveau?
- Tu dis que Papa est sorti d'affaires? Complètement?
- Ce n'est pas indispensable que je me pastille ce voyage pour rien?...j'ai même le temps de redescendre du train...
- Si j'osais Monsieur?
- Osez! Osez! Nous sommes très galants au Canada!
Je finis de raconter ce faux départ bizarre dans mon journal sur le coin de la table de la cuisine.

Ma madeleine à moi.

Et ce fût ainsi que ma sœur Madeleine, de la plume empesée dont elle usait avec moi, m’informa de la douleur extrême qui consumait notre pauvre père au fond de ce lit ancestral où pourtant il dormit si peu, lui qui fendit les tempêtes océanes jusques aux confins du Canada, peut-être même de la Nouvelle-Ecosse, ce territoire étrange d’où semble surgi l’indien Micmac qui se tient face à moi, vêtu d’un pagne rouge en peau de caribou ; ce voyageur ascétique, respectueux de nos rites sexuels, qui recrache à peine ma langue joviale lorsque je la lui fourre en bouche, dans un élan irrépressible de bonheur divin, celui d’apprendre que mon père se porte mieux que moi.

Une dernière, Pimpette. Après, on peut se les envoyer en MP, ça sera pareil.

L'agent de voyage

Je profite de l’occasion (mon père est malade, mais moi aussi je suis malade…) pour repérer des coins sympas à travers la vitre du wagon. En face de moi, un canadien fort en gueule (il a déjà bu trois bières en rotant pendant qu’il me souriait), la cinquantaine confortable (trois billets de cent dépassent de sa chemise), feuillette un catalogue concurrent intitulé « Pourquoi pas en train ? », alors que tout le monde sait que le train c’est dangereux. Moi je propose des moyens de transport sur lesquels n’existe aucune statistique. Mon père va mieux. Et moi donc ! Je me rapproche des vapeurs d’alcool d’où dépasse une langue mousseuse, j’en aspire même une de tout près (beurk !), le temps que Jacques Cartier me signe le bon de commande pour une descente de l’Ardèche à dos de caribou.