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Fantastique/Merveilleux
DenisP : Enfin seul
 Publié le 10/03/23  -  9 commentaires  -  6217 caractères  -  75 lectures    Autres textes du même auteur

Enfin seul, tel était son souhait, mais après…


Enfin seul


Une main ballante et l’autre tenant un cigare fumant qu’il portait parfois à ses lèvres, Elon, l’air rêveur, semblait absent et se balançait doucement dans son vieux rocking-chair grinçant.

De la terrasse de la vieille auberge en bois dont la couleur bleu ciel s’estompait, il contemplait les herbes folles roussies par un soleil trop présent, le bitume recouvert depuis longtemps par un duvet sablonneux que le vent doux du printemps balayait parfois avec vigueur, les vieux arbres tenaces et un peu ternes qui semblaient là pour l’éternité, et quelques rares et vétustes bâtisses parsemées au fil d’une rue déserte et sans destinée. Pareil à un tableau, l’homme était seul face à un horizon figé, semblable à une nature morte.

Comme tous les matins d’une saison éternelle, il se balançait, bercé d’une chaleur sereine, apaisante et infinie. Il se balançait au gré d’une journée comme les autres, sans heurt, sans surprise, sans quiconque pour empoisonner l’existence. Il se balancerait comme ça le temps qu’il voudrait, comme hier et peut-être demain et pour l’éternité s’il le jugeait nécessaire.

Il avait doucement entamé le purin de son matinal Flor de Selva, la suavité hondurienne s’inclinait doucement vers le cuir musqué d’un solide et suave arôme. Dans quelques instants il serait l’heure de quitter son trône grimaçant et de pousser ses charentaises ailleurs.

Il laissa consumer le reste de son cigare dans le cendrier puis doucement prit la route vers la petite ville qui l’avait vu naître. Faire le chemin à pied, comme il le faisait parfois quand les idées maussades encombraient son esprit, lui permettait de réfléchir, encore et encore, sur le sens de cette existence.

Il passa devant la maison de son voisin devant laquelle était garée sa voiture à présent inerte et inutile, restant là comme pour témoigner de l’existence passée de son propriétaire, qui lui, comme les autres, avait disparu.

Rien ne semblait pouvoir expliquer raisonnablement ce phénomène étrange, juste un constat implacable : ils avaient tous disparu, sans fumée, sans corps putréfié, sans bruit, sans rien, juste disparu.

Il était seul au monde !

Avant de voir et puis de comprendre, il avait jadis bien tenté d’explorer toute la région et plus encore pour dénicher d’autres survivants, n’importe qui, n’importe quoi… Mais des gens, des chiens, de simples abeilles, la moindre chose vivante, il n’en vit point. En dehors de la flore inerte, nul être vivant ne traînait son ombre.

Elon avait été un homme actif. Propriétaire de plusieurs sociétés, il avait fait fortune. Certes ses illusions s’étaient envolées. De changer le monde il en était arrivé à détester ses semblables pour finir par cultiver une aigre misanthropie. Tous ces gueux, ces fourbes, ces inutiles, ces médiocres, ces lâches… il les haïssait, il aurait voulu qu’ils crèvent. C’était à présent chose faite. Il n’y était pour rien bien entendu, comment l’aurait-il pu. Mais force était de constater que ses vœux avaient été exaucés. Et si ses misérables semblables s’étaient comme par enchantement volatilisés, en revanche sa saison préférée, elle, s’était imposée. La douceur d’un printemps éternel, sa chaleur sucrée, son souffle revigorant, ses savoureuses nuits étoilées. Des journées sans pluie, sans rigueur, sans incongruité et autres vicissitudes. Plus aucunes inopportunes tracasseries, plus de bestioles ou stupides volatiles virevoltants… En un mot, la paix !

Après avoir parcouru le territoire en quête d’autres âmes, il avait fini par s’établir dans l’auberge bleue au faubourg de la ville, celle qu’il regardait avec appétence depuis sa tendre enfance. Il y avait stocké tout ce qu’il désirait, tous ses trésors glanés au fil du temps. Les meilleurs vins, les plus savoureux cigares, les plus subtils whiskys, et des livres à n’en plus finir.

Et même sans insecte pour les polliniser, les arbres fruitiers, comme par magie, continuaient à porter, il s’en nourrissait d’ailleurs avec délectation. Et le carnivore qu’il était jouissait d’une quantité astronomique de barbaque qui ne semblait jamais décroître ou même s’avarier.

Il n’y avait certes plus d’énergie, mais quelques pompes bien remplies lui permettaient d’alimenter son groupe électrogène. Mais c’était encore face à l’âtre et à ses bûches vigoureuses qu’il préférait réchauffer ses soirées méditatives.

Il n’était à présent plus très loin de la ville. La route principale menait à l’hôtel de ville, puis à la rue commerçante, là où, autrefois, il avait trouvé ses trésors épicuriens, ensuite elle sillonnait vers le chemin qui le mènerait au parterre des monuments. Là où il se rendait régulièrement depuis qu’il savait.

La ville était un fantôme inerte, ses artères mortes nanties de veines sinistres étaient traversées de part en part par de tristes tumbleweeds pareils à ceux des westerns d’antan. On aurait même pu imaginer voir apparaître un vieux cowboy visqueux et mal embouché se mettre en travers de la route.

Des voitures abandonnées et poussiéreuses jonchaient le sol de manière ordonnée. Comme pour tout le reste, toute vie ici avait disparu, ne subsistaient que les souvenirs d’une vie passée, quelques épaves et le fruit gâté du savoir-faire d’autrefois.

Nonchalamment Elon poursuivit sa route à travers la petite ville éteinte, un pèlerinage sans but apparent, sinon celui de le conduire, une fois encore, au cœur du parterre aux monuments. Le chemin l’éloignant doucement de la ville attristée, il passa respectueusement devant l’église, vestige d’une civilisation qu’il avait honnie mais qu’il semblait aujourd’hui craindre, et continua sa route.

Aux monuments il franchit la vétuste grille qui l’invitait à poursuivre sur la voie d’une terre désormais en jachère, et se dirigea vers l’endroit qui lui avait, il y a longtemps, révélé la vérité.

Enfin face au parterre jonché d’herbes ternes qui surplombaient la tombe, il se recueillit un instant avant de relire sur le granit blanc terni par le temps les deux dates gravées juste en dessous de son nom.

Et comme à chaque fois qu’il venait ici, l’air penaud, il recula d’un pas, leva les yeux au ciel, et posa la seule question qui comptait encore vraiment : « Est-ce l’enfer ou le paradis ? »


 
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   Angieblue   
19/2/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
aime bien
On sent une volonté d'écrire dans un joli style, mais il y a encore quelques lourdeurs.
Par exemple, que de répétitions du mot "ville": " Il n’était à présent plus très loin de la ville. La route principale menait à l’hôtel de ville"
"La ville était un fantôme inerte"
"Nonchalamment Elon poursuivit sa route à travers la petite ville éteinte"
"Le chemin l’éloignant doucement de la ville attristée"
Attention également aux répétitions du verbe "être" et "avoir".
Après, c'est parfois redondant.
"Après avoir parcouru le territoire en quête d’autres âmes"
Vous aviez déjà donné cette information un peu plus haut:
"il avait jadis bien tenté d’explorer toute la région et plus encore pour dénicher d’autres survivants"

Sinon, c'est une vision de la mort assez intéressante. En effet, toutes les autres personnes disparaissent autour de nous et l'on se retrouve seul. C'est une vision que l'on retrouve également chez Ionesco dans "Le roi se meurt".
"Est-ce l'Enfer ou le paradis ?" Cela dépend pour qui . Apparemment, votre narrateur s'en satisfait très bien d'être "Enfin seul".
j'ai trouvé la réflexion sur la mort que nous partage cette nouvelle assez subtile, mais ça aurait pu être encore mieux amené afin d'être plus troublant et plus angoissant. Mais bon, je reconnais aussi que c'est le choix narratif de l'auteur, et, en effet, ça colle avec ce que suggère le titre.

   Asrya   
19/2/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
n'aime pas
"De la terrasse de la vieille... sans destinée" ; bien longue cette phrase. J'imagine qu'il y avait moyen de la raccourcir ou de lui faire gagner un peu de rythme.

"Comme tous les matins d’une saison .... peut-être demain et pour l’éternité s’il le jugeait nécessaire." Beaucoup d'adjectifs qui allongent le propos mais qui n'apportent pas grand chose. Il y a à nouveau, à mon avis, matière à donner plus de rythme à votre propos.

"suavité... suave" ; la répétition si proche aurait pu être revue.

" la moindre chose vivante, il n’en vit point. En dehors de la flore inerte" Du coup... il y a des choses vivantes... s'il reste de la flore ? C'est... maladroit à mon avis ; quid des bactéries ? des champignons ? de la faune du sol ? Bref... maladroit.

Le registre de langage employé me paraît peu cohérent tout au long du texte. 'barbaque" , "crèvent", "penaud", "tumbleweed", "tracasserie".... je ne sais pas ; ça m'a perturbé lors de la lecture.

La fin lève un peu le voile sur le brouillard de votre récit, mais n'est pas suffisante à mon avis pour justifier la solitude de votre personnage.
Qui plus est, si c'est le paradis, il en a une bien triste image à mon avis.

Enfin bref, pas conquis, ni par la forme, ni par le fond. L'idée n'est pas neuve mais reste intéressante à développer.
Merci pour le partage.

(Lu et commenté en espace de lecture).

   Perle-Hingaud   
21/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour !
J'ai bien aimé ce texte, qui chemine tranquillement vers sa chute.
Quand ai-je commencé à comprendre ? Peut-être quand le narrateur observe ce qui est un jour sans fin, avec des évènements impossibles.
Deux-trois petites choses: "force est de constater": bah non, cette expression n'est pas romanesque pour deux sous, et plus à sa place dans un texte argumentatif. Et en parlant d'argumentation, j'ai trouvé que vous cherchiez trop à expliquer, sauf si votre intention est de mettre le lecteur sur la piste, par exemple dans la pollinisation impossible ou la viande à jamais fraiche.
Mis à part ces détails, c'est une nouvelle maitrisée et distrayante.
Merci pour cette lecture !

   Dugenou   
10/3/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
Bonjour DenisP,

Ce qui commence comme une nouvelle fantastique classique (un monde normal, puis l'irruption dans ce dernier d'un élément perturbateur) se révèle finalement très prévisible, du moins pour moi. Cet essai de retournement de situation final me fait figure de lieu commun, tellement il est galvaudé, ressort classique de pas mal d'oeuvres littéraires, cinématographiques ou télévisuelles, ou vidéoludiques. Ceci dit, le nombre de caractères, connu avant de lire le texte y est pour quelque chose, c'est donc indépendant de votre volonté, j'en tiens compte dans mon appréciation.

   Anonyme   
10/3/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Je ne me souviens plus à quel moment, lors de la découverte de votre nouvelle en Espace Lecture, j'en ai deviné la chute ; certainement avant
ne subsistaient que les souvenirs d’une vie passée,

Je ne comprends pas trop pourquoi, alors que votre personnage paraît tout à fait satisfait de la non-vie de confort nonchalant et d'abondance qu'il mène, il se demande à la fin s'il est en enfer. Le contact humain ne semble guère lui manquer !
Quoi qu'il en soit, je n'ai pas détesté cette éternité languissante que vous nous proposez même si je me dis qu'elle pourrait sans doute être décrite plus brièvement. La balade ne m'a pas été désagréable mais… sans grand relief, quoi.

   Cyrill   
10/3/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Bonjour DenisP

Peut-on être heureux une fois débarrassé de tous ses objets de détestation ? Un paradis profus suffit-il à son bonheur ou est-ce l’antichambre de l’enfer ? Telles sont les questions que semble poser ce récit à travers Elon le misanthrope, que voilà débarrassé de ses tracas, et de sa vie, donc.
Le temps ne passe plus dans cet éternel présent et j’en aurai assez rapidement suspecté la raison, bien qu’elle ne soit vraiment dévoilée qu’à la fin. Lorsque je lis le troisième paragraphe je sais à quoi m’en tenir.
L’idée n’est pas neuve mais c’est bien de l’avoir creusée. J’ai trouvé cependant étonnant qu’un chef d’entreprise rêve que meurent ceux qui, bon an mal an, contribuent à sa fortune. Bien sûr ça n’a plus d’importance dans la mort et puis, nous sommes en plein fantastique. Ce pourquoi je me suis demandé s’il était vraiment nécessaire de préciser que « les arbres fruitiers, comme par magie, continuaient à porter », idem pour la barbaque. Il semble que vous vous soyez assuré que tout puisse se justifier, au moins par la magie, aux yeux de lecteurs attentifs.
J’ai assez bien aimé lire les détails de sa pérégrination à travers des souvenirs de vie. Mais comme pour l’ensemble de la nouvelle, j’y vois un manque de rigueur : « Nonchalamment Elon... », et une phrase plus loin : « … qu’il semblait aujourd’hui craindre ». Pas très nonchalante la promenade.
Des moments descriptifs que j’ai aimé, comme les cinq premiers paragraphes, qui installent le bonhomme, et qui contribuent à donner un ton à ce récit, une ambiance. Malgré cette construction redondante : « Pareil à un tableau … semblable à une nature morte ».

Merci pour le partage.

   Disciplus   
10/3/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Il est tentant quand on se lance en écriture de multiplier les adjectifs chaque fois que l'on pose un nom. Outre qu'ils ne sont pas toujours bien choisi, ils rendent souvent le texte indigeste ; Vieux arbres tenaces, cuir musqué, bûches vigoureuses, aigre misanthropie, chaleur sucrée, cow-boy visqueux. Simplicité : maitre mot. Pensons aux lecteurs.
Même punition pour certaines locutions à rallonge :
Nul être vivant ne trainait son ombre - Avant de voir et puis de comprendre - De changer le monde il en était arrivé - Force était de constater - Des journées... sans incongruité - Plus aucune inopportune(s) tracasserie(s) -
stupides volatiles virevoltants -Qu'il regardait avec appétence - Jonchaient le sol de manière ordonnée -Ses artères mortes nanties de veines sinistres- Le fruit gâté du savoir-faire
Simplifions, élaguons, épurons; la lecture n'en sera que plus agréable.
Enfin seul ! Main ballante cigare, rocking-chair... Heureux... D'après le titre et le premier paragraphe, cet homme est enfin heureux. Il est au paradis ...Ben, non. Contrariété. Il cherche, il s'étonne, il erre, il pense à l'enfer. Vous n'avez pas choisi de continuer dans la veine du titre, c'est peut-être dommage.

   papipoete   
13/3/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
bonjour DenisP
Il arriva sûrement que le héros souhaita se retrouver seul ; seul dans sa maison dans son quartier... aujourd'hui, le souhait est exhaussé, puisque la ville entière lui offre son rêve !
NB un décor de western avec saloon, et vieilles bagnoles rouillées, et un monument qui rappelle qu'ici l'on vécut.
La tranquillité à son zénith, que l'on ne trouve normalement, qu'une fois mort... reste une question :
" si je ne suis plus, où suis-je ; en enfer ou au paradis ? "
Un peu comme l'on est envahi une journée entière, par des gamins qui courent, qui crient... quand ils s'en vont, ça fait du bien !
Mais quand nulle vie humaine, ni animale ne perturbe l'atmosphère, que vaut la vie...
Pas gaie cette histoire, où quelques accents de " Bagdad Café " purent ici planer.

   Tadiou   
5/4/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Écrivant mon commentaire bien après d'autres, je ne lis pas les précédents avant d'écrire le mien. Comme à mon habitude dans ce cas.

J'ai été captivé par ce récit étrange que j'ai parcouru comme si un tableau impressionniste défilait sous mes yeux. Des taches de délabrement à n'en plus finir mais nul pathos. Un délabrement esthétique et des images fortes.

Le lecteur est appâté par la promesse d'une surprise près du monument aux morts. On se retrouve alors dans un autre monde qu'on peut créer à sa guise : le narrateur laisse le choix.

L'écriture est faite de sauts (comme les taches des impressionnistes ?) Toutefois, à mon goût, ces taches sont un peu trop semblables et j'aurais apprécié un peu de variété.

Mais au total ce fut un beau cheminement.


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