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Brèves littéraires
Cyrill : De l’autre côté
 Publié le 23/04/25  -  3 commentaires  -  2964 caractères  -  66 lectures    Autres textes du même auteur

« … et on le redécouvrit dans la même position bien des années plus tard à une époque si pleine d'incertitudes que personne ne pouvait identifier comme vraiment sien ce corps sénile rongé par des charognards et couvert de parasites du fond de la mer. »
L’automne du patriarche – Gabriel Garcia Marquez


De l’autre côté


Depuis plus de mille ans ils longent le mur d’enceinte. Harassés dans l’interminable jour gris. Accablés dans les marécages d’eux-mêmes. Suant de peur de chaud de froid. Un tombe un autre choit et les suivants s’écroulent. Alors ils restent là. En tas. Ils s’invectivent et se querellent et s’estourbissent. Ils s’arrachent les yeux la peau les cheveux. Ils forniquent avec la terre avec le ciel avec les uns les autres. En tas. Ils s’éventrent s’étripent se dévorent. Puis ils expulsent des matières et se relèvent et repartent anémiés chétifs courbés dans le jour gris sans fin. Un peu moins nombreux. Un peu plus nombreux. Des cadavres se décomposant. Des fœtus viables et gluants tombés des utérus et vagissant puis chancelants suivant la horde. Des excréments sur leur passage. Des coulées de méconium et d’immondices. Du lait du sang du placenta.

La boue est âcre. Les baies sont âcres à leurs papilles. Ils ont faim ils ont soif ils sont exténués. Ils errent le ventre creux les membres flapis. Ils sont haineux. L’acrimonie les mine les ronge les submerge. Ils se divisent et s’unissent et se multiplient se déciment.

Ils tournent inlassablement. S’étripent et forniquent sans fin longeant le mur d’enceinte. Ils n’ont plus d’ongles pour gratter plus de dents pour briser alors ils frottent ils râpent ils raclent avec leurs mains leur dos leurs joues leurs gencives. Le mur s’effrite se désagrège s’écroule et dégringole en sable depuis plus de mille ans.



Le Roi se terre de l’autre côté. Environné d’ombres assujetties qui glissent sans bruit dans la poussière des siècles. Il est secoué d’orgasmes de terreur. De spasmes d’épouvante. Tapi recroquevillé dans ses draps de fils d’or. Suant dans sa chemise de nuit de lin blanc brodé de lys d’argent rebrodés de fils incarnats. Dans son grand lit d’ébène et de loupe d’orme et de marqueterie. Dans sa grande chambre de grès rose de marbre blanc d’acajou de palissandre et de capiton. Sur ses tapis de cachemire et d’alpaga. Derrière ses paravents de brocart. À travers ses vitraux d’opale et d’ambre et de topaze. Dans son immense et somptueuse solitude le Roi frissonne. Le Roi a peur et s’épouvante dans son inénarrable crépuscule. Il est agité de rires pleutres et grimaçants. Convulsant de fièvre et de désirs et de perversité. Le corps du Roi se ratatine et rapetisse et se dessèche et les ombres discrètes le rapetassent. Le corps du Roi déglingué puis rapetassé se désagrège et se momifie depuis plus de mille ans.


Le Roi a mangé. Le Roi a roté. Le Roi a pissé pendant trois cent soixante-cinq mille jours et plus. L’étron du Roi. Le pipi du Roi. Le vomi pusillanime du Roi. Son pus. Son rot. Ses expectorations. Ses squames. Son sperme. Il leur a tout donné. Depuis plus de mille ans.


Depuis plus de mille ans il entend les éboulis du mur qui grince et crisse et grésille et lui murmure son agonie. Qui siffle de ses fissures et de ses failles. Inexorablement.


– Les ingrats !


 
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   Salima   
7/4/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
n'aime pas
Un texte qui mériterait une présentation par l'auteur, pour le rendre plus accessible. Par exemple, je me demande s'il y a une intention particulière, de type caricature de quelque chose d'existant, et si oui, quoi, un système ? Un trait de la nature humaine ?
J'y trouve assurément un intérêt littéraire, une recherche de l'auteur dans la formulation. Souvent des énumérations par trois et sans virgules, mais pas systématiquement. Il y a aussi des énumérations par deux et par quatre.
Par rapport à ces énumérations, il me semble, mais difficile de dire si c'est juste un goût personnel ou si il y a quelque valeur plus générale là derrière, qu'il y a un excès de ce procédé. Le début m'a intéressée intellectuellement, la répétition de cette figure sur la fin m'a lassée.
L'idée est très intéressante je trouve. Le traitement très bon. L'écriture riche. Ceci posé, ça ne touche pas du tout mon sens de l'esthétique, ce qui explique que j'apprécie la qualité sans en aimer le contenu. Ça me paraît contradictoire à moi-même. Mais vraiment, je dirais : un bon texte qui impacte mais que je n'aime pas.

   Myndie   
8/4/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Choc esthétique et inventivité, c'est ainsi que je résumerais ce texte au contenu métaphorique et symbolique, description d'un univers inhumain, à la fois fable fantasmagorique et regard critique sur une réalité très certaine.
Mon interprétation, le sens que je lui donne, ne correpondra sans doute pas aux intentions de l'auteur mais je dois dire que j'ai été happée par son tumulte et par le spectacle chaotique qu'il m'a offerts.
Des phrases à la fois longues et hachées, un style précipité, le mélange du macabre et du risible, une orgie de termes scatologique, tout cela contribue au sentiment de malaise, voire d'angoisse qu'on ressent à la lecture, même en ayant l'impression de passer du fantastique à la farce.

Par le déséquilibre et la tension exprimés, par cette vision sombre, désespérée et cette sorte de mélancolie morbide partagées, je trouve à cet « autre côté » une résonnance expressionniste parfaite.
Et moi j'aime ça.

   Eskisse   
24/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour Cyrill,

Un beau texte . Le vocabulaire est riche. Le portrait du Roi m'a marquée. Texte que j'ai compris comme une réflexion sur les fondations gangrénées de tout pouvoir absolu. Et donc sur la fragilité du pouvoir. Ce roi a peur mais le texte ne dit pas de quoi, c'est cette angoisse qui est universelle. Derrière ses vitraux et paravents, paradoxalement bien protégé. Il est séparé des sujets depuis toujours.

Le roi c'est nous qui croyons nous protéger des autres au lieu de les voir.
Un texte reversant :)

Merci


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