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Réalisme/Historique
Acratopege : 3, avenue Jean-de-Montenach
 Publié le 26/08/13  -  10 commentaires  -  11073 caractères  -  100 lectures    Autres textes du même auteur

Une histoire vraie falsifiée par les mensonges de la mémoire.


3, avenue Jean-de-Montenach


Né en 1766, Jean-François-Joseph-Nicolas de Montenach a été élu premier président de la municipalité de F* à l’âge de vingt-cinq ans. Auparavant, il a séjourné plusieurs années en Moldavie et à Constantinople pour le compte de la diplomatie française. Ce chef de file des patriciens libéraux de sa région, surnommé ironiquement « Le Turc » par ses concitoyens, est mort en 1842 au terme d’une existence toute consacrée à la chose publique, au même âge que mon père un siècle et demi plus tard. On ne dit rien de la vie privée du bonhomme dans les dictionnaires historiques, mais je me plais à croire qu’à son retour d’Orient, conscient de la nécessité de fonder une famille s’il voulait faire carrière politique en pays conservateur et catholique, il a su épouser, sans états d’âme, une jeune cousine de belle extraction qui lui a donné de nombreux enfants et des parcelles de bonheur.


(J’entends presque les bambins habillés en princes et princesses se poursuivre dans la cage d’escalier de leur demeure patricienne de la Goldene Strasse pendant la sieste de l’institutrice française que leur père a fait venir de Paris pour leur enseigner sa langue, les mathématiques et les bonnes manières. Cependant, épuisée par ses grossesses, madame de Montenach est alitée. Dans le noir de sa chambre, elle se bat contre de terribles migraines et quintes de toux pour lesquelles les médecins et les pharmaciens ne lui sont d’aucun secours. Personne ne lui donne plus de quelques années à vivre, mais elle survivra deux décennies à son mari !)


De ma vie je n’ai rencontré aucun Montenach ! Les hasards de la jeunesse m’ont amené à frôler nombre de nobliaux locaux dans les cafés enfumés de la basse ville de F*, mais je ne garde aucun souvenir d’avoir entendu évoquer ce patronyme même dans les endroits les plus snobs. L’annuaire téléphonique de la cité ne comporte aucun Montenach ; une fastidieuse recherche sur la Toile m’a permis d’en débusquer quatre dans le pays – trois à G*, un à L* – et dix sur le territoire français. Les branches fertiles de la famille se seraient-elles expatriées dans quelque Amérique plus hospitalière que leur terroir d’origine ?


Une rue de F* porte le nom de notre personnage. Si l’on descend des beaux quartiers vers le centre-ville, on risque d’avaler les cent vingt mètres de l’avenue Jean-François-Joseph-Nicolas de Montenach sans prêter la moindre attention aux maisons grises qui la bordent de part et d’autre. Il faudrait remonter la pente vers la colline du Guintzet pour trouver de vraies avenues plantées d’arbres aux graines virevoltantes comme des libellules. Là, on longerait des grilles de fer forgé surmontées de piques belliqueuses, des haies opaques qui ne laissent entrevoir, au bout d’allées interminables, que quelques fragments des propriétés de rêve que les bourgeois enrichis s’y sont bâties dans les premières années du vingtième siècle. Plus bas, vers le centre, il n’y a que la ville anonyme avec ses carrefours, ses places, ses alignements d’immeubles. Au plan urbanistique et architectural, le goulet de l’avenue Montenach n’est pas autre chose qu’un passage entre le monde des riches et celui des fourmis besogneuses.


Dans les années vingt, avant la Grande Dépression, mes grands-parents paternels y ont acquis, au numéro trois, une petite maison ouvrière entourée d’un jardinet. Ils ont élevé là leurs deux garçons, ont vieilli là, sont morts là quand je n’avais pas atteint mes seize ans. Je n’imagine pas qu’ils aient choisi pour des motifs de prestige d’habiter une rue qui portait le nom d’un personnage illustre et oublié. Sans doute ignoraient-ils tout de ce Jean-François-Joseph-Nicolas de Montenach qui n’appartenait ni à leur temps ni à leur monde.


(J’aime penser qu’un petit héritage leur avait permis cet achat immobilier. La famille de mon grand-père ne tenait-elle pas une auberge florissante à l’enseigne de la Tête Noire dans une ville voisine ? Les temps changent, les noms restent : l’établissement est devenu Pharmacie de la Tête Noire ; les seuls alcools qu’on y vend aujourd’hui sont rectifiés ou dénaturés !)


Mon grand-père était buraliste postal. Tout le jour, il triait des chèques dans un vaste bureau où cent employés allaient et venaient comme des abeilles. Quand j’avais le droit de l’y accompagner, je ne savais pas où m’asseoir pour ne pas être bousculé. Quant à ma grand-mère, sainte parmi les saintes, elle s’occupait à veiller les malades dans un hôpital proche. Je me rappelle être allé l’y chercher, encore ensommeillé dans le petit jour, ma petite main blottie dans celle de mon grand-père. Quand ma grand-mère apparaissait dans la cour de l’hôpital, je me précipitais dans les bras de cette femme héroïque qui pouvait vivre sans dormir et garder un sourire de madone après dix nuits de veille. Pour un instant, je ne sentais plus le froid.


Dès mes trois ou quatre ans, la naissance en salves de mes puînés et mon caractère épouvantable ont amené mes parents à me confier pour de longues périodes à mes grands-parents. Sans doute possédions-nous déjà une voiture, mais je garde le souvenir de longs trajets à pied jusqu’à leur maisonnette depuis la villa que mes parents louaient sur les hauts de la ville : nous descendions une rue bruyante bordée de maisons géantes, remontions à gauche le long de l’église, nous laissions glisser le long d’une large avenue bordée de tilleuls.


(Mes premières crises d’asthme datent de cette époque. Les médecins ont affirmé sans rire qu’à force de passer et repasser par là j’avais développé une allergie irréversible au pollen de Tilia cordata. Aujourd’hui encore, toutes les tisanes me font un peu peur.)


Une main d’adulte enserrait mon poignet pour traverser le dernier carrefour, puis je pouvais dévaler seul un bout de trottoir pavé jusqu’au portail à claire-voie qui surplombait la maison de mes grands-parents. J’étais fier de savoir l’ouvrir seul en me hissant sur la pointe des pieds. Quelques marches plus bas, une courette de gravier menait au porche. À droite, un mur marquait la frontière avec la maison mitoyenne. Par la gauche, on pouvait se rendre au jardin en contournant l’immeuble. Je me précipitais en espérant y trouver ma grand-mère courbée sur son sarcloir. Le gravier crissait sous mes petites chaussures. En passant sous le vieux prunier qui encombrait la cour, je ne manquais jamais de lever les yeux pour regarder le ciel à travers son feuillage.


Sitôt que mes parents avaient tourné les talons, je prenais dans le hangar des outils de jardinage à ma taille et me mettais au travail. Déjà têtu, je m’escrimais à faire pousser des plants de melon dans le lopin que ma grand-mère avait bêché pour moi contre la façade sud de la maison. Les pauvres n’ont jamais dépassé la taille d’une belle pomme ! Je me consolais en me gavant de petits fruits : mûres défendues par leur armure d’épines, raisinets en grappe, groseilles vertes à la peau d’éléphant qui craquait sous la dent.


Sur l’armoire de sa chambre à coucher, hors de portée des enfants même juchés sur les plus hauts tabourets, ma grand-mère cachait une carabine Flobert et sa munition. J’aimais la voir tirer depuis son balcon les merles et les corneilles qui ravageaient son jardin. Je me bouchais les oreilles, chaque coup me faisait sursauter d’horreur et de plaisir. Je ne ressentais aucune compassion pour les oiseaux noirs qui jonchaient les plates-bandes, seulement un peu de dégoût quand je les prenais par les pattes pour aller les jeter dans le seau à détritus. Personne n’a jamais su m’expliquer pourquoi ces volatiles s’obstinaient à revenir piller notre jardin sitôt que ma grand-mère tournait le dos. De mon côté, je m’amusais à les chasser en agitant des branchages. Je ne crois pas leur avoir jamais fait peur !


Sous le prunier, je me bâtissais des cabanes avec quelques planches trop lourdes pour moi et des lambeaux de drap trop usé pour être reprisé. Le premier coup de vent les mettait à bas. Quand j’étais sûr que personne ne me regardait, je grimpais dans les branches comme les singes du musée où l’on m’emmenait en tram les dimanches de pluie. Je ne suis jamais tombé, mais je me suis fait de belles frayeurs en tentant d’attraper les nids de pies dans les hautes branches.


(Mon père était avocat alors que son frère aîné n’était que conducteur de locomotives. Mes grands-parents étaient fiers de la réussite de leur cadet. Quand il portait sa robe de plaidoirie, il ressemblait à un oiseau. Moi, j’admirais davantage les conducteurs de locomotives. Deux ou trois fois mon oncle m’a emmené dans sa machine. Pendant que nous transpercions le paysage comme des dieux, il m’expliquait que je ne risquais rien : s’il venait à mourir d’une attaque du cœur ou du cerveau, son pied se soulèverait de la pédale de sécurité et le train freinerait tout seul. Mon oncle avait toujours le mot pour rire.)


Septembre était le plus beau mois. Mon arbre était si chargé de fruits violets que je ne distinguais presque plus le ciel à travers les branches. Ma grand-mère m’interdisait de cueillir seul les prunes : je devais ronger mon frein en attendant la solennelle réunion de famille du dernier dimanche du mois. Il faisait toujours beau. Pendant que les grandes personnes grimpaient sur des échelles pour remplir mille paniers de fruits mûrs, j’aidais à dresser la table dans la cour. Le repas était interminable. Plus personne n’avait faim quand ma grand-mère sortait du four ses premières tartes aux prunes de la saison.

Heureusement, il restait toujours quelques fruits oubliés sur les hautes branches. Je pouvais passer des heures, étendu les bras en croix dans la cour, clignant des yeux à cause des éclairs de soleil qui transperçaient le feuillage, des heures à attendre qu’une claque de bise arrache un fruit à son rameau. La prune violette chutait au ralenti. Elle heurtait le gravier sans bruit, mais sa peau se déchirait en étoile dorée et luisante. Avant de me régaler du fruit trop mûr, je devais débarrasser la chair éclatée des diamants de mica qui s’y étaient incrustés.


Mon grand-père est mort dans son sommeil peu avant mon quatorzième anniversaire. Il était seul dans l’appartement, car ma grand-mère était alors hospitalisée pour une nouvelle crise de dépression. Ce sont les locataires du rez-de-chaussée qui ont découvert le corps. À cause des joutes sportives que ma classe de collège organisait le jour de la cérémonie funèbre, j’y suis arrivé en nage et en retard.


Ma grand-mère ne lui a pas survécu plus d’une année ou deux. Un matin, elle est sortie sur son balcon pour se jeter dans le vide. Personne ne l’a vue s’écraser entre choux et tournesols sur une allée de son jardin potager.


La maison de l’avenue Montenach a été vendue. Aujourd’hui, sur la façade, un placard publicitaire pour une école de danse moderne blesse le regard. Du côté sud, le jardin potager a été amputé d’un bon tiers pour construire un garage de béton à toit plat. Pour le reste, du gazon a remplacé les plantations de fruits et de légumes. Au nord, le prunier devenu stérile ressemble à un gibet.


 
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   Anonyme   
10/8/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Voilà un récit d'enfance qui ne manque pas de charme, je trouve. J'en ai particulièrement apprécié le mouvement du général au particulier, du léger au tragique : des considérations historiques, l'émerveillement de l'enfant devant ses grands-parents, surtout son inébranlable et sainte grand-mère, ses perceptions du jardin, son amour du prunier, et puis, comme en passant, ce "ma grand-mère était alors hospitalisée pour une nouvelle crise de dépression" que je trouve si parlant... et glaçant. Ces gens heureux, sans histoire, la sainte même ne sont pas à l'abri de la douleur ; du suicide.

La conclusion amère est bien dans le ton devenu soudain sinistre. D'ordinaire, j'aime bien qu'un texte raconte une histoire, et je râlais un peu que celui-ci en parût dépourvu, mais c'était pour mieux me cueillir à froid ! L'histoire est racontée en filigrane, y compris celle de la rivalité entre les deux frères, l'oncle qui "a le mot pour rire" en parlant de mort... Du beau boulot, pour moi, habile et bien construit. Peut-être un poil long à mon goût dans la partie "tout va bien, même si j'ai mauvais caractère". C'est mon goût.

   Anonyme   
26/8/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un talent qui ne surprend plus mais qui ravit toujours pour la douce évocation d'un passé avec son cortège de mots agréablement désuets et diablement précis, embarquant le lecteur dans le cours apparemment paisible de la vie pour mieux le cueillir ou plutôt le laisser choir comme une prune ayant pris son temps pour mûrir, passant de la nostalgie de l'évocation à la mélancolie de la grand-mère.

J'ai cherché le motif qui distinguerait les passages mis entre parenthèses des autres. S'agit-il de distinguer les pensées actuelles du narrateur par rapport à l'évocation du passé ? Ca ne colle pas avec le passage sur son asthme, me semble-t-il, ni avec l'évocation des professions de ses père et oncle. Il doit donc s'agir d'autre chose, mais je ne comprends pas bien. Ca m'intrigue.

J'ai cru pouvoir percevoir des analogies, notamment entre le prunier et la grand-mère qui finit par chuter comme un fruit trop mûr, le narrateur ayant peut-être eu envie de recueillir doucement sa grand-mère plutôt que d'attendre qu'elle ne chute ? Le prunier ne finit-il pas d'ailleurs par mourir, lui aussi, et ne rappelle-t-il pas alors l'image d'un gibet comme le rappel de la mort mais peut-être aussi du suicide ?
Il semble qu'il y en ait également entre le père (la robe noire d'avocat) et les oiseaux (merles et corneilles noires) que pourchasse la grand-mère, allant jusqu'à les tuer. Si analogie il y a, elle me parait en revanche plus obscure.
Un texte qui donne donc envie au lecteur d'y revenir pour y trouver, peut-être, des clefs de compréhension plus profonde.

Détail : j'ai noté une contradiction entre les mots 'illustre" et "oublié", qui ne me semblent pas pouvoir être associés, même dans un oxymore.

   Anonyme   
26/8/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour, Acratopège,

J'attendais cette nouvelle depuis que l'intitulé d'un de vos échanges avec les correcteurs m'avait interpellée... mais j'ignorais tout de Jean de Montenach. Montenach, c'est pour moi un village lorrain doté d'une fameuse auberge. Rien à voir avec Fribourg.
Moi qui m'attendais à une madeleine, j'aurais pu être déçue, mais non : j'ai eu mon compte, avec le goût inimitable des quetsches, fraîches ou en tarte. Et puis, vous savez y faire. Votre écriture est fluide, précise, joliment évocatrice tout en étant suffisamment concise. Il y a juste assez de détails pour qu'on sache qu'on est dans les souvenirs de quelqu'un d'autre, suffisamment peu pour qu'on les fasse siens, le temps d'un paragraphe.
Pas d'histoire, et pourtant en filigrane, la grande, et la petite, avec ces airs de ne pas y toucher que socque et stony ont déjà relevés, tout ce qu'on peut imaginer de tristesse, par exemple, dans le fait que vous (?) soyez arrivé en retard aux funérailles de votre grand-père. Le non-dit qui fait sens.
Quant aux parenthèses, j'y vois les digressions auxquelles se livre le souvenir quand il musarde.
Donc, un joli texte vivant et nostalgique, qui m'a beaucoup plu.

Misumena

PS : une redondance à corriger : "dans le petit jour, ma petite main blottie (...)"

   alvinabec   
26/8/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Acratopege,
Voilà un texte tout en douceur, demi-teinte et nostalgie.
Cet amour bien retranscrit pour des gds-parents attentifs m'a semblé de qualité dans son traitement, son écriture, le rythme que vous y mettez, le ton presque triste qui s'en dégage.
De la belle ouvrage, une construction maline, un peu trop d'adjectifs pour mon goût.
A vous lire...

   Anonyme   
27/8/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Acratopège,

Certains reprochaient à votre compatriote C-F RAMUZ de " mal écrire " exprès. Et bien, moi, j'aurais tendance à vous reprocher de " bien écrire " exprès.
Car comment ne pas essayer de comparer vos récits ?

Par le plus grand des hasards je viens de conseiller à ma femme de lire " Vie de Samuel Belet " dans l'édition blanche (un peu jaunie) de Gallimard datée de 1944 que m'avait refourguée un libraire malhonnête ou collectionneur, je ne sais pas, dans les années 80.
Elle en est ressortie avec quelques larmes et une commande assez onéreuse de toute son oeuvre . Comment lui dire que je connais quelqu'un qui raconte les mêmes histoires, qui écrit mieux, pour moins cher ?

Mais ne nous trompons pas, RAMUZ est beaucoup plus féroce que vous. Cet homme-là ne raconte que des horreurs! Sur un forum (contraintes et contrastes) il me semble que Lobia vous disait : " Je vous préfère quand vous êtes méchant " . Elle a raison. Votre défaut (c'est mon cynisme qui parle) c'est que tous vos personnages sont gentils, les vieux, les jeunes, les riches les pauvres, les citadins, les paysans. Je sais que la Suisse est un petit pays harmonieux, mais n'y a-t-il pas de haute montagne ? N'y a-t-il que des vallons ? Ne pleut-il jamais ? Neige-t'il ?
Ce ressort dramatique manque.

Le début du récit me semble emmener le lecteur dans une mauvaise direction. En général les premiers paragraphes d'une nouvelle présentent le personnage principal, le problème auquel il est confronté et son adversaire. Ici Jean-de-Montenach ne joue aucun rôle dans l'histoire, si ce n'est que ce nom est un marqueur pour l'enfant, qui s'en souviendra toute sa vie parce que c'était le nom de la rue où habitaient ses grands-parents. Lui consacrer les trois premiers paragraphes est à mon avis une erreur narrative.
J'ai attendu, attendu, je ne sais quoi. Peut-être une confrontation entre sa descendance et la famille du petit garçon... Derrière chancun des portraits et derrière chacune des anecdotes j'attendais l'explosion d'un drame ou d'une joie. Du coup, l'évocation de cette enfance m'a parue trop sobre, jusque dans la mort. Je dirais même que commencer par la vie insipide de Montenach pour raconter celle de l'enfant n'est pas le meilleur tremplin.

Reste une belle écriture un peu datée, sage, propre, soignée, à défaut d'être vraiment originale. Pour résumer : une écriture consensuelle, qui plaît au plus grand nombre, et c'est bien mérité. Un plaisir de lecture sans aspérités, qui s'il fait sans doute le bonheur de la famille, laisse un peu l'étranger que je suis sur sa faim.

Cordialement
Ludi

   Pimpette   
26/8/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
je suis zétée très déroutée par le début de ce texte et n'ai pas trouvé VRAIMENT la réponse à mon malaise de lecteur!

Mais peu importe!
La qualité de l'histoire et de l'écriture est telle que mon plaisir reste entier et ce que je n'ai pas compris est sans doute du à moi...

Les personnages de cette famille...tous... sont attachants au possible!
Et c'est souvent si ennuyeux au contraire dans un texte médiocre! POurtant les mots sont simples et c'est probablement pour ça que l'émotion est là...

   matcauth   
27/8/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est très agréable à lire, il y a des souvenirs qui parlent à tout le monde, teintés de nostalgie et d'un côté noir, également, pour donner au tout une belle harmonie.
Il manque une intrigue, quelques vieux dossiers de famille qui ressortent et qui donnent de la saveur à l'histoire, qui nous font nous accrocher à elle.
Il y a également un côté récitation dans le déroulé du texte, qui pourrait être évité en ajoutant une transition plus lisse entre les paragraphes.
Mais l'ensemble est structuré et réaliste, touche le lecteur, et est bien écrit.

Et cette façon de dépeindre le passé, de redonner de la perspective à notre vision du monde est tout à fait intéressante et nécessaire.

   Pepito   
27/8/2013
Bonjour Acratopege,

Forme : Belle écriture, du coup je peux chipoter :
- "compte de la diplomatie française" compte m'a gêné pour une fonction non marchande
- "au même âge que mon père un siècle et demi plus tard." il faut se référer au contexte pour savoir qui est mort en premier ;=)
- "et des parcelles de bonheur" je préfère "quelques" à "des"
- "des patriciens libéraux" et "demeure patricienne" forment une illusion de répétition
- "bourgeois enrichis" c'est à cela qu'on les reconnait, non ?
- peut-on être les "puînés" d'une seule personne ?

et bien sur l'emploi de parenthèses que je n'ai pas saisi.

Broutilles à gout personnel donc, largement rattrapées par les délicieux :
- "avenues plantées d’arbres aux graines virevoltantes comme des libellules. "
- "Pour un instant, je ne sentais plus le froid."
- "La prune violette chutait au ralenti. ..."

Fond : un début un poil longuet sur ce brave JFJN Montenach, devenant, après moultes descriptions, le nom d'une rue... et rien d'autre... ? hum...

Sinon, de très beaux souvenirs d'enfance.
Il me reste cependant un petit gout d'inachevé, il me manque une fin... (j'ai failli écrire chute, oups)

Merci pour cette lecture, en tous cas.

Pepito

PS : le correcteur d'Oniris donne "tractopelle" pour Acratopege... pas banal. ;=)

   Acratopege   
30/8/2013
Vous trouverez remerciements et réflexions sur ma nouvelle ici:

http://www.oniris.be/forum/montenach-remerciements-et-commentaires-t17458s0.html#forumpost230044

   Anonyme   
3/10/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Acratopege,

Voilà une généalogie chère aux théories de la constellation familiale, et que je me plais à croire un brin autobiographique. Je parlerais moins de mensonges de la mémoire, ce qui est péjoratif, que d'imagination qui rend vivantes les scènes. Les descriptions, soignées, trouvent un bel équilibre et emploient les mots justes sans emphase, ni neutralité. Il y a un certain classicisme du style, qui rend la lecture fluide et agréable. Le texte est à l’imparfait, excepté l’épilogue au passé composé, qui décrit les conséquences visuelles sur la propriété du changement de propriétaire, un après-de-l'enfance où tout le pittoresque du révolu n'existe plus que dans la mémoire du narrateur. Et c'est une des missions de l'écrivain que de faire ressurgir le passé le temps d'une lecture. J'apprécie la démarche.

Mais il y a un hic. Cette espèce de fausse érudition sur Montenach semble préluder aux relations entre le narrateur enfant et ses grands-parents et oncle et à la première lecture, j’ai cru que Montenach était un ancêtre du narrateur. Mais ce dernier ne fait pas mention d’une telle filiation. J'ai un peu de mal à comprendre ce que les deux parties du texte ont à se dire, sinon que la propriété était située à un numéro d'avenue portant un nom illustre. C'est cousu de fil blanc, comme on dit...

En revanche, le suicide de la grand-mère semble introduire à un état intermédiaire de la narration qui la laisse comme suspendue, inachevée comme la vie. Cet événement constitue le climax, la chute attendue dans le déroulé des souvenirs juxtaposés.

J’aime bien l’effet de style : « pour leur enseigner sa langue, les mathématiques et les bonnes manières », c’est une allusion ironique à l'éducation idéale pensée par les bourgeois au XIXe. Je ne connaissais pas « courette » ni « sarcloir », merci pour ces mots nouveaux (la littérature des autres aussi sert à cela). Mais du coup, la courette qui mène au porche va dans le sens inverse du trajet décrit précédemment. Je n’ai pas compris la comparaison : « Pendant que nous transpercions le paysage comme des dieux » ; la divinité évoque-t-elle pour vous une sensation de liberté ? Goulet : je vois plutôt quelque chose de ponctuel et non d'allongé comme une avenue. Des graines virevoltantes ? connais pas... parlez-vous des spores ? La prune qui chute au ralenti : que cela signifie-t-il ? Effet cinématographique isolé.

Cela dit, je ne me suis pas ennuyé.


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