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Aventure/Epopée
wancyrs : On ne voit jamais passer le temps [concours]
 Publié le 15/12/17  -  13 commentaires  -  5551 caractères  -  122 lectures    Autres textes du même auteur

C’est lorsqu’on a fait cinq fois la même gare, pris cent fois le même bateau, regardé quinze fois le même film – assis sur les mêmes places dans le même divan –, qu’on se rend compte qu’on a fait le tour de la question...

Dix ans de Robert Charlebois


On ne voit jamais passer le temps [concours]


Ce texte est une participation au concours n°24 : Dix ans !

(informations sur ce concours).



– J’ai envie de toi ! Tu murmures dans mon oreille.


Je souris. Tu ne passes jamais par quatre chemins pour me dévoiler ce que tu désires. Mon sexe s’active dans mon pantalon.


– Maintenant !


Je palis. Nous sommes dans le traversier Québec-Lévis ; il est bondé de monde.


– C’est pas un peu weird ton affaire ? C’est une Joke j’espère !

– Non ! Tu répliques sèchement.


Tes pupilles virent au vert. Ce vert de tes yeux qui m’a charmé. Ce vert indicateur du sérieux de ton propos.

Mon sexe se désactive.


– Mais où… ?

– Certainement pas icitte, mon nono ! Tu me dis, le sourire en coin. Viens !

– Où ?

– À la seule place où on peut fourrer tranquille à bord ! Tu me lances.


Tu te lèves. Je reste assis. Tu te rassois.


– Allez, fais pas ta moumoune ! Tu me dis, impatiente.

– Non, tu me niaises.

– J’ai-tu l’air de niaiser ? Tu répliques, agacée.


Non, évidemment. Nous ne nous connaissons que depuis peu, et chaque jour avec toi dévoile un morceau de ta personne. J’essaie de gagner du temps. Immobile. Muet. Mais le silence n’arrive pas à noyer tes derniers mots. Tu reprends la parole, dans un calme apparent.


– Tu vois le gars en face ? Ça fait un boutte qu’il me watche la poitrine. Si tu ne te bouges pas, lui sera content de me fourrer.

– T’es pas game de faire ça.

– Tu veux faire un guess ? Tu avances d’un ton moqueur.


Et avant que je réponde tu te lèves, te diriges vers l’inconnu. Vous échangez quelques mots, il se lève et te suit. Le sang fait un tour dans mes veines. Je me lève, fonce sur vous.


– Okay okay, tu as gagné !


Tu souris. Le gars plisse les sourcils, confus. Je lui décoche un regard venimeux.


– Criss ton camp de là mon ostie, avant que je t’en sacre une ! Je lui jette à la face.


Tu éclates de rire. Comme une enfant. Un enfant reine.


– Viens ! Tu me dis, me tirant par la main.


Moi, et les siècles de l’homme animal te suivons, sans mots dits. Les toilettes des hommes sentent la pisse ; tu t’en fous un peu. Il y a trois pissoirs et, plus intimes dans un coin, les chiottes. Tu m’y entraînes et barricades derrière nous.


– Qu’est-ce t’as dit à ce gnouf pour qu’il te suive de même ?

– Je lui ai demandé de m’indiquer où se trouve le bar. Il s’est proposé de m’accompagner. C’est gentil non ? Tu dis, mi-figue mi-raisin, en t’activant sur ma braguette.


Le naturel avec lequel tu t’adresses à moi est déconcertant. Je me concentre sur tes doigts qui approchent de leur but.

Des gens entrent et sortent des toilettes. On entend des bruits de liquides qui coulent dans les pissoirs. Quelqu’un touche à la porte derrière laquelle nous nous étreignons. Moment d’arrêt. La poignée bouge frénétiquement. De l’autre côté on s’impatiente.


– C’est bientôt fini là-dedans ?


Je fige. Tu me souffles à l’oreille de faire le son de celui qui sur le bol de toilette pousse. Je pousse. Un râle rauque.


– Hhhmmmmmmgh !


Puis j’en rajoute, à voix distincte.


– Chuis constipé. Ça va être long !


Les pas s’éloignent. Tu lâches le rire qui dans ta gorge s’étouffait. Tu ris comme une enfant. Tes yeux aussi.

Le traversier glisse sur le Saint-Laurent. Et toi, et moi, tanguons dans les bras l’un de l’autre. Les murs mitoyens sont bouées de sauvetage ; nous nous y accrochons à chaque bourrasque jusqu’à l’arrivée de la vague finale. Et dans un baiser fougueux nous stoppons net les cris des sirènes de nos bateaux respectifs qui entrent au port.


Il y a dix ans, nous sommes tombés en amour. On s’est aimés comme on pouvait. Il paraît qu’aimer donne des ailes ; nous avons volé aussi haut que des aigles, aussi vite que des colibris. Tu étais spontanée, bon vivante, joueuse ; le sexe, le vin et la bonne chère, tes priorités. Peu à peu tu m’as initié, et comme toi j’ai aimé le risque : c’est dans le challenge des impossibles apparents qu’on rayonnait. Nous étions créatifs ; toujours à chercher le danger pour nous surpasser, pour nous dévorer un peu plus. On s’était donné le défi de faire l’amour dans les endroits les plus incongrus : une gare bondée de monde, un train, le métro, un musée, un centre commercial, sur un bateau, dans une auto, sur une moto, dans un avion ; et chaque fois dans des conditions extrêmes.

Il y a dix ans nous sommes tombés en amour. On s’est aimés comme on pouvait. Nous étions jeunes. Tu étais belle comme les saisons qui passaient. Comme les aventures qui se succédaient. On nous a dit que l’amour donne des ailes, mais on a omis de nous dire que le temps et la routine déplument les amoureux. On ne voit jamais passer le temps. C’est lorsqu’on a fait cinq fois la même gare, pris cent fois le même bateau, regardé quinze fois le même film – assis sur les mêmes places dans le même divan –, qu’on se rend compte qu’on a fait le tour de la question.

Pour la cent et unième fois en dix ans, depuis qu’on se connaît, nous avons pris le traversier et rien ne s’est passé. Ni les images emprisonnées dans nos souvenirs, ni le Saint-Laurent toujours accueillant, ni la foule – actrice principale du déclenchement de nos folies – n’ont aidé le déclic à se produire. Et lorsque le navire est entré dans le port de Lévis, l’amour avait repris ses ailes pour les coller à de nouvelles épaules naïves.



___________________________________________

Ce texte a été publié avec des mots protégés par PTS.


 
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Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   plumette   
30/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Une manière sympathique de découvrir cette chanson de Charlebois,
un vocabulaire " raccord" avec le Saint Laurent et aussi une manière de nous faire partager la langue des cousins.

Sur le fond, j'ai apprécié l'énergie déployée par l'amoureuse pour arriver à ses fins et j'aime assez cette femme entreprenante qui déjoue les clichés ( mais le texte véhicule tout de même d'autres cliché, ou fantasmes)

je sens tout de même que ce texte me plait aujourd'hui et qu'il pourrait m'agacer demain!

c'st vif et bien écrit.


Plumette

   GillesP   
2/12/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,
J'ai lu la première partie de cette nouvelle avec plaisir et avec le sourire: la scène entre les deux amoureux, avec ses dialogues en québécois, est savoureuse. Je ne connais pas bien le français québécois, mais les expressions me paraissent crédibles. Et j'ai bien aimé la métaphore filée des flots pour narrer les ébats des deux personnages: "le traversier glisse sur le St-Laurent. Et toi, et moi, tanguons dans les bras l’un de l’autre. Les murs mitoyens sont bouées de sauvetage ; nous nous y accrochons à chaque bourrasque jusqu’à l’arrivée de la vague finale. Et dans un baiser fougueux nous stoppons net les cris des sirènes de nos bateaux respectifs qui entrent au port." Il y a dans cette première partie une légèreté très agréable.

En revanche, j'ai été moins convaincu par la deuxième partie: elle m'a semblé très convenue: oui, on le sait tous, le passage du temps remplace bien souvent les ébats fougueux par une vie plus routinière.

Par ailleurs, le thème du concours n'est pas tout à fait respecté selon moi, la chanson de Charlebois ne jouant aucun rôle narratif. Oui, l'action se passe au Québec; oui, ce que vivent les personnages ressemble à ce que chante Charlebois. Mais cela ne suffit pas, à mon avis, pour lier le texte et la chanson: en effet, imaginons que le lecteur n'ait pas le lien dans le paratexte; penserait-il alors à cette chanson? Rien n'est moins sûr. En tout cas, personnellement, je n'y aurais pas pensé.

Le style, enfin: globalement, il m'a convaincu. Mais j'y ai vu néanmoins un problème de logique: la narration est assurée par l'un des deux personnages, qui est québécois, au vu de sa façon de parler. Mais cette narration est très sage, très "France métropolitaine", à part la mention du "traversier" et l'expression "tomber en amour". On n'y retrouve pas la faconde et les images qui font le charme du français québécois. Pourquoi ne pas avoir pris le risque de faire cette narration en Québécois? Par peur que le lecteur soit perdu? Je pense qu'il ne l'aurait pas été. En effet, autant, à l'oral, l'accent québécois peut gêner la compréhension d'un interlocuteur français, autant, à l'écrit, les expressions québécoises passent très bien. Cela aurait donné un charme supplémentaire à votre texte.

Mais malgré ces réserves, je trouve cette nouvelle plutôt réussie.

Au plaisir de vous relire.
GillesP.

   SQUEEN   
2/12/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
L'écriture rend la lecture de ce texte très agréable, sans en faire trop c'est pourtant cet accent retranscrit qui donne la couleur à cette nouvelle. L'originalité ne s'y cantonne pas et l'histoire est réussie: sympathique, pétillante, pasionnante comme le début d'une relation amoureuse. La chute est plus triste quoique réaliste, cette passion entretenue n'a malgré tout pas résisté au temps qui passe. Pas de morale et c'est tant mieux. Merci. SQUEEN

   Tadiou   
2/12/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
(Lu et commenté en EL)

Ce texte a effectivement un lien fort avec la chanson de Charlebois.

Je me demande quel est l’intérêt de la première scène, crue, du début.

Le style ne m’apparaît ni charmant, ni poétique, ni évocateur : désolé de ne pas avoir accroché. Sauf à la petite et agréable musique exotique apportée par les mots et expressions québecquois.

L’ensemble transporte une nostalgie banale et dite banalement, à mon sens.

« Texte publié avec des mots PTS » : ?????

En tout état de cause, merci pour cette lecture et à vous relire.

Tadiou

   vb   
6/12/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

La première partie du texte est amusante mais pour moi très difficile à lire car il y a beaucoup de mots que je ne comprends pas. L'ambiance est cependant bien rendue. Cette aventure érotique manque à mon goût de profondeur. L'auteur tente de lui procurer cette profondeur par une réflexion en fin de texte qui ne colle pas vraiment au reste.

Il est pour moi bien clair que ce texte illustre la chanson de Charlebois. La question est de savoir s'il l'illustre bien. J'ai trouvé que les trois derniers paragraphes ont le ton approprié, nostalgique de cette réflexion sur l'amour qui passe avec le temps. Ces paragraphes m'ont cependant parus détachés du restant du texte, comme accolés. Ils ne sont d'ailleurs pas écrits dans cette langue truculente que l'on trouve au début.

   Bidis   
16/12/2017
 a aimé ce texte 
Pas
- "Mon sexe s’active dans mon pantalon." : Je n'ai rien contre des allusions de cet ordre du moment qu'elle sont écrites avec finesse. Or, je trouve cette phrase-ci particulièrement plate et elle ne me donne aucune envie d'aller plus loin. Je persévère uniquement parce qu'il s'agit d'un texte de concours.
– "C’est pas un peu weird ton affaire ? C’est une Joke j’espère !" : "joke", je comprends. Mais "weird" !!???
- "Mon sexe se désactive." : niveau style, ça n'a pas l'air de s'améliorer.
Heureusement, la nouvelle ne s'éternise pas, si on peut appeler ce texte une nouvelle. Pour moi, il ne s'est rien passé si ce n'est un échange de propos n'offrant guère d'intérêt ni du point de vue du fond et encore moins du point de vue du style.
Désolée. Peut-être suis-je trop âgée pour apprécier ce texte à sa juste valeur.

   Anonyme   
16/12/2017
 a aimé ce texte 
Bien
On surfe sur une histoire déboutonnée et une écriture du quartier.

   Donaldo75   
17/12/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Je découvre cette chanson de Robert Charlebois dont les vers cités ici sont très profonds à mon goût.

J'avoue que le dialogue m'a désarçonné au début, à cause du langage et de la forme employée mais finalement je me suis retrouvé en spectateur d'une relation assez simple. La situation fonctionne, ne sent pas l'artifice ou le plaqué toc.

La fin est très bien écrite. Elle relève l'ensemble.

Merci pour le partage.

Donald

   hersen   
19/12/2017
 a aimé ce texte 
Bien
j'ai-tu ben aimé cette nouvelle weird ? eh ben oui et je dois dire que c'est en partie grâce à tout ce qu'il peut y avoir de québecois dedans.
Parce que je suis fan de français, j'en aime toutes les facettes, les composantes; Et même que j'adore regarder des films québecois...où je ne comprends pas toujours tout.
Pour ma part, tant qu'à être sur le Saint-Laurent, les québecismes auraient sans doute pu être présents dans tout le texte, pas seulement les dialogues, un peu comme il y a déjà "traversier".
Et j'aimerais que la francophonie s'invite plus souvent sur oniris.

l'histoire en elle-même ne dit rien de bien nouveau, dix ans sont effectivement capables d'un travail de sape dont on jure que ce ne sera pas notre piège à nous...et pourtant !

Un grand merci pour ce p'tit air du Québec !

hersen

   Jean-Claude   
26/12/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,
Je ne suis pas au fait des canadianismes. Il y a donc forcément des trucs qui m'ont échappé. De plus, je ne peux pas vérifier la pertinence des usages ni les absences criantes.
Tout ça sonne bien pour une historiette un peu rigolote.
Bonne chance

   toc-art   
27/12/2017
Bonjour,

J'ai bien aimé la première partie du texte qui retranscrit bien l'importance presque obsessionnelle de la sexualité dans les premiers temps d'une rencontre, le parler québécois apportant une fraîcheur qui évite l'écueil de la vulgarité. J'aime moins l'image du sexe qui s'active dans le pantalon que je trouve plutôt risible mais c'est un détail.

La seconde partie qui se veut plus nostalgique et littéraire me semble paradoxalement moins réussie parce que trop banale. Je suis surpris du changement de registre de langue. Est ce dû au fait qu'on n'est plus dans un dialogue.

Le narrateur m'apparaît un brin naïf en découvrant l'érosion du désir provoquée par le passage du temps mais en même temps c'est assez fidèle au sentiment d'invincibilité qu'on éprouve dans ces moments là, où l'on entend rien de ce qu'on pourrait nous dire. Et c'est sans doute aussi bien comme ça !

Bravo pour avoir participé au concours !

   Anonyme   
29/12/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

C'est chouette de lire du québécois comme si on y était. Sans doute difficile à faire aussi. Donc j'admire déjà pour cela.
Ensuite Charlebois que j'adore, deuxième bon point.
L'histoire, si elle n'est pas originale, a au moins le mérite d'être drôle et décalée. Ces amants qui ne vivent que pour leurs petites stratégies excitantes, c'est un rien touchant, en dehors du mouvement ennuyeux, et morbide, de notre civilisation. Dommage que la lassitude les ait rejoint.
J'ai apprécié votre nouvelle et je vous souhaite une bonne chance pour le concours.
" Chu tombé en amour de votre histouaire", excusez mon québécois approximatif.

   Vilmon   
3/8/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour, J'aime beaucoup. Le dialogue québécois est authentique et naturel, vivant et bien rythmé. Un début à la manière de "J't'aime comme un fou" de R Charlebois, un amant passionné et qui aujourd'hui vie dans la nostalgie des beaux moments fauves du passé. Un brin d'humour charmant. Merci !


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