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Humour/Détente
dream : Le crabe ne dort que d'un œil [concours]
 Publié le 12/07/21  -  7 commentaires  -  9064 caractères  -  81 lectures    Autres textes du même auteur

« Rire d'un miroir, c'est rire de tout. »
Matthieu Chedid


Le crabe ne dort que d'un œil [concours]


Ce texte est une participation au concours n°30 : Rire à profusion !

(informations sur ce concours).



Plus j’avance en âge et plus j’ai le sentiment de traverser un champ de mines explosant de tous côtés autour de moi, embarquant dans le néant un nombre de plus en plus conséquent de mes relations, proches ou éloignées. Au point qu’on peut légitimement s’extasier de n’être pas soi-même encore touché (effleuré seulement en ce qui me concerne). Donc, à ceux qui se prennent pour des invincibles, je leur dis de « ne pas rouler des mécaniques » s’ils ont été jusque-là épargnés. Ami lecteur, ça t’arrivera aussi un jour ou l’autre, pauvre grande créature périssable que tu es, ceci dit sans aucune intention de te saper le moral.


Je n’aime pas t’entendre dire que la vie est moche. Elle est ce qu’elle est, parfois très dure et parfois si belle. En fait, la vie est toujours belle. C’est notre condition qui l’est moins. Mais regarde comme c’est merveilleux de pouvoir baigner dans le contentement, voire la béatitude, par exemple en écoutant Mozart (ou un autre), en lisant un bouquin passionnant ou si bien écrit que les larmes te viennent, en regardant un coucher ou un lever de soleil sur la mer ou sur la montagne, en entendant un babil d’enfant, en croisant le regard d’un animal qui t’est attaché, en écoutant le chant modulé d’un oiseau, en respirant le parfum des fleurs et en contemplant toute la gamme de leurs couleurs, variée à l’infini. Alors, pas belle la vie ?


Ma philosophie est que le paradis n’a que le visage qu’on lui fabrique de notre vivant. Surtout lorsque nous parvenons à grappiller des petits moments de bonheur ou de plaisir intense. Depuis que « le crabe » m’a mordu – j’ai été opéré il y a eu de cela huit ans depuis cinq jours – je regarde les fleurs d’un autre œil et j’écoute les oiseaux d’une oreille plus attentive. À présent, je ris de tout et pratique l’autodérision. Aussi, je m’efforce d’aller à l’essentiel et j’essaie de ne plus me pourrir la vie avec des broutilles. Guéri, je pensais réellement l’être puisque le remarquable chirurgien qui était intervenu avait fait un excellent travail. Mais voilà qu’en automne dernier, mon contrôle sanguin annuel a accusé une détérioration provenant d’un petit nodule naissant sur la suture interne qu’il a fallu irradier par trente-cinq séances de rayons. Le résultat a été mitigé et je reste sous surveillance de quatre mois en quatre mois. Pour l’instant « le crabe » sommeille mais je le soupçonne de ne dormir que d’un œil. Lorsqu’il se réveillera – et si je ne suis pas mort d’autre chose avant – il me restera un traitement hormonal comme ultime bouée de sauvetage.


Mais vite ! Changeons de sujet et oublions les sanglots longs des violons et de l’orchestre symphonique compatissant car je t’assure que la vie peut parfois être encore belle. Concernant le tabac, je n’ai fumé que très occasionnellement des cigarettes, préférant les blondes aux brunes de mes débuts. Quant à la pipe je l’ai abandonnée très tôt, uniquement à cause de l’haleine de chacal qu’elle procure à ses pratiquants. Je n’ai jamais éprouvé le besoin de téter un tuyau de bois, d’ébonite, d’écume ou de corne – droit ou recourbé – et je me suis toujours demandé comment les épouses ou les compagnes de ces fumaillons parvenaient à supporter leurs baisers. Mais il me faudrait beaucoup de temps pour t’écrire tant j’ai de choses à te dire à propos de la vie et de ses petits plaisirs. Pour faire court, donc, je ne me limiterai qu’aux « plaisirs de bouche », écartant non sans nostalgie le temps des manifestations érotiques dont j’ai fait preuve en compagnie de certaines personnes. Ce que c’est que la nature humaine ! Surtout quand la chair, comme la mienne, est d’une faiblesse qui rendrait des points à un phtisique en fin de parcours. Mais passons aux choses sérieuses si tu le veux bien ! Figure-toi que je me suis dégringolé à midi un saumon fumé arrosé d’un sauvignon de derrière les fagots, suivi d’un saucisson chaud truffé pistaché pommes vapeur accompagné d’une tendre laitue assaisonnée à l’ail, poussés par un « margaux Marquis de Terme millésimé 2007 ». Et quel nectar ! Délectable comme je ne t’en parle même pas. Je serais au-dessous de la vérité. Ce genre de satisfaction est forcément d’origine divine car sinon, comment expliquer l’immense mansuétude et la compassion infinie qui en résultent ? Et j’ajoute, toute honte bue : « Qu’est-ce que c’est bon nom de Dieu ! »


Et puisque tu t’inquiètes ou feins – mais c’est gentil tout de même – de t’intéresser à ma santé, je te communique mon dernier résultat qui vient de tomber à l’instant même : 1,20 (1,00 il y a quatre mois, 0,6 en juin de l’année dernière). Ce qui fera indubitablement tousser mon distingué chirurgien. La tendance à la hausse se confirme donc et s’installe, ne présageant forcément rien de très jouissif. Selon toute apparence, « le crabe » a terminé son hibernation et entrouvre un œil, prémices probables du retour de son appétit. Question ? Sa gloutonnerie pourra-t-elle être endiguée sous les effets conjugués d’un traitement adapté et d’un moral qui ne m’a pas encore fait défaut jusque-là ? Encore dois-je préciser que la saleté de crustacé qui me squatte semble n’être pas trop du matin et avoir le réveil laborieux, du moins pour l’instant. Je prendrai avis avec mon urologue la semaine prochaine mais il est fort possible qu’il temporise encore avant de me prescrire ce fameux traitement hormonal aux multiples inconvénients, et donc applicable uniquement en cas de réelle nécessité. Bouleversant ! Non ? Sans compter que j’ai très nettement l’impression de me déglinguer un peu de partout, tout en présentant extérieurement une image qui fait dire à mes potes : « T’as l’air en pleine forme ! » Tu parles !


Aussi, mon hédonisme breveté se dépêchant de se réveiller et bien décidé à battre « le crabe » sur ce plan-là, et mon éthylisme amateur nourri hier d’un très appréciable vin cuit lusitanien, me portent aujourd’hui vers une non moins excellente tisane irlandaise de douze ans d’âge – et pourquoi me refuserais-je ce plaisir immense ? – tu admettras que ce faisant, j’assume plutôt courageusement, je pense, ma tragique condition d’homo sapiens (nihil erectus) en voie d’achèvement. Ouf ! Et comme l’épée de la Dame au Clebs suspendue au-dessus de ma hure semble vouloir manifester une fâcheuse tendance à se rapprocher – tant qu’elle ne se décroche pas – j’ai pris simplement conscience que je n’ai plus trop de temps à perdre en digressions et futilités avant d’aller me loger dans le plumier définitif. En bref, de profiter de ces moments de bonheur si mesurés dans cette p..... de vallée que l’on n’a pas baptisée « de larmes » pour rien. Et je m’arrête là pour aller déguster une bonne poignée de noix fraîches. Quel régal que de déshabiller le cerneau de cette peau amère afin de croquer cette chair immaculée et moelleuse en la faisant glisser dans un flot de Haut Roudey… de 2004 – année pourtant réputée moyenne, jugement démenti par mes papilles. Oncques quelqu’un a-t-il jamais connu plaisir plus divin ? « Peu me chaut du reste », comme disaient nos aïeux – qui n’étaient pas forcément plus bêtes que nous – ce qui n’est plus pour moi que billevesées et coquecigrues. Fi donc !


Mais je m’emberlificote dans un écrit alambiqué (amphigourique diront les mauvaises langues). Nonobstant, j’avoue au passage avoir pris un plaisir délectable à transcrire sur le papier toute espèce de considérations qui me sont passées par la tête à propos de ce thème et que j’ai tenu à te faire partager. Au cas où je t’aurais diverti crois bien que ça me va droit au cœur en passant par feu ma prostate. Je te prie donc de m’excuser pour cet intermède asémantique. Je me suis encore laissé emporter par un moment de passionnelle inattention où ma logorrhée m’a une fois de plus entraîné. En attendant, plus dilettante que jamais, je continue à transpirer sur la planche du « rire ». Et comme disait Molière dans ses Fourberies je crois, et en le transposant un peu : qu’allais-je donc faire dans cette galère ? Eh bien ! Je répondrais simplement à cela : « Pour accroître encore notre terrain d’entente qui révèle déjà une fort belle complicité pour des gens qui ignoraient encore tout de leur existence réciproque il n’y a pas cinq minutes. »


Je suis peut-être un exégète déplorable. Quoi qu’il en soit, aux natures frileuses, bilieuses, étroites, embarrassées, constipées, bref ! À tous ceux qui ne partagent pas cette vision des choses… Que leur dire sinon… sinon les plaindre et ce que Rabelais disait lui-même : « Bren* pour eux. » Ce faisant, je ne te bassinerai pas plus longtemps, eu égard à tes tonnes d’occupation. Et pour terminer, je vais de ce pas rejoindre un Parmentier de poisson que j’arroserai – histoire de me finir – d’un bourgogne aligoté d’une fort bonne année. Et : « Viva la muerte ! »


________________________

(*) Merde !


 
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   Myo   
22/6/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Je n'ai pas été convaincue par ce monologue et cet étalage d'un bilan de santé peu rassurant.
L'intention est sans doute louable de rappeler que l'essentiel est de vivre au jour le jour et de profiter des moments de joie qui nous sont offerts avant qu'il ne soit trop tard, mais la façon de traiter le sujet manque d'efficacité.

Ce texte est plus proche du langage parlé que d'un écrit travaillé et le fait de prendre le lecteur à partie appuie ce constat.

Désolée.... mais je vous souhaite le meilleur.

Myo

   Cristale   
28/6/2021
 a aimé ce texte 
Bien
"T’as l’air en pleine forme !". Tu parles !

Forcément, quand le taux de P.S.A augmente plus vite que le plus favorisé du CAC40, il y a pas de quoi se réjouir et les "potes" ne voient rien parce que le "crabe", comme dit poliment le narrateur, est invisible aux yeux du commun des mortels.

"je m'en vais de ce pas rejoindre un parmentier de poisson que j’arroserai -histoire de me finir- d’un Bourgogne aligoté d’une fort bonne année."
Je veux bien "me finir" en partageant ce projet avec vous.

Ah! mais dites-moi : le rire à profusion, il est où ? L'autodérision est plutôt morbide.

Cristale
dépitée

   ANIMAL   
28/6/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↓
La maladie comme une épée de Damocles au-dessus de la tête, l'amertume comme rempart contre la peur. Voilà un texte qui expose les réactions du narrateur à la nouvelle du retour de son cancer. Le tuera ou pas ? Dans le doute, il faut profiter des derniers plaisirs accessibles, en l'occurrence la nourriture.

Le fond est bien vu, les réactions du narrateur attendues, les passages culinaires attrayants, le texte bien écrit. C'est le ton de la nouvelle qui me séduit peu, n'étant pas fan de l'auto-dérision.

   Donaldo75   
12/7/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Je ne suis pas fan de ces textes très centrés sur le monologue intérieur même s’ils s’adressent en apparence au lecteur. Ceci étant dit, il accroche bien le thème cité en exergue, cette citation qui dit qu’on peut rire de tout. Ai-je pour autant aimé ? Pas sûr. La forme est parfois très surannée dans l’expression alors que justement ce n’est pas ce que j’attends d’un monologue intérieur, ce côté limite pompeux où le champ lexical l’emporte sur le sens des phrases, où l’écriture prend le pas sur la réflexion.

Je cite : « Mais je m’emberlificote dans un écrit alambiqué (amphigourique diront les mauvaises langues). Nonobstant, j’avoue au passage avoir pris un plaisir délectable à transcrire sur le papier toute espèce de considérations qui me sont passées par la tête à propos de ce thème et que j’ai tenu à te faire partager. »

C’est exactement mon impression de lecture, parce que je suis de l’autre côté de la page et que je préfère les cieux à l’alambic.

Une autre fois.

   Anonyme   
14/7/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

Vaincre le cancer...

Oui, c'est duraille. Mais Carpe Diem, comme disait Epicure ! Oui, que la maladie n'empèche pas de profiter de la vie, de la bonne chère, des petits plaisirs simples qui restent à portée. Sans oublier pour autant le "combat" contre le "crabe"...

Le monologue reste un style intimiste, cependant. Il met une distance entre le narrateur et le lecteur, celui-ci en est moins touché, se sent moins concerné... dommage, le discours m'avait plu.

   Tiramisu   
18/7/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour,

J'aime bien le titre.
Rire de tout, même du crabe qui ne dort que d'un oeil, c'est l'idée de ce texte et donc du concours. C'est plutôt bien vu dans ce sens. Mais le traitement ne nous permet pas de rire, je trouve, il ne demeure que l'idée. C'est davantage un monologue parfois "emberlificoté" dixit l'auteur lui même.
Au fil du texte, il y a des des points de vue interessants mais qui auraient mérité des développements plus amples, comme "Ma philosophie est que le paradis n’a que le visage qu’on lui fabrique de notre vivant." ou "En fait, la vie est toujours belle. C’est notre condition qui l’est moins. "
Des niveaux différents dans le texte, parfois philosophique, parfois trivial, c'est un monologue comme dans la vie, mais lorsque l'on fait un texte écrit et entre autre une nouvelle, la lectrice que je suis attends une autre construction, une autre narration, car là cela me donne l'effet d'une idée non aboutie.

   plumette   
28/7/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↓
un texte peut-être trop écrit pour la forme utilisée.

j'ai été gênée par le ton d'auto dérision mais suis bien en peine de proposer le ton qui irait bien pour nous faire partager les pensées d'un homme ( prostate oblige) qui fait, dans son corps, l'expérience du risque vital.

Le narrateur s'adresse à lui-même, càd à son double intérieur ? ou s'adresse t-il au lecteur? je penche pour la 2 ème solution.

Sur le fond, le narrateur propose un Carpe Diem dont j'aime bien l'idée, que je serai bien sûr capable de professer pour les autres, mais quid pour moi-même si je devais lutter contre le crabe?

j'ai bien senti l'appétit de vie et l'appétit tout court qui irrigue ce texte, appétit plus que rire, mais le thème est bien là tout de même.


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