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Humour/Détente
aristee : Ma fille, mes chaussures et sarah
 Publié le 19/12/07  -  2 commentaires  -  18517 caractères  -  18 lectures    Autres textes du même auteur

Un homme marie sa fille, et nous suivons ses pensées durant cette journée exceptionnelle.


Ma fille, mes chaussures et sarah


J’aurais dû prendre une pointure de plus. Quitte à mettre deux paires de chaussettes, je n’aurais pas souffert le martyr.

Qu’ils se marient à l’église, je n’ai rien contre. Mais pourquoi prévoir toute une messe ? C’est trop long... Pourtant, je le sais que si je prends du 40, c’est trop petit. Mais depuis que je suis adulte, il a été décidé que je chaussais du 40, et les pieds, ça ne grandit pas. Mais quand même à 45 ans, je pourrais décider souverainement que désormais, je n’achèterai que du 41. J’en ai marre de souffrir !

Déjà, à la mairie, Môssieur le maire avait cru nécessaire de faire un grand baratin. Il m’en a jeté des fleurs :


« Monsieur Jacques Blanc, notre concitoyen qui honore notre commune. »

« Monsieur Blanc qui après avoir crée seul, son entreprise, donne du travail à des dizaines de nos administrés »

« Monsieur Blanc qui marie sa délicieuse fille, à un jeune homme auquel l’avenir sourit »


Bla bla bla… Et moi avec mes chaussures trop petites... je suis peut-être un grand homme (moi, je n’en suis pas tellement sûr. J’ai eu de la chance, ça oui ! Si je n’avais pas épousé Mademoiselle Gendron, de la famille Dufour Gendron, jamais je n’aurais pu la monter mon affaire. Mais c’est vrai, que le maire n’a pas à le savoir).
Il était pénible, ce maire. Un vrai casse-pieds ! Tiens ? Je n’y avais pas pensé. Ça doit venir de là, cette expression. Un casse-pieds, c’est un type qui parle, qui parle, qui parle à un monsieur qui a des chaussures trop petites.
Et ce curé qui n’en finit pas. Je ne me souviens plus du planning d’une messe. Après l’élévation je crois que l’on n’est pas loin de la fin.
En tous cas, dès qu’on sort, je file à la maison, j’enlève ces brodequins de torture, et je mets mes mocassins. Eux, ils sont bien faits à mon pied, Bien sûr, ils sont un peu râpés.


Quelquefois, je rêve, comme en ce moment que je m’offre un « briseur de chaussures ». Un gars qui aurait des pieds exactement de la forme et la dimension des miens et dont le seul rôle, serait de me « faire » mes chaussures. Seule obligation pour lui : faire au moins deux kilomètres par jour à pied. Même au smic, il serait bien payé, non ? Et moi, je n’aurais plus jamais mal aux pieds. C’est ce que mon ami député appelle un accord gagnant-gagnant
Entre parenthèse, quel idiot ce type !! Comment a-t-il pu devenir député ? Peut-être parce qu’il est représentatif des idiots qui sont majoritaires dans le département. Ce doit être ça !! Mais moi je suis encore plus idiot d’acheter des chaussures trop petites ! Mais c’est la dernière fois. À partir de maintenant, je chausse du 41, c’est décidé et irrévocable. Du 41 !!


Ah ! Tout le monde se met à chanter. Alors là, je m’en souviens, c’est qu’on en a terminé. La messe est finie.
Ouf ! Me voilà dans ma voiture. Je me déchausse. Je vais conduire en chaussettes.
Certains ont dû trouver bizarre que je parte si vite, mais zut !! Ils sont à l’aise dans leurs chaussures les autres, ils s’en foutent de s’attarder sur le parvis.
Normalement ce devrait être un beau jour pour moi. Je marie ma fille. Et mon nouveau gendre n’est pas trop mal. Un peu précieux peut-être ? Précieux ? Je dis des bêtises, il est snob à vomir. Je me demande ce que ma fille lui trouve. Belle et intelligente comme elle est, elle aurait tout de même pu trouver mieux.
Et puis, bon sang, elle est très jeune. Pourquoi se marier si vite ? Il n’y avait rien d’urgent. C’est marrant, je pense qu’elle ne va pas rigoler tous les jours avec son zigoto. D’ailleurs je ne devrais pas dire « c’est marrant ». C’est plutôt affligeant. Pas affligeant pour tout le monde. Les avocats aiment bien les mariages. Ils savent que 3 fois sur quatre, ce sont de futurs clients pour le divorce. D’ailleurs je ne fais pas exception à la règle. Mon aussi je me suis marié. Moi aussi je suis divorcé.


Il n’y a personne à la maison. Ils sont tous au mariage. Alors je peux traverser le jardin en chaussettes. Je ne vais pas remettre ces instruments de torture.
Bon. Je mets mes mocassins en vitesse et j’y retourne. Il ne faut pas exagérer, je suis le père de la mariée, on va s’apercevoir de mon absence.
Zut !! Ils sont vraiment fatigués ces mocassins, et il faudrait au moins que je leur donne un coup de cirage. Pas le temps. Allons-y !
Je pense qu’ils sont encore sur le parvis... Oui, ils sont encore tous là.
Ma parole, il y a là, la descendance de Henri IV. « Ralliez-vous à mon panache blanc » Ce n’est pas un panache ? Non, c’est une capeline. Que dis-je une capeline ? Par ses dimensions, c’est une ombrelle… Et même un parasol. Là dessous, il doit y avoir une bonne femme qui veut entrer au Guinness. « Au Mariage de la fille de Monsieur Blanc : Le plus grand chapeau du monde… »


Mais, je rêve ? Ce n’est pas vrai !! Sous ce grand truc blanc, c’est mon ex. Mais qu’est-ce qui lui a pris ? Elle est ridicule la Dufour Gendron ! Aïe ! Elle vient de m’apercevoir, il faut que j’aille lui faire la bise.


- Bonjour Jeanne ! Tu avais prévu qu’il pourrait pleuvoir ? On peut s’abriter à 4 ou 5 sous ton chapeau !

- Toujours aussi spirituel, mon pauvre Marc ! Réflexion pour réflexion, tu aurais pu t’acheter une nouvelle paire de chaussures pour le mariage de ta fille. Ou à tout le moins cirer celles-là !

- J’aime bien le « À tout le moins » O.K. 1 partout. Ton mari est là ?

- Oui. Il était là il y a deux minutes

- Et il tient toujours le coup ? C’est un résistant !

- Tu te crois spirituel ? Ne t’en déplaise, nous sommes très heureux ensemble.

- Ah bon ? Il me semblait qu’il était parti il y a quelques mois.

- C’était un voyage d’affaires… et puis, il est là, non ? Alors arrête de propager des idioties !

- Je ne propage rien du tout ! C’est ta fille qui m’avait dit….

- Ma fille, c’est aussi la tienne, je te signale !

- Je sais, je sais. Puisque c’est moi qui paye la noce.

- Quelle délicatesse !! Tu ne t’arranges pas avec l’âge.

- L’âge n’arrange personne. Mais qu’est-ce que tu as sur la joue ? Oh pardon, c’est une ride, une toute petite ride. Sous ce chapeau je ne voyais pas très bien, excuse-moi !

- Crétin ! Tu ferais mieux d’aller saluer les Blanchet. Ils te regardent depuis un moment. Je crois qu’ils veulent te parler de leur fils.

- Ah, non !! J’espère qu’ils ne vont pas me demander d’embaucher leur fils. Tu m’as traité de crétin, mais lui, il l’est, cliniquement. Je ne veux pas les voir. Je pars de l’autre côté, à tout à l’heure !


Décidément, quelle corvée un mariage ! Il y a un tas de gens qu’on ne voudrait pas voir. Je crois que j’y ai été un peu fort avec mon ex. Les femmes n’aiment pas qu’on parle de leur âge. Oh, mais dis donc, c’est elle qui a commencé, en me disant que je ne m’arrangeais pas avec l’âge. J’ai répondu, c’est tout.
Ah ! Voilà ma fille. Qu’elle est jolie ! Bon sang qu’elle est belle ! Son idiot de mari, lui, habillé en pingouin parait empaillé ! Elle a du chic ma fille, cela ne vient pas du côté de sa mère, c’est vraiment ma fille. Pas d’erreur !


- Ma fille tu es toujours jolie, mais je dois dire qu’aujourd’hui, tu exagères. C’est trop !!! Toutes les femmes vont s’en aller couvertes de honte

- C’est toi qui exagères un peu mon petit papa !!

- Non, je n’exagère pas. Tu es la plus belle chose que l’on puisse voir… Après le chapeau de ta mère bien sûr.

- Tu es rosse. D’ailleurs, il lui va bien ce chapeau.

- Tu as raison. Pour elle il est parfait. On ne voit pas son visage. C’est pratique.

- Pourquoi es-tu si méchant aujourd’hui ?

- Peut-être parce que l’on me vole ma fille !

- On ne te la vole pas… Elle convole !

- Faux !!! Ma fille ! Convoler à l’origine, c’était se remarier. Tu n’en es pas encore là !!

- Je n’en serai jamais là.

- Le jour de ton mariage, tu ne peux pas dire le contraire.

- Et toi, tu es… contrariant.

- Tu sais, ma fille, tu vas me manquer.

- Pourquoi dis-tu ça ? Nous nous verrons autant qu’auparavant.

- Oui, mais ce ne sera plus pareil. Je ne serai plus l’homme de ta vie.

- Tu le seras toujours mon petit papa.

- Bon. Je vois que ta mère fait de grands signes pour rassembler tout le troupeau. Nous allons déjeuner. À plus tard !


C’est vrai que je verrai ma fille aussi souvent, mais il y aura son Jules, et il m’énerve, ce garçon. Je ne sais pas pourquoi, mais il m’énerve.
C’est moi qui règle tous les frais, mais c’est mon ex qui s’est occupée de tout. C’est elle qui a « fait » la table. Je parie qu’elle a dû me mettre entre deux vieilles rombières bavardes. Quelle corvée ce mariage !! Enfin, nous en avons fait déjà un gros bout.
Quelle cohue ! Quand il s’agit de bouffer ou de boire, alors là, il n’y a plus de ronds de jambe. Vers la table aux apéritifs, en avant toutes !! Et chacun pour soi !!


Quand je me suis marié, aussi je trouvais que c’était une corvée. Mais je l’acceptais plus volontiers. En ce temps-là, elle était mignonne, Jeanne. Et puis elle était d’une très bonne famille. Je veux dire d’une famille riche. Bien sûr que ça comptait !!! Je ne veux pas dire que je ne me suis marié que pour ses sous. Non. Disons 50-50.


J’ai quand même tenu 15 ans. C’est pas mal. Elle en a eu pour son argent. C’est dégueulasse de dire ça ? Mais je ne le dis pas, ou du moins, je ne le dis qu’à moi. Ça ne compte pas. Je ne vais pas me faire des cachotteries à moi.
Bon. Voyons où est ma place. Marc Blanc. Voilà. À ma droite, Nicole Gendre. BrrRRR !! Gendre, Gendron, ce n’est pas bon signe ! En tous cas je ne connais pas. Malgré la ressemblance de nom, ce doit être du côté du marié.
À ma gauche Sarah Cordier. Des noms bien français. Mais je ne connais pas non plus. De vieilles rombières sans doute. Je connais Jeanne ; elle n’a pas dû me louper.
Tiens, en voilà une. Nicole Gendre. Qu’est-ce que je disais ? Tout à fait le genre des Dufour Gendron. Et évidemment vieille ! Mais soyons poli, au moins au début.


- Mes hommages Madame. Je suis le père de la mariée.

- Et moi, je suis la tante du marié.

- Alors, nous voilà presque de la même famille.

- J’en suis charmée.

- Si vous permettez ; l’honneur et le plaisir sont pour moi.


Bon. Je n’ai pas été trop mal. J’espère que maintenant elle va me foutre la paix. Chouette, elle connaît son voisin de droite. J’espère qu’il va s’en occuper. Hou là là. C’est pas vrai ? Elle est pour moi, celle-là ? Une femme vient de s’installer près de moi.
Je te demande pardon, Jeanne ma chère Ex. Celle-là, ce n’est pas une vieille rombière ! Quelle classe. Je me lève à moitié pour l’accueillir et me présenter.


- Marc Blanc. Je suis le père de la mariée.

- Sarah Cordier. Je suis la professeur de musique de votre fille

- Je n’avais pas le plaisir de vous connaître. Et ce n’est pas une formule de politesse. C’est un vrai plaisir.

- Votre fille m’avait prévenue. Elle m’avait dit textuellement : « Vous serez placée à côté de mon père. Faites attention, c’est un enjôleur. »

- On est toujours trahi par les siens. Mais j’ai tout un repas pour vous faire changer d’avis.

- Pour le moment, avouez que vous le confortez !

- Je crois, qu’après avoir été diffamé par ma propre fille, chaque propos que je tiendrai sera interprété dans un sens qui me sera défavorable. Cela va m’être difficile, mais je vais devoir me taire.

- Vous me faites un procès d’intention Monsieur. Je suis parfaitement capable de me faire une opinion par moi-même. Alors, parlez sans crainte, puisque aussi bien, vous taire serait une torture…

- Je reconnais bien là une professeur de musique. Vous recherchez les accords, l’harmonie. Ce doit être reposant de vivre à vos côtés.

- Comme il n’y a personne, à mes côtés je ne puis vous renseigner.

- Je suis charmé d’apprendre qu’il n’y a personne à vos côtés. Mais vous ne comptez tout de même pas rester dans cette effroyable ignorance. Un jour, un homme j’en suis persuadé pourra en témoigner.

- Si vous présentez votre candidature, vous confirmerez la mise en garde de votre fille.

- Je sais bien. Je viens de vous le dire. Je ne pourrai ouvrir la bouche sans que vous interprétiez mes propos dans un sans qui me sera défavorable. Et pourtant…

- Finissez votre phrase. Et pourtant, quoi ?

- Justement, non. Je ne peux terminer ma phrase.

- Dans ces conditions mieux valait ne pas la commencer

- C’est bon. Je me tais


Elle a un charme fou cette femme. Elle est très belle, elle a de la répartie et même lorsqu’elle tient des propos que l’on pourrait prendre comme désagréables, son sourire les transforme en gentillesse.
Pourtant je ne suis pas un affreux sentimental. Je me suis marié parce que Jeanne avait un peu d’argent ; J’ai dit que cela ne comptait que pour 50 % O.K. Peut-être un peu plus. J’ai divorcé il y a 10 ans, et ce n’était pas pour une femme dont je serais tombé amoureux. D’ailleurs, après, j’ai vécu seul. Ce n’est qu’un an après que j’ai eu une maîtresse intermittente ? Ça a duré 7 ans, mais chacun chez soi. C’était pratique et elle n’était pas encombrante. Et puis, elle s’est mariée, et elle a plus voulu. C’est la vie !! Et depuis deux ans calme plat. Et maintenant, cette Sarah… Mais si je ne lui parle pas, les choses n’avanceront pas. Tant pis. Je risque.


- Sarah… M’autorisez-vous à vous appeler Sarah ?

- Tiens ? Vous avez retrouvé votre langue ? « Chasse le naturel, il revient au galop, hein ? » Bien sûr je vous autorise à m’appeler Sarah, puisque c’est mon prénom. Sarah, donc, vous commenciez… je vous écoute.

- Sarah, il y a bien sûr la solution qui consisterait à ce que je m’inscrive à votre cours...

- Solution ? À quel problème ?

- C’est vrai. Excusez-moi, vous ne pouvez deviner quel est mon problème. Il est bien entendu de vous revoir.

- Votre fille est décidemment d’une merveilleuse perspicacité.

- Ah, celle là !!! Je lui dirai deux mots. Mais je voudrais que nous soyons sérieux un moment. Nous ne nous connaissons pas, c’est certain. Mais, partons d’une hypothèse. J’insiste bien, c’est une simple hypothèse. Donc imaginons. Imaginons, que vous et moi, ayons suffisamment de points communs pour nous entendre, et suffisamment de différences, pour qu’une possibilité pérenne de couple existe entre nous. Je dis bien supposons. Comment pourrions-nous en être certains si nous ne nous revoyons pas, parce que vous en restez à ce que vous a dit ma fille en plaisantant ? Je vous écoute.

- Mais enfin, à notre table, il doit y avoir… une quinzaine de femmes. Votre raisonnement pourrait s’appliquer à chacune d’entre elle.

- Vous voyez ? Je parle sérieusement, et vous plaisantez. Regardez ces femmes autour de la table. Regardez ma voisine de droite par exemple. Pensez-vous vraiment que nous pourrions former un couple harmonieux ?

- Parce que vous pensez que vous et moi…...

- Je l’ignore, mais avouez que cela entre dans le cadre des possibilités, non ?


Tiens ? Elle se tait, elle réfléchit. Elle a un petit retroussis du nez adorable. Elle me plaît de plus en plus. Je ne comprends pas ce qui me prend. Je n’éprouvais pas le besoin de trouver une âme sœur. Pourtant je n’ai pas bu. Un whisky et un demi-verre de vin rouge. Non. Je suis à jeun. Est-ce parce que je constate qu’elle me résiste, et que j’aime toujours gagner ? Elle se tait toujours. C’est peut-être parce que je lui déplais et qu’elle n’ose pas le dire ?


- Monsieur Blanc, j’avoue que je n’avais jamais rencontré un homme aussi direct… et rapide. Mais votre raisonnement est sans faille. Alors, soit. Sans que n’ayez l’obligation de vous inscrire à mes cours, je veux bien que nous nous rencontrions à nouveau. Mais attention. Je me plie devant votre raisonnement, mais pas devant vous.

- Peu m’importe, Sarah, la raison pour laquelle vous acceptez de me revoir. Je suis convaincu qu’il serait idiot de ne pas essayer de nous connaître, sans préjuger des résultats bien sûr. Mais la classique pièce montée n’est pas encore là, et nous pouvons commencer à nous connaître. Avez- vous été mariée ?

- Il m’est pénible d’en parler. Oui, je suis restée mariée…. moins d’un an. L’amour est aveugle, mais ma cécité n’a pas duré longtemps. C’était un alcoolique mondain, mais plus alcoolique que mondain. Un soir, non content de lever le coude, il a... levé la main sur moi et je suis partie. Comprenez-vous que la vie de couple n’ait pas pour moi d’irrésistibles attraits ?


À ce moment là, notre conversation a été interrompue par la venue de ma fille. Après avoir dit bonjour à sa prof de musique, elle me dit que le père du marié avait préparé un petit laïus, qu’il lirait à la fin du repas. Elle tenait à ce que notre famille ne soit pas en reste, et qu’à mon tour, je prenne la parole après son beau-père.
Cela ne m’enchante pas. Je n’ai, moi, rien préparé. Mais je ne peux pas laisser tomber ma fille. C’est marrant d’ailleurs. C’est déjà une petite épreuve de force avec son mari par pères interposés.


- D’accord, ma fille, je dirai quelques mots.

- Merci mon petit papa. J’espère que tu t’entends bien avec Sarah !

- Je vais te tirer les oreilles. Tu lui as dit des choses idiotes à mon sujet, et le résultat est qu’elle ne croit pas ce que je lui dis.

- Ne le croyez pas. Il a très bien su remonter ce handicap… ce qui prouve que votre mise en garde était fondée dit Sarah en souriant


C’est formidable, quand elle réfléchit, elle est sérieuse, et terriblement attirante. Quand elle sourit, elle est encore plus fondante. Mais qu’est-ce qui m’arrive ? Au début, je plaisantais à moitié, mais là, je m’inquiète.
Non. Je dis des bêtises, je ne m’inquiète pas. Au contraire, je suis très heureux. Je ne m’attendais pas à ce qui vient de me tomber sur la tête. Surtout si vite.
Nous avons parlé, parlé, mais je suis incapable de dire de quoi nous avons parlé. Les mots n’ont aucune importance. Tout est joué.
Le temps d’un repas. C’est extraordinaire. Tiens ! Voilà la pièce montée. Je dis bien : Le temps d’un repas. Je sais que Sarah et moi allons vivre ensemble. Et elle, elle le sait aussi. Il n’est pas question de raisonnement, de réflexion. Non. C’est une espèce de fluide qui passe entre nous, et qui s’impose, que nous subissons sans pouvoir lutter.
Ce qui est certain - mais alors, là, absolument certain - c’est que je ne me remarierai pas avec les chaussures que j’avais ce matin. Pas question. Je vais en acheter d’autres. Et du 41.
C’est quand même extraordinaire, ces révolutions qui s’accomplissent en moi le même jour. Je marie ma fille, je décide de me marier, et désormais, je vais chausser du 41. Avec le bonheur en prime. Formidable, non ?


FIN


 
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   BGDE   
20/12/2007
J'ai adoré.

   dara   
22/12/2007
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Tranche de vie
l'auteur nous emmène dans une unicité de temps et de lieu sans prétention apparente.
Pas d'action.
Pas de message sous-jacent.
On ne se prend pas la tête.c'est chouette. De plus, l'écriture est agréable et fluide.


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