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Sentimental/Romanesque
geob : Une journée sur les planches
 Publié le 14/10/10  -  8 commentaires  -  31810 caractères  -  85 lectures    Autres textes du même auteur

Amna travaille dans un hôtel sordide. Le jour elle rêve, et la nuit...


Une journée sur les planches


Des éclats de voix lui parviennent du fond de la pièce là où se trouve, fixé au mur, un téléphone à pièces qui avait dû connaître une sorte d'apogée technologique et esthétique au début des années 80, avant de s'effacer peu à peu dans le décor mouvant du temps pour ne plus conserver que l'air triste des choses enfermées dans leur époque. Comme pour souligner l'anachronisme, la fille qui braille dans le combiné rouge en faisant d'amples gestes avec sa main libre porte un jean dernier modèle. La conversation a quelque chose du match de boxe où hurler plus fort que l'autre semble être le seul moyen d'imposer son point de vue. La fille se débrouille plutôt bien de sorte que, dans l'imperturbable matinée hivernale, les débris étouffés de la voix tout aussi exaltée de son interlocuteur qui s'échappent de l'appareil et emplissent difficilement l'espace sont encore ce qui ressemble le plus au silence. Après quelques minutes de lutte, la fille aux yeux cernés qui porte un jean dernier modèle rend les armes, raccroche et sort en trombe. Le vent glacé se faufile dans l'hôtel.

Dans un coin du petit hall, Amna regarde la porte se refermer. Elle bâille longuement derrière son poing fermé, sèche une larme naissante sur sa joue puis recommence à agiter son chiffon, machinalement, en essayant de se rappeler à quel moment de la conversation elle s'est interrompue pour écouter. La poussière s'envole, flambe un instant dans un rai de lumière et file doucement se déposer plus loin. Quelques instants plus tard, elle s'arrête à nouveau. On dirait qu'elle parle toute seule.


Les gens dans l'hôtel la croyaient un peu folle. Peut-être depuis le jour où elle avait raconté comment elle était devenue chanteuse dans un groupe de hard-rock banlieusard. Et, devant les sceptiques du troisième étage, elle avait crié à travers son balai transformé en pied de micro, et dans un anglais impeccable, les premiers mots brûlants et aériens de Black Dog, brisant de sa voix pure l'habituelle cacophonie des couloirs de l'hôtel. Après ça, il y avait eu le silence, et le regard ébahi d'un gamin posé sur cette gorge mince d'où étaient sorties les paroles infernales. Amna avait baissé les yeux et repris ses activités ménagères comme un pèlerin reprend sa route après avoir chassé une pensée profane. Un instant, elle avait eu peur de Dieu.


Elle sourit en astiquant le petit cadre en bois pour en chasser la poussière.

« Je me demande bien ce que tu fais là, toi ! »

Suspendu au mur par un clou tordu, l'image d'un Christ Sauveur régnait sur le minuscule salon – deux fauteuils abîmés, une table basse et une pile de magazines dont la plupart étaient là depuis une bonne dizaine d'années – aménagé en face du box de la réception. Une présence pour le moins louche dans cet hôtel qui était un véritable bouge, une maison de passe, dont aucun des occupants n'avait dû connaître de service religieux depuis l'invention du bordel. Et lui se tenait là, impassible au milieu des putes et de leur quinaude clientèle, tel le capitaine d'un navire en perdition, criant depuis la proue des ordres vains dans le vent qui emporte tout. Il y a sûrement quelque plaisir dans le sacrifice. D'ailleurs, au milieu de cette faune sans vertu, Amna se fait à elle-même l'effet d'un ange. Ce n'est pas désagréable.

« Ça nous fait un point commun » murmure-t-elle en réajustant le cadre, s'attendant presque à ce qu'il lui réponde d'un clin d'œil complice. Mais il a l'air absent. Elle ne sait pas grand-chose de Jésus. Quelques passages lus dans le Coran et le souvenir de son père hilare quand elle l'avait interrogé en revenant de l'école : « Ah, l'autre là, le "fils" de Dieu ! » Le plus curieux avec Jésus, enfin avec sa mère, c'est encore cette histoire d'immaculée conception. Pour qui a été élevé dans la culture musulmane, c'est même carrément tordu. Et tout aussi intriguant... Elle lève à nouveau les yeux vers le visage pâle de son auguste interlocuteur. Elle voudrait percer le mystère de son incursion ici-bas. Ils s'observent un instant. Elle cherche les mots appropriés. « Alors comme ça, ta maman... elle t'a eu sans avoir... tu sais… couché quoi ? » Court silence. Cette fois c'est elle qui semble absente. Elle soupire : « Moi, c'est tout le contraire... » C'est la femme qui parle, mais sa petite voix se perd dans la pièce, sans réponse. Ce Jésus n'est décidément pas un bavard.


C'était là, entre le sourire béatifique du prophète et le regard angélique de Meryl Streep à la Une d'un antique numéro de Studio, qu'elle avait été reçue par ce philistin de gérant d'hôtel. Elle l'avait écouté écorcher son nom. « A-mi-na Bough-rif, avait-il paresseusement articulé... et vous venez d'où comme ça ? » Elle venait de l'autre côté de la ville, Ducon, mais de toute évidence il attendait une réponse plus exotique. « Maroc » avait-elle lâché, mesurant avec tristesse à quel point ce mot était étranger pour elle. Et lui tortillait sa moustache, savourant la confortable position d'employeur que sa vie de raté n'avait pas dû lui octroyer bien souvent. « Parfait parfait... c'est ce que nous cherchons ». Elle avait hésité entre lui cracher à la figure et jouer la bonne Arabe. Elle avait été au plus simple, puisqu'elle était venue pour ça. Mais depuis, chaque fois qu'elle croisait la figure démoniaque du gérant, elle raclait sa gorge et amassait un peu de salive car elle lui destinait immanquablement le plus gros crachat qu'on ait jamais vu sortir de la bouche d'une jeune et jolie fille. Enfin, d'une jolie fille, car les années passent... Bientôt sept ans qu'elle travaille ici, elle en a vingt-neuf. Sept années depuis ce matin où elle a aperçu la bâtisse au coin de la rue, vérifiant encore la concordance avec l'adresse notée sur un bout de papier. Comme tous les hôtels, celui-là lui avait semblé cacher d'impénétrables secrets, enfouis dans les valises des locataires partis en pleine nuit sans laisser de trace. Elle tenait son sac de sport sous le bras et c'est vrai qu'elle semblait venir de loin. De l'autre côté de la ville. Elle avait imaginé son petit immigré de père débarquant dans ce pays, terrifié mais gonflé d'orgueil. Elle avait pris une longue inspiration avant de traverser la rue, comme on traverse un océan. Pas question de se rater : mascara, chaussures brillantes et son plus joli foulard dans les cheveux, elle voulait plaire. Une chambre et un SMIC pour faire le ménage dans l'hôtel « et deux-trois aut' trucs » lui avait dit le gérant. Tope-là crapule, elle avait pris ses quartiers dans la chambre sous les combles. Cinq étages de sueur, de murmures, d'enfants qui hurlent, de portes qui claquent, et une petite odalisque qui écoutait AC/DC à fond, le soir, sous les toits.


Parmi les deux-trois autres trucs promis par le gérant, elle devait répondre au téléphone – « Hôtel Lumière bonjour » (c'est pour un séjour thaumaturgique ou putassier ?) – faire un peu de paperasserie et préparer le petit déjeuner gracieusement offert par la maison. De loin ce qu'elle préférait faire. Quand tout était prêt, elle faisait tinter la petite cloche de bronze pour annoncer l'heure. Alors elle s'imaginait, tel Isrâfil, sonnant la trompette de la Résurrection après une nuit de débauche. « Debout les morts ! » Elle avait bien dû ajouter quelques extras à son emploi du temps. Faire les devoirs avec les gamins qui vivaient là à l'année ou recueillir les cœurs meurtris, le matin en faisant les chambres. Au début, ça l'avait surprise de voir à quel point certains types ont du mal à prendre conscience de la nature vénale de leurs relations sexuelles. Un jour, elle en avait trouvé un qui refusait de quitter sa chambre, attendant le retour de son âme-sœur-pour-la-nuit, comme Amna avait fini par appeler ces filles qui ne font pas à proprement parler le tapin, mais partent avec ton portefeuille. Et comme il restait assis sur son lit à se languir de sa princesse de glace, elle avait ramassé un préservatif usagé sur le sol qu'elle avait agité sous son nez : « Elle s'est envolée ta minette, et ça, c'est tout ce qu'il reste de votre amour. Maintenant lève-toi et laisse-moi faire le lit ! » Levant les yeux sur le bout de plastique gluant, pitoyable vestige de l'étreinte, qui pendouillait devant lui, le garçon – il avait une vingtaine d'années pas plus – avait fondu en larmes. Espèce de couillon, s'était-elle dit en le poussant doucement vers la porte, émue et atterrée par la faiblesse des hommes.


Le quatrième, c'est l'étage qu'elle préfère. La tapisserie fleurie qui se décolle dans les angles mais couvre encore les murs comme un doigt d'honneur rococo à la pâle modernité – car elle a, pour des raisons budgétaires, miraculeusement survécu au replâtrage qu'ont subi les étages inférieurs – y est sûrement pour quelque chose. Elle avance sur le plancher du petit couloir qui donne accès aux chambres. Il y en a quatre, comme à chaque palier. L'hôtel est installé dans un ancien cinéma qui comptait, en tout et pour tout, deux petites salles obscures au rez-de-chaussée, à l'endroit où se trouve maintenant la salle commune, la réception et le café qui jouxte l'hôtel. Elle a toujours voulu travailler dans un cinéma, apercevoir les stars du grand écran... Mais c'est idiot, les acteurs ne viennent pas au cinéma. Tout au plus pouvait-on voir leur trombine sur les immenses affiches, comme sur celle qui émaille le mur sombre de la réception et rappelle le passé respectable de l'endroit, à travers le regard de chien battu d'un certain Humphrey Bogart ou quelque chose comme ça.

Au bout du couloir, Amna s'arrête devant la porte de droite, cherche la clef sur le trousseau puis, d'un mouvement brusque et élégant, elle fait volte-face pour frapper à la porte de gauche.


- C'est qui ? lance une voix à l'intérieur de la chambre.

- C'est Omphré Bogart, pour le ménage.


Un rire lui parvient de l'autre côté de la porte. Un rire du genre communicatif. Elle sourit.


- Ah ! Et moi je suis Loren Bacall c'est ça ? Alors laisse-moi au moins m'habiller, parce que Loren a les tétons à l'air là !


L'homme rit de nouveau. Elle n'est pas sûre d'avoir bien saisi la blague. Bientôt la porte s'ouvre sur le visage rigolard de Ali, ses yeux plissés, une clope au bec.


- Qu'est-ce que tu veux Amna ?

- Je passais. Je vais faire la chambre en face, le type avec le grand front a décampé ce matin. Ah, et aussi, il y a Alien qui passe à la télé ce soir.

- Lequel Alien ?

- Le premier.

- Le meilleur. (Il tire sur sa cigarette.) Le plus… cérébral.

- Mouais.


Elle n’est pas tout à fait d’accord. Mais il faut reconnaître qu’Ali sait de quoi il parle. Il a vu plus de films qu’elle n’en verra jamais et elle se demande parfois comment il a pu assimiler autant d’informations cinématographiques en tous genres sans exploser dans une immense projection de lumière bleue et de pop-corn américain. C'est lui qui a appris à Amna l'existence du cinéma entre les murs de l'hôtel où elle travaille. Il dit en sentir encore la présence magique, tu sais, un peu comme un cimetière indien. Son sanctuaire à lui, c'était la salle télé et c'est là qu'ils avaient fait connaissance. Un soir que le programme était désespérant ils avaient passé plusieurs heures, dans la lumière intermittente du petit écran délaissé, à discuter des choses de la vie et de la carrière intersidérale de Leonard Nimoy alias Spock, l’ « esthète éthique », en buvant les bières qu’Ali décapsulait avec ses dents comme il l’aurait fait avec son sourire. En plein Ramadan. Elle rougit en y repensant.


- On en reparle ce soir alors ? dit Ali.

-Non. Ce soir je suis pas là.


Ils sourient tous les deux. Elle l'aime bien ce Ali. Il est là depuis quelques mois et ils ont appris à se connaître, à leur rythme, lentement. Ali avait laissé femme, gosses, maison et écran plat pour venir travailler sur un chantier. Un truc bien, il pourrait voir venir après ça. Certains week-ends il rentrait dans sa famille. Et puis certains soirs il rentrait ici avec une fille, une pute. « Au moins après ça, je sais pourquoi je suis toujours avec ma femme », racontait-il, sans vraiment chercher à se justifier. Même quand il disait des conneries grosses comme lui, Ali sonnait juste, comme une cloche d'église. C'est dommage, elle aurait bien aimé partager avec lui le plaisir de voir les Aliens sortir du bide des yankees. Mais pas ce soir…


Elle entre dans la chambre de droite. Le type au grand front qui l'occupait est parti ce matin. Voyons voir ce qu'il a oublié. C'était bien le genre à oublier quelque chose. Le genre à semer des miettes de lui-même. Un petit Poucet... ou un ogre, qui sait. Peut-être qu'il a laissé des os humains. En tout cas, elle le range sans hésitation dans la catégorie des fugitifs. Ceux pour lesquels le passé ressemble à une feuille froissée dans la poubelle. Il est resté une semaine et il s'est envolé, parti poser sa valise ailleurs. Et il s'est cassé avec la couverture le saligaud. Elle fait le tour de la pièce. Mais non, il n'a rien laissé, sinon des poils dans le lavabo. Les ogres sont prudents de nos jours. Elle s'approche de la fenêtre et l'ouvre, histoire que Mister the wind chasse un peu l'odeur de Gauloise et d'eau de Cologne mélangées. Elle se penche. Son regard glisse le long de la gouttière jusqu'en bas. Sur la petite place devant l'hôtel, le quartier s'agite.

L'inépuisable cohorte des types venus se saouler et s'enfermer dans une chambre avec une inconnue, moyennant les derniers biftons de leur salaire, formait un tout autre type de clientèle. On aurait dit des marins en permission et eux se foutaient bien des couvertures qu'ils passaient la nuit à saloper. Le matin ils repartaient vers leur quotidien standard, juste comme on retourne au port, avec du rouge à lèvres dans le cou, fauchés mais soulagés, à peine honteux. Travailler, avoir des relations sexuelles certifiées, faire comme si, en attendant de retourner s'enrouler dans la sueur avec une prostituée aux courbes exotiques, c'était ça leur grande traversée. Et puis il y avait ces femmes, Africaines pour la plupart, qui traînaient des ribambelles de gosses et attendaient des « solutions d'hébergement ». Avec l'expérience, Amna avait su établir une typologie fine des différents vents qui font s'échouer dans les draps de l'hôtel Lumière, au premier rang desquels se trouvaient les services sociaux et les marchands d'amour, qui partagent curieusement la même crétinerie administrative… Elle connaît tout ça par cœur Amna.

Tiens, il y a une voiture de police garée en bas.


- Amna !


Le gérant qui l'appelle.


- Amna ! Descends tout de suite !


Elle referme la fenêtre. Il devrait parler mieux, celui-là.


En retraversant le couloir elle entend une voix dans une des chambres. Elle colle son oreille contre la porte. C'est Joshua Nill qui pousse la chansonnette dans une langue inconnue. Un air mélancolique, très beau. Elle s'éloigne en fredonnant maladroitement le refrain qu'elle vient d'entendre, et dont elle n'a pas compris un foutu mot. Elle aime bien chanter, ça la met de bonne humeur. Elle s'engage dans l'escalier. Qu'est-ce qu'il veut l'autre enfoiré ?

En bas il y a trois flics en uniforme qui discutent avec la propriétaire de l'hôtel – elle vient rarement ici. Le gérant est là aussi, dans un coin. On dirait qu'il fait la gueule. La proprio se tourne vers elle.


- Ah ! Mademoiselle Amna.


On dit mademoiselle Boughrif. Elle lui en foutrait du mademoiselle Amna ! Elle s'approche de sa patronne, une grosse bonne femme d'une soixantaine d'années habillée en princesse, mais plutôt sympathique. Et avec deux obus en lieu et place des seins. Amna ne peut s'empêcher de les regarder, fascinée. Elle se demande ce qu'elle ferait avec des seins comme ça.


- Ces messieurs voudraient vous parler.


Elle détache son regard de l'opulente poitrine pour le porter vers « ces messieurs », constatant qu'il y a une femme parmi eux. Comment on dit, une fliquette ?


- Ah ?

- Oui, à propos de M. … Coulibaly. Euh, un problème de papiers je crois.


Les policiers la regardent comme si elle avait fait une boulette. Elle s'en rend compte et affiche un sourire gêné, en roulant des yeux. Quelle cloche, se dit Amna en voyant venir l'embrouille. Un des flics, le moustachu – il y a toujours un moustachu – prend le relais. Il s'adresse à Amna :


- Amadou Coulibaly, vous voyez de qui il s'agit ?


Elle voit. Amadou Coulibaly, ça fait trois mois qu'il vit ici. Il est Malien, pas de papiers.


- Coulibaly ? Il est parti ce matin, lâche-t-elle plus sèchement qu'elle le voudrait.

- Mais il est toujours sur le registre...

- Alors c'est que j'ai oublié de le rayer.


Elle attrape le registre sur le comptoir de la réception, s'empare du crayon qui pendouille entre les dents du gérant – il n'a toujours pas bougé. Elle lui lance au passage un regard noir, moqueur, du genre « Dommage qu'ils soient pas passés hier soir pour ta petite partie de poker hein ? », puis reporte son attention sur le cahier. Il va fermer sa gueule, c'est un bon bougre au fond, et puis il flippe... Elle cherche la bonne ligne avec son doigt. Coulibaly. Chambre 46. Elle raye le nom, transforme discrètement le 6 en 8 et tend le registre au moustachu.


- Et voilà. La fatigue, sûrement la fatigue...


Le flic l'ignore.


- On peut voir la chambre ?


C'est plus un ordre qu'autre chose.


- Bien sûr, suivez-moi.


À nouveau, le quatrième étage, la chambre 48, celle du type au grand front. Ils entrent, les flics regardent un peu partout, Amna les observe. Le moustachu va même jusqu'à plier sa grande carcasse raide pour vérifier sous le lit. À sa place elle serait prudente, on ne sait jamais ce qu'on peut trouver sous les lits. Un cadavre... un Alien, un préservatif usagé, ou pire... Certainement pas Coulibaly qui dépasserait de partout. Le manège dure cinq petites minutes, Amna voudrait leur dire qu’ils ne trouveront rien, sinon des poils dans le lavabo. Et puis ils s'en vont, rapidement imités par la proprio qui a sûrement des choses plus importantes à faire. Comme jouer à « miroir, mon beau miroir » en faisant tournoyer sa robe. Amna est maintenant seule avec le gérant dans le hall, tous deux restent immobiles un instant. Elle le regarde, il déglutit et chacun retourne à ses affaires. Il faudra qu'elle dise un mot à Coulibaly, mais pas ce soir. En attendant, elle mérite un oscar.


Midi. La journée ne passe pas vite. Elle est assise dans le box de la réception, le gérant s'est absenté, il avait « un truc à faire ». Un type descend, ils échangent des politesses, et il sort. Elle fixe la porte en verre qui vient de se refermer sur l'homme, plonge une main dans le sachet de graines de tournesol qui traîne derrière le comptoir. Elle s'ennuie. Alors elle s'imagine en hôtesse de cinéma, distribuant des tickets à des couples libidineux venus s'emballer pendant la séance de l'après-midi, mais c'est tout aussi ennuyeux. La radio joue les Supremes. Ooh baby love, my baby love. Ringard. Don't throw our love away. Tu parles. N'empêche qu'elle bouge la tête au rythme de la chanson, accompagnant de ses lèvres muettes le flot grésillant des paroles de Diana Ross. L'amour est compliqué dans les chansons. Alors qu'ici... c'est simple comme de glisser une pièce dans le distributeur de préservatifs en bas de l'escalier. Simple comme une porte qui claque dans ton dos. Elle en sait quelque chose Amna. Un frisson court sur sa nuque, un mauvais souvenir. Les Supremes se taisent.

Le souvenir d'un après-midi comme les autres. Dans l'hôtel silencieux et désert. Presque désert. Ce grand échalas de Marius, qui venait de passer la matinée à se réchauffer au calvados dans le café de l'hôtel, avait surgi dans le couloir en titubant. Amna l'avait entendu venir dans son dos, sans trop y prêter attention. Et puis l'homme avait passé un bras contre son flanc, agrippant brutalement son chemisier pour l'entraîner dans sa chambre. Elle sentait son haleine, et son cœur qui s'emballait. Elle voulait hurler mais impossible de sortir le moindre son. Quand Marius avait glissé sa main dans son soutien-gorge, au contact insupportable de cette peau froide sur son sein, disons qu’elle avait eu le réflexe approprié. Dégageant son bras, elle avait brusquement envoyé son coude en arrière et senti le cartilage céder sous le coup. Marius, avait chancelé jusqu'au lit où il s'était assis, une main sur son nez qui dégoulinait de sang, l'air de n'y rien comprendre. Amna sentait la colère monter, et les larmes aussi. Elle hurlait : « Tu m’as pris pour une pute ou quoi ? J'ai l'air d'une Kharba moi, espèce de connard d'enfoiré de merde ! Akifk'rebbi tawka ! » Quand elle s'était tue, il n'était resté que le plic ploc du sang qui gouttait sur la moquette pour troubler le silence de l'hôtel. Un après-midi comme les autres, où elle s'était dit qu'il n'y avait pas « les putes et les filles bien », comme le répétait sa mère – sa mama qui meublait ses journées de femme au foyer en regardant Santa Barbara. Non, il y avait les hommes et leur foutu zizi.

Elle attrape une poignée de pipas. C'est bon pour la peau il paraît.


Soudain il y a deux coudes plantés sur le comptoir. Et le visage insondable d'Adam Lorga posé sur ses mains jointes. Elle ne l'a pas vu venir lui non plus. Mince, l'hôtel est hanté ou quoi ? Elle n'aime pas être surprise comme ça, pendant ses escapades dans la lune. Surtout quand la présence qui envahit brutalement son territoire a tout pour la mettre mal à l'aise. Adam Lorga, deuxième étage. Petite frappe locale. Et beau comme un dieu. Il la toise, avec son sourire de gangster. Il va bien dans le décor, Adam Lorga. Il ferait presque de l'ombre à Humphrey Bogart si seulement on y voyait plus clair dans le hall. Mais il est plus jeune. Plus jeune qu'elle aussi. Un gamin, élégant, un canif dans une poche, le monde dans l'autre. Amna se renverse sur sa chaise. À cet instant elle donnerait tout pour ressembler à Lauren Bacall, avec ses airs de bourgeoise désinvolte, et semer le trouble dans le regard du beau voyou.


- T'as du feu ? dit l'homme en portant une cigarette à sa bouche.


Elle fouille dans la poche de son jean. Elle a toujours du feu. Pour le jour où elle se remettra à fumer. Ou pour foutre le feu aux rideaux du premier étage, incendier cet hôtel, et envoyer sa petite troupe claironner dans un monde meilleur. Lorga attrape le briquet qu'elle lui tend nonchalamment, sans cesser de la regarder. Elle soutient son regard tandis qu'un voile de fumée se dresse entre eux, comme pour donner une épaisseur au silence. Mais elle pourrait flancher. Et s'il venait à prendre son bras pour l'entraîner dans sa chambre... il faudrait qu'elle vise le nez, encore. En aurait-elle le courage ? Peut-être qu'elle laisserait la porte se refermer cette fois, abandonnant sans même lutter son honneur et son cœur de petite fille à la poigne de ce M. Lorga. Comme toutes ces filles qui ont fini par dire merde à leur corps, merde à leur mère, merde à Dieu… Merde. Balancer sa tête en arrière. Écarter les jambes. Fermer les yeux et attendre. C’est ça qu’on apprend ici...

Il a cillé, il s'est retourné. Maintenant la porte grince, puis claque en se refermant. Il s'est enfui. Ouf. S'enfuir. Elle devrait peut-être y penser, l'endroit est malfamé.


Comment on devient pute ? Quelle espèce d'ange vient cracher sur ton berceau ? Un ange aux allures de maquerelle, outrageusement maquillé, qui mâche bruyamment un chewing-gum en faisant claquer ses doigts gantés ? Et Dieu qui laisse faire. Dieu a toujours préféré les mecs.

Assise sur le lit, le regard dans le vide, elle fait tournoyer autour de son index un soutien-gorge écarlate qui exhale une forte odeur de parfum bon marché. Elle l'a trouvé abandonné sur les couvertures en entrant dans la chambre. Presque sa taille... sauf le bonnet, trop grand pour elle. Et puis le fermoir est cassé, sûrement arraché par les mains brusques et maladroites d'un homme trop pressé. Le genre à s'énerver sur l'emballage. Amna soupire. Il y a quelque chose de touchant dans cette pièce de dentelle qui n'est plus dans ses mains qu'un doudou désenchanté et triste, comme le quotidien sans amour des putains du monde entier. L'envers du décor. Puis elle remarque les initiales sur l'étiquette. My. K. Il n'y a qu'une pute pour écrire son nom sur des sous-vêtements.

Au fond qu'est-ce qu'elle sait de ces filles. Pas grand-chose. Elle les croise dans le quartier, à la boulangerie, au rayon hygiène féminine du supermarché, ça s'arrête là. Et quand elle passe près d'elles, d'abord il y a ce silence inhabituel, et puis elle a le sentiment qu'elles la regardent avec peine, avec pitié même. C'est bizarre. Elle n'est pourtant pas à plaindre, enfin, comparée à toutes ces paumées. Non ? C'est que les filles de joie savent aussi partager le malheur...

Elle est d'humeur rêveuse. Ça doit faire un bon quart d'heure qu'elle est assise sur ce lit dans cette chambre d'hôtel déserte à contempler les murs vides. Elle a entendu les trois derniers coups du clocher, pas les premiers. Elle regarde sa montre. Voilà le temps qui s'incruste dans cette journée dont elle ne sait pas trop si elle voudrait la voir finir vite, ou s'éterniser encore. Maintenant elle pense au soir qui vient et (il faut l'avouer) qu'elle redoute. Elle sent le battement de son cœur qui embraye sur le rythme fatidique du clocher qui s'est tu. Sans ciller, elle fait claquer ses mains contre ses cuisses, puis se lève énergiquement pour aller jeter la poubelle.


L'interminable journée se termine. Elle a encore balayé, essuyé, rempli le distributeur de préservatifs, bu deux tasses de café noir en pensant à ces actrices de série B qui peuplent les conversations d’Ali. Il est 18 h. L'hôtel grouille. Ceux du jour rentrent, la mine fatiguée, et croisent ceux de la nuit qui commence. Il y a des mômes qui jouent à la petite voiture, assis dans les couloirs étroits. Et il y a des filles en mini-shirt et talons aiguilles qui les enjambent avec élégance, puis disparaissent dans l'escalier, rivalisant d'innocence.

Amna retrouve la solitude de sa chambre. Elle ne sait pas comment s'habiller. Quelle importance de toute façon, à part qu'il fait très froid. Va pour le jean et le pull en laine. Elle enfile un bonnet par dessus le foulard crème qui couvre ses cheveux noirs. Elle est prête (elle regarde l'heure) et presque en retard. Elle dévale l'escalier et sort par la porte de derrière.

Quand elle monte dans le bus la lumière blanche, comme un coup de projecteur, lui fait regretter la pénombre hivernale de la rue. Le bus est plein de visages qu'elle sent se poser sur elle, et de corps mous qui semblent sur le point de se vider de leurs billes de polystyrène. Un type la reluque, elle se retient de lui tirer la langue et détourne les yeux vers un coin sombre dans le reflet de la vitre. Pendant tout le trajet ses lèvres remuent, silencieusement, formant des mots insaisissables pour un auditoire qui s'en fout.

Quelques minutes plus tard elle gravit en trottinant les trois marches d'une petite salle de spectacle pour rejoindre devant la porte un groupe de jeunes gens qui l'accueillent chaleureusement, fumant et riant fort. En prenant place dans le cercle elle remarque le regard complice de Hind, l'amie qu'elle a suivie, il y a six mois de ça, à un cours de théâtre, puis le sourire en coin, fendant une barbe de trois semaines, du chef de troupe : « Et voilà la belle et inénarrable Amna ! Elizabeth Taylor peut aller se rhabiller. » Elle sourit à son tour. Elle adore quand il la drague. « Prête pour ta première chérie ? »


...


Elle était prête. Seulement parfois ça ne suffit pas, quelque chose t'échappe. Comme ce rideau qui grince, la chaleur étouffante de la salle. Comme les gros doigt boudinés du directeur de la salle sur son épaule nue avant la représentation, quand celui-ci est venu saluer les comédiens. Comme ces visages dans le public qui ressemblaient trop peu à ce qu'elle connaît des gens. Elle était prête mais quand elle est montée sur scène ses jambes tremblaient et chaque fois qu'elle en est descendue, elle a éprouvé une furieuse envie d'aller terminer l'hiver sous sa couette. Là-haut elle a eu ce qu'elle cherchait, en quelque sorte. Une centaine de paires d'yeux, blasés, hagards, captivés, qui la transpercent sans pitié lui arrachant des morceaux d'elle-même, cueillant les mots sur ses lèvres bien avant qu'elle ait pu les prononcer. Impatients, affamés ou pire... savants. Ils l'ont fait rétrécir. Maintenant qu'elle est dehors elle martèle le trottoir de ses talons, histoire de se redonner un peu consistance. Elle a préféré rentrer à pied malgré le froid. Elle s'arrête devant la glace sans tain d'une banque pour constater les dégâts : à l'extérieur elle semble intacte. Elle repart. Le pire est que les autres n'ont rien remarqué. Elle a bien bafouillé son texte une ou deux fois, mais ils auront pris ça pour du trac, ou quel que soit le jargon qu'ils utilisent dans ces cas-là. Ils l'ont même félicitée dans les loges, après la représentation. « Tu es très juste » ont-ils dit. Juste ? Coincée oui ! Mais sans doute que ça collait à son rôle. Elle jouait la confidente, celle qui se trompe, et qui finit par donner raison à l'autre, la passionnée, la libérée, l'héroïne. Et elle, la faire-valoir, la soubrette. Encore. Elle se mord les lèvres. « Bordel de merde... » Qu'est-ce que ça peut faire.

Son pas se fait plus lent.

Au fond, elle n'a pas compris la pièce. Pas comme tous ces gens semblent l'avoir comprise. Pas aussi intensément. C'est ça qui ne tourne pas rond. Elle a l'impression d'avoir menti. Le comble de l'acteur ! Pendant les répétitions elle ne s'est aperçue de rien, elle s'est juste laissée porter, parce que... parce qu'elle aime bien jouer la comédie voilà tout. Mais ce soir elle a dû affronter les autres. Et merde, peut-être qu’ils font semblant après tout. Les gens font semblant tout le temps. Peigne-culs va ! Qui peut avaler l'histoire de cette bourgeoise pâlotte et son bla-bla hypocrite sur l'oppression des femmes ? Sérieusement, ils vivent dans quel monde !

Elle accélère à nouveau. Elle voudrait chasser le vilain cliché qui trotte dans sa tête, toutes ses filles débarquant à Hollywood avec dans leur valise des rêves de petite fille intacts et qui ne trouvent, pour accueillir leurs maigres talents d'actrices, que le refuge tiède du cinéma porno. « Tu regardes trop la télé Amna... pfff. »

Elle a tourné au coin de la rue et bientôt sa silhouette se détache dans la lueur rouge qui forme un halo autour de l'enseigne clignotante de l'hôtel Lumière. Elle fait quelques pas le long du mur puis s'efface à nouveau dans l'obscurité. Lumière, obscurité. Quand les grandes lettres rouges s'éclairent à nouveau elle a disparu dans le bâtiment.


La nuit est à son exact milieu, immobile, entre hier et demain. L'hôtel est étrangement silencieux, bercé par les chuchotements qui rythment le court répit des amants. Les couloirs sont déserts et personne, à cet instant, ne se risquerait à affronter l'immensité du désarroi qui les a envahis. Joshua Nill fume une cigarette, les coudes fixés au rebord de sa fenêtre. Un étage plus bas, une fille aux yeux cernés observe silencieusement l'homme qui se rhabille devant elle. L'hôtel n'est plus qu'une géométrie confuse où filent, sans jamais se rencontrer, de longs soupirs.

Sur la porte de la chambre il y a un petit écriteau marqué « service » et juste en-dessous, en lettres manuscrites, « Amna Boughrif » rajouté au feutre noir. La porte est fermée de l'intérieur. La musique trop forte pour qu'on n'y puisse déceler le moindre sanglot. Encore moins le bruit sourd des larmes qui tombent sur l'oreiller. Qui pourrait y croire de toute façon. Tout le monde dans l'hôtel dirait : « Amna ? Non... elle est bien trop forte pour ça. »


 
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   doianM   
9/10/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le quotidien d'une femme échouée dans un hôtel douteux.
Un humour grinçant accompagne souvent la description des lieux et personnages.

Une seule lumière dans sa vie: une salle de spectacles où elle monte sur scène.
Même cet unique rayon de lumière n'est cependant pas suffisant.

Mais si l'atmosphère sombre rappelle des romans noirs, il manque une intrigue ( thriller, policier ?)

Une histoire bien triste, cependant, paradoxe, on sent un certain attachement d'Amna à ce lieu, devenu son logis.
Ce qui ne fait, d'ailleurs, que souligner le désarroi de la femme.

   Jagger   
11/10/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↓
C'est joliment fait.

On suit le personnage dans sa vie de tout les jours, dans son apparente gaieté pour finir sur un moment très intime, sans pour autant avoir une impression de voyeurisme.

Le côté glauque de l'hôtel, de ses habitants et du quartier est bien rendu. Les hommes ne sont définitivement pas des enfant de cœur, ici.
D'ailleurs, la contradiction de pensée de l'héroïne entre son peu d'estime pour les hommes et son indifférence sur le sort de ces pauvres femmes est très intéressant.

Au final, il faudrait peut-être juste un peu relancer l'histoire à certains passages plus "mou", sinon l'ensemble est plaisant.

Merci

   jaimme   
11/10/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Cette nouvelle aurait pu être ennuyeuse: elle est longue, il ne se "passe" pas grand chose. Juste une femme, là, comme tant d'autres. Avec deux scènes pour cette femme, deux lieux de représentation, au moins.
Mais non, rien d'ennuyeux (quelques descriptions un peu longues, surtout au début quand même).
J'ai été pris par ces belles phrases, intelligentes. Presque trop pour un tel personnage. Presque.
Et justement c'est ce "presque", omniprésent, qui fait la richesse de cette nouvelle: enfin un personnage vraiment bien campé, très individualisé. Une existence à travers ces lignes. J'ai aimé son intérêt pour la religion, plus ou moins bien comprise, empreinte de crainte superstitieuse, sa peur de vieillir alors qu'elle n'a pas trente ans, une floraison de coups de pinceaux de qualité qui font que Amna est Amna, pas une autre personne dans cette situation.
J'ai trouvé curieux qu'elle ne parle pas aux autres femmes du lupanar. Elle y est tellement présente. C'est un aspect que je peux comprendre mais il aurait fallu plus de pistes sur sa personnalité pour l'expliquer.
Amna est forte, Amna veut vivre. Elle y arrivera.
Au final, une lecture forte, servie par une plume de qualité.
Vivement la prochaine!
Merci. Vraiment.

   Myriam   
11/10/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un récit subtil et sensible, qui prend son temps, évitant les clichés, tout à l'écoute de ce personnage à la fois ordinaire et unique.

J'ai éprouvé pour cette Amna une grande tendresse, beaucoup d'empathie, une crainte aussi, peur qu'elle en vienne à tomber du mauvais côté... La fin, et c'est sa force, ne clôt rien, alors je continuerai à me faire du souci pour elle, et à l'aimer.

Bravo à l'auteur d'avoir fait exister ainsi une héroïne en une nouvelle. D'avoir su, par petites touches, dessiner un caractère, un morceau de vie.

Une belle écriture, réaliste et mélancolique; un sens de l'esquisse, qui permet d'aborder des thèmes graves (la prostitution, les sans-papiers...) sans aucune lourdeur explicative, mais en préservant la profondeur que le lecteur voudra bien y apporter.

Merci de cette lecture.

   Mistinguette   
14/10/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J’avais écrit mon comm en espace lecture, mais au moment de l’envoyer la nouvelle avait disparu.
Le voici donc rédigé à l’aveugle :

Une écriture vraiment très agréable, rien à dire sur la forme.
Je n’ai rien non plus à reprocher au fond si ce n’est que le résumé m’a induite en erreur. Ce résumé m’a laissé croire que j’allais lire un thriller (genre que j’adore), ce qui fait que tout au long du récit, j’ai guetté l’intrigue… L’arrivée des policiers m’a d’ailleurs confortée dans cette idée.
Au final, j’ai donc été un peu déçue.
Reste une ambiance glauque restituée à la perfection et un style absolument savoureux.
MERCI à l’auteur. Au plaisir de le lire à nouveau.

   Anonyme   
15/10/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je ne suis pas comme Ali à propos du cinéma, expert en commentaires sur les textes proposés et en cours de proposition comme tu vas pouvoir le constater à tes dépens. Alors, j'y va cré diu :

Il y a une tendresse certaine qui se dégage de cette nouvelle. Comme Ali, elle sonne juste. Également de la nonchalance dans la manière de raconter qui distille bien l'ennui provoqué par l'attente derrière le comptoir et puis, de la violence aussi. Elle n'est pas toujours explicite, mais elle dit bien les révoltes intérieures de cette femme et la dureté du monde de la prostitution. J'ai toujours trouvé choquant qu'on appelle les prostituées des "filles de joie" (pas la leur en tout cas).

"Au fond, elle n'a pas compris la pièce. Pas comme tous ces gens semblent l'avoir comprise." : c'est marrant. Je me fais souvent la même réflexion à propos des nouvelles que je lis. Quant à mentir, non ! je ne sais pas, mais me tromper oui. Va savoir (tiens, ça me rappelle le forum "Quelle autorité avons nous ?).

Et pour conclure, oui, comme beaucoup, elle s'efface : "Quand les grandes lettres rouges s'éclairent à nouveau elle a disparu dans le bâtiment.". Elle doit avoir les yeux cernés, Amna.

Une nouvelle vraiment émouvante et tellement "juste".

PS : j'ai relevé ici et là quelques "censuré" ayant échappé à ta vigilance ou à celle de "censuré". Si ça t'intéresse : MP.

RePS : Je voulais l'écrire en tout petit pour échapper à "censuré" mais on peut pas.

   Perle-Hingaud   
17/10/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un vrai personnage, émouvant, attachant, humain. Faible et fort de ses failles, de ses imperfections. Et une histoire, également, longue, fouillée, qui aborde l’air de rien des thèmes importants. L’écriture, enfin, colle au sujet, avec de jolies trouvailles (il y en a beaucoup, au hasard : « ceux pour lesquels le passé ressemble à un feuille froissée dans la poubelle »), et les termes crus du quotidien, ceux qui sonnent juste, au bon moment.
Une réussite.
J’avais remarqué l'originalité de ton de « Portrait de Josébio en homme saoul », l’attente fut longue, mais, vraiment, je ne suis pas déçue. Merci.

   Anonyme   
10/11/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une très belle lecture et une écriture prenante.
Des personnages bien croqués, des descriptions un peu longues au début mais l'intérêt reste éveillé par des bricoles, des détails, l'attroupement sous les fenêtres - que va-t-il se passer ? - les flics qui débarquent ; d'autres détails qui conduisent à s'interroger, à se demander où l'auteur va amener son lecteur.

Le titre m'a fait croire à une histoire d'acteurs, je l'ai oublié, puis il est revenu s'inscrire dans l'histoire, encore un faux aiguillage, Amna ne chante pas, n'est pas fan de karaoké, non, elle joue, d'où ces planches, auxquelles elle ne pense pas au cours de la journée, ou qu'elle oublie volontairement, parce que c'est sa bulle, son instant de décompression, mais là encore, pas du tout.
Elle est insatisfaite, emplie de curiosité, faite pour le rêve, n'en ramasse que les débris.

Un fort beau texte. Un très agréable moment de lecture.


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