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Réalisme/Historique
Engel : La Momie
 Publié le 12/02/08  -  4 commentaires  -  30824 caractères  -  21 lectures    Autres textes du même auteur

Une prestigieuse conservatrice du musée du Louvre découvre la Momie d'un dieu...


La Momie


Christiane avait l'habitude de s'occuper des momies. Conservatrice du département des Antiquités Égyptiennes du Musée du Louvre, elle avait déjà sauvé l'illustre Ramsès II en son temps. Elle avait réalisé le prodige de faire venir en France la momie et en avait profité pour organiser une incroyable exposition inaugurée en 1976 au Grand Palais par le Président Valéry Giscard d'Estaing, puis elle avait rapatrié le grand Pharaon guéri dans son pays d'origine pour qu'il repose au Musée égyptien du Caire. Là-bas, tout le monde respectait la petite Française et admirait chacun de ses exploits, le plus prestigieux restant le sauvetage des temples d'Abou Sim bel menacé par les eaux du barrage d'Assouan. Ainsi, elle avait gagné le respect de ce peuple qui la vénérait comme une bienfaitrice. Elle faisait à présent presque partie du panthéon égyptien.


En cette fin de matinée, au Louvre, la vieille femme était anxieuse. Une autre momie prenait toute la place dans son esprit. Un prêtre, non formellement identifié, avait été récemment découvert dans la vallée des Reines et nécessitait lui aussi en urgence des soins particuliers. Un bref passage aux rayons X avait stupéfié l'assistance, car il montrait clairement un corps découpé en quatorze morceaux. Et les premiers échantillons prélevés sur des bandelettes avaient révélé au carbone quatorze que la momie avait été inhumée très certainement sous la XIIIe dynastie. De plus, le lourd sarcophage ressemblait étrangement à celui de Touthmôsis III, ce qui confirmait l'hypothèse de cette date estimée. Sa couleur était ocre, mais quelques détails clochaient : les hiéroglyphes ne faisaient pas état du dernier voyage, celui qui permet à l'âme du défunt de rejoindre le Nil céleste : la constellation d'Orion. Aucun passage du Livre des morts n'y figurait. La structure en grès rouge ne contenait presque aucune inscription relative aux dieux égyptiens. Seule une philosophie semblait être évoquée. Qui donc pouvait bien être ce prêtre qui avait eu droit aux mêmes égards qu'un pharaon et avait été embaumé comme le dieu Osiris ?


Toute l'équipe était autour de cette découverte surprenante. Tous pensaient à l'histoire du dieu civilisateur de l'Égypte. La légende racontait qu'Osiris avait été tué et découpé sauvagement par son frère Seth, lequel avait disséminé aux quatre coins de l’Égypte les quatorze morceaux. Et ce serait la déesse Isis qui, après de longues recherches, aurait retrouvé chaque partie. Elle avait ensuite réussi à momifier ce corps morcelé pour en faire un seul bloc. Ainsi, la légende racontait comment elle avait pu s'accoupler avec lui une dernière fois, pour engendrer un fils, Horus.


Nul doute que ce prêtre revêtait une grande importance, son corps avait été très habilement caché sous le tombeau de la reine Meresankh - celle qui aime la vie. Il avait fallu toute l'expérience et l'intelligence de Christiane Delcourt pour retrouver le sarcophage intact, où seul avait été effacé volontairement le nom de son occupant. Mais sa coiffe, le Ménès rayé symbole de son haut rang, était ornée d'une croix de vie, l'Ankh, qui donnait un indice sur son identité. Au cœur de la croix égyptienne, siégeait une sorte de soleil. Sûrement une référence au dieu Aton. Mais ce cercle brillant attirait son œil avisé et captait toutes ses pensées. Jamais Christiane n'avait observé un tel symbole ; ici, le soleil était très particulier… D’ordinaire les scribes égyptiens se contentaient de le représenter sous la forme d’un cercle ou d’une sphère bombée, mais là, à l'intérieur du cercle, se dessinaient comme des flammes, ou plutôt des pétales, si bien que l’on aurait presque pu le prendre pour une fleur. Oui, décidément, ce symbole ressemblait étrangement à une fleur… Perdue dans ses rêves, la vieille femme fut interrompue par la bruyante intrusion d'une jeune stagiaire blonde dont les traits étaient proches des siens. Elle portait une minijupe et un petit haut rose qui mettait en valeur des formes avantageuses. De sa démarche énergique elle balançait d’avant en arrière un petit parchemin enroulé. Arrivée devant Christiane, elle présenta le rouleau tout chaud sorti du fax.


- Christiane, on vient de recevoir d'Égypte la traduction complète des hiéroglyphes.

- Merci ma petite Karine…


Le cœur de la vieille femme battait la chamade, elle saisit le document de sa main tremblante et tachée par les ans, et déroula, tel un long papyrus, le message. Elle réajusta ses petites lunettes démodées et se mit à le lire tout haut le texte qui avait traversé des millénaires.


« Avec mon grand Art j'ai rassemblé mon peuple. J'ai traversé la mer avant l'arrivée des grandes eaux. Je l'ai transporté dans le pays des barbares poilus, dans les cavernes du désert. La terre des enfants de KHEM. En nous voyant, les sauvages devinrent furieux et arrivèrent avec des lances et des couteaux pour combattre et nous détruire.


Ma science les a effrayés. Je leur ai parlé avec des mots calmes et paisibles pour leur faire découvrir la splendeur de la sagesse. Envoûtés par ma magie ils se sont prosternés et m’ont vénéré comme un dieu, et nous pûmes ainsi demeurer longtemps sur la terre de KHEM, très longtemps, ce qui me permit d’accomplir de grands travaux inspirés de ma science. À partir de ce moment, les enfants de KHEM grandirent dans la lumière de la connaissance arrosée par la pluie de mon savoir. Le peuple de KHEM grandit lentement et étendit son territoire. Puis, je leur ai fait élever une énorme pyramide. En son cœur, j'ai fait installer une chambre secrète pour qu'elle demeure à travers les âges. J'y ai emmuré tout mon savoir de la Science Magique afin qu'il soit toujours disponible lorsque je reviendrai.


J'ai donné librement à ces enfants ma sagesse et mon savoir, pour qu’ils puissent à leur tour transpercer le voile de la nuit grâce à la vigueur de leur propre lumière. J'ai vu des mystères qui sont dissimulés aux hommes. Là où les fleurs de sang sont toujours vivantes, j'ai sondé leurs cœurs et leurs secrets. Et j'ai vu que l'être humain restait dans l'obscurité sans savoir que le grand Feu était caché en lui, dans la terre de son corps. Dans les profondeurs de son âme une fleur de lumière peut grandir et prendre de la force pour repousser la nuit. De son essence émane un grand pouvoir qui donne vie à tous ceux qui s'en approchent.


Je suis le Maître des mystères, le gardien de la Mémoire ancestrale, Sage et Mage. Je suis celui qui survit d'une génération à l'autre. Cent fois dix, j'ai parcouru la voie obscure qui mène à la clarté et autant de fois j'ai traversé l'obscurité pour régénérer ma force. Et maintenant, me voici devant vous, mort pour un temps, jusqu'au moment où le peuple de KHEM ne me reconnaîtra plus. Mais viendra le temps où je surgirai à nouveau, fort et redoutable, pour demander des comptes à ceux qui sont derrière moi.


Alors attention à toi, peuple de KHEM. Si tu as dénaturé mon enseignement je te précipiterai hors de ton trône, dans les cavernes obscures d'où tu viens. Retenez mes paroles, parce que je reviendrai punir les inconscients. »


Tous avaient écouté avec la plus grande attention la voix chevrotante de Christiane qui pleurait presque de joie. Ce texte mystique à peine déchiffré revêtait une importance capitale : il corroborait les récentes études de Gilles Dormion sur l’existence d’une chambre secrète au cœur de la grande pyramide et, plus important encore, il exposait une histoire originale sur les fondations de la civilisation égyptienne, histoire dont on ne possédait jusqu’à ce jour aucune trace écrite.


L'équipe allait avoir la lourde tâche de travailler sur le seul indice laissé par les tailleurs de pierre, cet Ankh au cœur de fleur, sur le Ménès… Le symbole de la vie mêlé à celui de l'âme... La vie éternelle… D'ailleurs le message parlait de résurrection, des vies que ce prêtre semblait avoir vécues, sans jamais rejoindre le Nil céleste, de cet homme puissant qui inspirait crainte et respect. Qui donc était-il ?


Et pourquoi l'avait-on enseveli dans un sanctuaire loin des prêtres de Memphis ? Pouvait-il représenter un véritable danger pour la XIVe dynastie qui avait commencé par la mort tragique de l'adolescent Toutankhamon ? L'Égypte était très loin d'avoir livré tous ses secrets, ce simple fax en était la preuve. De sa main déformée par l'arthrite, Christiane prit un stylo et commença à griffonner lentement la mystérieuse croix... Ce symbole lui évoquait quelque chose...


- Ça va Christiane ? demanda la jolie stagiaire, qui s'inquiétait du silence et de la pâleur qu'avait provoqué la lecture du texte sacré.

- Oui, mais... je ne comprends pas. Le symbole en relief sur le Ménès ne devrait pas...


Tout tournait dans l’esprit fatigué de l’égyptologue, elle ne s’était pas encore remise de son long voyage, mais l’excitation de sa stupéfiante trouvaille la tenait éveillée, sur les nerfs. Il lui revenait qu’un prêtre du nom d’Hermès avait prophétisé dans les temps anciens un message similaire. Y avait-il un lien ? Chaque parole reflétait d’étranges similitudes, comme deux textes écrits par une même personne… La mémoire infaillible de Christiane ne la trompait pas, elle se souvenait parfaitement de cette prédiction qui s’était révélée juste :


« Ô Égypte, Égypte ! Il ne restera un jour de ta pensée et des grands mystères, pour les générations futures, que des signes taillés dans la pierre et devenus indéchiffrables pour le commun des hommes. Ils suffiront pour t'immortaliser dans les siècles des siècles. Mais du plus profond des temps je reviendrai enseigner ta gloire. »


Une profonde intuition, véritable illumination, vint éclairer ses pensées. Elle fut prise de vertige tant l'idée qui la traversa à cet instant la bouleversa. La jolie stagiaire, la sentant chanceler, se précipita pour la soutenir. Karine savait qu’à quatre-vingt-quatre ans Christiane en faisait trop, elle négligeait sa santé au profit de pierres un tantinet plus vieilles qu’elle. Sa passion pour cette antique culture était plus forte que tous les maux que sa grand-mère subissait au quotidien. L’arthrose, l’arthrite tout cela lui était secondaire, mais il y avait des limites à ne pas dépasser à son âge.


- Mamie ! Repose-toi sur cette chaise ! ordonna la bienveillante stagiaire.

- Non, ça va, rassure-toi ma chérie, je vais bien… C’est juste que… C’est fabuleux !


La joie était revenue sur le visage de Christiane, elle avait compris. Elle avait trouvé ce qu'elle cherchait depuis si longtemps, le lien entre de grandes religions, un courant philosophique qui avait certainement pris racine en des temps reculés. Sur le papier, la croix de l'Ankh était dessinée sur une pyramide inversée. Maintenant elle se rappelait. C’était évident ! Elle dessina à partir des extrémités de la branche horizontale de la croix ansée une pyramide en rejoignant la base de l'Ankh. Ainsi sur le dessin étaient mêlées une pyramide, une croix de vie et une fleur. Aucun doute à présent, c'était une rose ! La représentation de l'âme. La croix était le corps de l'homme et sa vie. La pyramide signifiait le savoir, la sagesse, le secret. L'emblème en relief n'était autre que celui de l'ancien et mystique Ordre de la Rose-Croix.


Ce prêtre exhumé en devenait encore plus précieux, inespéré. Il représentait le plus ancien membre connu d'un ordre dont l'origine remontait avant le monothéisme. Cette découverte était stupéfiante, ahurissante pour Christiane. C'était comme si elle avait eu devant les yeux le corps du Christ. L’un des pères fondateurs d’une idéologie dont les dogmes existaient encore de nos jours, contrairement au panthéon Égyptien qui avait totalement disparu. La vieille femme regarda son équipe, personne n'avait fait le rapprochement et pourtant c'était si simple... La voix de Christiane ne laissa planer aucun doute.


- Mes amis, vous avez devant vous le sarcophage d'un Rose-Croix, l'un des maîtres qui inspira la philosophie du dieu unique à Touthmôsis IV, certainement le conseiller personnel d'Akhenaton !


Les égyptologues présents en cet instant solennel se regardèrent, interloqués : le message n'avait pourtant pas parlé des Rose-Croix, mais personne ne contesta. Tous savaient que l'expérience et les connaissances de Christiane étaient infaillibles. Avec beaucoup de sentiments forts, elle observait avec béatitude le visage si bien conservé qui avait traversé les millénaires, un visage creusé, de couleur ocre, dont les traits harmonieux et charismatiques provoquaient en elle une profonde admiration. Cet homme avait été beau… Il était resté magnifique pour l'éternité, elle-même ne pouvait pas en dire autant. Ce prêtre avait dû mourir jeune mais ses cheveux blancs contrastaient étrangement avec l’absence de rides. Ce phénomène atypique provoqua en elle un profond doute. Cette chevelure d’albinos paraissait sans âge, elle ne correspondait pas du tout au corps momifié couché sur la table d’examen ; pourtant chaque racine semblait solidement ancrée au crâne. De plus en plus sceptique Christiane allait demander une nouvelle datation, histoire de tuer dans l’œuf une absurde idée naissante. Peut-être y avait-il encore des surprises à venir ?


- Je veux que l'on me fasse un prélèvement pour datation de cette momie !

- On l'a déjà fait : XIIIe dynastie, époque Touthmôsis III.

- On l'a fait sur le sarcophage et les bandelettes ! Mais pas directement sur la momie !

- Mais enfin, c'est pareil…


Simon ne comprenait pas l’entêtement soudain de Christiane, mais elle insistait. Il se devait de lui obéir. Personne ne la contredisait.


- Coupe-lui des cheveux, casse-lui un ongle mais fais-moi ce prélèvement !

- Ok Christiane, te fâche pas… Je vais chercher mes gants et je te fais ta datation !


Simon s'approcha de la tête figée, armé d'une pince à épiler.


- Excuse-moi je vais prendre un échantillon de cheveux. Une dizaine devrait nous suffire... Pffffiouu, il me fout le bourdon ton macchabée ! Quatre mille ans qu'il n'a pas vu le jour…, dit-il pour détendre l’atmosphère, mais Christiane ne semblait pas d’humeur à plaisanter.

- Sûrement plus, susurra la vieille femme en serrant les dents.


Elle sentait que ce prélèvement pourrait être le plus important de sa carrière. Elle qui connaissait par cœur la mythologie égyptienne, était en train d'extrapoler une théorie complètement folle. Tellement incroyable qu'elle ne voulait pas en parler aux égyptologues qui l'entouraient. Ils en auraient certainement conclu qu'elle devenait sénile. Pourtant son intuition était là et la gangrenait de l'intérieur. Et si c'était bien lui : cet homme parfait dont les écritures retraçaient la sagesse et la connaissance ? Et si cette momie avait été un dieu dans un temps lointain ? Le dieu primordial, qui éleva les hommes au rang supérieur… Vu les stigmates que comportait son corps, il pourrait bien s'agir du dieu civilisateur, d’Osiris lui-même. Celui qui avait éduqué l'espèce humaine décrite comme sauvage, et lui avait apporté la connaissance et l'agriculture. Les écrits sacrés tournaient encore dans sa tête :


« Dès qu'Osiris régna, il arracha aussitôt les Égyptiens à leur existence de privations et de bêtes sauvages, il leur fit connaître les fruits de la terre, leur donna des lois et leur apprit à respecter les dieux. Il parcourut la terre entière pour la civiliser. Il n’eut que très rarement besoin de faire usage de la force des armes, et ce fut le plus souvent par la persuasion, par la raison, parfois aussi en les charmant par des chants et par toutes les ressources de la musique, qu'il attira à lui le plus grand nombre d'hommes. Son expédition n'était point militaire ni dangereuse : la danse, la musique et la joie accompagnaient ce dieu. Aussi, partout on reçut Osiris comme un dieu bienfaisant. »


Oui, tout concordait entre les inscriptions du message et celles retrouvées sur la sépulture… En Égypte ancienne, ce type de sarcophage était nommé « neb ânkh », cela signifiait maître de la vie, et sa forme symbolisait une barque qui servait à poursuivre son existence dans le royaume des morts.


- Mamie, tu rêves ?

- Oui ma chérie, je rêve… Je vis un rêve… Toute ma vie prend son sens, c’est ma plus grande découverte.

- C'est bon, j'ai fini les prélèvements. Christiane, patiente encore un peu et je te donne le résultat, annonça machinalement Simon.


À chaque fois qu’il avait arraché un cheveu, les paupières de la momie avaient bougé légèrement jusqu'à s’ouvrir complètement…


- Fais-vite, Simon, j'ai hâte de savoir… reprit l'impatiente petite vieille aux cheveux blancs.


Le chercheur mit délicatement le petit bocal dans sa machine. Le processus allait prendre environ cinq minutes. Karine s'approcha de sa grand-mère pour observer avec elle le corps allongé.


- Regardez ! s'écria la très jeune Karine stupéfaite : la momie a ouvert les yeux ! C’est dingue !


Tous se retournèrent et furent surpris par l'étrange regard : des yeux d'un bleu ciel lumineux et transparent.


- Incroyable ! reprit Christiane. Le prélèvement a provoqué l'effritement ou l'affaissement des paupières. Quel réalisme. Je n'ai jamais vu des yeux en céramique aussi bien conservés ! C'est fantastique, on pourrait presque croire qu'il peut nous voir...

- Mais pourquoi brillent-ils comme ça ? demanda la jeune blonde à sa grand-mère en se penchant sur la tête de la momie.

- Je ne sais pas, c'est curieux, ils sont comme phosphorescents… Tu sais Karine, nous n'avons pas encore toutes les réponses, bien des mystères sont encore non élucidés. Les embaumeurs étaient passés maîtres dans leur art et encore aujourd'hui nous sommes incapables d'expliquer entièrement le processus de momification. Ils parvenaient à créer des momies légères comme une coquille d'œuf et dures comme des statues, ce sont des corps d'éternité par excellence. Tu vois, les Égyptiens croyaient en la survie de l'âme après la mort, et il fallait que celle-ci ait un endroit où retourner... Regarde sur le sarcophage, ce qui est écrit :


« Je ne m'altérerai pas, mon corps ne sera pas la proie des vers, il ne sera pas anéanti pour l'éternité. Maudits soient ceux qui troubleront mon sommeil… »


- Tu crois à ces malédictions ? questionna Karine, toujours fascinée par ce beau regard millénaire.

- Non ma chérie, sinon à force de troubler le repos des momies, je serais déjà maudite sur plusieurs générations.

- Sympa pour moi ! rétorqua Karine. Et combien de temps fallait-il pour transformer un cadavre en momie ?

- Un peu plus de 77 jours pendant lesquels des prêtres surveillaient les embaumeurs et accomplissaient de nombreux rituels : tout d'abord, ils commençaient par extraire le cerveau par les narines à l'aide d'un crochet de fer ; ensuite, tu vois ici, ils faisaient une incision au couteau pour enlever les intestins ; ils lavaient, parfumaient et remplissaient l’abdomen d'aromates.

- Heureusement qu’il était déjà mort, rétorqua la jeune fille, un peu écœurée par les méthodes archaïques employées.

- C’est sûr ! Mais ce n’est pas fini : ensuite le cadavre était trempé dans un bain de natron pendant 70 jours et, après avoir lavé entièrement le corps, ils l'entouraient de bandelettes de tissu enduites de cire. La plupart du temps, le tissu était souvent les vêtements du défunt reconditionnés.

- Quel travail ! Ils devaient être drôlement motivés !

- C’était le prix de la vie éternelle. Mais cette momie est très spéciale, les embaumeurs ne remplaçaient pas les yeux des défunts, ils les fermaient tout simplement. Et ils ne découpaient pas non plus en quatorze parties distinctes leurs morts, cela aurait été considéré comme un sacrilège.


Tout ici paraissait étrange, voire incompréhensible. Christiane avait vraiment l'impression que l'on avait inhumé cette momie une seconde fois. Qui pouvait bien être ce jeune Rose-Croix mort à la XIIIe Dynastie et qui avait eu droit à des funérailles de pharaon ? Sur le petit écran à cristaux liquide, comme sur le grand écran de contrôle de la salle de réfection, s’afficha le résultat.


- Qu'est-ce que c'est que ce délire ? Moins cinq mille ! C'est impossible ! Ce serait avant l'époque Thinite ! Christiane je suis désolé, il y a sûrement un bug, la machine doit être encore détraquée…


Simon lança un second test tout en jurant. Le serveur de datation devait être cassé pour donner de pareilles informations. Nouvel échec, toujours : moins cinq mille… Simon semblait soucieux, il se grattait la barbe comme si elle avait été infestée de poux. Sans rien en laisser paraître, Christiane exultait ! L’homme allongé devant eux était bien plus qu’un Rose-Croix comme elle avait pu l’imaginer au début. C’était Osiris ! Osiris, qui avait traversé sept millénaires et qui se tenait là, devant elle. Elle prenait peu à peu conscience de l'énormité de cette supposition. Personne ne devait savoir pour l'instant… Il fallait garder le secret, approfondir les recherches. À présent elle serrait très fort la main de sa petite fille, sa fierté. Du haut de ses dix-sept ans, Karine contemplait sa grand-mère : elle avait certainement encore découvert quelque chose d'important. La complicité était forte entre elles, en un regard elles s'étaient comprises. La larme à l'œil, la gorge serrée, Christiane reprit la parole.


- Allez, laisse tomber Simon, donne-moi l'échantillon, je l'enverrai à Londres demain pour une contre-expertise. La séance est terminée !


C’est cinq minutes plus tard que Christiane put refermer avec soulagement la porte sur ses derniers collaborateurs. Sans plus d’explications, l’octogénaire les avait mis dehors, leur demandant de quitter leur poste de travail immédiatement pour la laisser seule avec sa petite fille. La pause déjeuner avait eu lieu plus tôt que prévu pour l’équipe. Cette réaction irrationnelle ne lui ressemblait pas. Intriguée, Karine, observait la fébrilité des mouvements de sa grand-mère, son regard étrange à l’égard de la momie. Christiane releva la tête. Son visage affichait une béatitude déconcertante : elle arborait un large sourire en s’approchant de sa petite-fille. Un sourire qu’elle barra d’un geste inhabituel, mettant son index au travers de sa bouche pour intimer le silence. Curieuse, Karine fit l’inverse et la questionna.


- Mais pourquoi leur as-tu demandé de partir ?

- Il le fallait !

- Ça ne te ressemble pas Mamie, l'étude de la momie est loin d'être terminée ! Nous n'avons pas encore utilisé l'endoscope ni le…

- Chut, nous devons parler Karine, en privé ! C'est important, ce sarcophage, nous n'y toucherons pas davantage ! Ce serait un sacrilège ! chuchota l’égyptologue.

- Parle plus fort ! Je ne…

- Non ! Tends l'oreille !

- T'énerve pas, keep cool ! Zen…

- Ce que j'ai à te révéler est de la plus haute importance et doit rester secret, le temps de trouver le moyen de l'annoncer aux médias sans provoquer l'hystérie…

- Allez avoue, tu as encore fait une grande découverte ! Vas-y parle, Mamie…

- Oui ! C’est sensationnel ! Ce haut prêtre, ce dignitaire si étrange qui était habilement caché dans le tombeau attribué à une reine que l'on nommait Meres ankh – celle qui aime la vie –, a été enterré dans le mastaba G7410B de Guizèh, découvert en février 1925 par George Reisner au nord-est de la pyramide de Kheops. Mais cette tombe est unique en son genre, car elle est reliée à la seconde pyramide, celle de Khephren. Par ce lien, il existait ainsi une relation entre le roi et la reine ! Mais j'en ai imaginé un autre, plus profond : celui qui mène à la grande pyramide. Un lien entre un roi et un dieu !

- Mais tu as dit à tout le monde que le tombeau était situé dans la vallée des reines !

- J'ai volontairement brouillé les pistes pour donner moins d'importance à cette prodigieuse découverte. Tu sais, quand on fait de l'égyptologie, il faut connaître bien des choses : les langues, les écrits anciens, avoir quelques notions d'astronomie, de mathématique, de géographie, de botanique, de zoologie, mais surtout il faut connaître les hommes et prévoir leurs réactions. J'ai commencé l'égyptologie à ton âge. Et il m'a fallu au moins une bonne décennie d'études acharnées pour arriver à naviguer dans cette immensité de détails d'une civilisation si élaborée et si complète. J’ai été la première femme à l'école d'Athènes et à celle du Caire. Tu sais, lorsque j'ai été nommée, à vingt-trois ans, une délégation s'est même constituée pour demander son annulation. J'étais encore timide à cette époque. Et il m'a fallu beaucoup de courage et d'acharnement pour continuer !

- Je sais tout ça Mamie, tu me l’as déjà dit. Je connais le disque par cœur.

- Peut-être mais aujourd'hui je te demande de prendre ma suite. Pour moi c'est la retraite, ce n’est plus de mon âge, et je n’ai plus la force de continuer. Et je sais que tu nourris la même passion en toi, alors poursuis mon travail pour ce pays fantastique. Je veux que cette découverte soit tienne ! Celle qui te fera connaître, celle qui t'ouvrira toutes les portes.

- Mais qui est-il pour que tu te mettes dans des états pareils Mamie ?

- Ce sont les restes du dieu Osiris ! L'un des quatre enfants de Geb et Nout. Selon les écrits, il succéda à son père sur le trône et régna avec sa sœur et épouse Isis, il édicta les lois, enseigna les techniques...

- Mais ce n'est pas possible ! Ce sont des légendes ! Ça ne tient pas debout ! Ce n’est pas scientifique !

- Alors regarde la légende en face ! Vois ses bras croisés, il porte le sceptre et le fouet ! Regarde sa barbe tressée ! C'est celle des dieux !

- Peut-être mais...

- Non ! Regarde-le ! Regarde son visage ! C'est si évident maintenant… Depuis des millénaires il a été contemplé sans pourtant être reconnu !

- Mais je ne vois rien de spécial. Pourtant il me semble l'avoir déjà vu…

- Oui ! Toi aussi tu l’as vu, souviens-toi la première fois où je t'ai emmenée en Égypte, il y a dix ans…

- Je ne me rappelle plus trop, j’étais si jeune…

- Plus que tout autre, ce visage représente l'Égypte depuis des millénaires !

- Tu es bien mystérieuse, Mamie...

- Quand tu comprendras, tu seras prise de vertiges comme moi ! Nous l'avons contemplé pendant une heure sur le plateau de Guizèh !

- Une heure ? À Guizèh ? Je ne sais pas, Mamie, je ne vois rien d'autre qu'un visage vieux de trois mille ans…

- Alors laisse-moi te guider !


Sans en dire davantage, Christiane se pencha sur la momie jusqu'à l’effleurer : son contact était glacial. Sa main remonta et s’approcha du visage ocre et dur comme une coquille d’œuf jusqu'à se positionner au niveau du nez qu’elle masquait complètement. Karine venait de comprendre l’inconcevable.


- Attends, non ! C'est impossible... Ce que tu essayes de me dire c'est… C'est le visage du Sphinx ! C'est du délire ! C'est tout bonnement incroyable ! Fantastique et phénoménal !

- Oui, ma petite fille adorée, nous contemplons tous le vrai visage du dieu Osiris depuis des millénaires !

- C'est complètement dingue ! C'est la découverte du siècle ! Mamie, tu te rends compte de la portée…

- Sans aucun doute ! Tout prend un nouveau sens. Je commence même à croire aux divagations du professeur Schoch, qui en 1993 étayait ses élucubrations sur des preuves géologiques formelles, attribuant au Sphinx plus de deux fois l'âge que nous autres, les égyptologues, lui accordons habituellement. Le Sphinx reste une prodigieuse énigme.

- Que tu viens de résoudre Mamie ! lança, pleine d’admiration l’adolescente.

- Non ! Nous sommes encore loin de tout savoir, je suis sûre qu’il cache bien d’autres secrets...

- Des secrets ? Plus grand que celui qui fait de cet homme l’image d’un dieu ?

- Oui certainement, je dois te raconter comment je l'ai retrouvée ! C'est un poème découvert dans la chambre mortuaire du pharaon Akhenaton, qui m'a guidée jusqu'à lui. Je l'ai appris par cœur, et toute ma vie j'ai cherché et attendu ce jour…


« Mon vol m'éloigne de vous, hommes,

À la terre je préfère le ciel,

Je me suis élancé vers lui tel le héron,

Je l'ai embrassé tel le faucon,

Je suis l'essence d'un dieu,

Regardez le fidèle et tendre Osiris

Qui n'a pas pu gagner sa constellation,

Je suis venu chanter la gloire d'Orion,

Mon âme est une étoile d'or,

Avec elle je tournerai à jamais dans le ciel… »


Les yeux de la momie étaient fixés sur Christiane, ils étaient emplis de compassion après avoir entendu cette si belle invocation.


- Comment as-tu fait ?

- Les étoiles du poème ma chérie, les étoiles m'ont guidée. C'était si logique, ma petite fille adorée : considère les pyramides comme d'immenses architectures religieuses, un peu comme nos cathédrales.

- Oui... Et alors ?

- Et que trouve-t-on dans les cryptes de ces édifices ?

- Des reliques de saints...

- Exactement ! Au Vatican tu trouveras les restes de saint Pierre, par exemple. Alors, imagine ce que tu peux trouver dans une pyramide ! Un monument de trente millions de tonnes qui représente à lui seul le volume de matériaux nécessaire pour construire toutes les cathédrales réunies...

- On pourrait y trouver le saint des saints ! Ou Dieu lui-même, mais les étoiles dans tout ça ?

- Robert Bauval et Adrian Gilbert t'expliqueraient cela mieux que moi car ils ont résolu cette énigme incroyable. Lorsque les Égyptiens contemplaient le ciel, la nuit, ils découvraient la voûte céleste, la voie lactée, le Nil céleste, le pays des dieux. Ils ont entrepris de reproduire sur Terre, le long du Nil, la constellation d'Orion. Chaque pyramide représente une étoile. La taille de chaque monument est corrélée à l'éclat et la position de l'étoile correspondante ! Si bien qu'Osiris était représenté dans le ciel par la constellation d'Orion, et sur la terre par les pyramides de la région de Guizèh ! Les Égyptiens avaient essayé de construire le ciel sur la terre... Un travail titanesque pour un seul homme-dieu : lui... dit-elle triomphalement en le pointant du doigt.

- Mais rien ne prouve que…

- Ma petite chérie, l'Égypte est une clef qui ouvre sur l'incroyable, sur l'inconcevable ! Si tu étudies les hiéroglyphes qui sont si difficilement compréhensibles pour le commun des mortels, ainsi que l'architecture des temples, tu comprendras les messages laissés par les anciens. Ma pyramide, ma pierre est construite et taillée depuis très longtemps, maintenant... Quel choc quant aux résultats, quant à la vérité... Dans ce monde où tout n'est qu'apparence, méfie-toi, ma douce, de ceux que tu crois connaître. Fais plutôt confiance aux écrits anciens, ceux réalisés au burin sur les murs, avec pigments et peintures. Pour pouvoir percer cette apparence et les mystères, il faut savoir lire au travers des symboles et des écrits, comme si tu déliais les nœuds de la croix de vie égyptienne, la croix Ankh…



 
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   David   
13/2/2008
C'est géniale, j'ai adoré ! La fin pourrait presqu'être la morale d'une fable, c'est trés réussis !

La nièce est présentée comme stagiaire au début, puis le lien entre elle et l'égyptologue apparaît à l'occasion de l'évocation de l'arthrite, ça m'a un peu surpris.

   Engel   
16/2/2008
Merci David pour ton commentaire rassurant :)

C'est vrai qu'au debut je ne voulais faire de Karine qu'une stagiaire mais par la suite il m'a parrut plus adapté de créer un lien supplémentaire entre ces deux femmes.

   Maëlle   
28/5/2008
 a aimé ce texte 
Pas ↓
Ouille. C'est too much de chez too much. Dès le départ, cela dit: on est prévenu. Mais justement, faire de cette (trop) vieille dame une égyptologue "égale d'un dieu", c'est clairement nous dire "je ne vais vous raconter que des bêtise". Et donc le voyage est faussé d'emblée. Le texte est perclus de détails raté: la nièce passionnée d'égyptologie ne connais rien à l'embaumement, la conservatrice à dépassé de 30 ans l'âge de la retraite, elle allègue des fait délirant sans que personne ne doute de sa santé mentale (et pourtant, voilà un ressort dramatique possible), quand à sa découverte...

Cela dit, je pense que ça peu avoir son public: c'est vraiment dans la veine da vinci code.

   Anonyme   
23/3/2019
interressant, dommage que le ton soit trop familier, mais si il y avait une suite, k, je la lirais.


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