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hersen : Aguerri
 Publié le 30/03/22  -  14 commentaires  -  3339 caractères  -  114 lectures    Autres textes du même auteur


Aguerri


La plaine est immense. Le rougeoiement du feu me réconforte, et je peux, si je veux, tendre la main et toucher mon voisin. Je ne suis pas seul…

… je me suis un peu endormi, la faute sans doute à l’immobilisme latent. J’ai perdu mes repères. Le rougeoiement a disparu, il y a maintenant le gris d’une aube. C’est terrible, une aube grise, car tout est fondu, il fait froid, il fait chaud, je me rapproche de mon voisin. La solitude est un mauvais défaut. Je lui tends la main, il me tend la sienne, elles se réconfortent, mon Dieu comme c’est bon, une main amie qui se tend. J’en tremble de reconnaissance, je suis ému aux larmes. Sur le point de me rapprocher encore, une affreuse douleur me déchire, je suis littéralement arraché à ce compagnon, d’une valeur inestimable pour moi…

… l’horreur prend alors la forme de la terreur pure, j’ai dans ma main celle de mon voisin, de mon nouvel ami, de l’ami en fait que j’avais depuis longtemps, éternels pions que nous sommes dans le même jeu. J’ai arraché, sans le vouloir, ô, comment aurais-je pu, la main d’ivoire. Elle pend, misérable, entre mes doigts d’ébène…

… je veux, d’un regard, lui dire adieu, adieu l’ami, nous sommes dans le même théâtre, nous jouons la même pièce, le même acte, la même scène. Celle que l’on dit classique, parce que ce déchirement, il est humain et rien ne le stoppera…

… on m’emmène de force, je dois protéger un roi, je suis la piétaille du jeu, le fantassin assassin, le bouclier, c’est moi, c’est moi qui tire dans tous les coins, c’est moi qui…

… je le reconnais, je le reconnais à cette légère marque sur son front, un éclat, une fente, ou je ne sais quoi, comme une vieille cicatrice qui voudrait ne plus faire mal. C’est lui que je viens de dégommer, mon ami de tout à l’heure…

… mais déjà, il n’est plus temps, de rien, de regretter, de se demander, de comprendre…

… je suis devenu sur la scène le dernier rempart, je dois sauver mon roi, celui qui vient de jeter mon nouvel ami en prison, une malheureuse boîte décorée de blasons antiques. Un coffret médiéval que le serf ne voyait qu'à la toute fin prématurée de sa vie, quand son seigneur en retirait un parchemin, que le pauvre en loque et larme ne pouvait lire, on n’apprend pas tout, dans cette vie, mais c’est mieux ainsi, il n’a pas vu les mots qui le jetaient au cachot pour une éternité ténébreuse et moisie…

… je suis devenu ce serf, et je pèse de tout mon poids lorsqu’une main ennemie veut m’arracher à mon socle, m’envoyer au pilori. Je suis perdu. J’ai perdu l’ami, déjà mort et enterré dans le coffret adverse depuis trois heures, j’ai perdu la vie de la main de mon protecteur, pour le sauver lui, et là, si quelqu’un me posait la question, là maintenant, eh bien…

… j’ai perdu mes illusions. Je quitte la plaine quadrillée sans qu’un son de compassion à mon égard ne me parvienne. Mais qu’avais-je imaginé ? Je ne suis que de la chair à pion…

… j’ai juste le temps, avant que le couvercle du coffret ne se referme, d’entendre deux rires gras, et aussi une bûche qu’on remet dans le feu. Et deux verres qui s’entrechoquent…


– Ah ah ah, échec et mat ! Mais dis donc, ton pion, il s’est débattu comme un beau diable.

– Oui, heureusement qu’on les a.

– Revanche ?


__________________________________________

Ce texte a été publié avec des mots protégés par PTS.


 
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   cherbiacuespe   
17/3/2022
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Les pions "sont l'âme des échecs ; ce sont eux uniquement qui forment l'attaque et la défense ; de leur bon ou mauvais arrangement dépend entièrement le gain ou la perte de la partie."

Les mots de Philidor sonnent curieusement. Les pions sont aussi ceux que l'on sacrifie le plus facilement en imaginant le gain futur. J'avoue avoir eu un peu de mal avec ce qui me semble être une transposition de la réalité humaine. Elle ne serait ainsi qu'un jouet entre les mains d'une dualité auquel nous n'entendons finalement rien. Ce texte demeure pour moi un peu trop obscur à cause du choix de forme du récit. Ou peut-être ne suis-je pas assez sensible à sa subtilité et je n'ai rien compris. Pas impossible...

   Robot   
30/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Heureusement que je connais un peu (juste un peu) les échecs car je ne suis pas sûr que j'aurais compris le sens du texte.
J'ai trouvé intéressant cette description humanisée d'une rencontre entre des pièces d'échecs qui ne sont que des jouets dans la main de démiurges qui décident de leur sort. Cependant j'y vois une différence avec la destinée humaine soumise (si on est croyant) à des êtres suprêmes. C'est que l'humain a la possibilité du choix alors que le pion comme toute les pièces est assujetti à la volonté du joueur selon des règles posées définitivement, même si elles permettent une infinité de combinaisons. Je ne crois pas à l'intervention divine dans la destinée humaine. Je crois au hasard qui est tout le contraire de la stratégie échiquéenne.
Un récit que j'ai apprécié.

   Anonyme   
30/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Un texte très divertissant sur le jeu des échecs, je n'y ai jamais joué mais ça ne m'a pas empêchée de prendre plaisir à ces petites pièces de bois qui prennent vie le temps d'une partie... Mais, c'est beaucoup trop court, j'aurais voulu plus de retournements, de dramaturgie, mais bon, l'idée est sympa.

Bonne continuation et merci

Anna

   Corto   
30/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Je qualifierais ce texte de 'tentative' autour du jeu d'échec.
En effet il n'y en a que pour le pion qui défend son roi sans en être pour autant reconnu à sa juste valeur.
Moi qui joue (un peu) à ce jeu je suis légèrement frustré de ne pas voir entrer en scène tours, fous, chevaux et surtout la Dame si précieuse que je la surveille en permanence.
Mais peu importe, on a ici une introduction à ce qui pourrait être un grand texte, à condition de s'impliquer dans les subtilités diaboliques de ce jeu. Ce qui serait une montagne bien plus ardue...
Au total un jeu est un jeu et ici j'ai bien aimé jouer.

   papipoete   
30/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien
bonjour hersen
Sans rire, j'ai tout de suite embarqué dans ce récit, où rois reines tours se disputent la moindre parcelle, sur cette scène de jeux quadrillée, où ça bataille ferme alors qu'on évacue sans ménagement, ces pions tombés à terre !
NB moi, je fais parler les arbres et les animaux... l'auteure donne la parole aux pions d'un échiquier, " plaine immense où rougeoie un bon feu "
J'aime particulièrement la fin de la partie " j'ai juste le temps, avant que le couvercle du coffret... "
PS j'avoue que la " taille " de cette nouvelle m'a pris par les yeux, m'arrêtant ici quelques instants.

   Luz   
30/3/2022
Bonjour hersen,

J'ai joué aux échecs à une époque, mais je ne comprends pas cette partie.
Un pion perd son ami (un autre pion), donc pris par le camp adverse, mais ce pion mort revient dans le jeu et il se fait tuer par le pion qui était son ami ??? : "C’est lui que je viens de dégommer, mon ami de tout à l’heure…" (c'est un pion ou c'est un fou ?)
"Je ne suis que de la chair à pion" : en fait, non, car un pion est de la chair à tours, fous, reine (pièces qui "dégomment).
Mais «Il y a plus d'aventures sur un échiquier que sur toutes les mers du monde» d'après Pierre Mac Orlan. Donc je pense que cette nouvelle est un essai pour traduire cette idée.
Merci.

Luz

   plumette   
30/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Salut Hersen,

intéressant de lire ce texte dans le contexte international actuel!
une scène étrange, où les amis d'un jour deviennent ennemis, où des enjeux qui restent un peu confus pour moi crée un tel déchirement.
je préfère garder une impression globale plutôt que d'analyser chaque phrase. J'ai compris , un peu vaguement, avant la chute qu'il s'agissait d'échecs, mais j'ai bien aimé ce que je reçois comme une métaphore de la guerre subie par les peuples.

A te relire

   Malitorne   
30/3/2022
 a aimé ce texte 
Un peu
On comprend l’idée mais ça ne me semble pas vraiment réussi, surtout parce que c’est très confus. La bascule entre le pion du jeu d’échecs et sa personnification en soldat ne me semble pas bien fonctionner. Le déroulement de la partie n’est pas clair et encore moins les pensées du pion, puis au final les joueurs extérieurs qui viennent rajouter de l’embrouillamini. Soit tu conservais les attributs d’une pièce d’un jeu d’échecs, en l’occurrence le pion, soit tu comparais le soldat à un pion, mais ce mélange des deux délivre une image imprécise, maladroite. Même le titre entretient la confusion car de l’aguerrissement je n’en vois point.

   Pouet   
30/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Salut,

cela semble me renvoyer à une histoire que je lis, relis à mes gamins. Il est question d'animaux rigolos et rusés qui s'amusent à prendre à témoin ceux qui les dessinent et les font parler dans une sorte de temporalité ou de dimension créatrice, bon, ou alors à un classique tableau dans lequel on peut entrer, se modelant et parcourant les paysages.

J'ai vraiment bien adhéré à l'ambiance, le titre est très "efficace" (anagramme d'Aguirre - ou la colère de Dieu...), la métaphore bien filée.

Sinon les échecs, connais pas, ah si ! je faisais de sacrées parties de dames avec ma grand-mère, ça compte?
Et puis j'ai l'album d'Akhenaton "métèque et mat" aussi.

Le seul truc qui me dérange un peu (mais je consulte actuellement un clichérologue réputé), ce sont les expressions toutes faites type "je suis ému aux larmes" ... Et je m'arrête là de citer, car mon clichérologue me l'a interdit formellement, rapport à mon équilibre psychique (arghhhh ...)

   hersen   
30/3/2022

   Pepito   
31/3/2022
Salut Hersen !
Forme : je le jure, je n’ai rien pompé sur 9, nous juste tombés sur les mêmes bugs. ^^
"immobilisme latent."… Un immobilisme qui reste caché, qui attend, donc.
"un peu endormi"… somnolent, en somme.
"mauvais défaut"… du coup, je me demande ce que peut être un "bon défaut"
"parce que ce déchirement, il est humain"… le "il" me semble en trop.
… surement la période de chauffe, la suite jusqu’à la fin se tient bien.

Fond :
A "main d’ivoire", déjà, j’avais de gros doutes.
"je dois sauver mon roi, celui qui vient de jeter mon nouvel ami en prison"… confondure entre le roi et le joueur là, non ?
Sinon, t’as pas de bol, j’ai lu il y a moins de 15 jours une nouvelle de Lucazeau sur exactement le même thème (avec en plus le fou amoureux de la reine), nouvelle déjà pas originale vue qu’elle est tirée du poème Échecs de J.L. Borges. Sans compter le vague souvenir d’autres nouvelles du même genre, auquel on peut ajouter l’Echiquier du mal de Simmons. Bref, coté originalité c’est mal barré. ^^
Le titre est bon.
Sur ce, je ne me suis pas ennuyé à la lecture, jusqu’à la perception des joueurs par le pion. Un peu comme si j’avais des échos d’une partie de scrabble entre Dieu et Saint-Pierre.
On a brulé Jeanne d’Arc pour moins que ça. ^^

Pepitard, et sec et mat.

   Anonyme   
31/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Pourquoi diantre, lisant Aguerri, je me suis retrouvée en terrain familier ? (lol)

Ces pions sur un échiquier ressemblent bougrement aux pions dont on se joue depuis la nuit des temps. Depuis que l'homme asservit d'autres hommes pour jouer à la guerre, pour en faire accessoirement de la chair à canons, bafouant la main tendue de cette amitié dont seule devrait avoir besoin chaque être humain sur Terre.

Cependant, la métaphore, trop abrupte à mon goût, nécessite une deuxième lecture pour rendre l'histoire réellement limpide. Il faut dire que tous ces points de suspension, en fin puis en début de phrase, chahutent un peu ma comprenette.

Une mise en scène plus richement encadrée et assise, avec tenants et aboutissants par exemple, aurait aussi donné plus de poids à cette partie de pions intemporelle. Le message aurait percuté davantage, me semble-t-il.

Le temps de cette nouvelle, tu t'es faite chantre d'une aberration vieille comme le monde des Hommes. J'ai aimé partager avec toi, Hersen, mon incompréhension, mon indignation devant cette folie sanguinaire.

Merci pour le partage.


Cat

NB : j'ai écrit ce commentaire lors d'un passage précédant l'explication de texte en forum. Je le maintiens en l'état, en attendant tes précisions complémentaires, car je crois que je n'ai pas tout compris de tes intentions... (lol encore)

   Cyrill   
3/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
un petit tour vers la section nouvelle et je découvre ce texte auquel ma foi je trouve pas mal de poésie. Le jeu d’échec comme allégorie de la guerre et des relations de domination entre humains est judicieuse, je la comprend doucement en chemin, alors qu’au début je me croyais sur un vrai champ de bataille.

L’ennui c’est que je ne connais pas les règles de ce jeu, ce qui fait que pas mal de choses m’ont échappé, que je n’ai pas pu apprécier complètement. Quoiqu’il en soit j’ai relevé de bien beaux passages à propos de fraternisation, ici par exemple :
« je veux d’un regard, lui dire adieu […] la même scène ».

Et ce rageur « je suis la piétaille du jeu, le fantassin assassin, le bouclier, c’est moi, c’est moi qui tire dans tous les coins » m’a semblé fort.

Plus loin il me semble que tu as eu plus de difficulté à mener de front l’humanité et l’objet « jeu », du moins j’ai ressenti du labeur. À ce titre le dialogue final me paraît tout à fait dispensable.
Je note avec une certaine prudence, juste pour l’écriture que j’ai trouvé souvent poétique, et là c’est d’avantage mon rayon … encore que, hein...

Et puis je vais jeter un œil sur le forum.

   Vilmon   
13/4/2022
Modéré : Commentaire trop peu argumenté.


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