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L'homme sur la photo
toc-art : L'homme sur la photo  -  Chapitre 2/5
 Publié le 27/06/18  -  8 commentaires  -  47050 caractères  -  98 lectures    Autres publications du même auteur

Greg était content de sa journée. La conférence du flic avait été passionnante. Le jeune homme avait été impressionné par le personnage. Bon, ça, ça n’était pas un critère très concluant car Greg était facilement impressionnable, il le savait. Mais tout de même, le capitaine Lorain avait été brillant. On sentait le professionnel passionné par son métier et cette passion, il avait su la transmettre aux étudiants. Les études de droit leur semblaient parfois si théoriques, si détachées du réel. Là, le capitaine Lorain les avait plongés au cœur de vraies procédures d’enquête. Greg était fan de toutes les émissions sur les affaires criminelles qui fleurissaient désormais à la télévision mais en écoutant l’orateur, il avait touché du doigt une part authentique du métier et ça avait décuplé son envie d’être flic.


Après le cours, ils s’étaient retrouvés à une petite dizaine à poursuivre la discussion avec le capitaine et, tout naturellement, celui-ci leur avait proposé de déjeuner ensemble au restau U. Ça me rappellera ma jeunesse, avait-il dit en souriant. On y mange toujours aussi mal ? Les étudiants avaient hoché la tête. À la fin du repas, le capitaine Lorain leur avait distribué sa carte. Surtout n’hésitez pas, pour ceux qui voudraient vraiment entrer dans la profession, faites-moi signe si vous voulez voir un service d’enquête de plus près, je devrais pouvoir vous organiser ça. Pressé d’obtenir la carte, Greg avait jeté le bras en avant, sa main avait renversé le gobelet de café et le liquide s’était répandu sur la chemise et le pantalon du policier. Le jeune homme était resté un instant bouche bée, rouge de confusion, avant de bredouiller des excuses. Tant bien que mal, il avait sorti de sa poche un mouchoir en tissu et l’avait brandi comme un drapeau blanc. C’est rien, c’est rien, avait grommelé le capitaine en réprimant un juron. Avec une brève hésitation, il s’était emparé du mouchoir qui tournoyait devant ses yeux et avait tant bien que mal essuyé les dégâts. Avant qu’il ait terminé son opération nettoyage, Greg s’était empressé d’ajouter le capitaine à ses contacts.


Malgré ce malheureux incident, Greg gardait un souvenir radieux de cette rencontre et il affichait toujours un large sourire quand il rentra chez sa mère.


– Maman, cria-t-il en ouvrant la porte, c’était génial ! Tu l’aurais entendu raconter ses enquêtes, c’était passionnant. Il nous a notamment parlé d’une femme soupçonnée du meurtre de son enfant mais ils n’ont rien pu prouv…


Le jeune homme s’interrompit en entrant dans le salon.


– Tu fais quoi ?


Madame Berthier était assise sur le canapé, immobile, le Paris-Normandie déplié sur les genoux. Une photo en noir et blanc d’un jeune homme s’étalait en page intérieure. Il souriait. Greg mit quelques secondes à le reconnaître. Olivier…


– Ton copain est mort, fit madame Berthier. Élisabeth a appelé, pauvre femme. J’ai acheté le journal. Ils disent que c’est un suicide. Quand je pense que je lui ai parlé pas plus tard que mardi.


Greg était sous le choc.


– Fais voir, fit-il en se saisissant du quotidien.


L’article était bref. Le jeune homme avait été retrouvé pendu la veille par ses parents dans le cellier. Il n’avait pas laissé d’explication. Greg apprit qu’Olivier avait fait un stage dans le journal quelques mois auparavant, ce qui expliquait sans doute l’article, à moins que ce ne soit une procédure courante pour les morts par suicide, Greg n’en savait rien. Pendu la veille... Greg ne pouvait s’empêcher de se poser des questions. Pourquoi l’avait-il appelé ? Ça n’avait pas de sens.


– Tu l’avais eu depuis l’autre jour ?

– Hein… Quoi ?

– Olivier, tu l’avais eu au téléphone finalement ? répéta madame Berthier.

– Non…

– Je me demande ce qu’il pouvait bien te vouloir. Ça te paraît pas bizarre, à toi, qu’il ait cherché à te joindre juste avant de… ? Oh mon Dieu, je n’arrive pas à m’y faire !

– Oui, c’est bizarre, murmura pensivement Greg. Je me demande si…

– Quoi ?

– Non… rien. Je… je vais prendre une douche et puis j’irai voir ses parents.

– Les pauvres, comme je les plains !


-o-


La fillette marchait sur le trottoir. L’air dans ses cheveux mouillés lui procurait une légère sensation de froid qu’elle trouvait agréable. Sa mère rouspéterait, bien sûr. Tu vas encore attraper la mort, je t’ai dit combien de fois de bien te sécher les cheveux après la piscine, tu le sais, non ? Oui, Mélanie le savait mais elle s’en fichait. Elle ne serait pas malade, elle en était sûre. Elle était bien trop contente pour ça. Aujourd’hui, Samir l’avait regardée ! C’était la première fois. Elle avait cru fondre sur place. Il fallait qu’elle en parle à Judith, sa grande sœur. Elle, elle savait comment faire avec les garçons, ils étaient tous amoureux d’elle. Elle lui dirait quoi faire.


La fillette accéléra le pas, elle avait hâte de rentrer. Elle pouvait déjà apercevoir le toit de sa maison. Une scène à quelques dizaines de mètres devant elle attira son attention. Un homme marchait vers elle en appelant, une laisse à la main, Tim ! Tim ! Où es-tu, bonhomme ? Mélanie ralentit en arrivant à hauteur de l’inconnu. Dis-moi, tu n’aurais pas vu mon chien ? Elle secoua lentement la tête en signe de dénégation. Tim, il s’appelle, ça m’embête, il est jeune, il va se perdre. Je rendais visite à mes cousins, les Cauchy, dans la maison juste là – l’homme désigna de la main un pavillon – et au moment de partir, paf, il s’est enfui après un chat. T’es sûre, tu l’as pas vu ?


– Il est comment, votre chien ?


Elle n’aurait pas dû répondre, elle le savait bien sûr qu’on ne parle pas aux inconnus. Mais c’était un cousin de la famille Cauchy, ils habitaient bien cette maison, ça n’était donc plus un inconnu. L’homme sourit. Mélanie sourit à son tour. C’est vrai, ça, elle était polie.


-o-


Grégory Berthier ne se sentait pas bien. Sa nouvelle visite chez les parents d’Olivier, quelques jours après l’enterrement, le mettait mal à l’aise. La première fois qu’il était venu les voir, le lendemain du suicide, n’avait déjà pas été simple. Grégory avait trouvé les parents en pleine confusion, partagés entre l’horreur du drame, qui les ramenait inéluctablement à la disparition de leur fille aînée, et la nécessité de répondre à deux policiers qui, en l’absence de mot d’adieu, menaient une enquête de routine et posaient les questions de circonstance. Vous n’aviez rien senti ? Il ne vous avait pas laissé entendre que… ? Quand Grégory était arrivé, madame Dumas avait vu en lui une bouée de secours :


– Ah, Greg, comme c’est gentil d’être venu ! Qu’est-ce qu’on va devenir ? s’était-elle écriée en se jetant dans ses bras.


Un peu gêné, Grégory l’avait serrée contre lui en faisant un bref salut de la tête aux deux officiers de police qui attendaient la fin des effusions d’un air compassé. Au bout de quelques instants, madame Dumas s’était reprise et, s’écartant du jeune homme, elle l’avait présenté aux policiers.


– Greg, je veux dire, Grégory Berthier, le meilleur ami d’Olivier. Ils partageaient tout ensemble.


Elle s’était tournée à nouveau vers le jeune homme.


– Il ne t’avait rien dit à toi ?


Tandis que Greg secouait la tête en signe de dénégation, embarrassé qu’on brandisse une fois encore cette amitié comme un étendard, l’un des policiers s’était avancé vers lui.


– Capitaine Solinas. Avec le lieutenant Landrau – Solinas avait désigné son collègue d’un geste de la main – nous vérifions juste les circonstances de ce drame. Vous le connaissiez bien, donc ? Il vous avait confié quelque chose ?


Greg avait senti le rouge lui monter aux joues. Le sentiment d’être un usurpateur l’avait fait bafouiller :


– Nn…non, rien de particulier, mais vous savez, avait-il avoué d’une voix mal assurée, on se voyait moins ces derniers temps…


Le regard du policier ne l’avait pas lâché, renforçant chez Greg ce sentiment ridicule mais terriblement aigu d’être coupable. Il avait senti la sueur perler à son front et craint que le capitaine ne s’en rendît compte.


– Il a tenté de me joindre mardi mais j’étais pas chez moi. Il devait rappeler…


En repensant à la scène, Grégory sentait encore sur lui le regard inquisiteur du policier et l’embarras qui l’avait saisi. Il était visiblement passé pour un benêt ou pour un coupable. Greg ne savait pas trop ce qui était encore préférable. Quelle humiliation pour lui qui voulait tant devenir flic. Autant dire qu’il n’avait vraiment plus aucune envie de retourner chez les parents d’Olivier. Il avait tenté d’éluder mais madame Dumas avait insisté. Comment refuser ? Ils voyaient toujours en lui le meilleur ami de leur fils mais Greg savait bien que ça n’était plus vraiment le cas. D’où son sentiment persistant de gêne tous ces derniers jours. On lui avait même demandé de rendre hommage au défunt lors de la cérémonie funèbre. Tu comprends, lui avait dit Élisabeth, tu étais son meilleur ami, il t’aimait tellement, il aurait voulu que ce soit toi. Greg avait le sentiment d’être un imposteur, de mentir à ce couple effondré par le chagrin mais que faire d’autre ? Les démentir quand ils parlaient des deux garçons comme de deux frères ? Greg n’en avait pas eu la force.


Sitôt arrivé, la mère d’Olivier l’avait conduit dans la chambre du garçon.


– Ne fais pas attention au désordre, les policiers sont passés pour l’enquête. Ah ! mais oui, je suis bête, tu les as rencontrés. Ils ont fureté un peu partout. Ils ont pris son ordinateur. Il paraît que c’est la procédure, j’ai pas eu le cœur à ranger.


Greg considéra la pièce.


– Ne vous en faites pas, ma chambre est à peu près toujours dans cet état.


Élisabeth Dumas sembla ne pas entendre.


– Je veux que tu prennes un souvenir, reprit-elle en lui tapotant la main, ce que tu veux, quelque chose qui te le rende encore vivant. Prends ton temps, je te laisse.


Après son départ, Greg était resté plusieurs minutes immobile, à contempler cette chambre aux murs tapissés de souvenirs. Il avait toujours été un peu jaloux de cet ancien grenier réaménagé. Le toit en pente, les poutres, les deux chiens-assis qui donnaient sur le jardin et, plus loin, sur le parc, le tout conférait une chaleur particulière à cette pièce, bien différente du rectangle fonctionnel mais sans charme qui servait de chambre à Greg. Le premier jour, il était tombé amoureux du papier tissé à carreaux écossais. Il avait réclamé le même à sa mère. Sans succès. T’es britannique ? lui avait-elle demandé, non ? Eh ben alors ! Mais Olive, lui, ses parents, ils… Quoi, Olive ? l’avait-elle coupé, tu crois que c’est un prénom pour un gamin ? C’est pas son prénom, maman. Alors arrête de l’appeler comme ça. La discussion s’était arrêtée là. Greg sourit à ce souvenir. Malgré le désordre, rien n’avait changé depuis l’époque où les deux garçons passaient de longues heures à s’inventer des aventures à l’infini, Olivier dans la peau d’un journaliste chevronné et Greg dans celle d’un policier incorruptible.


Au bout d’un moment, Greg s’approcha du bureau qu’il avait toujours connu là. Il adorait ce meuble massif en forme de haricot, d’inspiration coloniale, avec de gros pieds boules. Pas vraiment un meuble pour une chambre d’enfant ou d’adolescent. Greg se fit cette réflexion pour la première fois, c’était étrange. En même temps, il n’imaginait pas la pièce sans lui. Le bois avait perdu son vernis sur le plateau juste au-dessus du tiroir, là où Olivier avait dû écrire ses devoirs soir après soir. Greg tira le fauteuil et s’assit à la place de son ami d’enfance. Sa main s’attarda sur le bois poli tandis que son regard plongeait par la fenêtre sur le jardin qui s’étendait plus bas. Plus loin, derrière les grands arbres du parc, on devinait le toit de son immeuble. Une foule de souvenirs lui revinrent en mémoire.


Les deux garçons s’étaient connus en classe de CM2. Olivier avait débarqué un beau matin, l’enseignante lui avait demandé de se présenter devant la classe. Intimidé, le garçon avait bredouillé quelques mots, la nervosité augmentant son bégaiement. Après un instant de stupeur, toute la classe s’était déchaînée, hilare, avant que l’institutrice ne mette le holà. Merci Olivier, c’est très courageux de parler devant autant de monde, tu peux aller t’asseoir là-bas, à côté de Grégory. Grégory, lève la main, qu’il te voie. Dans un premier temps, Greg n’avait pas été ravi d’être associé au nouveau. Il avait déjà bien assez de problèmes comme ça, il était le petit gros, binoclard en plus, pas la peine d’en rajouter mais ensuite, il s’était dit que peut-être les moqueries seraient distribuées entre eux à parts égales.


Le calcul s’avéra erroné. Boule et Bègue, c’est ainsi que très vite, leurs camarades les surnommèrent et cette étiquette commune allait les poursuivre durant les quatre années de collège, les soudant sans doute plus que n’auraient su le faire leurs caractères somme toute assez différents. Autant Greg se montrait volubile, distrait et maladroit, autant Olivier était réservé, réfléchi et sportif. Mais l’alchimie fonctionna et bientôt, on ne les vit pratiquement plus l’un sans l’autre en classe comme durant leurs loisirs.


Greg ne se souvenait plus quand il avait appris la cause du bégaiement d’Olivier. Sans doute l’année suivant leur rencontre. Contrairement à ce qu’avait d’abord pensé Greg, le garçon ne souffrait pas de ce handicap depuis sa petite enfance. C’était venu plus tard, quand il était en CM1 en fait. La famille avait déménagé de Haute-Savoie en Normandie suite à un drame. La grande sœur d’Olivier, Séverine, âgée de treize ans, avait disparu en rentrant du collège. Les services de gendarmerie avaient retrouvé le corps de l’adolescente quelques jours plus tard dans un bois de la commune voisine. Violée puis étranglée. Les rumeurs les plus folles avaient circulé, les parents soupçonnés par les autorités, montrés du doigt par les médias. L’affaire n’avait jamais été résolue. Olivier s’était mis à bégayer. Choc post-traumatique avaient diagnostiqué les médecins, cela devrait passer. Les parents avaient espéré que le changement de décor favoriserait son rétablissement. Peine perdue, le bégaiement avait résisté. Ce n’est qu’au lycée que le jeune homme arriverait à s’en débarrasser presque complètement, grâce à une méthode de contrôle de la respiration à laquelle Greg n’avait rien compris quand son ami lui en avait expliqué le principe, mais qui à l’évidence s’était révélée très efficace. Ne subsistaient désormais de son handicap que de légères hésitations et une intonation un peu chantante.


Le regard de Greg accrocha un mini poster punaisé au-dessus du bureau d’Olivier. C’était l’agrandissement d’une photo dont Greg se souvenait parfaitement. Elle remontait à quatre ou cinq ans. On les voyait tous deux sur le quai de la gare de Rouen, affichant devant le photographe une complicité un peu empruntée dont Greg percevait à rebours l’aspect factice. Olivier avait réussi l’examen d’entrée à Sciences-Po, il partait pour Paris. À peine plus de cent kilomètres mais un autre monde. Les années de lycée avaient déjà commencé à entamer l’aspect fusionnel de leur amitié. En recouvrant une élocution normale, Olivier avait gagné en assurance. La deuxième moitié de leur adolescence avait fait apparaître de nouvelles et cruelles différences. Olivier était devenu un beau garçon, athlétique, qui plaisait aux filles. Greg, lui, restait le petit gros, le pote un peu encombrant qu’on se trimballe presque par obligation. C’était du moins ainsi que Greg avait vécu cette période. Les garçons continuaient malgré tout à se voir régulièrement, perpétuant dans l’esprit de leurs parents cette idée agréable et réconfortante d’une amitié indéfectible.


Quand Olivier avait rejoint la capitale pour intégrer l’école d’élite, les liens s’étaient presque entièrement dénoués. Mais là encore, sans que Greg ne puisse l’expliquer, l’un comme l’autre avaient continué d’entretenir l’illusion auprès de leurs parents. Sans doute ce désir de beaucoup d’enfants de correspondre à l’image que s’en font leurs parents. Ils ne se voyaient désormais plus qu’occasionnellement, au gré des retours d’Olivier sur Rouen et des invitations à dîner lancées par sa mère. Après trois années à Sciences-Po, Olivier avait entrepris des études de journalisme. Après sa licence de droit, Greg avait quant à lui embrayé sur le master, avec en point de mire l’examen de lieutenant de police judiciaire. Le peu de temps libre qu’ils avaient encore, les jeunes gens n’étaient plus vraiment disposés à le passer ensemble. Le temps des amitiés d’enfance était passé. Un jour, Greg avait changé de numéro de portable sans penser à en avertir Olivier. Il avait aussi laissé son dernier mail sans réponse, en reportant la rédaction au lendemain, puis au jour suivant et ainsi de suite jusqu’à se rendre compte que sa réponse n’aurait plus eu de sens.


C’est pour cette raison que Greg avait été si surpris de l’appel d’Olivier chez sa mère. Voulait-il en quelque sorte lui dire adieu ou y avait-il autre chose ? Tout à ses questionnements, l’attention de Greg se fixa à nouveau sur la photo de leur séparation. L’intensité du regard d’Olivier le frappa. Pourquoi Olivier avait-il fait agrandir le cliché et l’avait-il accroché là ? Avait-il été plus affecté par leur séparation qu’il ne l’avait laissé voir ? En attribuait-il la responsabilité à son ami ? Greg éprouvait un sentiment coupable devant le témoignage d’un passé qui pourtant n’existait déjà plus vraiment à cette époque. Il secoua la tête, conscient de l’inanité de ses réflexions. Après un suicide, les proches revisitaient les moindres paroles, les moindres gestes en fonction de l’issue fatale, se reprochant inévitablement des comportements assez anodins, mais qui prenaient avec la mort une dimension différente, une coloration tragique. C’était une réaction tout à fait normale.


Greg en était là dans ses réflexions quand il comprit ce qui l’intriguait depuis quelques minutes devant la photo : elle avait été accrochée récemment, c’était visible, les coins recourbaient encore autour des punaises, comme si le poster venait d’être déroulé et les couleurs n’avaient pas encore été altérées par le soleil ou la lune. Greg avait d’ailleurs appris récemment, grâce à une de ces émissions criminelles dont il était si friand, que la luminosité de la lune était plus destructrice que celle du soleil. Les fenêtres ne comportaient ni volets ni rideaux. Greg s’était toujours demandé comment Olivier faisait pour trouver le sommeil mais le jeune homme ne supportait pas d’être enfermé. Un autre trouble hérité de son enfance blessée. Autre chose attira l’attention de Greg. Le poster semblait légèrement bombé dans sa partie inférieure. Après une courte hésitation, le jeune homme tendit le bras et palpa le renflement. Une excitation le gagna : il y avait quelque chose sous la photographie. Fébrile, il dépunaisa rapidement l’image. Quand il attaqua les punaises inférieures, une enveloppe glissa le long du mur pour échouer sur le bureau.


Greg fut désappointé par son contenu : deux clichés un peu flous, manifestement pris le même jour, de loin et à l’insu du photographié. On distinguait un homme qui marchait dans la rue, l’homme sortait des lunettes de la poche de sa veste et les mettait sur son nez. Impossible d’identifier le visage. Greg tapota les clichés, déçu. Pourquoi Olivier avait-il pris le soin de cacher ces photos ? Ça ne pouvait pas être un hasard… Pris d’une inspiration subite, le jeune homme récupéra le poster resté sur le bureau. Il le retourna et l’examina attentivement. Il retint un cri : tout en bas, dans le coin droit, on pouvait deviner quelques mots à demi effacés, trop minuscules pour être lus à l’œil nu. Greg ouvrit fébrilement les tiroirs jusqu’à trouver ce qu’il cherchait, un vestige de leurs simulations d’enquêtes, une vieille loupe au verre fêlé. Sacré Olive, il ne jetait jamais rien. Greg la plaça au-dessus de l’inscription. Bingo ! Comme avant. Voilà ce qu’Olivier avait écrit et Greg savait parfaitement ce que ça signifiait. Olivier avait repris le code de leur enfance, quand Greg venait dormir chez lui et que les deux garçons se laissaient des messages codés dans un coffre entreposé dans l’abri de jardin. Le mystère s’épaississait. Greg sentit l’adrénaline l’envahir. Ainsi, Olivier avait tenté de le joindre et il lui avait laissé un message avant de mourir. C’était un appel au secours. Je te promets, murmura Greg devant le portrait de son ami, je te promets de tirer ça au clair.


Greg entendit soudain des pas dans l’escalier. Vite, il remit les photos dans l’enveloppe et la glissa dans la poche arrière de son pantalon. On toqua à la porte.


– Greg, tout va bien ?


La mère d’Olivier entra. Greg se tenait devant le bureau de son fils, le poster à la main.


– Vous m’avez dit de prendre un souvenir, bredouilla-t-il, j’ai… j’ai choisi cette photo.


Élisabeth Dumas s’avança dans la pièce en tendant le bras. Greg fut frappé par l’expression absente de son regard. Elle avait dû prendre quelque chose. Sa voix semblait atone.


– Fais voir… Ah oui, je me souviens. Il a fait faire l’agrandissement à son dernier passage, je lui avais proposé de la faire encadrer mais non, il était impatient de l’accrocher. C’est dommage, regarde, les punaises ont fait des trous… Oh Greg, pourquoi… ?


Greg s’approcha et prit la femme dans ses bras.


– Chut, fit-il en se balançant doucement tandis qu’elle sanglotait contre lui, chuut, ça va aller.


Ni l’un ni l’autre n’y croyaient.


-o-


Gilles Leclerc vérifiait la fermeture de son box quand son portable sonna. Il lança un regard circulaire dans la cour gravillonnée où les garages s’alignaient avant de porter l’appareil à son oreille.


– Gilles, c’est Benoît. T’es où là ?

– C’est mon jour de congé, chef.

– T’en prendras un autre. J’ai besoin de toi.

– T’as quoi ?

– On nous a signalé une disparition sur Grand-Couronne. Tu files là-bas, je t’envoie Malik avec le matos. Je veux des images pour l’édition du soir.

– OK, tu as plus d’infos ?

– Sylvie t’envoie un topo par mail. La gamine a une douzaine d’années, Mélanie, elle rentrait de la piscine, j’en sais pas plus pour l’instant. Gilles ?

– Ouais ?

– Trouve-moi des témoins, tu sais comment ça marche, c’est ça que les gens veulent.

– T’inquiète, tu me connais, non ?

– OK, je te laisse faire. Il me faut vos images avant cinq heures, qu’on ait le temps de faire le montage. Tiens-moi au courant.


Gilles coupa la communication sans répondre. L’excitation le gagnait. Son boss n’avait pas de souci à se faire, il adorait son boulot. Il s’était spécialisé dans le suivi des faits divers et des enquêtes criminelles. Les mouvements sociaux, les polémiques politiques, les scandales économiques, il laissait ça à d’autres. Lui, ce qui le passionnait, c’était l’humanité mêlée de sordide qui se dégageait des affaires de ce type. Il avait longtemps travaillé pour France 3 Haute-Savoie, le sang dans la neige – comme il aimait à le dire – ça marchait bien. Il avait un don pour susciter les confidences, obtenir des révélations. Il savait y faire, on lui faisait confiance, il avait de l’empathie pour la douleur des gens, il donnait le sentiment de les comprendre. Il était particulièrement sensible aux disparitions d’enfants. Certains de ses collègues parlaient d’obsession, de plaisir presque malsain. Tout son univers semblait uniquement tourner autour de ces affaires. Outre leur suivi, le journaliste proposait également des documentaires retraçant les principaux cas. On le voyait alors se mettre en scène sur les lieux mêmes des drames, théâtralisant les scènes de crimes et profitant, selon ses détracteurs, de la détresse des proches des victimes pour attirer le chaland. Gilles se moquait des critiques.


Mais après quelques années, Gilles avait rencontré Pauline, une jolie touriste normande venue faire du ski dans la région. Les jeunes gens étaient restés en contact après le départ de la jeune femme et Gilles avait finalement demandé et obtenu sa mutation pour la station locale située à Rouen. Il ne regrettait pas sa décision. S’il avait rencontré l’amour, il avait également trouvé en Normandie de quoi assouvir sa passion journalistique. Depuis qu’il était là, les crimes se succédaient. La campagne normande n’avait rien à envier à la montagne savoyarde. Son cynisme le fit sourire tandis qu’il démarrait sa moto. Dans le rétroviseur, il jeta un dernier coup d’œil sur la porte métallique de son garage. Sang de bœuf. Décidément, tout allait pour le mieux.


-o-


La première, je n’avais pas l’intention de la tuer. Ça peut paraître bizarre mais c’est vrai. On était en camp de vacances dans le Lubéron, on s’était retrouvés en cachette un après-midi. On voulait tous les deux le faire. On n’était pas amoureux mais tout le monde ou presque avait déjà couché. On a trouvé un coin tranquille dans les bois, tout près de la rivière, elle a trouvé ça romantique et on a fait l’amour. Quand j’ai commencé à mettre la main entre ses jambes, elle a protesté. Pas si vite. Je me suis collé contre elle, j’avais tellement envie, je croyais que j’allais exploser. On l’a fait vite. C’était pas terrible. Décevant même.


C’est après, quand on a eu fini et qu’elle a voulu se dégager, je sais pas pourquoi, j’ai eu envie de l’en empêcher. Par jeu au début, enfin je crois, mais elle s’est débattue et c’est là que j’ai senti une nouvelle excitation me gagner. Quelque chose de bien plus fort que tout à l’heure. Je la maintenais par les bras et je pesais de tout mon poids sur elle pour l’empêcher de se dégager. Ça m’a rendu dingue, ce sentiment de puissance. Elle s’est mise à crier et c’est là que j’ai mis les mains autour de son cou. Pour la faire taire, bien sûr, mais aussi parce que je voulais savoir, je regardais ses yeux, je voulais voir la colère, la peur et puis, petit à petit quelque chose d’autre, une sorte d’incompréhension. Je continuais de serrer, les yeux fixés sur l’expression de son visage, l’éclat de son regard qui pâlissait, le sentiment d’abandon, comme une résignation aussi. J’ai serré longtemps, je n’en pouvais plus. C’est une chose qu’on ne voit jamais dans les séries télé où le mec étrangle la fille en deux temps trois mouvements. C’est beaucoup plus long. Et puis, ses yeux sont devenus fixes. C’était fini. Elle était morte.


Ce n’est qu’après, quand je me suis relevé, que je me suis rendu compte que j’avais éjaculé.


-o-


Une fois rentré chez lui, Greg s’enferma dans sa chambre malgré les protestations inquiètes de sa mère. J’ai besoin d’être seul, se contenta-t-il de répondre à ses questions, on en parlera plus tard. Il avait hâte de consulter la clé USB récupérée dans l’abri de jardin. Évoquant le raccourci, Greg avait demandé à la mère d’Olivier l’autorisation de couper par le jardin. Tout en longueur, celui-ci donnait accès grâce à un portillon à l’allée qui ceinturait le parc. Il suffisait de traverser celui-ci pour arriver à l’immeuble où vivaient Greg et sa mère. Après avoir vérifié que personne ne l’observait depuis la maison, Greg avait fait un écart jusqu’au chalet où il avait récupéré la clé à l’endroit prévu. Sur le chemin du retour, le précieux sésame au creux de sa main, Greg avait échafaudé trente-six hypothèses sur son contenu. Pourquoi Olivier avait-il éprouvé le besoin de cacher ces données ? Était-il conscient qu’un danger le menaçait ? Avait-il mis le doigt sur une sombre affaire ? Il voulait devenir journaliste, avait-il entrepris une enquête qui devait rester confidentielle ? Le cerveau de Greg tournait à plein régime. Sitôt enfermé dans sa chambre, il saisit son ordinateur portable, le mit en fonction, bondit sur son lit et inséra la clé USB.


Plusieurs icônes s’affichèrent sur l’écran, chacune portant un prénom différent. Des prénoms féminins. Intrigué, Greg cliqua sur la première icône. Séverine. Un portrait en gros plan apparut que le jeune homme reconnut après quelques secondes. Séverine, la sœur d’Olivier. T’es con, se dit-il, t’aurais dû faire le lien. Bien sûr, il l’avait vue sur plusieurs photographies de la famille mais il ne connaissait pas ce portrait, pris sans doute peu avant sa mort. Malgré le sourire qu’elle affichait, Greg fut frappé par la tristesse qui émanait du portrait, comme si la fillette avait pressenti le drame. Le jeune homme secoua la tête, c’est n’importe quoi, tu te fais des films. Il se rendit compte qu’il frissonnait. Pour échapper à cette drôle de sensation, Greg cliqua sur les différents fichiers. Tous répertoriaient des articles parus sur l’affaire. Séverine Dumas, treize ans, disparue le 14 novembre 1998 à Loisin en Haute-Savoie, retrouvée morte le 20 novembre de la même année à quelques kilomètres de chez elle. Son corps avait subi des traces de violences sexuelles, elle était morte par strangulation. Greg cliqua rapidement sur les icônes suivantes. Chaque fois, le portrait d’une gamine apparaissait auquel succédaient plusieurs entrées reprenant les différents papiers parus après la disparition de la victime. Greg dénombra huit affaires. Un nouveau frisson parcourut le jeune homme. C’était donc ça. Olivier enquêtait sur le meurtre de sa sœur. Et à l’évidence, il avait compilé plusieurs cas de disparition et il tentait d’établir les points communs entre les différentes affaires. Greg se demanda si la vocation d’Olivier pour le journalisme venait de ce drame, s’il avait toujours eu en tête le meurtre demeuré impuni de Séverine. Bizarrement, ils n’en avaient jamais parlé ensemble.


Greg n’était pas un inconditionnel de l’informatique, même s’il maîtrisait les bases. Il avait besoin du support papier pour bien assimiler les informations. Il avait ainsi toujours imprimé ses cours pour pouvoir les feuilleter et les retenir. Il ne dérogea pas à cette habitude et entreprit d’imprimer les données recueillies par son ami. Au bout de deux heures, huit piles d’une dizaine de pages, chacune représentant une affaire de disparition, s’alignaient sur son lit. Greg prépara ensuite un tableau à double entrée et s’efforça d’y annoter toutes les informations dont il disposait. Rapidement, les données remplirent les cases, traçant des correspondances entre les huit affaires. A priori, les fillettes avaient toutes été retrouvées mortes mais aucun des meurtres n’avait été résolu. Les gamines se ressemblaient, les circonstances des disparitions aussi, les secteurs géographiques étaient également proches les uns des autres et la chronologie des meurtres demeurait cohérente. Une affaire cependant, la dernière enregistrée par Olivier, se différenciait des autres. Pourquoi le jeune homme l’avait-il intégrée à ses recherches ?


Greg s’apprêtait à relire plus attentivement ce huitième dossier quand sa mère toqua à la porte.


– Greg ! c’est prêt, on mange !

– J’ai pas faim, m’man, je mangerai plus tard.

– Monsieur Grégory, vous allez me faire le plaisir d’ouvrir cette porte et de venir vous mettre à table. Je ne le répéterai pas.


Ça ne plaisantait pas. Quand sa mère lui donnait du monsieur et le vouvoyait, Greg savait qu’il ne servait à rien de lutter. En soupirant, il abandonna son travail et la rejoignit à la cuisine.


– Va te laver les mains pendant que je te sers, fit madame Berthier comme si de rien n’était. J’ai fait des lasagnes à la ricotta et aux épinards, ça te va ?


La question n’appelait pas vraiment de réponse. Quand il revint de la salle de bains, il retrouva posée devant sa place une assiette bien garnie et fumante. Madame Berthier l’observa tandis qu’il s’asseyait, humant avec un plaisir exagéré le fumet qui s’échappait de son assiette. Il dut enlever ses lunettes et extirpa un mouchoir à grands carreaux de la poche de son jean pour en essuyer la buée. Sa mère prit un air soucieux.


– T’as mauvaise mine, mon garçon, tu fais quoi enfermé dans ta chambre tout ce temps ?


Le jeune homme haussa les épaules.


– Qu’est-ce que tu crois ? Je travaille…

– À quoi ? Je croyais que tu avais terminé ta thèse.

– Je… j’ai encore quelques corrections à faire, fit-il en baissant la tête.


Madame Berthier le toisa, les sourcils froncés, manifestement peu encline à le croire.


– Mouais… si on veut, marmonna-t-elle. Au fait, tu m’as pas dit, ça s’est passé comment chez les Dumas ?

– Comment veux-tu… ? Greg ne finit pas sa phrase. Élisabeth voulait que je garde un souvenir d’Olivier. J’ai pris une photo… Elle n’a pas l’air bien, ajouta-t-il après un silence.


Madame Berthier hocha la tête.


– Pauvre femme. D’abord sa fille et puis maintenant Olivier. C’est inhumain ce qui leur arrive. Allume la télé, tu veux, qu’on parle d’autre chose, ça me tourne les sangs de penser à ça.


Greg tendit le bras pour attraper la télécommande posée sur le buffet à sa gauche. L’exiguïté de la cuisine avait au moins cet avantage, tout restait à portée de main. Il consulta la pendule suspendue au mur et appuya sur la trois. C’était l’heure des infos régionales.


– Oh pitié, mets-nous autre chose, commença sa mère après avoir jeté un bref coup d’œil sur l’image.

– Chuut, j’écoute, l’interrompit Greg les yeux rivés sur l’écran où s’affichait le portrait d’une adolescente.


Il augmenta le son tandis que de nouvelles images de la jeune fille défilaient avant que le reportage ne s’attarde sur une capture d’écran Google Earth. Greg connaissait bien l’endroit. « Nous venons d’apprendre la disparition de Mélanie C. sur la commune de Grand-Couronne. L’adolescente n’est pas rentrée de son cours de natation hier en fin de matinée. Ses parents sont très inquiets. Nous avons pu interroger sa grande sœur qui écarte toute éventualité d’une fugue… » Grand-Couronne, à proximité de la forêt des Essarts. C’était dans cette forêt qu’on avait retrouvé le corps de la huitième victime. Ça ne pouvait pas être une coïncidence. Les yeux brillants, Greg écarta sa chaise de la table et se leva. Le reportage enchaînait sur un plan du reporter tentant d’interviewer un policier en civil devant le commissariat central de Rouen. Le visage du fonctionnaire de police était flouté et il se refusait à tout commentaire.


– C’est bien la peine, murmura Greg en posant sa serviette sur la table. Faut que j’y retourne, poursuivit-il à voix haute.

– Mais… t’as même pas fini ton assiette ! protesta sa mère.

– Mets-la au four, je mangerai plus tard, cria-t-il en regagnant sa chambre.

– Tu prends pas de dessert ? J’ai fait une tarte aux pommes, entendit-il tandis qu’il refermait la porte.

– Nooon !


Ouf, enfin tranquille. Il fallait vraiment qu’il déménage. Il se précipita sur le huitième dossier et le feuilleta à nouveau. Oui, c’était bien ça. Adeline Lefebvre, douze ans, disparue à Oissel, près de Rouen, dans l’après-midi du 20 janvier 2010. La mémoire lui revenait. L’affaire datait de quelques mois, il l’avait suivie à la télé. Une marche blanche avait été organisée, les médias s’étaient précipités, recueillant le moindre témoignage ayant un rapport, même très éloigné, avec la victime. Ce comportement de charognards révoltait Greg et, les rares fois où il voyait encore Olivier, il ne s’était pas privé pour associer l’aspirant journaliste dans son indignation. Ah il est beau ton métier, va, quel cynisme ! Ils s’en foutent complètement de la victime et de sa famille, tout ce qu’ils veulent, c’est de l’image. Quelle bande de chiens. Mais Olivier ne se laissait pas démonter. Pas tous, Greg, pas tous. Ils sont bien utiles parfois, les journalistes, pour faire remonter des affaires que tes flics ont laissé tomber. Greg pouvait presque entendre sa voix. Il refusa de céder à l’émotion et se concentra à nouveau sur le dernier dossier.


Le corps avait été retrouvé au bout de quatre jours en lisière de la forêt des Essarts, à quelques kilomètres à peine de la maison familiale. La fillette avait subi des violences sexuelles avant d’être étranglée. C’était sans doute ces éléments qui avaient poussé Olivier à associer cette affaire aux autres, en dépit d’une sectorisation différente. En effet, tous les autres meurtres avaient été localisés en Haute-Savoie, dans un périmètre d’une cinquantaine de kilomètres. La série s’échelonnait sur une petite dizaine d’années, de 1992 à 2002. Ensuite, Olivier n’avait retenu aucun autre dossier avant l’affaire Adeline en janvier 2010. À quoi correspondait cette interruption ? S’agissait-il vraiment du même meurtrier, était-ce un copieur, ou bien une simple coïncidence ? Greg était convaincu qu’Olivier s’était posé les mêmes questions. Cette pensée le troubla. Il pouvait presque entrer dans l’esprit de son ami, retracer sa réflexion… Depuis combien de temps ne s’était-il pas senti aussi proche de lui ? Était-ce pour cette raison qu’Olivier lui avait laissé ces indices ? Espérait-il qu’il poursuive les recherches ? Se sentait-il menacé ? Greg en revenait toujours aux mêmes interrogations.


Son regard tomba sur les deux photographies qu’il avait posées sur son bureau. Il les examina à nouveau mais sans rien y déceler qui puisse le faire avancer. Y avait-il seulement un rapport entre elles et les disparitions ou s’agissait-il de deux choses différentes sur lesquelles Olivier travaillait en parallèle ? Impossible en l’état de tirer des conclusions. Il manquait trop d’éléments. Greg tapotait songeusement un des clichés quand son œil fut attiré par un détail. Non, ça n’était pas possible, il devait se tromper. Il approcha le cliché de ses yeux, vérifia ensuite sur le deuxième. Si, pourtant, il semblait bien que… Greg déposa la photo sur le plateau de son imprimante et la numérisa. Il téléchargea ensuite le fichier, cibla une partie précise de la photographie et opéra un zoom avant. Satisfait du résultat, il fit une capture d’écran et imprima l’agrandissement. Ça pouvait n’être qu’une coïncidence mais il devait s’en assurer. Dès le lendemain, il appellerait la station de France 3 télévision de Rouen et demanderait à rencontrer le journaliste chargé du reportage sur la disparition de la petite Mélanie. Il trouverait bien un prétexte. À partir de là, s’il était tombé juste, il appellerait le capitaine Lorain. Lui saurait quoi faire.


-o-


L’arrivée jusqu’à la baie avait été un peu difficile, la route était à la fois raide et étroite depuis le village de Piana, mais la beauté du site se méritait. Le parcours, sinueux, offrait des vues magnifiques sur le golfe de Porto et les Calanques de Piana. La plage elle-même formait un arc de cercle bordée par deux bras rocheux où l’ocre et le rouge des pierres se mêlaient aux verts du maquis, avec au loin le piton rouge, Capo Rosso, et sa tour génoise qui surplombait une mer émeraude. Lorain devait bien le reconnaître, Hélène avait eu raison d’organiser cette escapade en amoureux autour de Piana et de Porto. Après avoir passé le week-end avec Jérôme et les parents d’Hélène, le couple avait longé la côte occidentale de l’île, dégotant dans un petit hôtel de Porto une chambre qui donnait sur la marina. Lorain avait loué à l’aéroport d’Ajaccio un cabriolet bas de gamme mais qui lui permettait de faire le kéké, comme disait Hélène. Malgré les vents assez forts, la veille, il avait obstinément refusé de remonter la capote électrique.


En ce tout début de saison, la plage était encore déserte. Le couple était allongé côte à côte sur le sable, l’esprit bercé par le bruit des vagues.


– Tu vois, dit brusquement Lorain, c’est pour ça que je t’ai épousée.


Lorain s’était redressé sur le côté. Hélène tourna la tête vers lui, une main en visière devant ses yeux pour se protéger du soleil.


– Qu’est-ce que tu racontes ?

– Pour ça ! répéta Lorain en embrassant le panorama d’un geste plein d’emphase. Pour la plage d’Arone !

– T’es con.


Hélène reprit sa position de lézard en soupirant. Lorain avait envie de la taquiner. Il prit un peu de sable dans sa main et commença à le laisser glisser entre ses doigts, remontant doucement le long de la cuisse de sa femme. Celle-ci protesta faiblement.


– Mais pourquoi tu vas pas nager ?

– Elle est trop froide, fit Lorain en continuant de disperser les grains de sable sur le corps de sa femme. Et puis, j’ai envie de t’embêter.

– Ça, j’avais compris. Tu veux pas aller me chercher à boire plutôt ?

– Tu veux quoi ?

– Je sais pas… prends-moi un Coca light. Y a de la monnaie dans mon sac.


Lorain ne bougeait pas.


– Tu fais quoi ? fit Hélène au bout d’un moment en relevant la tête.

– Rien, je te regarde… et j’hésite…

– Tu hésites ?

– Oui. Je me demande si tu mérites ton Coca.

– Ah bon ? Et pourquoi ça ?

– Hier soir, je te signale qu’on n’a rien fait…


Hélène éclata de rire.


– Ça, ça risquait pas ! Vu l’énooorme glace que tu t’es enfilée, si j’ose dire, après le dîner, plus le digestif. Je te rappelle que tu t’es endormi comme un veau.

– Pfff, tu me comprends pas, rétorqua Lorain en affichant un air offensé, c’est ça ton problème.

– Allez, arrête de dire des bêtises et va me chercher à boire.


Lorain se rapprocha d’Hélène, il avait posé sa main sur sa cuisse et remontait doucement.


– Tu n’es pas très gentille avec ton mari, je trouve, lui chuchota-t-il dans le cou. C’est pas bien, ça…

– Chris, fit Hélène en tentant d’emprisonner sa main, on peut pas faire ça ici.

– Pourquoi ça ? Y a personne.

– Et le bar ?

– Bah d’où ils sont, ils peuvent pas nous voir. Allez… on l’a jamais fait sur une plage, si ?

– Mais Chris…

– Chuuut.


-o-


Un vague bruit de sirènes tira Grégory de son sommeil. Il n’ouvrit pas les yeux tout de suite mais porta une main à son front en grimaçant. La douleur dans son crâne était presque insupportable. Avec effort, le jeune homme cligna des paupières, tentant d’ajuster sa vue à la pénombre de la pièce. Sans grand résultat. En face de lui, les volets étaient clos, laissant juste filtrer par les persiennes de fins rais de lumière dans lesquels les grains de poussière dansaient mollement. Grégory se redressa difficilement dans le lit et fit un rapide tour de la pièce. Il ne reconnaissait rien. Mais où je suis, putain ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?


Il tenta de rassembler ses souvenirs. La soirée de la veille se noyait dans une sorte de brume poisseuse. Il y avait eu cet appel, ça il s’en souvenait, quelqu’un lui demandait de le rejoindre. Mais qui était-ce ? Grégory fronça les sourcils, dans un geste un peu enfantin pour forcer sa concentration. Les sirènes se rapprochaient. Grégory avait cru un instant qu’elles étaient le fruit de son imagination, provenant de son mal de tête mais non, le son devenait plus aigu à chaque seconde, empêchant le jeune homme de réfléchir. Concentre-toi, Greg, fais un effort, bon sang ! Machinalement, il voulut se taper sur la cuisse pour se motiver. Sa main rencontra un obstacle, une masse sombre à côté de lui dans le lit à laquelle il n’avait pas fait attention. Un corps ? Qui ça peut être ? Quelque chose vibra dans son crâne, une sorte de signal qui faisait contrepoint au hurlement des sirènes.


Greg ferma un instant les yeux tandis que sa main palpait prudemment la masse avant de s’arrêter… Le jeune homme s’écarta brusquement. Qu’est-ce que c’est que… ? Sa main pendait au bout de son bras, couverte d’un liquide brunâtre. Oh merde ! À genoux sur le matelas, Greg prit une profonde inspiration et souleva le drap. Une expression d’horreur se figea sur son visage. Il recula, manqua tomber, agrippa les draps de sa main ensanglantée en retenant un cri de douleur, se rétablit de justesse sur ses pieds. Le corps d’une fillette reposait en position fœtale, son visage tourné vers le jeune homme, la bouche entrouverte, les yeux semblant le fixer d’un air suppliant. Une plaie béante entaillait sa gorge. Le sang avait imbibé sa robe dont seule la bretelle sur l’épaule était restée blanche. Pris d’un haut-le-cœur, Greg ne put retenir la nausée qui lui soulevait les tripes. Il eut juste le temps de se détourner avant de se répandre bruyamment sur le jeté de lit. Oh merde, oh merde… Greg s’essuya d’un revers de bras avec dégoût. Sa main lui faisait mal. Il regarda la coupure sur sa paume sans comprendre. Qu’est-ce que… Puis il aperçut le couteau dans les draps. Merde, merde ! Greg n’osait pas lever les yeux vers le corps, il ne voulait plus croiser le regard de la gamine. Fuir, il fallait fuir, avant que… Grégory prit soudain conscience du silence qui s’était imposé. Il mit quelques secondes à comprendre que les sirènes s’étaient tues. Enfin. Il aurait dû être soulagé mais quelque chose l’inquiétait. Le martèlement des coups contre la porte d’entrée le fit sursauter :


– Police ! Ouvrez !


Réfléchis, Greg, réfléchis ! Le regard affolé du jeune homme avisa soudain sur le sol son portable souillé par ses propres vomissures.


– Police, ouvrez tout de suite ou on enfonce la porte !


Greg saisit l’appareil avec une grimace et fit défiler ses contacts. Vite ! Viiiiiite !


– On entre !


Le jeune homme entendit les coups sourds du bélier, puis le fracas de la porte plus bas. Apparemment, la chambre se trouvait en hauteur. Greg fixa l’écran de son portable. La liste n’en finissait pas. C’était qui tous ces cons qu’il n’appelait jamais ? Des cris de pièce en pièce. Il n’y arriverait pas. Enfin, si, là, c’est lui, Greg appuya sur son nom. Des pas lourds et rapides dans l’escalier. Le portable composait le numéro. D’autres portes enfoncées. Rien ici non plus ! Allez voir au deuxième ! Première sonnerie dans le vide… Un bruit de cavalcade. Protestation des marches, tremblement du sol. Deuxième sonnerie… Greg se retourna, l’œil fixé sur la porte. La poignée tourna à vide. La voix juste derrière la cloison, énervée, chef, c’est fermé à clé ! Une autre voix, lointaine, autoritaire, défoncez la porte, qu’est-ce que vous attendez ? Sans même s’en rendre compte, Greg se recroquevilla contre le sommier, s’abritant comme il pouvait. Troisième sonnerie. Vite, viiiiite, je vous en supplie, répondez !


– Allô oui ? Vous avez vu l’heure ?


Enfin ! Greg eut soudain envie de pleurer. La porte vola en éclats. Des cris. Chef, par ici !


– Allô ? C’est quoi ce bordel ?

– Capitaine Lorain ! C’est Greg ! Grégory Berthier, aidez-moi ! Le jeune homme glapit plus qu’il ne cria, maudissant sa voix qui le trahissait.


Suspect en vue, chef, suspect en vue ! Il a quelque chose dans les mains ! Les mains en l’air ! lâchez votre arme ou je tire !


Greg se pencha encore un peu plus. Il n’était plus qu’un murmure.


– Capitaine, c’est pas moi, j’vous jure, c’est pas…


La voix toute proche, hystérique, lui vrilla les tympans. Les mains en l’air ! Tout de suite ! Greg releva la tête, hagard. Son poing fermé serrait convulsivement le portable. Une autre silhouette casquée surgit dans la pièce. Une arme ! Il a une arme ! Noooon !

Une détonation claqua. Puis une autre.


– Allô ? C’est qui ça, Berthier ? Vous êtes qui ? Allô ? Allô… ?


-o-


 
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   SQUEEN   
27/6/2018
L'écriture me semble par moment trop affectée, le style est un peu décousu.
J’ai beaucoup aimé le prologue, mais là je sens de plus en plus les ficelles, le travail pour crédibiliser des évènements, scènes ou coïncidences est souvent trop visible. Trop d'insistance aussi sur le fait que Greg et Olivier n'étaient plus amis, plus proches…

..."fleurissaient désormais à la télévision mais en écoutant l’orateur, il avait touché du doigt"... virgule après mais?
..."Après un instant de stupeur, toute la classe s’était déchaînée, hilare, avant que l’institutrice ne mette le holà."... La classe avait laissé passé un instant de stupeur avant de se déchaîner, hilare, et que l'institutrice...
..."C’était venu plus tard, quand il était en CM1 en fait."... Le "en fait" est inutile et perturbant.
..."elle avait été accrochée récemment, c’était visible, les coins recourbaient encore autour des punaises, comme si le poster venait d’être déroulé et les couleurs n’avaient pas encore été altérées par le soleil ou la lune."... pas crédible, même (surtout) avec l’explication qui suit.
… « Mais après quelques années, Gilles avait rencontré Pauline, une jolie touriste normande venue faire du ski dans la région. Les jeunes gens étaient restés en contact après le départ de la jeune femme et Gilles avait finalement demandé et obtenu sa mutation pour la station locale située à Rouen. Il ne regrettait pas sa décision. S’il avait rencontré l’amour, il avait également trouvé en Normandie de quoi assouvir sa passion journalistique. Depuis qu’il était là, les crimes se succédaient. La campagne normande n’avait rien à envier à la montagne savoyarde. »… Deux chose ici, le « Mais » du début et puis c’est un peu téléphoné ( le journaliste qui connaît sans doute l’affaire puisque savoyard….)
… « Quelque chose de bien plus fort que tout à l’heure »…Le « tout à l’heure » me semble inadéquat ici : « la première fois » peut-être ?
… « je voulais voir la colère, la peur et puis, petit à petit quelque chose d’autre, une sorte d’incompréhension. »… peut-être : petit à petit j’ai vu quelque chose d’autre, une sorte d’incompréhension.
… « Greg tendit le bras pour attraper la télécommande posée sur le buffet à sa gauche. »… à sa gauche : information inutile et perturbante, n’apporte rien à l’exiguïté de la cuisine.
… « La série s’échelonnait sur une petite dizaine d’années, de 1992 à 2002. »…Maladroit, soit on est dans l’approximatif petite dizaine, soit dans la précision de 1992 à 2002.
… « Lorain devait bien le reconnaître, »… Laisse penser qu’il n’était pas convaincu, alors que rien ne nous explique pourquoi ?

L’histoire se perd un peu dans des explications alambiquées qui ne m’ont pas convaincues, je pense qu’il faudrait un peu élagué. Le suspens est bien mené, l’intrigue jusqu’ici tient la route. Cliffhanger efficace.

   vb   
29/6/2018
Bonjour Toc !

Le récit continue les personnages se clarifient. L’intrigue est très forte, le cliffhanger à la fin est très visible et j’ai envie de connaître la suite. Cependant, pour moi, il y a beaucoup trop d’action et d’intrigues en parallèle, mais c’est sûrement une question de goût : je ne suis pas très polards.

Mes remarques :

« Ton copain est mort » Bien un bon retournement de situation. Je ne m’y attendais pas.

« Je rendais visite à mes cousins, les Cauchy, » Ça ne sonne pas très oral, plus comme une suite d’infos que le lecteur doit apprendre par cœur parce que ce sera utile plus tard.

« elle le savait bien sûr qu’on » Soit « le » et une virgule après « sûr » soit pas de « le »

« rajouter mais ensuite, » J’écrirais plutôt « rajouter ; mais, ensuite, »

« CM1 » « de Haute-Savoie en Normandie » Enfin des indications temporelles et géographique. Je ne me trompais pas trop au sujet de l’âge des protagonistes, mais on aurait pu me sortir plus tôt du brouillard : j’aurais pu mieux imaginer les scènes.

« examen d’entrée à Sciences-Po » Étant belge j’ai un peu difficile. En cherchant « Sciences-Po » sur internet on remarque qu’il y a plusieurs hautes écoles qui prétendent à ce titre et pas toutes à Paris. Dans le chapitre 1, vous avez sous-entendu que faire le droit est moins difficile que faire Sciences-Po. Je trouve par ailleurs étrange que ce soit Olivier, le sportif, qui veuille devenir journaliste alors que le gros Greg veut devenir policier.

« intensité du regard » Qu’est-ce que ça veut dire quand on parle d’une photo ?

« Fébrile, il dépunaisa… »
« Il le retourna … verre fêlé »
Je trouve que ça fait un peu trop Club des cinq.

« Je te promets, murmura Greg devant le portrait de son ami, je te promets de tirer ça au clair »
Très cliché ! J’entends les violons !

« l’expression absente de son regard » Un peu lourd.

« son box » Qu’est-ce que c’est un box à chevaux, une boîte ?

« j’avais éjaculé » Cette description un peu trop détaillée m’a semblé proche de l’obscène.

« Nous venons d’apprendre la disparition... » La ficelle est un peu grosse. Ça fait penser à Tintin. Justement lorsqu’il écoute la radio, on parle d’évènements relatifs à l’aventure.

« Ça pouvait n’être qu’une coïncidence... » La ficelle est un peu lourde. Le lecteur sent que l’auteur veut qu’il se pose des questions. C’est un peu trop évident.

« remontant doucement le long de sa cuisse » C’est la troisième scène de sexe où l’homme agit de cette manière. (« sa main remonta le long de la jambe de Lucie », « il avait posé sa main sur sa cuisse et remontait lentement »)

« s’endormir comme un veau » On dit pleurer comme un veau mais dit-on s’endormir comme un veau ?

L’histoire des vacances de Lorain en Corse ne fait pas avancer le Schmilblick. Évidemment il y a l’intrigue de savoir si Hélène va tomber enceinte, mais bon elle ne m’intéresse pas des masses.

« les volets étaient clos laissant juste filtrer par les persiennes… » Le plus connu des clichés littéraires. Je cite :
« On raconte que dans certaines maisons d’édition, la question des « rayons du soleil à travers le store » est une formule éliminatoire pour les manuscrits : cela le mérite amplement tant l’idée est elle-même foireuse et son rendu poisseux. Dans ce genre de situation, optez donc pour les rideaux, ou le temps cafardeux. » http://reseau-kalame.be/10-cliches-litteraires-a-eviter-De

« Sa main pendait au bout de son bras, couverte d’un liquide brunâtre. » J'ai tout de suite pensé à la scène avec tête de cheval dans le Parrain. Un sentiment de déjà vu.

« Le corps d’une fillette reposait en position fœtale, ... seule la bretelle sur l’épaule était restée blanche. » J'ai trouvé ça trop gore. C'est une image de cauchemar. Je ne sais pas s'il n'y aurait pas eu moyen d'épargner cette description au lecteur. Mais bon je suis peut-être trop sensible.

« Oh Merde » Ça se répète. N'y a-t-il pas d'autres expressions pour le même sentiment?

« Enfin, si, là, c’est lui » Chris Lorrain le super héros. Je trouve que c’est un peu trop comme les aventures de Gérard Lambert.

   plumette   
28/6/2018
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Toc-art

L'intrigue est prenante, j'ai lu ce deuxième chapitre d'un trait, rivée à mon écran.La mort d'Olivier est une surprise de taille. A la fin de ma lecture je me dis pourtant qu'une grosse surprise par chapitre, c'est suffisant. Et du coup la situation dans laquelle Greg se retrouve me parait un peu "trop".

J'aime assez les petites ruptures de rythme et j'ai lu avec intérêt tout le passage où Greg est dans la chambre d'Olive.
Par contre je me suis demandée s'il était utile de nous faire passer par la case plage en corse et dialogue entre Lorain et Hélène. Ce choix se défend car il est bien dans l'air du temps de donner une vie privée aux enquêteurs! mais là, cela nous emmène loin ( pas seulement à cause de la distance entre Rouen et Piana!) de l'histoire.

Vous rajoutez encore des personnages avec Mélanie, Gilles et Benoît, bon, on arrive à suivre, c'est bien l'essentiel.

je pense que la gamine dans le lit est Mélanie. Je suis perdue avec ce qui arrive à Greg.Là, il y a vraiment un gros maillon qui me manque, mais bon, c'est plutôt bon signe, car je ne doute pas un instant que vous allez retomber sur vos pieds!

Pour l'écriture, je n'ai pas la patience de reprendre ce que j'aurais élagué. mon impression globale est bonne, le récit avance bien, le vocabulaire est plutôt en phase avec les personnages.

Un sacré boulot, tout ça.

Plumette

   Donaldo75   
29/6/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour toc-art,

Après la lecture du premier chapitre, je me suis lancé dans celle du deuxième, en pressentant la mort d'Olivier et l'entrée de Gregory dans la cour des grands, celle des victimes potentiels du tueur en série.

Le tableau commence à prendre forme grâce aux indices laissés ça et là par les multiples instantanés de ta narration.

Je trouve cependant que le passage où Lorain est en Corse avec sa femme n'apporte rien à l'intrigue et casse même l'ambiance de la nouvelle. En tant que lecteur, je dois avouer que connaitre la vie de famille de Lorain ne m'intéresse pas, surtout quand la tonalité employée dénote autant avec le reste, plus sombre, de la nouvelle. D'ailleurs, pour conclure sur ce sujet, je te l'avais déjà dit dans un commentaire sur une précédente nouvelle dont Lorain était le personnage principal.


Je pense que c'est là qu'on atteint, en tant que lecteur, les limites de ce type de narration; certains trouveront, au contraire de moi, de l'intérêt à débrancher de l'enquête, à mieux connaitre le personnage de Lorain et le contexte familial dans lequel il vit. Je leur répondrai que cet intérêt n'existe que si ce contexte influe sur la conduite de l'enquête, un peu comme dans les enquêtes d'Hercule Poirot dans les romans d'Agatha Christie où rien n'était laissé au hasard. Mais pour le savoir, il faut lire les prochains chapitres.


Merci encore et bravo !


Don

   Brume   
1/7/2018
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
La partie où Greg se remémore ces souvenirs d'enfance dans la chambre d'Olivier est looooonnnnngue!!!! Très ennuyeux pour ma part, je pense qu'il fallait synthétiser, et aller dans le vif du sujet.

En fin de compte j'ai apprécié quand Greg commence ses investigations sur l'ordinateur et la fin. Tout le reste autour bof: Gilles, un personnage de plus qui nous raconte sa vie, juste pour faire dire au lecteur que c'est peut-être lui l'assassin, la partie Hélène et Lorain est inutile, cela ne fait que couper l'action pour rien.

La fin inattendue sauve l'histoire, et on a envie de connaître la suite.

   Jean-Claude   
5/7/2018
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour toc-art.

Toujours envie de continuer, c'est l'essentiel.

La scène corse me paraît facultative mais, comme on passe du temps avec les personnages, c'est dans la ligne générale.

Les "mémoires" du criminel : je reste toujours réservé, pour l'instant.

Le journaliste fait un bon suspect, Lorain parait blanchi.

Les souvenirs de Greg sont un peu long mais suivent le cheminement de la pensée. Donc, ça va.

La scène finale de ce chapitre arrive vite et comme un cheveu dans la soupe. J'ai eu le même problème pour le "suicide", même si je l'ai finalement accepté. Cela fait deux (trop) grosses ellipses. Et, surtout, le criminel est tombé un peu trop vite sur Greg. Il manque une transition qui puisse suggérer qu'il a été repéré. Après tout, qu'il récupère des affaires de son ami d'enfance ne suffisait pas pour en faire une cible. Note : si la gamine n'est pas étranglée, l'autre meurtre normand ne lui sera pas imputé (mode opératoire). Bien sûr, les meurtres savoyards ne peuvent pas lui être imputés (question d'âge). Pour en finir avec cette scène, je pense qu'en plus de ce que j'ai déjà dit, elle pourrait être étoffée.

Finalement, un peu de liant pour la première scène serait bienvenue.

Attention à la chronologie, quand se passe la scène où Greg se réveille ? Il n'y a pas d'indications. Du point de vue de Greg c'est normal mais ça confirme le besoin d'éléments intercalaires pour que le lecteur n'ait pas l'impression que ça soit la soirée immédiatement après celle de sa découverte. Il faut que la chronologie soit pertinente.

Questions : Greg a mal à la tête mais il ne palpe pas de bosse, est-ce normal ? Aller au RDV anonyme comme ça, juste après avoir lu les documents d'Olive, pour un futur flic, pas très vaillant de surcroît, n'est-ce pas bizarre ? Pourquoi n'a-t-il pas déjà appelé Lorain pour lui soumettre son cas ? (quitte à se faire rembarrer) Et pourquoi les flics tirent-ils aussi vite ? (Il tient forcément son téléphone contre l'oreille. Et ils ont le temps de le voir quand il lève les bras.) Et leur intervention n'est-elle pas un peu trop rapide ? (Les sirènes se taisent et, paf, ils agissent sans inspection préalable ni tentative de négociation. Il faut qu'ils aient des informations solides et fiables pour défoncer une porte sans hésiter en moins d'une minute chrono.)

A suivre...
JC

   Anonyme   
8/7/2018
J'ai suivi le conseil de ne pas trop attendre pour la suite et n'ai pas non plus lu autre chose que ta réponse à mon commentaire.

Je ne sais pas si je vais aller plus loin.
Pour la première raison que j'habite assez près du lieu du drame de la petite Maelys qui fait la Une des journaux depuis cet automne.
Ton histoire est tout à la fois, pour moi, trop vraisemblable et trop invraisemblable.
Trop vraisemblable dans le plus sordide et invraisemblable dans les faits conjugués.

J'avais commencé une fiche de lecture, je te la livre.

Je trouve que l'emploi du mot "flic" sortant de la bouche de Greg est choquant, le flic c'est le planton, pas l'inspecteur, ou pas avant qu'il ait 50 ans.

Un détail insignifiant, peut-être :
"Il s'était dit que peut-être les moqueries seraient distribuées entre eux à parts égales"-cité de mémoire, je ne retrouve pas la ligne.
AU CM1, non, Greg aura pensé "ouf...ils vont m'oublier et ne se moquer que du nouveau, d'Olivier, du "bègue".
Je n'ai pas vraiment compris pourquoi tu écrits :
"Le calcul s’avéra erroné" pas si faux que ça, en fait...

J'ai lu beaucoup d'Exbrayat et d'Agatha Christie, il y a une quarantaine d'année, et ce que j'aimais, c'était mesurer les méandres de l'imagination invraisemblable des auteurs.
Comme j'aime lire Fred Vargas, actuellement, ou regarderde temps en temps "Les experts " série télé qui re-passe en ce moment.
Les souvenirs d'enfants et d'ados sont bien vus et retracés.
Les personnages parfois tournent un peu en leur caricature, comme cette madame Berthier.
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Les romans policiers trop proches d'une certaine réalité me mettent très mal à l'aise.
Je suis donc partagée entre l’envie d’en savoir plus, la curiosité aussi, que j’appelle le voyeurisme et l’envie de vite retourner à la poésie, la mienne et celle des autres.

   Lulu   
29/7/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Toc-art,

J'ai vraiment beaucoup aimé ce second chapitre qui m'a littéralement happée. J'ai lu d'une traite, plus prise encore qu'à ma lecture du premier chapitre que j'avais pourtant aimée. Sans doute est-ce le fait des actions qui se succèdent. Il y a une autre dynamique, même si je me suis dit, en lisant, que tu savais ne pas trop sacrifier les personnages. Tu prends le temps de les développer et, pour moi, cela est essentiel.

J'ai été très étonnée par la mort d'Olivier. Je ne l'attendais pas du tout, mais cela ajoute quelque chose au récit, notamment dans ta liberté de narration que j'apprécie bien.

J'ai aussi été un peu étonnée par le fait qu'on ne s'interroge pas vraiment plus que ça sur le suicide d'Olivier. La douleur de la famille est très bien rendue, mais peut-être que Greg aurait pu s'interroger un peu plus… Il fonce sur la piste d'une enquête sans trop se demander pourquoi son ancien ami est mort ou aurait voulu se suicider.

Cela dit, et ce n'est pas rien, tu me réconcilies avec un genre littéraire que je ne connais pas beaucoup, faute d'intérêt… Les enquêtes policières ne m'ont jamais trop fascinée ou intéressée… Or, ici, je trouve beaucoup de plaisir à vouloir connaître la suite des différentes parties, et à percer le mystère des personnages…


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