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Cucko : Alors qu'on croit que je ne fais rien
 Publié le 24/08/12  -  10 commentaires  -  35864 caractères  -  251 lectures    Autres textes du même auteur

De l'art de se tromper soi-même.


Alors qu'on croit que je ne fais rien


En amour je mens, en amitié, je prétends. Je trompe tout le monde, et bien que je n'aie jamais pensé une seule de mes paroles en société, c'est avec moi-même qu'il me faut le plus ruser. Car ce n'est plus par la seule force de mon imagination que je peux rendre mon interlocuteur crédule : c’est à l'art de la guerre que je dois m'en remettre pour me tromper moi-même. C'est un combat permanent, le temps que j'y consacre est sous-estimé, et même mal interprété, puisque l'on croit que je ne fais rien alors que je me bats.


Il est faux que l'on ne trompe pas mille fois la même personne, c'est simplement plus difficile, mais ne jouons pas les faux modestes, nous y arrivons très bien. Et à ceux qui ont le sentiment d'avoir une plus belle âme que la mienne, je voudrais adresser de sincères félicitations car ils ont poussé si loin l'art de se tromper soi-même qu'ils en sont devenus aveugles. Mais ne soyons pas amers à leur endroit et continuons à travailler, nous pour qui chaque échec, chaque faiblesse doit être déguisée devant notre conscience.

Nous devons habiller tout ce que nous savons de nous. Choisir l'habit qui convient le mieux à ce que nous n'acceptons pas, ce à quoi nous refusons de correspondre, pour travestir sa nature et tout réinventer. Peu à peu, avec l'expérience, nous nous constituons une véritable garde-robe. Des déguisements que nous enfilons, qui sont autant de schèmes préfabriqués, interchangeables et superposables, qui nous aident à appréhender le réel.

Chez moi, tout est jeux de conscience, et déguisement devant elle. Tout est réinvention et reconstruction, de l'acte sacré au plus geste le plus banal. Ce qui peut sembler pur et désintéressé de l'extérieur, je lui ai systématiquement trouvé une utilité. Je n'exécute rien automatiquement, tout est écrit dans ma feuille de route du moment.

C'est une science grâce à laquelle j'ai toujours pu trouver des solutions. Car à défaut de faire correspondre la réalité à mon être, je modifie mon être pour mieux accepter la réalité.

J'ai en revanche peu de goût pour les explications que l'on va chercher derrière soi, les excuses à nos faiblesses, car il n'y a pas ce même dynamisme dans la façon de se mentir. On s'érige en simple loi de l'univers et on appréhende tout ce qu'il nous arrive comme la conséquence d'un fait antérieur ou extérieur à soi.


Mais le menteur actif que je suis mène une existence difficile, car il doit réinventer sans arrêt son propre système de valeur pour correspondre à la réalité et ne jamais se sentir coincé. Il doit oublier ses illusions, ne pas tenir ses promesses, quitter des gens, et trouver le changement de façon parfois cruelle. Il sait au fond de lui que rien n'est tout à fait vrai et que l'homme ne saurait jamais être saisi dans sa totalité. Alors, fort de cette certitude qu'il a au fond de lui, la seule, il refabriquera sa vie un million de fois, sans le savoir, ou en fermant les yeux partiellement comme c'est mon cas. Car si l'homme ne peut jamais être défini, alors l'illusion que je crée de moi n'est pas moins fausse que l'image qui passe pour être mienne.


Aujourd'hui, j'écris.


L'un des déguisements que j'aime le plus enfiler est celui de l'écrivain. L'acte d'écrire, que l'on pourrait juger tantôt pur et anodin, ne l'est plus quand il se fait sous ma plume. Il participe, lorsque j'en éprouve le besoin, à me faire correspondre à une certaine représentation que je me fais de moi-même. C'est une image à laquelle j'ai besoin de me raccrocher quand je suis mis en échec autre part.

En écrivant, j'essaye de me persuader que ma sensibilité et mon avenir se situent dans un autre domaine que celui que je cherche à fuir. Chaque mot que je pose est un mouvement, non pas une avancée vers la littérature, comme je le croyais naïvement au début, mais une fuite pour me sortir de ma situation d'échec.

Ainsi, le sujet de mes écrits importe peu, je n'écris pas pour dire quelque chose en particulier, mais pour dire que j'écris. Des petits textes font l'affaire, je ne vais jamais plus loin. J'enfile le costume de l'écrivain qui doit me persuader que mon échec scolaire n'a rien d'alarmant. C'est une illusion commode. Une tromperie facile à réaliser. Je ne crois pas du tout en ce que je fais au fond, c'est un jeu de dupe avec ma conscience.


Mais en me relisant, j'ai la sensation de m'être bien amusé, d'y avoir cru, ce qui n'est pas rien puisqu'il est déjà une heure du matin et que je n'ai plus qu'à aller me coucher sans avoir encore à m'occuper. Je pense que l'objectif a été atteint, je me sens bien désormais.


L'écriture a atteint son objectif.


Demain, je passerai une journée agréable, fort de cette production. J'aurai cette preuve tangible de ma capacité à produire et à me transformer en quelqu'un d'autre. Alors je pourrai me vautrer dans les occupations les plus crétines. Face à ma conscience, je brandirai ce petit texte comme un bouclier.

J'aurai obtenu cette autorisation de ne plus songer à mon avenir pour quelque temps. Et une fois ma conscience mise en sourdine, je ferai ce que sais faire de mieux, c'est-à-dire rien. J'aurai la paix jusqu'au prochain assaut que l'on me livrera.

Il y a une fête prévue demain soir, j'y débarquerai avec mes lunettes de soleil volées. Je vais faire forte impression, c'est sûr. On sentira que je ne suis pas n'importe qui, que j'écris dans la vie. Toute cette énergie en moi ne passera pas inaperçue. Et puis j'aurai la légitimité de faire n'importe quoi, de laisser parler ma chair et puis mes fantasmes, bref tout ce qu'un écrivain en confiance peut faire. Je serai le roi de la fête, débarrassé de ma conscience rabat-joie.

Mais je sais qu'elle reviendra.

Je serai alors probablement étalé sur un canapé moisi quand ça arrivera, au milieu d'un champ de Kronenbourg et de gens mal choisis. Tout à coup, sans raison, j'entendrai les trois petits coups contre la paroi de mon crâne annonçant la charge que je connais bien, et je saurai alors qu'il faut repartir au combat et me trouver un nouvel habit. Tout se décrochera, je sentirai ma conscience retrouver sa vigueur et reprendre le contrôle sur moi, j'ouvrirai douloureusement les yeux. Alors je me sentirai mal, spectateur d'une mauvaise pièce de théâtre, incapable de retourner m'amuser sur scène avec les autres.


À cette soirée, sur un canapé


À côté de moi je vois ce garçon pathétique qui ne saurait probablement même pas dire depuis combien de temps il est assis sur ce tabouret, le regard fixé sur le mur de cette chambre où un projecteur bon marché fait cavaler des petits papillons jaunes. De façon verticale d'abord, en rang comme des soldats, puis brutalement à l'horizontale pour finalement disparaître par la fenêtre. Il connaît les trajectoires par cœur j'en suis persuadé. Il aimerait bien qu'on vienne rapidement l'interrompre dans son activité car il commence à avoir mal au cou, mais il n'arrêtera pas de lui-même, ou tout cela aura été inutile.

Dans n'importe quelle autre situation, on pourrait croire qu'il cherche du repos. Mais ici, à cette soirée étudiante, tous les cerveaux sont concentrés, et le sien plus que jamais, malgré cet air évasif qu'il a voulu se donner en observant les papillons. Il a le regard en direction de la piste de danse, mais un peu au-dessus, juste assez pour qu'on voie qu'il ne la regarde pas. Quant à lui, il voit juste assez pour attraper au vol le premier appel au regard qui passera. Son expression est volontairement détachée, pour qu'on se sente le besoin de le rediriger vers l'épicentre de la soirée, mais pas absente, car cela rebuterait et on l'ignorerait.

Au milieu de la pièce, les yeux dansent à toute allure, le plus vite possible, et ne se fixent que dans le regard d'un autre l'espace d'un instant, pour y trouver l'assurance d'être regardé et d'exister. Alors les zygomatiques se crispent, les jambes accélèrent la cadence, les bras s'agitent maladroitement. Ce sont les yeux qui dispensent la vie.

Plus loin, des corps se meurent de ne pas être regardés, ils hurlent au secours depuis les recoins, au bar, en train de fumer, résignés sur des chaises éparpillées. Alors parfois, une âme généreuse et gorgée de vitalité daignera se pencher sur l'un d'entre eux et créer l'étincelle suffisante pour le ramener dans le feu de la danse. C'est un acte de charité pour qui dispense, mais un moment d'éternité pour qui reçoit. Tous connaissent la hiérarchie des regards et le jeune homme aux papillons prise celui d'une fille en particulier.

Il sait que la piste de danse a besoin d'être alimentée, et que les seigneurs qui y trônent aiment à changer de cour. Bientôt on viendra le réquisitionner, le prendre par la main en lui disant n'importe quelle banalité, il devra alors se montrer à la hauteur de l'honneur accordé. Il regarde l'heure. Il est assez tard pour que l'alcool serve de pare-feu à quelques maladresses et surtout, à quelques effronteries. Si les choses tournent mal, au réveil, il suffira de souffrir d'amnésie.


Il y a plusieurs sortes de théâtres et je n'en aime aucun. Je voudrais bien ne point les fréquenter et m'en tenir à l'écart. Mais où que je sois, je reste spectateur malgré moi.


Le matin, tout est à refaire


Le spectacle est insupportable, la promiscuité avec ces acteurs me dégoûte. Le soleil se lève sur cette triste fête, il est l'heure de changer d'air. Je sors, le temps est brumeux comme tous les lendemains de beuverie et je me prends la rosée en pleine face. C'est une sensation agréable, je me purifie sous la fraîcheur de la cascade.

Je ne me sens plus écrivain, je ne me sens plus rien. J'ai l'amertume de celui qui n'a pas réussi à s'amuser alors qu'il aurait dû, et qui se sent du fait coupable. La conscience reprend ses droits sur la chair.


En marchant dans les allées j'aperçois une équipe d'ouvriers qui réparent une canalisation. Cette vision du labeur matinal éveille en moi une série de questionnements qui sont autant d'attaques de ma conscience contre ma fragilité du moment. Il faut que je me trouve un nouvel habit, une nouvelle identité. Je saisis l'opportunité du spectacle qui se donne devant moi pour me projeter et me renforcer à nouveau. Je suis un voleur d'âme.

Je viens de trouver ma nouvelle vocation, mais pour que ce nouvel élan me semble sincère et désintéressé, il faut que je le déguise. Il faut que mon attirance pour leur travail soit recouverte du linge de la modestie et de la nostalgie. Ainsi j'injecte dans mon cerveau une tonne de souvenirs et de faux désirs enfouis pour que toute cette mascarade me paraisse fondée et véritable. Pour que j'y croie, il faut que j'y aille petit à petit et que le projet purement opportuniste de redéfinition momentanée ne me soit pas révélé. Ainsi commence mon approche de la chose, je la rends la plus naturelle possible.

Je m'assois à même le sol, tel un repenti, et je commence doucement à créer le lien qui doit me permettre in fine de prendre le déguisement du prolétaire et de sauver ma conscience, en donnant un semblant de matière à ma vie. Inconsciemment je commence le travail.


Comment ont-ils pu se lever si tôt ? Je me prends à les admirer, aucune trace de fatigue ni de mauvaise humeur. Ils sont toujours là, on n'en voit jamais s'enfuir en courant avec leur marteau-piqueur. J'ai l'estomac en vrac. Je peux sentir l'odeur du café chaud qu'ils ont dans le ventre. J'imagine qu'ils prennent le petit déjeuner selon des habitudes bien réglées, à la même heure tous les jours. Je ne sais plus à quelle heure je mange. Je pense aux petits pains grillés ; avant j'avais une marque de biscotte préférée.


J'essaye de deviner leurs rituels. Je pense au réveil qui sonne, aux cinq minutes de sursis que l'on s'octroie. Je crois que tout cela me manque. Je pense aux obligations, aux sonneries de mon ancien lycée, aux heures de repas, aux permissions de dix heures, aux cours que l'on ne pouvait manquer. Je crois que je rêve d'obligations.

L'un d'entre eux regarde sa montre. Peut-être est-il agréablement surpris, ce matin est moins long que les autres. Dans deux heures on commencera à spéculer sur ce qu'on va manger à midi. Pourquoi tout est si confus dans mes journées ? Est-ce que j'ai seulement un réveil ? Je vérifie sur mon portable.

Quand je me lève, j'atterris sur ma journée comme un avion bourré, n'importe où, en retard, la tête en bas.

J'ai envie d'habitudes, de monotonie.

Au fond est-ce une si mauvaise vie que de trimer quelques heures par jour ? Ça ne doit pas faire de mal un peu de modestie, surtout à moi, oh comme j'aimerais être plus humble ! Me sembler plus vrai, plus réel.

J'ai envie qu'il m'emmène chez eux, je veux sentir l'odeur de la table en formica et du café au lait.


Est-ce que j'en serais capable, de trimer un peu ? Oh comme j'aimerais en être capable. Ça me ferait du bien, un peu de modestie, c'est tellement plus simple que d'écrire des bouquins.

Je me sens sale. Comme on doit se sentir bien quand on a travaillé.

Peut-être que je pourrais travailler dans les vignes, ils embauchent pas mal là-bas. Oui, c'est ce que je vais faire. Et puis j'aurai un chez moi avec des habitudes et des odeurs. Pas des apparts où je passe sans rien emporter. Je veux connaître à nouveau la couleur du plafond avant de m'endormir, le fixer un quart d'heure avant de sombrer, sentir sa présence bienveillante.

Oui c'est ce que je veux faire, ce n'est pas si compliqué. Je vais y réfléchir aujourd'hui. C'est une bonne journée finalement, je vais passer à la boulangerie sentir l'odeur du pain.

Mais d'abord je dois trouver des toilettes pour finir d'oublier cette affreuse soirée.

Et puis ce soir, j'annoncerai la nouvelle à ma petite amie, elle sera heureuse de ce que je suis devenu. Ce soir nous irons dans notre bistrot préféré.


Le soir.


Nous étions assis à cette table mais ça aurait pu être ailleurs. J'étais avec toi mais tu étais n'importe qui. Je trempais mes lèvres dans du vin mais ça ne comptait pas.

J'étais humble et modeste, j'étais bien. Je n'avais pas convoqué mon attelage vespéral, ces chevaux magiques que je fouette parfois jusqu'au sang pour leur apprendre à voler dans les vapeurs de Morphée.

Et pourtant c'est avec toi, quand je m'y attendais le moins, que je le sentis me quitter, mon vieil ennemi. Pour un instant il me fit la paix.

Et sans lui, oh qui sait ce que j'ai pu faire sans lui ! Je voudrais mieux m'en souvenir.

Quand je vis cette ombre sortir de moi, j'ai aussitôt reconnu mon sinistre ennemi. Sur son épaule il portait un sac d'objets qu'il m'avait confisqués. Il en sortit mes yeux, mon nez, mes sens, il me les restitua. L'air pénétra si fortement mes narines que je crus en faire l'usage pour la première fois.

Avant de s'en aller il m'expliqua ce que je savais déjà : il ne serait le geôlier de personne d'autre, que ne m'y trompe pas, je n'avais qu'une courte permission. Alors je le vis s'éloigner en ricanant, et quand il eut tout à fait disparu, on n'entendit plus que mon rire d'enfant.


Sans lui, je t'ai dit : « Tu vois, je ne suis pas si compliqué finalement » et nous avons souri.

Parle-moi encore de nos voyages. Mais tout doucement, pour ne pas réveiller le grand geôlier, je le sens rôder.

Mais tu me demandes qui il est. Tu ne le connais pas ? Tu ne sais donc pas que nous avons toujours fait l'amour à trois ? Je sais… ça me dégoûte autant que toi.

Avec qui ? Il est ma conscience. Devant ma nouvelle modestie il a pris peur, mon nouveau projet de vie ne lui convient pas et c'est tant mieux. Je suis un nouvel homme tu sais.


Je me réveille dans les habits de l'ouvrier


J'ai mis le réveil à l'heure qu'il se doit quand on gagne sa vie par la force de ses bras. Je ne suis même pas fatigué, je savais que j'en étais capable !

J'avale mon café bien serré et j'emporte deux barres de céréales, je ferme délicatement la porte pour ne pas réveiller mon amie qui dort encore. Je me sens fort.

Première direction : les vignes. Je prends un bus pour sortir de la ville, et j'en profite pour utiliser mes nouveaux yeux et m'approprier tout ce que je vois. Désormais ça sera mon trajet, mon bus du matin, mon paysage quotidien, mes immeubles qui défilent et mes vieilles dames à côté de qui je m'assois. Je trouve facilement les premières vignes, je les observe comme on devait observer pour la première fois la femme promise autrefois, d'un air de défi mais aussi de tendresse car on se sait liés désormais.

Mais ce n'est pas la saison, j'avais oublié. On me reçoit d'un air goguenard, gentiment mais en me signifiant tout de même que je n'y connais rien et que c'est normal avec ma tête de citadin. Il faudrait revenir dans six mois. Ils ont l'air de douter que j'en sois capable.

Est-ce que je l'ai déjà fait ? Non mais j'apprendrai. Bon bah revenez nous voir plus tard !

Je reprends le bus, un peu peiné, je me sens dépossédé, ce ne sera donc pas ça mon quotidien.


Tant pis je vais aller voir dans les bars et je vais m’inscrire dans toutes les agences d’intérim du coin. J'entre en campagne électorale, personne n'échappe à mon C.V. Plus qu'à attendre qu'on me recontacte, il y a trente employeurs susceptibles de le faire.

Je me sens déjà un peu prolétaire, déjà un peu bon gars. En parlant avec mon amie, elle me dit que j'ai changé. Elle trouve bizarre que je n'insulte pas tous les employeurs qui veulent me sous-payer.

« C'est comme ça tu sais, faut s'y faire et se résigner si on veut s'en sortir ». J'en dis des drôles de choses.


J'ai mis le réveil à la même heure, ça sert à rien parce que j'ai qu'à attendre aujourd'hui, mais c'est pour m'y habituer : c'est important l'habitude.

Café serré, je fonce vérifier les offres sur Internet, je passe quelques coups de fils supplémentaires. Voilà, de mon côté le travail a été fait, il n'y a plus qu'à attendre le retour, la récompense.


Ça fait plusieurs jours qu'on ne me rappelle pas. C'est normal me dit-on, il faut insister, les harceler jusqu'à ce qu'ils craquent et m'emploient. On m'assure que si je n'insiste pas je n'aurai rien.

On m'indique aussi un site où je peux payer pour qu'on trouve un job à ma place. Il faut payer pour travailler, tiens. Je m'imaginais que c'était plus facile que ça.

J'en ai marre d'être suspendu au téléphone, je vais prendre l'air. Je passe devant un bar que je connais bien, il y a un garçon de mon âge qui sert des cafés à ma place.

Il est même pas plus beau que moi, comment ça se fait qu'il ait eu le poste celui-là ? Je commande quelque chose et lui demande comment il a fait. Il me répond qu'il devait absolument travailler et qu'il a tout fait pour ça, il avait pas le choix, ajoute-t-il.


Ah. Et moi est-ce que je dois vraiment travailler ? Non c'est vrai, peut-être pas autant que lui, enfin si mais j'en ai sûrement moins l'air. Mais j'ai pas envie de les supplier pour travailler. J'ai l'impression que ce monde m'est aussi inaccessible que celui des études. Pourtant je sais que j'en serais capable, mais pourquoi ne me laisse-t-on pas essayer, au moins une fois ? J'ai arrêté de passer des coups de fils, je sens au fond de moi que je suis victime d'une injustice et que j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir.

Mais ce n'est pas tout à fait vrai, je n'ai harcelé personne, pourtant c'est comme ça qu'il faut faire, tout le monde le sait. Je me sens rejeté, brisé dans mes élans les plus sincères. J'avale mon café. Et puis merde c'est pas ma faute quand même, j'ai vraiment essayé, tout le monde le sait, tout le monde l'a vu.


Quelques employeurs plus polis que les autres me rappellent pour me dire qu'il n'y a pas de place pour moi. C'est gentil mais j'ai arrêté de mettre le réveil pour m'entendre dire ça. Tant pis je ne travaillerai pas, ce n'est pas ma faute. Je jette mon habit d'ouvrier.


Le tour est joué : j'ai réussi à ne pas travailler. Mieux, j'ai fait passer tout cela pour une injustice aux yeux de tous, y compris aux miens. Je ne me sens donc ni fainéant ni velléitaire, mais simplement victime. Je suis également parvenu à ressentir du bien-être sous le déguisement de l'ouvrier, lorsque je parlais du futur avec mon amie dans ce bar. J'étais une nouvelle fois débarrassé de ma conscience.

Mais inévitablement le voile a finalement été déchiré par la réalité, l'illusion a pu tenir un temps, quelques semaines, mais il me faut à nouveau changer désormais. La transition est toute trouvée : je suis dégoûté de la société, je prends la voie opposée, celle du contestataire solitaire, du génie isolé, du terroriste intellectuel.


J'ai envie d'envoyer le monde se faire foutre, de ne plus me soucier de rien.


Je serai le Joker.


Il est frustrant ce Joker que l'on entend rigoler alors même qu'il tombe du haut du clocher. Quoi, il ne prend pas sa propre mort au sérieux ? Batman est désemparé : qu'est-ce qu'il peut bien y avoir de drôle dans les lois de la gravité ?

On imagine bien le désarroi du brave justicier masqué en découvrant que le cadavre de son ennemi est toujours hilare. Il se demande si son uppercut n'a pas quelque peu perdu de son efficacité.

Vague à l'âme chez notre super héros, il vient de rencontrer l'absurde et ne sait comment s'y prendre. L'absurde, c'est ce Joker qui rit tout le temps.


Les psychologues de Gotham city parlent de pulsions autodestructrices. Mais l'amateur que je suis voudrait y voir du génie. Un don de rendre toute chose absurde. On me trouve d'ailleurs un air de Joker, et ce n'est certainement pas fortuit car j'ai le sentiment de l'imiter chaque fois qu'un Batman improvisé tente de me faire entendre raison.

Quand je dis des Batman, n'allez pas imaginer qu'un homme et une chauve-souris aient réussi à se reproduire ailleurs que dans une bande dessinée. Non, je parle de ces gens qui ont préféré suivre son école, celle des justiciers, et qui distribuent – de façon moins spectaculaire certes – des sommations d'êtres à tout bout de champ. Bien sûr ils ne me foncent pas dessus en moto pour me faire entendre raison mais j'ai le crâne moins dur et ne ris pas encore de tout.

Mais regardez-les, ces parents, ces professeurs et même ces amis, ces apprentis Batman, tous occupés à me redresser le visage lorsqu'ils ne le trouvent pas à leur goût.

Malheureusement, le Joker était un praticien et non un théoricien qui n'a, de ce fait, jamais eu tellement d'audience dans la haute société. Aussi, moi qui souris moins bien mais qui théorise mieux, ai décidé de lui offrir la possibilité de se faire entendre en parlant à sa place. Voici ce que j'ai à déclarer en son nom, bien que le ton soit en réalité trop sérieux pour qu'il y eût adhéré :


« Oui je ris tout le temps, je suis cette absurdité qui agit en dehors de toute logique, je suis cette incertitude persistante.

Lorsque l'on s'adresse à moi, ce que je réponds ne figure sur aucun schéma. Je suis en marge de l'intelligible : je ne marche dans les sillages ni ne tourne dans les rouages. Je n'hésite jamais à tendre mon propre bras dans l'engrenage pour le voir se détraquer, c'est une expérience fascinante.

Pourtant, malgré ma méchanceté, il m'arrive de me trouver terriblement humain : en entrant dans le bus je fais renaître des visages qui étaient morts de norme. Et quand ce vent glacé de rationalité aura achevé de geler les boulevards de la cité, on enviera le feu qui me consume. Oui, je suis la chaire retrouvée de l'homme moderne, l’homo economicus, ce squelette métallique qui a perdu sa peau à force de manger des pièces.

Tu as décidé de me combattre, d'effacer ma grimace. Tu veux m'assommer de bon sens, mais que peux-tu si je te ris au nez ? Quand tu m'auras battu sur tous les terrains, je te lancerai à la face cette dernière affirmation de ma puissance phénoménologique. Et par là je mettrai en garde le monde entier que tout sens peut lui être ôté, si je décide de mon terrible sourire. Je ne serai plus une victime des lois de l'univers, mais un détenteur de sens, le seul détenteur de sens. Et qui peut avoir de prise sur un démiurge auto-proclamé ? ».


Voilà ce que j'ai à dire au monde, il aurait mieux fait de s'offrir à moi, quitte à me pistonner, quitte à rendre ma position injuste et privilégiée.

Maintenant je vais être injuste à mon tour, je n'ai plus à me soucier de mon avenir puisque j'ai décidé de ne me soucier de rien. On ne m'atteindra plus, c'est décidé. Plus jamais.


S'affranchir du pouvoir du troupeau


Pour commencer, je vais quitter cette garce qui a eu le mauvais goût de ne pas croire en moi et qui dort dans mon lit. Elle m'a regardé me débattre, elle a sûrement pitié de moi, je ne peux supporter ça. Je déteste la pitié. Je méprise leurs regards qui veulent me réduire. Ils ne savent rien de moi. Ils ont cru pouvoir me faire marcher au pas mais j'ai bien fait de dire non à ce qu'ils attendaient. J'ai bien fait de refuser de travailler.


Dire que j'ai failli me faire couper les cheveux pour mieux leur ressembler, quelle absurdité. J'espère qu'ils me détesteront pour ce que je suis, j'espère que je les dérangerai.

Ça ne va pas être facile, c'est sûr, de ne plus entendre ces voix autour de moi, mais j'ai déjà amorcé le changement. Je me suis déjà affranchi de ma famille et de ce qu'ils attendaient de moi. Plus aucune nouvelle pour eux. Il ne doit plus y avoir d'obstacles vers ma destinée, mon ascension des sommets en solitaire.

Il me faut me renforcer pour être plus fort, plus sûr de ma puissance. Je vais relire Nietzsche, il sait comment s'y prendre celui-là, pour déplaire à tout le monde. Il va me montrer comment avoir raison contre tous et ne plus croire qu'en soi.

Je vais probablement faire du mal à ma petite amie, je crois qu'elle m'aime celle-là. C'est tant mieux si je peux l'atteindre et qu'elle ne le peut. Je dois sentir que j'ai encore le pouvoir d'agir, il faut que je provoque le changement dans la douleur puisqu'il n'y a que de cette manière que j'en suis encore capable.

Mais il ne faut pas que je me laisse atteindre. Je vois approcher ces gros nuages guerriers, rouges de sang et de sens, qu'ils viennent, la fin du monde est à mon avantage. Ils pleureront de perdre tout ce qu'ils ont construit. Oui, que l’extrême droite passe, que le monde soit plus pauvre que jamais, qu'ils chancellent, je prends mes appuis.


Mes amis ont toujours été décevants, il est temps de leur faire savoir, à ces médiocres des sentiments, que moi, on ne m'entretient pas comme ça, je ne me contente pas de si peu. Je vais provoquer une bonne dispute et m'éclipser, qu'ils pèsent le poids de mon absence.


Je serai philosophe de la grandeur, intransigeant jusqu'à la cruauté pour ceux qui auront le malheur de m'aimer et pour les disciples qui voudront me suivre.


Je suis seul dans mon appartement désormais, je sens naître quelque chose. J'ai le sentiment que ma terrasse sur les toits est plus haute qu'à l'accoutumée, j'ai acheté des petits carnets noirs où j'y expliquerai toute ma pensée.

J'ai aussi du vin car quelqu'un a dit qu'il fallait toujours être ivre.

Je suis sûr que tous attendent ce que j'ai à dire, ils doivent être suspendus à un signe de moi. Ils achèteront ce que j'ai écrit et y trouveront leur jugement, ce sera sans appel. Tant mieux s’ils comprennent, sinon, ça ne me fera pas sourciller.


L'exercice du maître du monde.


J'ai cassé mon ordinateur pour ne pas me détourner de mon objectif qui n'est autre qu'élaborer une philosophie de l'existence, de mon existence. Aucun des minables que je fréquentais ne comprendrait pourquoi j'ai fait ça, avec leur façon de me demander mes raisons qui me les font complètement oublier.


J'écris le plus fermement possible, je ne me refuse aucune vérité, sur les autres, sur moi, sur la vie. Je suis le plus noir possible car je me figure que c'est la seule couleur de la vérité, mais elle est aussi rouge, rouge de vin, et asphyxiée de la fumée de mon tabac. Je vis seul depuis plusieurs semaines, j'ai rempli plusieurs carnets et relu tout Nietzsche, les pensées s'enchaînent et se déchaînent, j'en saisis toujours une que je trouve plus importante que la dernière. Chaque nouvelle idée vient faire mentir toutes celles qui l'ont précédée. Je suis à la fois excité et désemparé de ne pas trouver de jonction entre toutes mes pensées.


Je me suis lancé dans une aventure d'abstraction pure mais je suis rattrapé par des éléments de réalité qui m'exaspèrent et dont j'avais sous-estimé la place dans mon existence. J'ai l'impression que le monde essaye de reprendre le contrôle sur moi et tente de tourner mon projet en ridicule, à commencer par elle.

Je crève de ne pas savoir ce qu'elle fait.

Quand je l'ai quittée, elle est redevenue ce que je pensais impossible qu'elle fût encore un jour pour moi : mystérieuse. Sa vie, dont je connaissais tous les détails, a pourtant été recouverte du manteau de l'incertitude, ce que je croyais savoir d'elle je ne le sais plus. Est-ce qu'il n'y avait pas des garçons dans sa vie dont elle pourrait se rapprocher désormais ? Je ne sais plus. Sa pensée a dû changer. Je ressens l'horreur de lui découvrir une autonomie. J'ai toujours cru qu'elle m'appartenait.

Je suis moins fort que je l'espérais mais ce n'est pas grave, il me faut bien souffrir un peu.


Il y a d'autres choses qui m'embêtent et que j'ai honte de m'avouer. Je vois du bleu partout, celui de Facebook. J'ai chez moi toute la littérature du monde et pourtant je rêve de lire des statuts sans intérêts. Je suis sorti de chez moi pour chercher un cybercafé mais c'est un jour férié, je me suis fait pitié aujourd'hui.

J'encaisse coups sur coups mais je ne lâche rien. En vérité c'est surtout qu'il n'y a plus grand-chose auquel me raccrocher. J'ai beaucoup écrit mais j'ai peur de me relire, je redoute l'inanité de mon travail, je vois approcher l'instant où mon échec me sera révélé.


Ce que l'on sait de soi ne compte pas, et bien que l'on se figure que ça soit plus vrai que ce que les autres pensent de nous ; notre réputation finit toujours par l'emporter et par ébranler nos certitudes les mieux fondées.

Aussi je troquerais volontiers tout ce que j'ai pu écrire contre une bière partagée avec un ami. Je peux même la payer s’il est fauché.


Je ne veux plus de votre compagnie, amis philosophes.


Quelle triste compagnie ! Que j'ai de la peine et du remords à m'asseoir parmi vous désormais. Je siège malgré moi à la table d'une assemblée de morts que j'aurais mieux fait de ne point déterrer. Vous qui n'avez pas eu le bon goût de mourir anonymement, préférant hanter mon caveau et faire cliqueter vos os partout où je vais.

J'ai parfois la désagréable sensation d'être un revenant, je me prends à essayer de passer à travers un mur, pour m'assurer que je suis bien vivant. C'est que vous avez si furieusement piétiné le sol devant moi, que je ne suis pas toujours sûr que mes pas laissent des traces.

Au début nous formions une fière équipe je dois le reconnaître, honoré par votre compagnie, je me pavanais comme si vous étiez ma suite. Je croyais vous posséder. Mon esprit était flatté d'être deviné. Vous m'emmeniez sur des terres que j'avais vues en rêve. Je me prenais pour votre frère, prêt à prendre la route de la pensée à vos côtés. Je trouvais dans vos livres la force qu'il me manquait avant de vous connaître.

Mais l'excitation du novice passa, l'heureux élu est devenu l'émule, la mule d'une pensée trop lourde à porter. Je suis prisonnier des ornières que vous avez tracées et j'ai peur d'en dériver. Je traîne mon paquetage sur des chemins trop plats, mes petits poumons ne supportent ni l'altitude ni le grand froid. Vous m'avez donné des images de sommets mais je suis un bagnard des basses latitudes.

Car j'ai peur de vos hauteurs, je préfère rester ce petit fonctionnaire de la pensée. Je n'ai rien vu de très réjouissant en examinant vos carrières. Vous avez franchi toutes les étapes courageusement, vous avez durement travaillé toute votre vie, et m'indiquez par-là la marche à suivre.

Mais que me souhaitez-vous à la fin, mes confrères ? Je ne sais que trop bien comment tout cela finit. Si nous devons vaincre, c'est par la folie. Laissez-moi vendre ces livres maudits et jeter vos vieux os hors de mon caveau, avant que je n'atteigne le dernier échelon de notre triste profession. Laissez-moi disposer, laissez-moi ne plus penser qu'en société, où le vacarme m'empêchera d'avoir les idées trop claires.


Comme j'échangerais volontiers tout votre savoir contre une bière amicale.

Je vais rentrer dans la demeure familiale, chez moi, où j'ai si bien vécu avant de vous connaître.


Je rentre chez moi. Je veux voir mon vieux potager. Je n'y ai aucun fruit, longtemps je m'en suis vanté. Quand je suis parti, j'ai piétiné les graines que j'y avais semées, certain que je serai cueilleur pour l'éternité.

J'ai voulu goûter mais c'était le midi de ma vie. J'ai étouffé la saveur en voulant toujours la devancer.

Oui je suis arrivé premier mais la ronde est terre, je serai bientôt dépassé.

Je fais marche arrière, marche à rien – je suis le seul à rentrer sous terre – les fruits ne poussent pas à l'envers.


De la tromperie permanente au miracle de l'écriture.


Si je suis lucide sur ma propre condition, c'est uniquement grâce à l'écriture. En écrivant, je ne me dissimule plus à moi-même la triste réalité de mon existence et tous ces jeux de conscience par lesquels je tente toujours de me fuir moi-même.

Si je peux accéder à ce degré de vérité dans la perception de ma propre existence, c'est que cela ne représente plus une menace pour mon équilibre : cette vérité n'est plus devenue un danger dès lors que, en y réfléchissant, j'étais en train de produire de la valeur, c'est-à-dire un texte, qui me changeait rétroactivement. En effet, par la production même de ces lignes, l'objectif tacite de me redéfinir et de me redonner confiance avait été atteint. Dans une toute autre situation, je n'aurais pu tolérer de me découvrir ainsi, et je n'aurais jamais eu accès à cette vision de moi par la simple gratuité du raisonnement. Car, par instinct de survie, je me serais inconsciemment refusé à me voir comme ce gros tricheur et menteur que je suis.

Mais en écrivant, j'ai éprouvé la satisfaction nécessaire pour considérer que le problème de jeux de conscience appartenait au passé, et que le moi dont je parle n'est plus qu'un objet d'étude détaché de ma personne. Voilà comment une action dénaturée, fausse et calculée à l'origine, peut produire de la vérité. En écrivant cela je me sens encore quelqu'un d'autre.

Ce miracle de l'écriture dans la perception de ma propre existence est possible car il se fait au détriment de tout le reste. Toute découverte de mes propres faiblesses, au lieu de diminuer l'estime que j'ai de moi-même, me confère la satisfaction du chercheur et me grandit. Ceci car j'ai sublimé le métier d'écrivain et lui sacrifierai toute chose. L'acte d'écrire est finalement une manière de rendre ses déguisement officiels, de trouver une utilité à toute cette guerre interne.


Ainsi vont mes cycles de jeux de conscience. Écrire n'y change rien, je mens toujours autant.

Tout reste à faire et tout reste à dire et c'est terriblement excitant. Je ne me déplace pas comme tout le monde, je n'avance pas, non, je bondis très haut et je tombe, toujours au même endroit. Tout ce que j'ai écrit, je sais que je pourrai le redire plus tard en ayant le sentiment de faire une grande découverte.

Peut-être le redécouvrirai-je dans quelques mois, quelques années, avec la même ferveur, la même folie et les mêmes faux espoirs que ceux qui m'ont saisi il y a quelques instants. Je me prendrai toujours tour à tour pour un écrivain, un empereur et un pianiste. Car il me faut sans arrêt recomposer la réalité, me surprendre, me redéfinir, découvrir cent fois la même chose, le redire autrement, pour ne plus rien y comprendre, et recommencer, toujours recommencer, pour ne pas laisser le réel gagner.


 
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   Anonyme   
2/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
"recommencer, toujours recommencer, pour ne pas laisser le réel gagner" : belle clôture !

J'ai aimé cette balade dans la tête d'un narrateur que je ressens comme pris au piège de lui-même, de s'être pris comme unique sujet d'étude ; je l'ai trouvée à la fois assez fascinante et plutôt repoussante. Au début, je trouvais que le mouvement du texte était trop lent, mais non, finalement il fallait ce rythme je pense.

   jaimme   
15/8/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Il est peu de textes qui ont une musique, un opéra, et de même quelque chose à dire.
Il est des textes qui disent autrement et d'autres qui disent avec passion et raison. J'aime à croire que ce que je viens de lire est de cette seconde (et principale) catégorie.
La richesse vient essentiellement du fait de l'imbrication des réflexions et de leur continuité de même. Histoire d'espoir, de désespoir et surtout une histoire d'amour ( avec soi-même, avec cette fille).
Bref, un texte que j'ai aimé. Riche, qui mériterait quelques relectures, justement parce qu'il est profondément humain et qu'il résonne chez moi.
Merci et à bientôt j'espère.

   Pepito   
25/8/2012
Forme : bonne écriture classique qui me rappelle, allez savoir pourquoi, "Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire, etc, etc ".
« … l’acte sacré au plus geste le plus banal. » pas comme un « plus » en trop là ?

Fond : « des déguisements… qui nous aident à appréhender le réel. » en quoi un déguisement me permet appréhender quoi que se soit ? Désolé je ne vois pas.
« … chaque faiblesse doit être déguisée devant notre conscience. » 2 phrases plus loin « ...tout est jeux de conscience et déguisement devant elle. » si on n’a pas compris l’idée…
« Je n’exécute rien automatiquement, tout est écrit dans ma feuille de route du moment » ? "feuille de route" c'est du prévisionnel, non ? "du moment" c'est de l'immédiat, oui ? Donc "feuille du route du moment " cela veut dire quoi ?
Quel rapport entre "je n'exécute rien automatiquement" et le reste de la phrase ?

J'abandonne, je ne suis pas capable de suivre. Désolé.

Pepito

Edit : je viens de voir que ma conclusion parait agressive, ce n'est pas le cas, bien sûr. Peut-être une réaction épidermique face au style d'écriture ? Bonne continuation.

   brabant   
26/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Cucko,


On passe un peu par tous les états en vous lisant, on se sent caméléon d'une sorte de 'discursivité' logorrhéique tout comme votre héros. Certaines situations amènent un sourire, il y a des bons mots, mais aussi des formules/formulations et des idées que l'on voudrait reprendre en les parodiant (pas toujours forcément gentiment, mais quelquefois quand même). On se dit qu'il y a ici un jeu à la fois grandiose et pitoyable, un semblant et un faux-semblant d'être, un être, un mal-être, un non-être et un sur-être, on voudrait taper sur l'épaule du personnage mais son épaule n'est jamais à la bonne place.

On regrette aussi que la fin soit si raisonnable ; il était si beau à regarder voler ce gaillard ou cet ectoplasme-là.


Bon ! Y a Ibrahimovic qui m'attend... A quoi ça tient une étude détaillée tout de même. "Je me prendrai toujours tour à tour pour un écrivain, un empereur et un pianiste.". S'il veut bien se prendre aussi pour le meilleur footballeur d'Europe, je l'invite à se joindre à moi, votre héros aux allures de Jean-Pierre Léaud...

GOOOAAAL !

C'est parti pour le PSG Nouvelle Vague...

Euh... Enfin , non... faut pas qu'il tourne autour du pot, 35864 caractères ça suffit !... FAUT QU'IL MARQUE DES BUTS LUI !


lol

   Palimpseste   
29/8/2012
 a aimé ce texte 
Pas
Au premier paragraphe, je savais que j'aurais du mal à continuer... et au troisième, j'ai décroché pour ne plus lire mais "aller au bout".

En trois lignes, on compte quatre "C'est..." et des "que" à foison qui s'ajoutent les uns aux autres.

Et puis on trouve plein de tournures que je trouve prétentieuses comme "En marchant dans les allées j'aperçois une équipe d'ouvriers qui réparent une canalisation. Cette vision du labeur matinal éveille en moi une série de questionnements qui sont autant d'attaques de ma conscience contre ma fragilité du moment. (...). Je suis un voleur d'âme."... mouais.... bof.... J'espère que l'auteur a pris du plaisir à écrire ça, je n'en prends pas à le lire.

J'aime pas le style. Désolé (y'a déjà plein de commentaires qui trouvent que c'est très bien: preuve qu'un lectorat n'est pas homogène et que votre style n'est pas mauvais: c'est le principal !)

Bonne continuation !

   Anonyme   
29/8/2012
35000 signes pour dire je pense donc je suis... Pour dire Moi je...

Une longue introspection qui parfois lasse. Mais j'ai lu. L'articulation des phrases ne m'a pas dérangée et le rythme est présent. C'est un côté agréable. J'ai trouvé certains assemblages de mots assez lourds, le passage sur l'écrivain me semble inutile, un peu j'écris pour écrire. Hors, si écrire c'est agir...

Le ton est donné tout de suite : je mens, je prétends. Après c'est difficile de plaire à ceux qui ne s'inscrivent pas dans la même démarche. Je n'ai pas aimé ce passage où il est question de beauté d'âme, de ceux qui pensent avoir une plus belle etc Je trouve l'idée ennuyeuse et le narrateur prétentieux.

J'aimerais, pour l'articulation du texte et une certaine qualité d'écriture mettre une note encourageante mais ce centrage sur soi, ces idées qui tournent, pénibles, cette façon bourgeoise d'amener la pensée, me feraient plutôt donner un avis plus strict. Ce sera un avis sans note, peut-être qu'au détour d'une autre lecture pour mieux comprendre l'auteur... :)

   Anonyme   
31/12/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Moreno vous aurait. à coup sûr, classé "intelligent - gente", hautement adpatable.

"Je n'écris pas pour dire quelque chose en particulier, mais pour dire que j'écris". Quelle franchise pour un menteur - teuse aussi doué ( e ) !
"Je ne suis pas n'importe qui... j'écris dans la vie...", c'est rigolo, ça, je l'ai éprouvé et vécu.

Dommage, le : "Je n'avais pas convoqué mon attelage vespéral, etc..."; ça en jetterait ailleurs, peut-être, dans un texte de moindre tenue, mais pas ici. Ici, c'est superfétatoire, une faute d'insincérité, presque. On en viendrait à douter de votre si intéressante inutilité.

Toutes mes félicitations pour votre bon goût en matière de héros. Après tout, à menteur, menteur et demi, le Joker ne rit pas parce qu'il est marteau ou gai mais parce qu'il est blessé. Blessé seulement.

Moche bemol, cependant, cette fin désabusée et tristounette d'un texte si vivant ("...recommencer, toujours recommencer, pour ne pas laisser le réel gagner." ) Décevant, on se croirait dans La Veillée des Chaumières, intello les yeux au ciel.

Zut, j'aurais pas du aller jusqu'à cette phrase catastrophique et y'a rien derrière pour se requinquer !

   Taou   
5/6/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Texte intéressant, bien écrit, le titre est bien choisi, le premier que je lisais dans cette catégorie. Moi qui suis adepte des textes longs, j'ai pourtant du me forcer un peu pour continuer la lecture. L’idée de base est bonne, c'est juste qu'a un moment on a l'impression que ça traîne un peu en longueur, personnellement j'aurai zappe le passage sur le joker, je me serai justement arrêté a cette phrase "Je serai le Joker" et laisser le lecteur imaginer la suite. Mais bon ceci n'est que mon humble avis.

   Sansonnet   
5/6/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'ai l'impression d'avoir eu affaire, l'espace d'un instant, le temps de la lecture, à mon double !
Ce double qui écrit, qui se parle à lui même, qui se bat contre ses propres idées, qui s'inventent une vie et la détruit aussitôt en cherchant désespérément la sienne.
Qui discute, et change de sujets, sans transitions (ou presque), car elles sont invisibles, mais bel et bien présentes... Et on se laisse transporter gentiment dans un monologue qui, moi, me passionne.

Bref, je balaye tout le technique. D'ailleurs, j'en ai rien à cirer d'habitude. Car c'est une discussion avec soi, et elle est vrai, sincère, et me parle de façon presque magique !

Merci Cucko !

   Anonyme   
1/5/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Tout comme le commentaire de "Sansonnet", j'ai eu bcp de plaisir à lire ce face à face devant le miroir, avec tout ce que cela implique de bon et de moins glorieux qui se mêlent, se distinguent et s'entrechoquent inlassablement en soi.
J'ai bcp moins d’exigences sur la forme, pour avoir trouvé la lecture plutôt facile. Le fond était l'"essence-y-aile" ici.
Merci infiniment pour ce récit et ce bout de vie...


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