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Horreur/Épouvante
alvinabec : Déhiscence
 Publié le 14/01/17  -  10 commentaires  -  9534 caractères  -  112 lectures    Autres textes du même auteur

S'entrouvrir, s'ouvrir, se fendre…


Déhiscence


À ce moment où je suis prête à écrire, ma main serrant le stylo me semble victime d’une censure que je ne peux admettre. Il me faut la distance que permet une machine pour accoucher des mots pour le dire. Je nous pressens en miroir l’une de l’autre, nécessaires l’une à l’autre pour ce faire.


C’est dit, je vais dans un magasin d’informatique très achalandé.


Tout de suite dans le rayon de la boutique la machine m’a plu. Sur le fond d’écran il y avait une forme floutée de femme en mouvement. Elle me tendait l’invite, me faisait des grâces du genre, tu vois bien que c’est moi que tu vas choisir, alors vas-y, ne te gêne pas, fais vite s’il te plaît, j’ai horreur, d’une part d’attendre, de l’autre des atermoiements dans les prises de décision ; de toute façon je te suis déjà acquise alors passe à la facturation et on se retrouve au retrait des commandes. Allez, fonce.


D’accord, c’est ce que j’ai fait, je ne voulais pas sembler hésiter. Hésiter c’est bloquer toute action, figer le mouvement – ou le neurone – dans un cul-de-sac, tétaniser en nous tout élan. Bref, l’inconfort total qui me répugne tant. Au vendeur qui s’avançait vers moi, sourire tout miel sous un œil bleu, je n’ai laissé aucun espace de parole, j’ai dit « je veux celle-là » en tendant un doigt vers l’étalage. « Bien, merci, je vérifie l’état du stock, j’en ai pour un instant. » Il a bien vu que la discussion était inutile, pas la peine de vouloir me vendre le modèle au-dessus un peu plus cher, ni de me proposer la concurrence, tellement plus conviviale. Il n’a même pas essayé, gagnant ainsi un temps considérable qu’il emploierait à convaincre d’autres clients plus incertains.


Le bon de retrait à la main, j’ai pris l’escalator en direction du rez-de-chaussée où le carton de l’ordinateur me fut remis. Il me fallut un sac, et par celui qui me fut donné, je me transformai en logogirl ce qui m’insupporte. Ma bonne humeur en fut gâchée.


Une fois rentrée, le sac devenu poubelle, j’ai posé l’objet sur le buffet, ouvert délicatement le carton en me demandant si l’attraction serait toujours aussi intense qu’au magasin. Ça avait été un coup de cœur si rapide, quasiment une amitié amoureuse entre une personne et une chose dotée d’un humanisme apparent que j’ai eu peur d’un effet « soufflé retombé » comme une rencontre dont les prémisses, paraît-il, vous tirent vers un lit où, hélas, la défaite s’annonce au premier frottement de peau. Je ne sais pas pourquoi je pense à la peau, la mienne ne contribue en rien à mon sentiment d’existence.


Là, je vois la bécane qui me regarde, m’attire, m’aimante déjà comme si l’on devait ne jamais se quitter. Incroyable.


Le carton d’emballage est noir, un beau carton lisse, élégant, fin comme un écrin pour ce bijou que je n’extrais pas tout de suite de sa gangue. Je prends des photos, la machine, aussi noire que son carton, soupire sous son enveloppe de cellophane, je la vois onduler, aguicheuse, prenant des mines pour le meilleur cliché. Elle tente de me séduire de façon trop frontale, d’une audace telle que je me sens froissée, chiffonnée, réduite à mon tour à l’état d’objet du désir et je me sens agressée.


Elle balance de plus en plus dans la boîte, le papier s’affaisse dans un bruit de respiration. Agitée de spasmes elle se dégage seule dans un éclat bizarre, elle prend un aspect flou, on dirait qu’elle est aspirée vers le plafond. Brutalement elle s’envole. Drapée de la cellophane comme d’un foulard blanc elle s’agite dans la pièce, de noire elle devient blême, elle fonce d’un mur à l’autre dans un bruit de fureur. Ductile en souplesse, elle prend une forme ronde, un peu allongée, on dirait une tête mais une tête osseuse, un crâne, oui un crâne grisâtre, les os méchants, les joues absentes, les orbites proéminentes à force d’être vides ; ses cheveux défaits voilent tout d’elle. La bécane en quelques instants s’est métamorphosée en une substance humaine.


Je la suis du regard et la vois frôler les murs en surface sans jamais s’y cogner. L’appareil photo tombe au sol, je m’agenouille les mains agrippées au dossier d’un fauteuil en guise de bouclier, je transpire un peu. L’élément ralentit sa course, se colle dans un angle du plafond, halète, trémule, vocalise et, si je ne comprends pas les mots, j’entends sa rancœur, sa haine à mon égard. Elle fulmine, peste, grince, crisse de sa bouche édentée, coasse dans ma direction et d’un coup son discours devient audible, elle m’injurie, m’accable d’un verbe méchant, m’assène que je suis responsable, outre de sa mort, de son destin qu’elle-même qualifie de funeste. Je ne peux prononcer le moindre mot, tétanisée, les genoux repliés sous la violence des mots.


Glissant au sol, je me protège les oreilles des mains, rien n’y fait. Je perçois tout ce que la tête crache de vilénies, la bassesse persiflant au travers des coups que je ressens de nouveau dans mon ventre, sur les épaules, ces corrections à coups de ceinture où je me protégeais le visage comme je pouvais, roulée en boule, position fœtale qui me revient à l’instant comme une doudoune que l’on enfile dès le froid revenu. La voix s’approche près de mon oreille, je ne peux qu’écouter impuissante les mots qu’elle prononce, son aigreur envers moi quand son image dans le miroir la décevait, quand l’argent devenait moins facile à gagner… Sa rage a fait place à une vengeance devenue plus subtile sur mon corps, celui que je devais lui soumettre, celui qui lui appartenait, celui qu’elle contrôlait, celui dont elle disposait, celui qu’elle a vendu pour amadouer la liste toujours renouvelée de ses créanciers. C’était là, mon corps, une ressource facilement négociable avec des clients de passage, elle en connaissait, d’expérience, parfaitement le principe comme l’emploi. Mon statut de marchandise s’est amplifié au point que je n’étais plus que cette monnaie passant de mains en mains sans autre valeur que celle accordée à l’instant de son usage.


Et elle, la tête, vient tout contre moi, son odeur de pourriture me caresse le cou, je ferme les yeux, me tasse en un morceau dur de résistance à l’ennemi, j’entends encore comme la surenchère est venue et comme j’ai dû me plier à sa volonté, les cadences, la multiplication des entrées-sorties de ce cagibi puant qu’elle nommait la chambre d’amour et ce corps qu’elle venait ausculter après le quota des clients du jour. Une fois le seuil de rentabilité dépassé, quand je m’endormais à demi, toute molle des somnifères et autres hallucinogènes dont elle truffait ma nourriture, elle scrutait ma peau. Je sentais sa présence, sa main à quelques centimètres de mon ventre qui observait mon corps. Voir, disait-elle, la trace de toutes ces jouissances quand ce n’était que déjections, collantes traînées, parfois un peu de sang s’y agrégeait. Cette main me lisait comme l’Inquisition sur le drap souillé. Elle estimait la marge des profits avant de sortir dans la nuit. Sur les tables de jeu, licites ou plus discrètes, où elle allait courir sa chance, elle répétait les mêmes gestes, les mêmes dettes. L’extinction, toujours partielle, des découverts commandait l’utilisation de mon corps comme un attribut naturellement dévolu à son sens tout personnel de l’honneur. Je lui étais comme un filon inépuisable et, à proportion de cela, j’alimentais sa haine.


Un tel effroi se répand sur ma nuque que je suis prise de convulsions. Un peu de salive au coin de la bouche, les yeux fixes et des douleurs multiples achèvent de m’épuiser. Et me revient en tête le moment de la délivrance, cette affection opportune dont, selon elle, j’étais à l’origine. Sa maladie, ma faute, ma très grande faute. Ses mouvements désordonnés n’étaient plus contrôlés par un cortex déliquescent. Une fulgurance de quelques semaines, l’obscénité hideuse de cette putréfaction devant mes yeux, son corps encore vivant exhibait sa décomposition. Sa mort, ma jouissance, la seule jouissance que je connaîtrai.


S’ensuivit une parenthèse obsidionale de dix ans où personne ne pouvait m’approcher sans que tantôt je veuille mordre ou au contraire me cacher. D’aucuns ont suggéré de m’allonger sur un divan mais à cette idée j’étais prise de nausées que rien n’arrêtait. Impossible pour moi d’envisager la moindre horizontalité, fût-elle thérapeutique. Alors, lentement, aidée d’un être asexué par destination, miette après miette, j’ai édifié un semblant de normalité aveugle.


Même s’il est mien, aujourd’hui ce corps, je ne peux l’habiter, j’en suis spectatrice. Je le regarde comme une machine performative dont je ne me dégoûte plus. Je ne le brutalise pas, ne le scarifie pas mais il me laisse indifférente. Nous vivons côte à côte, il s’autonomise des empreintes passées. Moi, je me consacre à l’étude des doctrines mortifères qui ont traversé le siècle dernier entre fascisme et stalinisme. Leurs crimes n’étaient pas seulement le fait de la paranoïa de leurs dictateurs. Les ressorts d’asservissement des populations fondent le cœur même de ma thèse. Je creuse, je cherche, je n’ai pas de réponse licite à ces massacres.


J’ouvre les yeux, je suis sur le plancher, trempée de sueur, la pièce est calme. La machine depuis son carton ne bouge pas, elle m’attend dans son écrin de cellophane. Levée, vacillant à peine, je la dévoile, installe les préambules techniques. Maintenant qu’elle me fait face sur la table, nous devenons complices. Je lui caresse l’azertyuiop, appuie sur les touches et les mots se répandent dans une déhiscence précipitée :

– De cette femme qui se disait ma mère, je…



 
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   Alcirion   
23/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Une histoire bien étrange !

Le fond, les idées conviennent parfaitement au genre par contre l'enchainement des scènes m'a produit un aspect massif, touffu sans doute du à la technique narrative.

C'est moderne, c'est bien écrit, mais il manque un peu d'huile dans les rouages pour obtenir un aspect plus léger.

Bonne continuation

   vendularge   
26/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Voilà une belle écriture pour une histoire "horrible" comme indiqué dans le genre. Je suis partagée entre le peu de goût que j'ai pour le noir épouvantable et cette écriture intéressante, haletante, bien collée au sujet et je me dis qu'elle doit pouvoir servir quelque chose de plus lumineux, de moins dénué de toute forme d'espoir..

Je crois que le texte pourrait s'arrêté à:

" et les mots se rependent dans une déhiscence précipité."

Le reste est connu du lecteur, c'est mon point de vue.

Merci
Vendularge

   plumette   
2/1/2017
 a aimé ce texte 
Pas
Une histoire d'ordinateur qui tourne mal, qui tourne au délire dans lequel la lectrice que je suis n'est pas entrée.
Il y a une écriture, certes, mais l' auteur a-t-il pensé un peu, ne serait-ce qu'un peu à son lecteur?

désolée! et curieuse de savoir ce que d'autres moins rationnels que moi peut-être auront appréhendé de ce texte;

   Perle-Hingaud   
6/1/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour !
Je trouve ce texte étrange et intéressant.
L'écriture, froide, presque maniérée, est parfois son handicap: surtout dans la deuxième partie, on est tenu à l'écart de la narratrice.
Le sujet est traité de façon originale, c'est le moins qu'on puisse dire. Il y a un grand écart entre le début et la deuxième partie, c'est le seul défaut de traitement, à mon sens: il faudrait mieux lier les deux "scènes", l'achat et sa conséquence, le délire, avant de revenir au pourquoi de l'achat, le "dire". Un peu plus de souplesse dans l'enchainement.
J'ai préféré la description de l'achat, savoureuse. Une mention spéciale au "logogirl" : là, on s'identifie.
Ensuite, je n'ai pas les clés pour comprendre le dérapage de la narratrice, dérapage dont on finit par imaginer les causes mais sans aucune certitude (vérité ? délire ?) Bien entendu, c'est un choix de l'auteur, mais ce flou conjugué à la mise à distance par le style créée une barrière, un "décrochage". Les trois dernières lignes nous remettent sur les rails.
Bref, un texte intéressant: je salue la performance.

   GillesP   
14/1/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,
En ce qui concerne le contenu, il ne m'a pas totalement convaincu, mais c'est sans doute parce que, d'une manière générale, je suis rarement touché par ces histoires de machines qui deviennent folles (même si, je l'ai compris, ce n'est, au final, pas du tout l'essentiel de votre texte). J'ai en général la même réaction devant un film qui part de ce postulat. Ce n'est pas votre propos qui est en cause, mais ma réaction de lecteur quand je lis ce genre d'histoire. Je n'ai donc pas vraiment adhéré à votre histoire jusqu'au milieu. En revanche, la suite m'a étonnée et, au final, plutôt convaincu. En effet, au lieu de poursuivre dans cette voie rebattue (la machine qui se transforme en personne et broie l'être humain), vous prenez un chemin de traverse inattendu, en racontant progressivement le passé abominable du personnage. On comprend au final que, ce que cette femme va écrire sur cet ordinateur, c'est ce passé dont elle ne parvient pas à se libérer. On suppose que l'écriture sera pour elle cathartique. Ainsi, on comprend mieux son hallucination au milieu du texte. Malgré tout, j'ai trouvé que l'articulation entre l'animation de la machine et l'évocation du passé du personnage manquait de liant, un peu comme si, de deux histoires, vous en aviez fait une seule.


En ce qui concerne l'écriture, certaines choses sont réussies, d'autres moins. Je commence par ce qui me semble bien: le vocabulaire est varié et il y a dans ce texte des images qui fonctionnent bien: j'ai bien aimé la façon dont vous transformez la machine en un être sensuel. C'est assez inattendu! Je note ce passage, par exemple: "la machine, aussi noire que son carton, soupire sous son enveloppe de cellophane, je la vois onduler, aguicheuse".

J'en viens à présent à ce qui m'a moins plu: voici les éléments qui, à mon sens, amélioreraient la qualité du texte:
- Les temps ne sont pas toujours cohérents: vous mélangez d'abord le passé simple et le passé composé, puis vous passez au présent. Il faudrait harmoniser tout cela : soit vous décidez de faire une narration classique, traditionnelle, et dans ce cas les temps de référence sont le passé simple et l'imparfait. Vous réservez alors le présent, le passé composé et le futur pour les dialogues. Soit vous écrivez de façon plus "moderne", comme Camus dans L'Etranger, et alors le temps utilisé pour narrer les différentes actions est le passé composé (équivalent du passé simple dans un niveau de langue moins soutenu), ou alors le présent de narration, si vous souhaitez donner l'impression que l'action se passe sous les yeux du lecteur.
- A certains endroits, j'aurais ajouté quelques virgules: "je te suis déjà acquise, alors passé à la facturation".
- Vous utilisez, à un moment, le mot "prémisses". Dans le sens de "première manifestation de quelque chose", il faut l'écrire "prémices". Si vous voulez signifier qu'il s'agit de faits d'où découle une conséquence, alors il faut l'écrire "prémisses". Il me semble que, dans le contexte de votre nouvelle, il faudrait choisir la première orthographe.
- "je me sens froissée, chiffonnée, réduite à mon tour à l’état d’objet du désir et je me sens agressée": la répétition de "je me sens", au début et à la fin, pour signifier à peu près la même chose, ne me semble pas du meilleur effet.
- A mon sens, certaines phrases, trop explicatives, sont inutiles, par exemple: "La bécane en quelques instants s’est métamorphosée en une substance humaine": on l'avait bien compris, les phrases précédentes étaient suffisamment claires. Vous auriez pu laisser le lecteur tirer les conclusions lui-même. Personnellement, c'est un des plaisirs lorsque je lis un texte: tirer des conclusions à partir de ce que j'ai écrit. C'est un des éléments jouissifs, pour moi, de l'acte de lire: celui de croire, même si c'est faux, qu'on découvre soi-même quelque chose. C'est Gide qui disait la chose suivante, et, à mon avis, c'est très juste: "il sied de s’y prendre de manière à permettre au lecteur de croire qu’il est plus intelligent que l’auteur, plus moral, plus perspicace et qu’il découvre dans les personnages maintes choses, et dans le cours du récit maintes vérités, malgré l’auteur et pour ainsi dire à son insu".

Je m'aperçois que mon commentaire est excessivement long. Cela veut donc dire que, malgré mes réserves, ce récit m'a interpellé, puisque j'avais envie d'en dire beaucoup de choses. D'où ma notation, alors qu'au départ je voulais mettre "un peu", voire "pas".

Au plaisir de vous relire.

   Pepito   
14/1/2017
Hello Alvinabec, diantre, quelle productivité !

Kriture : toujours aussi bien maîtrisée.

Pourquoi "A ce" au lieu de "Au" ? > en tout début, on est attentif. ;=)
"« soufflé retombé » (pouingue) comme" > sinon la phrase me parait un poil longue.
"comme une rencontre" > j'aurai bien vu "comme une de ces rencontres"
"j’ai édifié un semblant de normalité aveugle" > pourquoi "aveugle"
"entre fascisme et stalinisme" ?!! > sans parler du "cheveu sur la soupe" ... keke ça vient faire là ? Asservir des foules et une seule personne n'est pas la la même chose.... à mon avis.

De très chouettes passages :
"Je prends des photos, la machine, aussi noire que son carton, soupire sous son enveloppe de cellophane, je la vois onduler, aguicheuse, prenant des mines pour le meilleur cliché."
"position fœtale qui me revient à l’instant comme une doudoune que l’on enfile dès le froid revenu."
"Cette main me lisait comme l’Inquisition sur le drap souillé."
que c'es bô, et dur ! Le plaisir d’écrire est manifeste !

"ma faute, ma très grande faute" tss, tss, on a fait catéchèse en première langue ? ;=)
"l'horizontalité thérapeutique" excellente définition de la psychanalyse ! ;=)
"obsidionale" après "déhiscence", je ne me suis pas déplacé pour rien... ;=)
"Je lui caresse l’azertyuiop" ;=))

Fond : le début m'a intrigué. Alvinabec serait-elle embauchée par HP ? Un sous marin de la vente de PC chez Oniris ? ;=)
Bon, la partie délire avec PC voletant dans la pièce... mhhhhh.
Un tête à tête avec un PC ouvert, tout simplement, non ?
Le délire est prenant, mais une remontée de temps à autre pour respirer ne ferait pas de mal. Petit incursion d'un souvenir "réel", par exemple.

Sinon, deuxième texte d'affilée avec un grave problème mère/fille... un réel besoin de tâter du Cuir Center ou un simple hasard ? ^^

Merci pour la lecture !

Pepito

   MissNeko   
15/1/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir

L écriture est très belle et on sent que vous maîtriser votre plume. J'aime les réflexions que vous menez autour des pensées de la narratrice.
Au départ j ai rien compris ! Il a fallu une seconde lecture. J ai pensé à une sorte de personnification de la sur-consommation dans laquelle nous vivions au départ.
Ensuite la machine prend vie et devient une sorte de revenant maléfique et là je me suis perdue. Puis à la seconde lecture j ai compris ( enfin il me semble) que la chose qui sort de l'ordi c est sa mère. Une mère horrible qui vendait le corps de sa fille pour éponger ses dettes.
L'achat de l'ordinateur étant motivé par l'écriture des mémoires de la narratrice, c est pour cette raison que la mère défunte reprend vie. La narratrice ressent alors, en flash back, les sensations épouvantables qu'elle a subit. La mère est devenue une entité maléfique qui apparaît à travers les circuits imprimés de l'ordi.
Une vision cauchemardesque.
On comprend ensuite qu'il ne s'agissait que d'un cauchemar. La vie reprend son cours. La jeune femme commence le récit de sa relation avec cette mère toxique.

A vous relire

   David   
17/1/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Alvinabec,

Encore une histoire improbable, qui doit même effrayer les plagieurs, je ne sais pas si je l'exprime bien en disant qu'il y a une espèce de volupté désagréable, mais assez fascinante, dans ce récit. Il y a une fusion entre le fond et la forme : une histoire d'aliénation dans une écriture elle-même aliénée, et un drame teinté d'humour. Le récit laisse présager, étrangement tellement ça semble ennuyeux, qu'il va s'agir de l'installation d'un PC, que tout va se passer dans la "cuisine" au sens large de l'acte d'écrire, mais non, très vite ça va plus simplement, et plus passionnément, raconter le drame d'une vie qui aboutit à le "coucher sur le papier", en l’occurrence c'est plutôt l'étendre sur l'écran, pour paraphraser le "Impossible pour moi d’envisager la moindre horizontalité" qui illustre encore la fusion fond/forme puisqu'il s'agit des mémoires d'une prostituée, et l'horizontalité lui rappelle ses passes, ainsi qu'un récit qui se raconte lui-même comme étant impossible à rédiger au stylo, et donc sur une page horizontale.

En passant, j'ai beaucoup aimé découvrir la "parenthèse obsidionale". La "déhiscence" aussi est magnifiquement mise en métaphore, toujours doublement, c'est autant l'accouchement de l'écriture que la révélation du récit, avec la clé du mot "mère" qui vient à la toute fin révéler ce qui restait dans le flou tout le long du récit.

C'est vraiment génial et impressionnant, ça doit être ça un récit "performatif", une histoire qui semble se raconter elle-même.

Edit : J'ai compris qu'il s'agissait d'un rêve, un cauchemar, une hallucination, le passage où la machine sort de son carton. J'avais en tête le "festin nu" de William Burroughs, le film, avec ce même genre d'hallucination, à la sensualité glauque, mais avec une machine à écrire au lieu d'un PC. Merci pour la Mise-À-Jour :)

   Anonyme   
27/9/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte bien écrit, mais qui prend aux tripes. En outre il me permet d'enrichir mon vocabulaire car je ne connaissais pas ce mot :"déhiscence". Certes j'aurais beaucoup de mal à le placer dans la conversation, mais j'essaierai...je vois déjà les têtes de mes interlocuteurs.
Une petite remarque le magasin était-il très achalandé ou très approvisionné ? La confusion est fréquente : beaucoup de clients ou beaucoup de marchandises ?

   jfmoods   
8/12/2018
C'est un double coup de foudre auquel on assiste d'abord entre une locutrice pressée de trouver un intermédiaire pour explorer son monde intérieur ("accoucher des mots pour le dire") et l'objet. Le pacte amoureux se noue dans l'instant ("la machine m’a plu", "Elle me tendait l’invite, me faisait des grâces", "c’est moi que tu vas choisir", "je te suis déjà acquise", "on se retrouve au retrait des commandes").

Cependant, à peine la machine livrée, un élément fâcheux prépare le retournement de perspective ("Il me fallut un sac, et par celui qui me fut donné, je me transformai en logogirl ce qui m’insupporte. Ma bonne humeur en fut gâchée.").

La charge érotique qui s'était largement déployée ("comme une rencontre dont les prémisses, paraît-il, vous tirent vers un lit où, hélas, la défaite s’annonce au premier frottement de peau", "je vois la bécane qui me regarde, m’attire, m’aimante déjà comme si l’on devait ne jamais se quitter", "je la vois onduler, aguicheuse, prenant des mines") devient vite étouffante pour la locutrice ("Elle tente de me séduire de façon trop frontale, d’une audace telle que je me sens froissée, chiffonnée, réduite à mon tour à l’état d’objet du désir et je me sens agressée.").

C'est que l'achat de la machine a ouvert d'un coup ce sas intérieur qui restait obstinément fermé à l'écriture ("ma main serrant le stylo me semble victime d’une censure").

La violence du débondement cloue sur place la locutrice. Le texte prend alors une tonalité fantastique. La vie d'une fille martyre reflue d'un coup avec le surgissement d'une abominable mère maquerelle ("Je perçois tout ce que la tête crache de vilénies, la bassesse persiflant au travers des coups que je ressens de nouveau dans mon ventre, sur les épaules, ces corrections à coups de ceinture où je me protégeais le visage comme je pouvais, roulée en boule, position fœtale", "Sa rage a fait place à une vengeance devenue plus subtile sur mon corps, celui que je devais lui soumettre, celui qui lui appartenait, celui qu’elle contrôlait, celui dont elle disposait, celui qu’elle a vendu pour amadouer la liste toujours renouvelée de ses créanciers. C’était là, mon corps, une ressource facilement négociable avec des clients de passage, elle en connaissait, d’expérience, parfaitement le principe comme l’emploi. Mon statut de marchandise s’est amplifié au point que je n’étais plus que cette monnaie passant de mains en mains sans autre valeur que celle accordée à l’instant de son usage.").

La mort de cette femme fut plus qu'un soulagement pour la jeune femme. Elle la ressentit comme le plaisir inestimable d'une délivrance ("Une fulgurance de quelques semaines, l’obscénité hideuse de cette putréfaction devant mes yeux, son corps encore vivant exhibait sa décomposition. Sa mort, ma jouissance, la seule jouissance que je connaîtrai.").

Cependant, les questions se posent, terribles : comment survivre à un tel monstre ? Comment se construire une personnalité quand votre identité a toujours été implacablement broyée ?

Après une interminable errance ("une parenthèse obsidionale de dix ans") et cette impossibilité fondamentale à s'accepter ("Même s’il est mien, aujourd’hui ce corps, je ne peux l’habiter, j’en suis spectatrice. Je le regarde comme une machine performative dont je ne me dégoûte plus. Je ne le brutalise pas, ne le scarifie pas mais il me laisse indifférente. Nous vivons côte à côte, il s’autonomise des empreintes passées."), il est peut-être temps d'évacuer ce traumatisme par les mots ("- De cette femme qui se disait ma mère, je…") avant d'espérer peut-être, un jour, sur un sol plus stable, poser des pierres fondatrices.

Cette nouvelle est dotée d'un style vigoureux avec des images fortes, comme cette comparaison...

"Cette main me lisait comme l’Inquisition sur le drap souillé."

Merci pour ce partage !


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