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Sentimental/Romanesque
costic : Une vie imparfaite
 Publié le 08/07/10  -  15 commentaires  -  3227 caractères  -  205 lectures    Autres textes du même auteur

Un moment de transition, vers une autre vie, imparfaite.


Une vie imparfaite


Je fais la vaisselle et par la fenêtre, je regarde les ombres noircir.

Tout est fade mais tranché.

Les fenêtres d’aplomb, les rues désertes, l’air tiède, le mur abrupt. Les nuages titubent. Les lignes des montagnes sectionnent l’espace, un reste de neige se fixe, têtu, malgré l’été qui approche.

Puis, plus tard, dans mon lit, un espoir se dessine. Des vestiges d’une autre vie se pressent, chaleureux. Des plafonds lointains réapparaissent. Des mélanges insolites gouttent sous mes paupières fermées : des vertiges d’enfances, assortiments de bonheurs intacts, émergent. Sous le cerisier qui neige, allongées dans l’odeur des fleurs blanches, légères, nous parlons.

Puis tu ouvres un flacon minuscule et tu caresses mes ongles d’un rouge lumineux. Et nous rions ensemble, d’un rire fou, déchaîné, qui se dilue dans l’air bleu du printemps.


Un cri silencieux me réveille.

Je suis à ma place, je respire.

La tienne, toujours plus creuse, devient lointaine. J’ai oublié comment franchir la frontière. Tu marmonnes en ronronnant dans un jargon étrange. Dans dix secondes tu murmureras une sentence inaudible. Tu te retourneras. Tu poseras ta main sur ma hanche. Je ne bougerai pas. J’ai oublié les bavardages, mon corps ne trouve plus ses mots. Je ne fais que me répéter, et toi aussi, tu répètes tes silences.


Je me tue tous les jours consciencieusement avec des rites, des patiences infinies, des phrases que j’ai du mal à reconnaître.

On feuillette des jours que l’on prendrait les uns pour les autres.

Quand hâtivement vivants nous croisons nos doubles inconnus dans un miroir, bizarrement, nous oublions qui nous sommes. De plus en plus souvent, je produis un reflet inconnu de moi.

Devant moi il n’y a plus que ton sillage.

Le matin arrive. J’ouvre les volets. Le vent apporte le parfum des glycines. Tu m’attends dans la salle de bain. Quand je viens te chercher, tu crois que je m’adresse à un autre. La lumière dessine des ombres nettes dans la pièce. Tout est paisible. Nous nous asseyons ensemble sur le vieux canapé. J’ai soudain envie de coller ma peau contre l’écorce d’un arbre.


Plus tard, dans l’église, je me noie dans la lumière froide d’un vitrail. St Sébastien agonise, le corps criblé de flèches et de rayons bleus obliques. Quelques silhouettes immobiles, penchées sur des bancs de bois, se laissent pétrifier par le son de l’orgue froid comme les pierres des longues colonnes grises.

Nous aurions voulu échapper au rituel qui allait égrener notre journée, échapper aux prières, fuir la musique qu’elle avait choisie, nous évader loin de la réalité qui à partir d’aujourd’hui allait mutiler le bonheur.

Maintenant, je refuse de laisser mon regard s’arrêter sur la forme d’un corps de bois aux contours géométriques. Je compte les ouvertures qui laissent passer une faible lumière. Douze. Puis je compte les orifices sur le mur, les cratères, les brèches.

Quand nous sortons, la vie tente de nous rattraper : une mère refait les lacets de son enfant, un ouvrier manipule avec précaution une bobine de fil électrique qui ressemble à un rouleau de réglisse. Le quartier s’anime d’une vie imparfaite, que son image cloue, immobilise dans un présent singulier, presque absent, vide.


 
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   florilange   
26/6/2010
 a aimé ce texte 
Un peu
Voici un joli style, des phrases souvent agréables à lire.
Mais une histoire que je ne suis pas certaine d'avoir comprise : c'est la vie qu'on doit reprendre après un deuil, il me semble?

   jaimme   
29/6/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une nouvelle si riche qu'on en oublie qu'elle est courte. Comme la vie.
Des mots simples pour exprimer une douleur si complexe. Une très belle réussite pour moi.
Beaucoup de poésie au service du vrai.
Merci. Vraiment.

   Anonyme   
29/6/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Plus qu'une vie imparfaite, cela me semble une vie triste et sombre, sans espoir :"je me tue tous les jours ..."
Vie de couple triste qui semble s'achever. Un couple en hiver malgré une odeur de glycine qui semble presque incongrue dans le contexte.
Texte bien écrit mais difficile d'accéder aux personnages et de pénétrer donc pour le lecteur cette vision du monde assez morne.

   Anonyme   
5/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Pourquoi cette tristesse, cette mélancolie ? Je la trouve jolie cette vie imparfaite. Bien décrite, par petites touches.
Les images évoquées naissent naturellement. Sans heurt. Oui, c'est vraiment joli.

J'ai particulièrement aimé "mon corps ne trouve plus ses mots".

Non, pas vide. Pas d'absence. Tout est là, il suffit de regarder.

Presque un poème.

Merci.

   Perle-Hingaud   
8/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J’ai beaucoup aimé cette courte nouvelle, très poétique. Les expressions, la douceur, les non-dits… Un instant suspendu, ouvert sur la sensibilité, l’imaginaire du lecteur.
Des phrases qui résonnent : « je me tue tous les jours consciencieusement avec des rites, des patiences infinies, des phrases que j’ai du mal à reconnaître ».
D’autres qui me semblent un peu plus usées, déjà trop souvent lues : « et nous rions ensemble, d’un rire fou, déchaîné »… mais elles sont rares.
Oui, la vie tente de nous rattraper.
Merci pour ce très beau texte.

   Myriam   
8/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai lu, et relu... Bercée par ces mots simples mystérieusement reliés, quasi hypnotiques.
J'ai cherché un sens précis, une explication, ai pensé l'avoir trouvé, et puis me suis rendue compte que ce flou même était le charme (au sens fort) de cette courte nouvelle poétique.
Au lecteur de remplir les creux avec sa propre vie imparfaite.
C'est là la réussite de ce très beau texte.
Merci de cette lecture.

   Anonyme   
8/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un beau récit, pudique et grave, sur le deuil et l'absence. J'ai beaucoup aimé. Bravo.

   doianM   
8/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Triste et sombre sujet. Et, sans doute, souvent rencontré dans le quotidien.
Sombre...mais avec quel talent l'auteur utilise les nuances de gris les plus fines.
Même vers la fin où on espère une pointe d'optimisme "la vie tente de nous rattraper", le mot "tente" grise le blanc de l'espoir, souligne l'échec.

Et simple, oui, mais quel travail pour écrire simple et quelle élégance pour cacher son labeur.
Tout en étant riche, sans rubans et confetti.

   widjet   
8/7/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
J’aime bien l’intention, le sujet, la retenue, la pudeur qui se cache derrière ce drame familiale. Ce sont des sujets qui sont toujours difficile à écrire et le piège de tomber dans le pathos et l’apitoiement est redoutable. Fort heureusement, COSTIC ne tombe pas dans ces « trappes lacrymale ». Merci pour ça.
J’aime bien aussi cette sensation de flottement qui gagne le personnage (la mère ?), quelque chose qui s’apparente à « un état second » où la réalité abîmé par la douleur a perdu de sa matérialité. Lorsqu’on est frappé de plein fouet par le malheur nos réactions ne sont plus cohérentes, deviennent absurdes irrationnelles (c’est ce qui m’inspire le passage où le personnage se met à compter les brèches, c’est plutôt bien vu).

En revanche, je suis moins convaincu sur la forme, le choix des mots, les constructions des phrases. Si certaines formulent séduisent la rétine (« les nuages titubent », « Devant moi, il n’y a plus que ton sillage »…), d’autres en revanche écorchent l’oreille par leur lourdeur et leur redondance (« tu marmonnes en ronronnant » - deux verbes à la suite qui ne se marient pas bien, même chose avec « son image cloue, immobilise dans un présent etc…», qui rend la phrase pesante, aussi le « je produis un reflet inconnu pour moi » qui est assez laid, « hâtivement vivants », pas terrible non plus (suivi d’un autre adverbe « bizarrement » qui alourdit davantage) et enfin le « tout est fade mais tranché» me parait peu clair. une petite faute de goût ("je me tue..." est trop violent compte tenu de cette déclaration plutôt intériorisée, très neutre, sans colère, sans rage....). Enfin, les ellipses sont un peu brutales et surprennent un peu.

Globalement, c’est un texte qui mériterait d’être retravaillé car le fond est bon et l’essentiel (le ton) est sauvegardé. La note est sévère, mais c'est justement cette forme qui m'a empêché de ressentir de l'empathie pour ce couple face à sa tragédie.

Voilà.

Merci

PS : l’auteur est visiblement très fâché avec les virgules….

   Anonyme   
9/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Dès les premières mots le ton est donné. On est pris par l'émotion, renforcée par la concision des phrases : écriture au scalpel, très précise et d'une grande poèsie. Comment dire l'indicible : la vie s'en va inexorablement et le monde continue de tourner.

   Selenim   
15/7/2010
 a aimé ce texte 
Un peu
Un texte très abstrait (trop ?) qui aurait gagné à être publié en poésie.

Ma plus grande gêne vient de ces phrases terriblement courtes. Elles ne me laisse pas le temps de m'infuser dans une ambiance, de cerner une image ou une idée. C'est d'autant plus dommage que l'écriture est soignée et que l'auteur s'autorise de bien belles phrases par moment.

Sur le fond, le thème est traité trop abruptement. Les passages sont trop cloisonnés pour tisser un lien solide entre eux. Il y a suffisamment de pudeur pour rester dans une douleur contenue mais trop d'économie de moyen pour transporter le lecteur.

Selenim

   blanchette   
29/7/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une "nouvelle", comme quelqu'un l'a dit avant moi d'ailleurs, que je classerais plutôt dans la catégorie "poésie", de par sa forme (texte très court, retours fréquents à la ligne, phrases courtes, recherche de musicalité grâce aux assonances et aux allitérations ) et son fond (pur impressionnisme, le lecteur n'est pas invité à comprendre mais à ressentir).

Il y a des phrases vraiment équilibrées et très émouvantes : "On feuillette des jours que l’on prendrait les uns pour les autres" et "Devant moi il n' ya plus que ton sillage".

D'autres passages sont plus maladroits : "Quand hâtivement vivants nous croisons nos doubles inconnus dans un miroir, bizarrement, nous oublions qui nous sommes. De plus en plus souvent, je produis un reflet inconnu de moi" par exemple, avec cette répététion de "inconnu" qui n'est pas très jolie.

Cela étant j'ai passé un très bon moment de lecture. Merci

   Yaya   
28/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Je me suis laissée embarquer par la poésie de vos mots, la force des émotions exprimées et la richesse des images utilisées... J'ai adoré entre autres "Je ne fais que me répéter, et toi aussi, tu répètes tes silences." ou encore "On feuillette des jours que l’on prendrait les uns pour les autres."
Le choix de chaque mot, la tournure de chaque phrase, tout participe à faire baigner le lecteur (au moins moi) dans une ambiance particulière.
Merci pour cette lecture.

   Anonyme   
29/7/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une succession sans transitions de scènes à l'atmosphère pesante, et une gravité qui s'amplifie.
J'ai eu du mal à comprendre à qui s'adressaient ces deux tutoiements distincts, vers le début du texte.
Ensuite, j'ai cru à un dépit et à une lassitude d'une femme qui aurait - j'ose dire banalement - l'impression d'avoir raté sa vie, de s'ennuyer. Lassitude d'une vie de couple, dont la surprise, l'étonnement sont désormais bannies, et que la monotonie use.
Puis, l'introduction de l'église dans la narration mène à la compréhension finale, en accéléré.

Quelques remarques :

"Les fenêtres d’aplomb, les rues désertes, l’air tiède, le mur abrupt. " : cette seule phrase installe l'ambiance, lourde : on n'y trouve aucun verbe ; un verbe, c'est le mouvement, c'est la vie. L'absence de verbe fige le décor.

Dommage pour la répétition de "vestiges", au début du texte, qui m'ennuie.

J'aime cette réflexion anecdotique de la narratrice qui compare (comme le ferait un enfant) un rouleau de bobine à un rouleau de réglisse.
Et j'aime aussi, dans la conclusion, la présence en demi-teinte du verbe animer...

   Flupke   
12/11/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Costic,

Quelques pinaillages flupkéens:
Je me tue tous les jours... On feuillette des jours - Le mot « jours » est répété à un intervalle trop court. On frise le télescopage. Sur la feuille blanche comme sur l’autoroute : « Un trait : danger. Deux traits : sécurité » :-) . Le genre de crime stylistique que je commets parfois mais que j’élimine grâce au logiciel « Antidote ».
Quand hâtivement vivants – pas trop fan de ce « hâtivement »
Bien aimé, « tu répètes tes silences ». et « une bobine de fil électrique qui ressemble à un rouleau de réglisse »
J’ai beaucoup aimé ce texte.
Superbe évocation, frisant la poésie, bien qu’il s’agisse ici d’une nouvelle.
On se laisse un peu happer par les mots, on se sent léger, légèrement transporté.
Un agréable moment de flottement. Merci.

Amicalement,

Flupke


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