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Réalisme/Historique
fugace : Gagner sa liberté
 Publié le 08/04/13  -  16 commentaires  -  4249 caractères  -  182 lectures    Autres textes du même auteur

La vie bascule parfois très vite. Alors, tout peut arriver.


Gagner sa liberté


Le vent a pris la rue pour une tuyère, il hurle d’est en ouest, bouchonnant papiers et sachets de plastique jusqu’aux bouches d’égouts.


En ce novembre lumineux, glacial, à l’air de bonbon menthe, les gens sont pressés, marchent le nez au sol, ne voient rien ni personne.


C’est même à se demander comment il se fait qu’ils soient si nombreux à se geler sur ce boulevard aux commerces sans clients, aux trottoirs défleuris.


Je l’avais déjà vue cette fille.

Aussi costaude qu’un camionneur, la tignasse flamboyante, les yeux noirs, brûlants ; engoncée dans son blouson de cuir violet.

Elle traîne toujours avec cinq garçons du même style, accompagnés de gros chiens, ils font la manche devant la sortie de la supérette, trinquent à la bière, insultent les passants.


Bizarre qu’elle soit seule, sur le même trottoir que moi ; alors que ses potes sont restés vautrés avec les chiens sur leur emplacement de bitume, source de revenus.


– Tu me files un euro.

– Non.

– Salope ! Tu as du fric ! Tu vas voir !


Un sifflet bref, un sifflet de ralliement, d’alerte.

C’est tout.

Elle plantée en face de moi, qui ne bouge pas.

Moi non plus je ne bouge pas. Je me mets le dos au mur.


Les cinq autres traversent la rue, arrivent avec leurs chiens.

Un cercle autour de moi.


– Alors la vieille, on ne veut pas filer un euro à notre copine ? C’est quoi ce délire ?

On sait bien que tu as du blé, alors tu vas nous en filer.

– Non.

– Tu crois quoi, là ?

On a bien vu que tu es à la rue aussi : ça fait une semaine qu’on te voit zoner, remonter le boulevard, le redescendre, aller boire un café, manger un plat à pas cher.

À la rue, on partage.

Alors tu donnes ou on te lâche les chiens !


Toujours le dos au mur, je me suis accroupie, j’ai claqué de la langue quatre ou cinq fois en regardant le plus gros chien dans les yeux.


– Viens, toi ! Allez, viens !


Le chien s’est approché, je l’ai gratouillé derrière les oreilles, puis sous le ventre, puis sur le dos.

Ses trente kilos et plus se sont allongés devant moi, son museau sur mes pieds.


– Je n’ai pas peur des chiens.


Les passants le nez de plus en plus bas, le pas toujours plus rapide ne voyaient rien…

On ne peut pas voir ce qui dérange !


– Alors si t’as pas peur des chiens, on va voir si nos surins te parlent !

– Allez-y les mecs ! Pointez-la ! Moi j’vous dis qu’elle a du fric cette vieille !


Trois déclics, trois lames effilées sont sorties des poches intérieures des blousons, à demi cachées mais tellement réelles.


– Fais pas d’histoire, file ton blé sinon on te perce.


Surtout pas trembler.

Surtout pas baisser les yeux, continuer à fixer le chef droit dans ses yeux bleus.

Surtout pas bouger.


En vision latérale je vois les gens traverser, changer de trottoir bien avant le lieu de ce comité étrange.

Personne !

Ni pour aider, ni pour alerter les flics !

Alors, quoi ? Se laisser tuer par six morveux à moitié ivres, paumés, qui jouent les terreurs ?


J’ai tendu mon bras gauche vers le chien couché à mes pieds, lui ai simplement dit :


– Hop, debout !


Il s’est assis contre ma jambe, je sentais sa chaleur tout le long de ma cuisse qui remontait dans mon corps.

Puis j’ai saisi la peau de son cou, remontant sa tête bien droite.


– Si tu approches, on est deux à te bouffer : le chien et moi.

Si tu me surines, je te promets que tu ne sortiras pas entier de la bagarre : une pointe ça se retourne.


Le chien s’est mis à grogner.

C’est tout.

Ni lui ni moi ne bougions.


– Ça va Hop, calme-toi.

– C’est quoi cette folle ?

– Ce chien, il est à moi maintenant.

Cassez-vous !


Moment de silence, d’hésitation ; échanges de regards, puis une cavalcade et plus personne.

Sauf Hop et moi, toujours collés au mur.


– Allez viens Hop, on s’en va.


J’ai acheté un collier en cuir rouge pour Hop, avec une plaque et son nom gravé dessus.

Je n’ai jamais eu besoin de lui mettre une laisse, il marche à ma gauche toujours à hauteur de ma jambe.

On ne m’a jamais plus embêtée dans la rue.


Un jour j’avais tout quitté, tout laissé.

Je me suis retrouvée à la rue, en plein hiver je dormais dans ma voiture.


Il y a tout dans la rue.

J’y ai rencontré la liberté.

J’y ai trouvé un ami qui ne ment pas.


 
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   macaron   
15/3/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Un petit texte étonnant avec, entre les lignes, un désir d'espoir qui se concrétise. Un peu comme dans "Les souliers" , la chanson de Guy Béart.
Une écriture simple avec des dialogues qui sonnent justes; Hop, un nom qui sort de l'ordinaire...

   alvinabec   
21/3/2013
 a aimé ce texte 
Bien
C'est un bon petit texte en version poésie de rue, touchant, pudique, économe d'effets ronflants.
"Elle s'est placée en face de moi, qui ne bouge pas...Moi non plus...", il me semble que la construction est à revoir.
Beaucoup apprécié cette vieille qui part avec un nouvel ami piqué à ces gamins agressifs, la loi du trottoir battue en brèche.

   Marite   
1/4/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Oui tout peut arriver, en une fraction de seconde ! L'instinct de survie, quand on le débride, possède d'étonnants pouvoirs. Cet instantané de la rue est parfaitement décrit, juste l'essentiel et c'est suffisant. On y croit. Un retour aux premiers âges et à la lutte pour la survie ... paradoxal si l'on songe que nous sommes dans une société dite civilisée.

   Palimpseste   
8/4/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'ai beaucoup aimé ce texte tout simple et très poétique.

L'intrigue est aussi originale et la description de l'appropration du molosse est fluide.

Les dialogues avec le groupe sont un peu surfait. Je ne suis pas certain que la scène soit très "naturaliste", mais ça passe quand même bien.

   Anonyme   
8/4/2013
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Ce qui me gêne beaucoup dans cette histoire, c'est que je ne la trouve pas crédible.
D'abord, ceci :
"j’ai claqué de la langue quatre ou cinq fois en regardant le plus gros chien dans les yeux."
C'est vrai que je n'y connais pas grand-chose en chiens, mais j'ai lu que regarder un chien droit dans les yeux constituait pour lui un acte de défi, proche de l'agression. Alors, bon, on peut imaginer que par cet acte la narratrice s'impose au chien comme son dominant, mais j'ai quand même un peu de mal à imaginer que ce soit aussi simple, que l'animal change d'allégeance (de "meute") aussi facilement. Mais admettons, je ne connais pas bien les chiens.
Seulement, pendant que la narratrice se livre à son rapprochement avec le gros chien, je trouve également surprenant que les jeunes si agressifs et apparemment décidés à en découdre la laissent tranquille, qu'ils ne la bousculent pas un bon coup : ils sont plusieurs (six !), jeunes, avec plusieurs chiens, et les passants ne vont pas aider l'agressée. Qu'est-ce qui les retient ?

Du coup, je n'ai pas pu vraiment entrer dans l'histoire, malgré sa simplicité et, je crois, sa volonté de réalisme. Pour moi, ça n'a pas fonctionné.
Sinon, j'ai trouvé l'écriture plaisante, simple elle aussi et directe mais en même temps imagée (bon début de ce point de vue, à mon avis), ce qui représente à mes yeux des qualités appréciables.

   leni   
8/4/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Cette histoire est simple elle est écrite à la plume vérité L'alternance texte dialogue donne toute la vivacité à l'histoire dans un monde où le risque est partout La chance a été apprivoisée ....plus je regarde les hommes plus j'aime mon chien...J'aime l'écriture poétique:l'air de bonbon menthe...le ton est donné Et allez Hop Comme quoi il ne
faut pas chercher midi à quatorze heures Bravissimo ! Salut Leni

   Anonyme   
8/4/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Alors là laissez-moi vous dire, Fugace, je trouve votre nouvelle absolument formidable. J’avais déjà apprécié votre poésie. Disons qu’il y a des gens doués qui savent tout faire.

D’abord, votre style. Faites-moi le plaisir de ne plus y toucher.
Et puis, la narration, les dialogues comme des lames de couteau… Tout me semble bien maîtrisé. Ce réalisme que vous contournez pour en tirer une moelle poétique, ce réalisme que vous transformez en un récit fantastique, c’est tout ce que j’aime. Je ne suis pas amateur de Fantastique, sauf lorsqu’il est inscrit dans le réel avec autant de talent. Apprivoiser Hop c’est apprivoiser le monde, c’est désarmer la violence que le monde avait dressée.
La fin est absolument remarquable, elle me parle. Cette liberté, vous nous dites qu'il est possible de la rencontrer, à condition de regarder la bête (un monde dressé à devenir égoïste et violent) dans les yeux et de lui parler. J'ai déjà vu des utopies moins enthousiasmantes.

Vous vous servez d’un cliché de notre société (les sans-abri avec leurs chiens), pour essayer de le transcender, et vous y parvenez d’une manière intelligente, sensible, poétique, généreuse, ouverte sur le monde, sans pleurnicherie ni misérabilisme.
Je n’ai rien lu de mieux ici en 4000 caractères. De la vraie littérature. Sauriez-vous tenir sur plus long ? C’est tout ce que je vous souhaite. En tout cas, sans vouloir vous commander, vous êtes priée d’en fournir un peu plus la prochaine fois -:)

Encore bravo
Cordialement
Ludi

   brabant   
8/4/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Fugace,


Fabuleux, j'ai reçu ce texte comme un coup de poing, un crochet sous le menton qui aurait pris le temps d'attendre son heure dans l'espace trinitaire du round. Le manager a jeté l'éponge en même temps que les soigneurs soutenaient leur championne groggy. C'est que ça peut être terriblement efficace un uppercut.

Je changerai moi-aussi de trottoir si j'en viens à croiser la nouvelle madone des pitbulls, une idole ça s'admire de loin Nom d'un dogue !

Je ne bouderai pas mon plaisir plus longtemps. Allez !... Exceptionnel !

Lol :)


"Le vent a pris la rue pour une tuyère? il hurle d''Est en Ouest, bouchonnant papiers et sachets de plastique jusqu'aux bouches d'égouts." Génial ! Djian n'aurait pas fait mieux.

   Pimpette   
8/4/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un vrai bon,très bon texte, histoire, écriture, et on a envie de connaître et d'aimer l'auteur!

Les autres com disent tout ce que j'en pense moi aussi!

Une grosse caresse pour Hop car je suis certaine qu'il est là en train de nous lire!

""Un jour j’avais tout quitté, tout laissé.
Je me suis retrouvée à la rue, en plein hiver je dormais dans ma voiture.""

   Anonyme   
8/4/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour fugace. Une scène de rue devenue malheureusement presque banale et bien décrite jusqu'à la rencontre avec le chien..., rencontre qui me laisse perplexe.
Je ne suis pas un grand expert en psychologie canine mais j'ai vécu une vingtaine d'années avec deux bergers allemands.
Regarder un chien, particulièrement un chien de défense, dans les yeux est fortement déconseillé, le gratouiller sur la tête et le ventre ne s'improvise pas à moins d'avoir noué au fil du temps des relations de bon voisinage avec l'animal...
Ceci dit, il y a sans doute des exceptions qui confirment cette règle... Hop doit en faire partie et c'est tant mieux.

Le passage à l'euro nous a privé du "T'as pas cent balles ?" d'autrefois que je trouvais plus poétique... si l'on peut dire.

Merci pour cette lecture un peu surréaliste quant au chien mais plutôt bien ficelée

   troupi   
8/4/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je n'avais pas encore commenté une nouvelle, j'en lis assez peu.
Fugace me décide par la façon dont elle gagne sa liberté.
Pas toujours bien crédible, il faut bien le dire, mais doit-on être vraiment crédible si on veut amuser les gens par quelques lignes bien tournées ?
Bravo Fugace, après vos poésies cette première nouvelle est bien amusante malgré la froideur du sujet traité.

   Acratopege   
8/4/2013
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Jolie histoire, écrite dans un style parfois un peu lourd, par exemple "C'est même à se demander comment il se fait que..." Et le renversement de situation entre agresseur et agressé n'est pas trop crédible. Mais cela se lit avec plaisir, et la jubilation de voir une fois encore les méchants floués et les courageux récompensés! Je veux dire que je trouve la morale de l'histoire un peu convenue mais plaisante.

   in-flight   
9/4/2013
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Une scène du monde moderne au style dépouillé et sans fioritures. Néanmoins, je ne trouve pas très crédible le chien qui change de maître sur simple « gratouillage ».
« J’y ai trouvé un ami qui ne ment pas » (dernière phrase) : Il ne ment pas mais il a quand même rapidement retourné sa veste en changeant facilement de propriétaire.
Morale de l’histoire : la guerre des pauvres aura bien lieu 

   Pouet   
10/4/2013
"Réalisme/Historique" dit la rubrique...

Moi je n'ai pas trouvé cela réaliste, mais alors pas du tout.

Non pas que je n'ai pas aimé lire cette nouvelle ma foi bien écrite.

Mais le coup du chien qu'on apprivoise ainsi... Un chien qui a déjà un maître qui lui donne à manger; même s'il n'est pas forcément bien traité, ne va pas "lâcher" son maître ainsi, je ne le pense pas. Du moins moi j'ai eu des chiens, j'ai côtoyé ceux d'autres personnes, j'ai fait appel à des dresseurs aussi et je ne crois pas que "ça marche" comme ça un cabot... Le chien, à l'inverse du chat, n'est pas "rancunier", ainsi il ne se retournera pas contre son maître même si celui-ci le tape ou le prive de nourriture.

Après, la femme du texte dit "non" comme ça direct quand les jeunes la sollicitent, bravo j'en connais peu qui réagissent ainsi, faut un sacré sang froid, pour fixer dans les yeux le type aussi, quand on sait qu'ils sont plusieurs et ont des couteaux en plus...
La femme de la nouvelle est digne de s'engager dans le GIGN...

Mais bon pourquoi pas.

En revanche le coup du chien j'y crois pas du tout. Comme dans les films où le héro regarde le chien et ce dernier se couche en gémissant...

Et la fin j'ai pas compris, elle est déjà à la rue et dort dans sa voiture la narratrice quand elle se fait agresser? dans ce cas pourquoi les jeunes disent qu'elle doit avoir de l'argent?
C'est pas clair je trouve.

Bonne continuation

edit: J'ai un peu lu après avoir posté mon commentaire ceux des autres et je m'aperçois que le côté pas trop crédible de la scène avec le chien a déjà été relevé, je m'excuse donc auprès de l'auteur pour la redondance de mes mots. Auteur qui je suppose doit en avoir ras le pompon qu'on lui parle de cela...lol)

   Ioledane   
30/4/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Mon commentaire rejoindra celui de plusieurs précédents lecteurs : le chien tourne casaque un peu trop facilement à mon goût pour être crédible, mais le récit est bien mené, prenant, plutôt efficace avec ces phrases sans verbe qui ponctuent le récit.

Il y a de l'amertume dans ce texte : les passants le nez de plus en plus bas, les amis menteurs effleurés en fin de récit ...
Très bien, d'ailleurs, cette chute en trois phrases courtes qui disent beaucoup.

   AntoineJ   
19/5/2013
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
dommage pour un début : bouchonnant ... jusqu’aux bouches ...

pas simple d'y croire ... Toujours le dos au mur, je me suis accroupie, j’ai claqué de la langue quatre ou cinq fois en regardant le plus gros chien dans les yeux.
– Viens, toi ! Allez, viens !
Le chien s’est approché, je l’ai gratouillé derrière les oreilles, puis sous le ventre, puis sur le dos. Ses trente kilos et plus se sont allongés devant moi, son museau sur mes pieds.
=> soit elle a un super pouvoir (et au cas où elle ferait mieux de l'utiliser ... ) soit elle a beaucoup de change et elle devrait jouer au loto ...

Pareil, je veux bien imaginer la vielle en spécialiste de la PNL capable de dompter aussi les hommes mais bon ... c'est dur à avaler :
– Si tu approches, on est deux à te bouffer : le chien et moi.
Si tu me surines, je te promets que tu ne sortiras pas entier de la bagarre : une pointe ça se retourne.
Le chien s’est mis à grogner. C’est tout.

Quand à la fin, on attend mieux que "et hop, il est là" ...

pourtant j'aime bien le style qui colle bien à l'histoire, la façon dont tout cela est raconté (avec l'opposition acteur / spectateur / ignorant ...)

Je pense que vous pourriez en faire un truc vraiment bien en y rajoutant quelques éléments pour rendre plus crédible

PS : j'ai lu ensuite les autres commentaires. Si je ne suis pas le seul pour la crédibilité, j'ai constaté chez beaucoup un enthousiasme certain. Comme eux, j'aime bien cette nouvelle, mais il me semble vraiment qu'elle pourrait être encore beaucoup mieux ..


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