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Sentimental/Romanesque
hersen : Dans la vallée
 Publié le 28/10/17  -  17 commentaires  -  9127 caractères  -  154 lectures    Autres textes du même auteur

Cette histoire, fictive, a lieu avant 2015, alors que le tableau était encore au Kunstmuseum de Bâle.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Quand_te_maries-tu_%3F#/media/File:Paul_Gauguin


Dans la vallée


Tous les habitants de la vallée de Puamau faisaient silence. Mama Romea n'en avait plus pour longtemps, son reste de vie malgré tout arrimé au plus profond d'elle-même. Elle attendait. Elle voulait y croire et ne se laisserait pas aller avant que Teiki ne revienne. Il avait promis.


Il avait pris l'avion pour se rendre à Tahiti. À partir de là, personne ne savait plus ce qu'il s'était passé ni s'il avait réussi. C'est lui qui l'avait voulu ainsi, pas de témoin. Il avait fait une promesse et il la tiendrait.


****


Ce serait dur de garder le secret plus longtemps. Déjà, à Atuona, on s'étonnait de son départ. Dans les autres vallées, on se demandait pourquoi on ne le voyait plus à la chasse. Les langues vont vite.


L'espoir était encore là mais la fatalité commençait à ombrer les regards. Les habitants en parlaient peu pour ne pas attirer le malheur. On rendait visite à Mama Romea, étendue sur son lit, si frêle dans son paréo. Ses cheveux blancs épars sur l'oreiller lui donnaient un air d'évanescence, quelque part dans un autre monde. Ses lèvres toutes fines ne s'ouvraient que pour prononcer le nom de Teiki et tout le monde comprenait que c'était une question.


Elle avait passé toute sa vie dans cette vallée. Et maintenant cette vie s'en allait, en catimini. Les forces petit à petit se désistaient, mais lentement, comme pour s'excuser de ne plus pouvoir. La grand-mère de Teiki les avait senties décliner. Alors elle avait voulu avoir autour d'elle toute sa famille. Certains étaient revenus de Tahiti. D'autres de Nouvelle-Zélande. Quelques-uns de France. Ceux qui n'avaient pas pu venir avaient envoyé des photos d'enfants, de couples heureux. Et c'est dans ce remue-ménage de tant de gens que soudain Mama Romea s'était levée à demi de sa couche et avait dit, aussi péremptoire que son état le lui permettait :


— Je sais qu'il y a longtemps, bien longtemps, un Popaa a peint ma grand-mère. Je veux ce portrait sur mon lit avant de mourir.


Puis elle n'a plus rien dit.


On savait, bien sûr, que Gauguin avait peint de nombreux tableaux des habitants de l'île. Mais tout le monde était éberlué que la grand-mère en parle, qu'elle demande à voir l'œuvre. On savait que ce souhait était impossible à réaliser. On essaya d'expliquer qu'on ne pouvait tout simplement pas aller chercher le tableau, qu'il était d'une très grande valeur. Mama Romea ne mangea plus. Teiki savait ce que faisait sa grand-mère. Elle marchandait, elle provoquait. C'est qu'elle avait toujours su se faire respecter dans la vallée !


Alors il déclara à tous qu'il se rendait à Tahiti.


Depuis lors, plus rien.


Mais un jeudi, jour d'avion sur les Marquises, la nouvelle se répandit : Teiki était revenu ! On l'accueillit à l'aéroport et on le conduisit directement au chevet de sa grand-mère.


— Mama Romea ?


Quand elle vit Teiki entrer, un sourire ténu éclaira son visage. Elle savait que Teiki avait réussi. Il était beau, il était fort, il était aimant. À cet instant précis, peut-être que cet amour inconditionnel de la part de son petit-fils lui aurait suffi pour partir en paix. Il aurait pu faillir. Mais Teiki s'avança vers elle et lui tendit un paquet en disant :


— Voilà, Mama Romea, ce que je t'avais promis.


Deux femmes commencèrent alors à défaire le présent. Du papier journal sortit un rouleau de toile. Teaha, la fille de Mama Romea, le déroula devant la grand-mère qui, pour l'occasion, était assise dans son lit, soutenue par des coussins d'étoffes multicolores.


Puis la magie entra dans le faré. Cette maison de bois et de feuilles, ouverte à tous vents, fut le théâtre d'une scène inoubliable. Mama Romea regarda longuement le tableau. Elle y voyait toutes les couleurs de son île. Elle y voyait sa vie. Elle étudia la femme du premier plan puis dit à Teiki :


— Tu lui ressembles.


Alors elle demanda à prendre la toile dans ses mains. On l'aida car c'était déjà trop lourd pour elle. Elle se mit, avec respect, à embrasser sa grand-mère. Puis elle l'embrassa encore et encore, la tachant de sa salive. Quand elle fut trop fatiguée, elle posa la toile et remercia avec des mots simples tous ceux qui étaient près d'elle.


Mama Romea mourut dans la nuit, entourée des siens, le tableau au pied de son lit. Elle avait un sourire sur ses lèvres ridées, un sourire de jeunesse.


L'affaire fit grand bruit. Un Gauguin à Puamau ! Dès le lendemain, toute l'île, puis tout l'archipel, fut au courant. De Nuku-Hiva à Papeete, la nouvelle s'est répandue le temps d'un coup de téléphone.

Mais à Puamau, on ne voulut rien dire avant que Mama Romea ne fût enterrée.


Teiki savait qu'ensuite il lui faudrait dire la vérité.


On conduisit la grand-mère dans son ultime demeure, là où reposait déjà son mari sous un frangipanier. Ce fut seulement ensuite que l'on demanda à Teiki de raconter son aventure. Toute la vallée tendait l'oreille car on avait appris entre-temps que ce tableau avait une valeur inestimable et de toute façon, on ne le leur aurait pas vendu. Déjà, à Tahiti, on parlait de faux.


Teiki fut à la fois soulagé et honteux que l'on parle de la supercherie. Il avait roulé sa grand-mère, peu importent les sentiments qui l'avaient poussé à le faire ! Il avait roulé sa grand-mère ! La plus roublarde de la vallée, celle qui arrivait toujours à ses fins par des petits mensonges judicieusement placés. Cette idée finalement lui plut de plus en plus car au fond, il savait qu'elle aurait apprécié qu'il reprenne le flambeau de ce trait de son caractère.


Il avait toujours la toile, roulée sous son lit. Il décida de l'accrocher dans son faré. Il lui fit un cadre de bois de rose. Car le plus cocasse, c'est qu'il avait payé cette croûte ! Et qu'il l'avait marchandée âprement à un peintre amateur !


À Puamau, on se remet vite des événements extraordinaires. La vie reprit son cours tranquille, on retourna faire le coprah, on pêcha de nouveau la chevrette, incomparable crustacé d'eau douce, on fit des colliers de fleurs.


C'est un jeudi, jour d'avion, qu'arriva à Puamau une voiture louée à Atuona. L'unique occupant descendit de son véhicule. Il demanda d'emblée à parler à Teiki.


On alla chercher celui-ci au fond de la vallée où il faisait le coprah. Il arriva, le torse en sueur et la hache à la main.


Tandis qu'il plantait son outil d'un coup sec sur un vieux tronc à l'entrée du faré, le nouvel arrivant s'avança, la main tendue.


— Bonjour, je m'appelle Mark.


Teiki serra la main tendue en répondant :


— Je suis Teiki.


Et il ajouta :


— Kaoha, soyez le bienvenu.


Mark expliqua qu'il était expert au musée de Bâle, là où était actuellement exposé le tableau, le fameux tableau. Il dit aussi qu'il avait entendu parler de cette histoire du faux tableau.


Teiki était sur la défensive. Il souligna qu'il n'avait rien fait de mal, il avait juste menti à sa grand-mère, et ça, ça le regardait. Mark, s'il remarqua la légère agressivité, n'en montra rien. Au contraire, il dit :


— Je trouve que ce que vous avez fait pour votre grand-mère est très beau.


Alors le jeune Marquisien, d'un geste un peu brusque, appliqua sa grande main habituée à la hache bien à plat sur la poitrine de Mark, manquant le renverser.


— On va faire une fête !


Une occasion d'honorer le visiteur mais aussi Mama Romea. On creusa une fosse pour le four marquisien, on chassa, on fit les colliers de fleurs. La vallée fournissait le plus gros, la mer pourvoirait au reste. On avait attribué à Mark une case pour lui tout seul.


Et c'est la nuit qui lui ouvrit les yeux. Les sons, cris d'animaux ou ressac, ou alors le vent, ou bien peut-être un grain soudain, tout cela le plongea au cœur d'une ambiance insoupçonnée. Les odeurs jouaient leur rôle, des parfums chauds, lourds, que le vent de temps en temps diffusait en souffles légers dans le faré.


Mark connaissait par cœur le tableau. Il l'avait vu jusque-là avec ses yeux à lui, ses yeux d'expert.

Les yeux de la connaissance artistique. Mais l'île aujourd'hui l'ouvrait à une autre dimension, celle de Gauguin peignant, imprégné comme lui-même en ce moment de l'influence de l'île.


Il avait ces derniers jours accompagné Teiki partout dans ses activités. Ils parlaient beaucoup mais Mark était agacé quelquefois des silences soudains de son guide. Quand enfin il lui demanda la raison de ce mutisme.


— Faut pas tout dire, ça sert à rien. Tout est là, devant nous.


En ce soir de fête, une complicité les unissait. Dans un sens, on ne fit rien de spécial durant cette soirée. On mangea, on but, on alla chercher les instruments pour danser et l'on se reput du chant de la mer, du ciel étoilé, de la tiédeur de l'air. Le sable de la plage accueillait les contemplatifs. Mark n'avait jamais vécu de tels moments. Il en fut profondément ému.


Le petit matin s'annonçait déjà. Mark était épuisé de tant de choses magnifiques. Il tituba de fatigue jusqu'à son faré après avoir dit à Teiki :


— Tu viens avec moi en Suisse. Tu dois voir le tableau.


Et il se coucha, bercé par cette féerie.


— Et moi, pensa-t-il, je dois revoir le tableau.


 
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   vb   
6/10/2017
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour,

je n'ai pas aimé ce récit parce qu'il sent un peu trop la guimauve. À mon avis c'est un vrai tire-larme.

Par exemple, lorsque Teiti réplique "On va faire une fête" Ça fait penser au schtroumpfs, à l'île aux enfants "Voici venu le temps / Des rires et des chants / Dans l’Île aux enfants / C'est tous les jours le printemps / C'est le pays joyeux / Des enfants heureux / Des monstres gentils / Oui, c'est un paradis"

Quelques citations pour confirmer mon propos:
-"malgré tout arrivé au plus profond d'elle-même"
-"Il avait fait une promesse et la tiendrait."
-"la fatalité commençait à ombrer les regards."
-"un air d’évanescence, quelque part dans un autre monde."
-"en catimini" (alors que tout le monde sait qu'elle va mourir)
-"comme pour s'excuser de ne plus pouvoir"
-La ponctuation pesante dans "Certains étaient venus de Tahiti. D'autres de Nouvelle-Zélande. Quelques-uns de France."
-"il étai aimant"
-"une scène inoubliable"
-"les couleurs de son île"
-"avec des mots simples"
-"ultime demeure"
-"sous un frangipanier"
-"incomparable crustacé"
-"Faut pas tout dire, ça sert à rien. Tout est là, devant nous."
-"les contemplatifs"
-"bercé par cette féerie."

Par ailleurs, je n'ai pas compris pourquoi Mark fait le voyage de Bâle. Pour découvrir le bon sauvage? On a l'impression qu'il arrive là-bas pour incarner le lecteur corrompu par la civilisation occidentale et découvrir dans les îles les vraies valeurs oubliées, un peu comme Tommy et Annika qui accompagnent Fifi Brindacier à Couricoura.

Quelques autres remarques de type technique (des détails):
-"Alors il déclara" J'ai dû réfléchir un moment pour comprendre qu'il s'agissait de Teiti (je pensais que Teiti était une femme)
-"de la part de son petit-fils" Je ne savais pas que Teiti était le petit-fils.
-"et de toute façon," J'écrirais plutôt "et que, de toute façon,"
-"la chevrette" Il y a tellement de mots que je ne comprends pas que j'ai été surpris que l'auteur m'explique celui-là.
-"et ça, ça le regardait" Je mettrais une virgule entre "et" et "ça"

   Tadiou   
9/10/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
(Lu et commenté en EL)

Ce récit a un côté qui me touche : des vies simples, des affections et des attachements, l’ombre de Gauguin. Mais ça manque de profondeur, on reste en surface, l’émotion se fait attendre ; alors qu’on sent bien qu’il pourrait y en avoir.

Le personnage de Mark est transparent, comme en filigrane.

C’est, à mon sens, trop descriptif, superficiel. Je ne vois pas de couleurs, je n’entends pas de musique, il n’y a pas d’évocation de parfums… il n'y a pas la magie des paysages, la magie du tableau..

Et des maladresses d’écriture me cassent le plaisir que j’aurais à m’abandonner à cette poésie que l’on devine. J’ai noté ci-dessous quelques-unes des ces phrases qui cassent l’ambiance.

« son reste de vie malgré tout arrimé au plus profond d'elle-même »

« mais la fatalité commençait à ombrer les regards. »

« Ses cheveux blancs épars sur l'oreiller lui donnaient un air d'évanescence, quelque part dans un autre monde. »

« Les forces petit à petit se désistaient, mais lentement, comme
pour s'excuser de ne plus pouvoir. »

Si cette nouvelle n’était pas publiée je vous suggère de reprendre l’écriture pour en faire un texte touchant plein de charme, de poésie.

Tadiou

   Asrya   
2/11/2017
Une chose est sûre, pas mon style.
Je n'ai absolument pas rejoint l'univers, l'ambiance que vous décrivez au fur et à mesure de vos lignes. Je n'ai pas été attendri par la situation, ni par la fin de vie de Mama Romea, ni par l'histoire autour du tableau. Je suis resté très distant, désolé.

Je n'ai pas cerné le message que vous souhaitez faire passer. Pour moi le déroulement n'a rien pour capter le lecteur (intrigue?), aucun événement ne pourrait lui permettre de s'incorporer à vos personnages, de s'y retrouver, de s'y projeter, j'ai l'impression qu'on ne peut que rester distant face à votre écrit.
J'espère que vous trouverez votre public, je n'en ferai pas partie.

Pourquoi cette fin également ? Mark ? Quel rapport ? Quel intérêt ?
Je n'ai pas compris.

Je ne détaillerai pas davantage, je ne sais pas réellement quoi dire d'autre tant je suis resté éloigné de votre nouvelle.

Merci malgré tout pour la lecture,
Au plaisir de vous lire à nouveau,
Asrya.

Edit : Grâce au commentaire de Louis, j'ai enfin compris ce qui pouvait faire le charme de votre nouvelle.
Je ne l'avais pas saisi ; je reste distant malgré tout par rapport au message, mais... l'ensemble s'est éclairci.
Merci Louis.

   plumette   
11/10/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Grâce à cette histoire inspirée du plus célèbre tableau de Gauguin, vous nous faîtes voyager et rêver.
Le texte évoque les usages Marquisiens, nous fait également partager le sens de la famille de ces gens qui vivent en proximité avec la nature.
L'histoire est touchante, avec une petite pointe de légèreté bienvenue lorsque Teiki est à la fois un peu honteux mais assez fier d'avoir battue sa grand-mère sur son propre terrain.

Je n'ai pas trop compris les raisons de la venue de Mark aux Marquises, il manque un maillon pour moi, comment a-t-il entendu parler de cette histoire? veut-il vérifier la qualité du faux? Je suis restée avec mes questions. Mais la fin est belle avec l'immersion de cet expert dans tout ce qui a pu inspiré Gauguin.

une histoire douce ( bien qu'elle parle de mort...et c'est ça qui est fort !) qui donne envie d'aller là-bas!

Plumette

   Alcirion   
29/10/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Hersen,

j'ai pris l'histoire comme une sorte de conte moderne invitant à une réflexion, même si je ne suis pas très sur d'avoir compris tes intentions. C'est du la ligne générale que tu as choisi je pense : les choses sont dites, décrites avec réalisme et économie, presque sans commentaires ou orientations. Le lecteur n'est pas tenu par la main en quelque sorte, c'est à lui de se faire son idée.

J'ai vu une invitation à la réflexion sur les motivations de l' artiste en partant du contexte, ce qui échappe forcément à l'européen qui découvre un tableau de Gauguin dans un musée. Un peu comme si l'expert comprenait enfin une oeuvre qu'il connait bien en étant plongé dans l'univers qui l'a vu naître.

Je me trompe peut-être sur ce que tu as voulu produire, les portes ne sont sans doute pas assez ouvertes pour moi. Une lecture agréable en définitive.

   hersen   
29/10/2017

   Bidis   
29/10/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'ai bien aimé cette histoire et la façon de la raconter, une façon qui s'accorde parfaitement à l'exotisme du lieu où l'histoire se passe et au thème de l'art transcendant la réalité.
A mon avis, la nouvelle aurait été meilleure si ces deux aspects-là avaient été un peu étoffés, en lieu et place du personnage de Mark qui m'a semblé sans intérêt.

   Anonyme   
29/10/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir hersen,

J’ai bien aimé me laisser bercer par le ton de la narration. Il est en osmose avec l’idée que je me fais de l’ambiance de ces îles lointaines et des gens qui les peuplent.

Le personnage de Mark nous sert de catalyseur. Un regard extérieur qui va nous plonger avec lui dans le tableau qui prend vie sous ses yeux, pour en extirper le souffle du Gauguin.

On peut admirer une toile, d’où ressortent la beauté des détails et les intentions du peintre, l’expertiser par de grands professionnels, mais devant elle on doit rarement retrouver cette réalité qui a imprégnée Mark pris dans le tableau vivant sous ses yeux, avec les bruits et les odeurs en prime.

En plus il est expert de métier. Ce qui est fort judicieux de ta part, hersen, pour nous permettre de mieux comprendre l’émotion qui a été la sienne « cette nuit qui lui a ouvert les yeux dans le faré ».

Merci.
A te relire.


Cat

   Solal   
30/10/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,
J'ai trouvé votre texte très immersif. J'ai ressenti, entre votre écriture et ma lecture, un rapport sensoriel. (les parfums lourds se diffusent en souffle légers, les maisons sont ouvertes sur les couleurs de l'île)
Je n'ai eu aucun mal à m'imaginer l'atmosphère de la Polynésie pourtant je n'y ai jamais mis les pieds.
Par contre, votre texte ressemble plus aux premières lignes d'un roman. Il manque une finalité, quelque chose qui permette de conclure. Je suis resté sur ma fin, une désagréable faim.

Merci, j'en aurais bien repris davantage.

   Arielle   
30/10/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je lis et commente très rarement les nouvelles mais celle-ci a retenu mon attention : Le sujet me touche, comme tout ce qui touche Gauguin de près ou de loin ...
J'ai bien aimé entrer dans ton faré, au chevet de cette Mama Romea d'outremer qui m'a rappelé celle qu'ont chantée Aznavour et Dalida autrefois.
Le parfum d'exotisme ne nuit pas à l'émotion que dégage la supercherie du petit fils qui se décarcasse pour satisfaire sa grand-mère.
Je me serais pourtant contentée d'aller pêcher la chevrette en faisant l'impasse sur la visite de ce Mark qui n'apporte rien à l'histoire que sa présence inconsistante de témoin dont on ne comprend pas bien les raisons de l'intervention.

J'ai relevé ici : " des parfums chauds, lourds, que le vent de temps en temps diffusait en souffles légers dans le faré." lourds et légers me paraissant antinomiques

Merci pour ce joli voyage et le tableau qui l'a inspiré

   Anonyme   
30/10/2017
Ben moi, j’ai plutôt aimé.
J’ai déjà lu plusieurs textes de vous, Hersen, et pour moi celui-ci est « techniquement » un de vos meilleurs. Je suis parfois agacé par vos tics, ces petites locutions que vous coincez entre deux mots de vos phrases et qui semblent destinées à faire plus « écrit » alors qu’elles ne sont que des décorations qui alourdissent le sapin. J’aime bien les écritures épurées et sobres. Dans ce texte-ci, il en reste encore, mais j’ai vraiment l’impression que vous avez mis la pédale douce. Tiens, j’ai relevé ceci par exemple :
« ...son reste de vie malgré tout arrimé au plus profond d'elle-même »
où le « malgré tout » est superflu et le « elle-même » devrait être remplacé par plus approprié. Il me rappelle mes « je pensais au fond de moi-même... » que ma prof de français soulignait au bic rouge d’un trait rageur dans mes devoirs au collège .

Donc, j’ai bien aimé la forme. Le fond de la première partie aussi. Et comme d’autres, je n’ai pas compris l’intérêt de la venue de Marck comme s’il y avait un truc inabouti.


Autres petites remarques en vrac :
« Ses cheveux blancs épars sur l'oreiller lui donnaient un air d'évanescence »
Si «  un air d'évanescence » se veut poétique, c’est raté pour moi. Je trouve la juxtaposition des deux mots incongrue. C’est un peu comme si on disait de quelqu’un qu’il affiche un « air d’étonnement ».

« Les forces petit à petit se désistaient »
Là, j’ai envie de demander « en faveur de qui elles se désistaient ? »
Se retiraient, s’évanouissaient, il y a plein de mots plus justes que se désistaient.

« Du papier journal sortit un rouleau de toile. » Ah bon, il sort tout seul ?

Merci Hersen.

   GillesP   
31/10/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Il y a beaucoup de douceur dans cette nouvelle, Hersen, comme souvent. Je parle d'ailleurs à la fois du contenu et de la forme.

Mais comme d'autres commentateurs, certains effets de style ne m'ont pas convaincu, par exemple "un air d'évanescence". Et je n'ai pas compris ce que venait faire Mark aux Marquises: pourquoi diable s'intéresserait-il à un faux Gauguin, et comment a-t-il entendu parler de cette histoire?
Au plaisir de vous relire.

   Louis   
2/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Pourquoi une vieille dame demande-t-elle, alors qu’elle sait que la mort bientôt va l’emporter, le portrait de sa grand-mère peint autrefois par Gauguin ?

Au moment de la mort, elle a sans doute besoin de la bienveillance de son aïeule. On sait l’importance du culte des ancêtres dans la tradition des peuples de Polynésie. Or cette grand-mère fait désormais partie des ancêtres.
Cela est révélateur du rapport des polynésiens à la représentation, peinte ou sculptée. L’œuvre est manifestation dans le visible de ce qui appartient à un au-delà invisible. L’œuvre a d’abord des caractères sacrés et religieux.
Pour Mama Romea, le Popaa Gauguin a réussi à capter, dans le portrait de son ancêtre, quelque chose d’essentiel, a réussi à capter la vie dans son essence, « Elle y voyait sa vie », à capter son âme, ou son « mana ». La présence du portrait peint est aussi la présence de l’âme de l’ancêtre bienveillante, qui pourra l’accompagner et peut-être lui transmettre un surcroît de mana lorsqu’elle aura à franchir le seuil de l’au-delà. Le tableau est une sorte de totem, qu’elle voudrait avoir près d’elle pour une cérémonie funéraire quasi religieuse.

Elle n’ignore sans doute pas la difficulté de se procurer le portrait, emporté loin hors de son île, hors de sa « vallée ». On lui dit qu’il est d’une grande « valeur » financière, « l’œuvre la plus chère du monde » titraient les journaux en 2015.
Elle semble ne pas en tenir compte. À la valeur financière, elle en oppose une autre, non pas esthétique, mais sacrée. L’œuvre de Gauguin touche à la vie et à la mort, elle est en lien avec une dimension métaphysique, le monde des ancêtres, et en rapport étroit avec son île, le monde dans lequel elle vit ; l’œuvre saisit l’unité entre les deux mondes, ouvre un passage de l’un à l’autre.
Sa valeur est autre que financière.

Son petit-fils lui a promis de lui rapporter le tableau. C’est une épreuve que le jeune Teiki doit affronter, une sorte de rite initiatique qu’il doit accomplir pour devenir pleinement un homme, un nouvel homme, de Teiki à Tiki, qui perpétue la lignée familiale.

L’œuvre qu’il rapporte est un « faux ». Sans grande valeur financière pour des occidentaux qui partagent le mythe de « l’auteur », de « l’original » qualifié de « vrai ». L’effet de la toile sur la vielle dame est le même que s’il s’était agi du tableau authentique peint par Gauguin. Le faussaire n’a donc pas trahi l’esprit de Gauguin et ce qu’il a voulu rendre dans son œuvre, il possède la virtuosité suffisante pour reproduire la toile de Gauguin et participer au culte du souvenir des êtres aimés et disparus.

Au-delà de ce qui fait la valeur d’une œuvre pour les occidentaux, Mama Romea retrouve la dimension traditionnelle de l’œuvre d’art.

Mark, « expert » dans le domaine artistique, fait le déplacement, depuis la lointaine Suisse jusqu’à cette vallée des Marquises où s’est déroulée cette histoire du « faux » Gauguin.
Que cherche-t-il ?
Il connaît « par cœur » le tableau du peintre. Pourtant, il doit manquer quelque chose à son savoir, à son expertise, pour effectuer un si long déplacement.
Le récit indique que le manque se situe dans les conditions qui ont donné naissance à l’œuvre de Gauguin.
Mark la redécouvre en découvrant l’île, en y percevant ce qui n’est pas visible, cet invisible du tableau qui pourtant « l’imprègne », cet invisible qui donne une aura singulière au tableau, « Et c’est la nuit qui lui ouvrit les yeux. »
Et c’est sans doute cela que cherche Mark, cette « aura » de l’œuvre, telle que la pensait le philosophe et critique littéraire Walter Benjamin. Il pensait que l’ « aura » est ce qui fait l’authenticité de l’œuvre, son unicité, par « son ici et maintenant », ce hic et nunc qui l’inscrit dans un lieu, un temps, une durée, une tradition.
La représentation doit beaucoup à ce qui n’est pas représentable, pas même dans les mots, et Teiki de faire remarquer : « Faut pas tout dire, ça sert à rien. Tout est là devant nous »

Benjamin soutenait que l’aura est perdue dans « la reproduction technique » de l’œuvre, or la reproduction qui a été faite du tableau de Gauguin, celle qui a retenu l’attention de Mark, relève plutôt de la reproduction manuelle, qui ne supprime pas nécessairement l’authenticité, comprise cette fois dans l’aura. Mama Romea ne pouvait se contenter d’une simple photographie de la toile de Gauguin, et ce n’est pas une telle reproduction qu’elle a exigée.

« Je dois revoir le tableau » s’exclame Mark pour terminer. Il sait qu’il va pouvoir, malgré ses yeux d’expert, la redécouvrir dans toute son aura.

Merci hersen

   Donaldo75   
2/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour hersen,

J'ai bien aimé la première partie de cette nouvelle. Le décor est posé, grâce à la légendaire grand-mère. Le geste de son petit-fils est beau, même s'il semblait prévisible au lecteur en quête de suspense.

A l'arrivée de Mark, je suppose que tu as voulu faire sentir au lecteur l'atmosphère, l'ambiance du lieu, ce qui a poussé Gauguin à l'aimer, à le peindre avec ses habitants. C'est en partie réussi mais le rythme n'est plus aussi envoutant.

Donaldo

   Pierre_B   
2/11/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
Je vais rejoindre d'autres commentaires : c'est mignon, pas de doute. Touchant, même, que l'histoire de ce petit-fils cherchant à conforter sa grand-mère mourante... Mais c'est trop court. Pas le temps de découvrir la Mama qu'elle succombe, pas le temps de s'interroger sur le mystère du tableau que déjà, il nous est révélé. Mark, surtout, est expédié comme un colis encombrant dont on veut juste se décharger. Dommage car on sent qu'il y avait une émotion à transmettre. Du coup, la morale de fin - l'attrait d'une vie simple - y perd un peu.

En conclusion : un joli texte, très facile à lire, qui mériterait d'avoir cinq cents ou mille mots de plus pour dévoiler tout son potentiel.

   jfmoods   
6/11/2017
Une analepse ("Ce serait dur..." à "Depuis lors, plus rien.") remet en perspective l'enjeu de la nouvelle, passé sous silence dans les deux premiers paragraphes. Un effet d'attente est ainsi ménagé.

Le caprice de la vieille femme ("Je veux ce portrait sur mon lit avant de mourir") et la transparence de ses manigances ("Mama Romea ne mangea plus. Teiki savait ce que faisait sa grand-mère. Elle marchandait, elle provoquait. C'est qu'elle avait toujours su se faire respecter dans la vallée !") prêtent à sourire. De même la morale de l'histoire, qui voit la tromperie avérée devenir sans conséquence ("Il avait roulé sa grand-mère ! La plus roublarde de la vallée, celle qui arrivait toujours à ses fins par des petits mensonges judicieusement placés. Cette idée finalement lui plut de plus en plus car au fond, il savait qu'elle aurait apprécié qu'il reprenne le flambeau de ce trait de son caractère.").

Le clin d'oeil obligé sur les circonstances d'arrivée ("Mais un jeudi, jour d'avion sur les Marquises, la nouvelle se répandit", "C'est un jeudi, jour d'avion, qu'arriva à Puamau une voiture louée à Atuona.") n'est, narrativement, pas anodin. Par lui, la relation purement privée à l'oeuvre s'éclaire d'une visée universelle. L'écho final ("Tu dois voir le tableau.", "- Et moi, pensa-t-il, je dois revoir le tableau.") répond d'ailleurs à sa manière à ce double éclairage.

La toile en question ("Quand te maries-tu ?") remet en mémoire la chanson de Manset ("Et l'or de leurs corps" -> https://www.youtube.com/watch?v=7sL5ds2-gbA ) sur l'album "Prisonnier de l'inutile" (1985).

Merci pour ce partage !

   Jean-Claude   
15/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Hersen,

Cette nouvelle est sympathique, mais je trouve la partie avec Mark trop longue et d'un intérêt moindre (une ellipse rapide aurait suffit à mon sens).
La partie où on attend est la plus prenante.

Il y a des formulations que j'aurais renversées, par exemple :
"C'est lui qui l'avait voulu ainsi, pas de témoin." en "Pas de témoin. C'était lui qui l'avait voulu ainsi." (Et le "C'est" me dérange).
"Mark, s'il remarqua la légère agressivité, n'en montra rien." en "Si Mark remarqua la légère agressivité, il n'en montra rien."

La lecture a toutefois été agréable.

Au plaisir de vous relire.


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