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Réalisme/Historique
hersen : L'arbre à pain
 Publié le 25/12/16  -  17 commentaires  -  10666 caractères  -  153 lectures    Autres textes du même auteur

Artocarpus Altilis

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L'arbre à pain


L'air est si lourd que même les oiseaux se taisent. On attend la pluie bienfaitrice pour ce soir ou demain.


Le va-et-vient dans le couloir du petit dispensaire de l'île distrait Tahia entre deux contractions, elle le ressent comme un soulagement qu'elle sait fugace. Pour tous ses autres enfants, la mise au monde a été rapide, sans problème particulier. Mais pour celui-ci, le sixième, tout semble plus compliqué.


Elle est en sueur. Son mari passe inlassablement un linge humide sur son front en sueur. La sage-femme, pourtant aguerrie, craint le pire. La parturiente doit être évasanée d'urgence car le bébé ne sortira pas tout seul. Une césarienne est nécessaire, et ceci n'est possible que sur l'île du nord, pourvue d'un bloc opératoire. Le médecin-chef se met en quête d'un hélicoptère de l'armée. Il fait des pieds et des mains et tout le monde au bout du fil sait ce qu'évacuation sanitaire veut dire : urgence.


L'appareil sera là dans quarante-cinq minutes, si tout va bien. Mais de cela, on n'est jamais sûr dans les îles. La sage-femme soulage la mère comme elle peut mais elle sait que sans l'hélicoptère d'ici une heure, tout sera fini pour le bébé. Et la mère sera loin d'être sauvée.


Une partie du village est là, dans le couloir. On sait que Tahia souffre le martyre, on vient pour être avec elle, même si on ne peut rien de plus. On bavarde, on parle d'autres accouchements à problème qui se sont finalement bien terminés. On n'évoque pas ceux qui ont mal fini. On se défend même d'y penser mais leur fantôme rôde. Les femmes respectent le cri que pousse la mère à chaque contraction dont aucune ne pourra expulser l'enfant, se taisant quand il surgit. Dans le couloir, on se recueille.


Tahia sait qu'elles sont toutes là, les femmes qui en ont vu d'autres. Perdue dans sa douleur, elle se raccroche cependant à elles, qui la soutiennent de leur présence à travers le mur de la pièce. Elle profite des intervalles entre les contractions pour fermer les yeux, souffler un peu et surtout, surtout, écarter sa terrible angoisse. Pour elle et son enfant.


La sage-femme est au bout de ce qu'elle peut faire pour soulager la mère. Elle ressent son impuissance comme insupportable. Surtout sous le regard de Hoani, taiseux, implorant la sage-femme du regard.


– On fait tout ce qu'on peut pour ta femme, Hoani, parle-lui, dis-lui des belles choses.


Alors il a chanté, tout doucement, si doucement, une chanson qu'elle aime bien.



Soudain, tout le monde est attentif. Un bruit de moteur, d'abord discret, émerge de l'immensité du ciel. Puis doucement il enfle comme un espoir.


On sait qu'il va atterrir dans la cour de l'hôpital. Les adultes ont veillé à ce qu'aucun enfant ne traîne par là.


Les choses vont vite, la procédure est bien rodée parce que vitale. Le pilote est déjà prêt à redécoller tandis que Tahia est installée dans l'appareil, la sage-femme l'accompagnant. Hoani lui dit au revoir en embrassant ce front qu'il a tant bassiné.


Le vrombissement du moteur couvre les cris de femmes restées, cette fois, impuissantes à aider une des leurs. Ce sont des cris d'encouragement, des cris de compassion. C'est l'affaire de tout le village.


L'hélico a besoin d'une heure et demie au minimum pour atteindre l'hôpital où tout est déjà prêt pour procéder à la césarienne.


La mère perd de plus en plus de force et la sage-femme, à part une perfusion accrochée à la carlingue, ne peut pas faire grand-chose. Elle l'accompagne par la parole, l'encourage. Elle essaie d'atteindre le regard de cette femme couchée en face d'elle, perdue dans sa douleur, car Catherine sait qu'un lien, aussi ténu soit-il, doit perdurer. Le pilote fait ce qu'il peut pour éviter au maximum les mouvements de l'appareil, mais il n'est que pilote, pas Dieu.


L'atterrissage de l'appareil se fait dans une relative douceur, cependant Tahia pousse un cri déchirant. La sage-femme pressent que le bébé ne bouge plus. Il lui reste quelques minutes au plus.


Catherine est venue s'installer sur l'île il y a quelques années. Le dispensaire étant en manque chronique de personnel médical, elle n'eut aucun mal à avoir le poste de sage-femme. Elle a tout de suite « senti » l'île. Ses habitants, sa douceur de vivre, mais aussi son isolement. Isolement qu'elle ressent tellement plus fort quand la vie d'un malade est entre les mains d'un pilote et de son appareil. Les situations médicales difficiles qu'elle y a vécues n'ont fait que renforcer son amour pour l'île. Pourtant, pendant ses études, personne ne l'avait préparée à descendre harnachée à un hélicoptère pour aider une femme à accoucher dans une vallée inaccessible. Personne ne lui avait appris à insister, pour sauver une femme et son enfant, auprès des autorités. Un avion de chasse, elle s'en souvient, une fois. Un avion de chasse pour sauver une femme. Ici, on apprend sur le tas.


Le pilote s'est posé au milieu de la cour désertée. Le brancard est porté par six hommes. Ils sont massifs, comme taillés à coups de hache dans le roc de leur île. Mais leurs gestes sont d'une douceur compassionnelle que l'on n'attendrait pas de ces gaillards. Il faut faire vite, très vite, mais sans mettre plus en danger la mère par des mouvements brusques.


Le bloc opératoire est prêt, le chirurgien et l'anesthésiste s'étant chacun préparé dans son domaine. On connaît déjà le dossier de la patiente, on a réquisitionné trois personnes sur l'île d'un groupe sanguin compatible, au cas où du sang serait nécessaire. Pas un n'a songé à décliner la requête.


Quand la porte du bloc se referme, le temps s'arrête. Chacun pense à Tahia, à sa famille. Tous comprennent car tous sont des îliens.


Les amies, les cousines, les sœurs de l'île du nord sont venues. Elles ont relayé les femmes du sud pour être auprès de Tahia qui ne les voit pas. On déroule les nattes dans le couloir, on veille à parler doucement, à ne pas déranger ceux qui essaient de sauver la mère et son enfant. Certains prient.


Au bout d'un temps tellement long, la porte s'ouvre. Mais la sage-femme intime aux visiteurs de rester silencieux. Ils obéissent. L'infirmière annonce que Tahia est sauvée mais que l'on ne sait pas encore pour le bébé.


C'est alors qu'on entend un cri. Un peu faible, prétendent les grand-mères en souriant, mais chacun sait que ce cri est la victoire de Tahia, la victoire de tous sur l'île.


Alors, comme ils étaient venus, les visiteurs sont repartis. On ne dérange pas une maman qui a besoin de repos, on la verra plus tard. Et on accueillera le bébé, un garçon, quand il sera assez fort pour qu'on puisse l'embrasser. Bientôt.


Trois semaines ont passé et Tahia est aujourd'hui prête à rentrer sur son île, son bébé emmailloté dans un tifaifai cousu dans les étoffes les plus vives par les femmes de l'île. Elle porte aussi une petite glacière. Tout le monde sait ce qu'il y a dedans. On lui propose de l'aider à la porter, mais elle refuse. C'est à elle seule de s'en charger.


La mère et son enfant prendront cette fois un avion de la ligne régulière. Tahia rentre chez elle, son sixième enfant dans les bras.


Quand l'avion atterrit sur la petite piste de l'aéroport de l'île, une bonne partie de la population est là. Il y a tant de couronnes de fleurs et de colliers de bienvenue que Tahia ne pourra les porter tous. Mais ils décoreront son fare. Ses enfants et Hoani sont là. Tous savent d'où elle revient, ce n'est pas seulement de l'hôpital, c'est de bien plus loin.


Tahia donne alors la glacière à son mari. Ils n'ont rien besoin de se dire. Ils savent tous les deux ce qu'il faut faire. Ils s'étaient même déjà mis d'accord sur l'endroit qui conviendrait le mieux. Sur la pente derrière la bananeraie. Le père prend aussi un instant son enfant dans ses bras. Tahuere. Il s'appellera Tahuere, l'enfant désiré, aimé, l'enfant de l'amour.


Chacun se disperse pour laisser la famille se retrouver. Tahuere a besoin du lait de sa mère. C'est assise sur un banc de l'aéroport minuscule que Tahia nourrit pour la première fois son fils sur son île.


Puis enfin, tout le monde redescend vers le village.


Tahia retrouve sa maison. Joie simple qu'il faut avoir failli perdre pour en apprécier pleinement la valeur.


Hoani, lui, part. Une pioche dans une main et la glacière dans l'autre. Un petit chemin abrupt l'emmène sur un méplat, en contre-bas des bananiers. En père prévoyant, fier aussi de son dernier-né, il avait déjà apporté le plant avant de partir accueillir sa femme à l'aéroport.


Il se met à creuser avec vigueur. Tout doit être vigueur. L'enfant ne doit souffrir d'aucun manque de la part de son père.


Quand le trou est assez grand, Hoani ouvre la glacière et déballe un paquet sanguinolent, une masse de chair informe. Avec une grande douceur, un profond respect, il pose le placenta qui a nourri son enfant pendant neuf mois sur la terre fraîche du fond du trou. Il prend alors le tout jeune arbre à pain et le pose dessus à la verticale puis entreprend de combler le vide avec le remblai. Il tasse bien autour des racines de tout le poids de son corps, avec sa force de père heureux. Puis il reste ainsi, quelques secondes, évaluant son travail. Satisfait, il descend jusqu'à la rivière avec la glacière afin de rapporter de l'eau pour arroser l'arbre. Fragile encore. Comme Tahuere.


Il s'assoit maintenant face à la mer. L'air est tranquille, saturé des odeurs suaves du soir. Sa vie lui a toujours paru simple. Aujourd'hui, il comprend qu'autre chose l'attend et qu'il ne suffit sans doute pas de planter un arbre. Il comprend que ses enfants monteront dans ces avions pour s'éloigner de l'île, peut-être même pour avoir des enfants ailleurs. Mais qu'il faut quand même planter un arbre.


Hoani prend alors le chemin de la maison, se chargeant au passage d'un régime de bananes qu'il cale sur son épaule et de quelques papayes, les rouges, les plus sucrées, qu'il met dans la glacière vide.


Le soir tombe. Si près de l'équateur, la soirée ne s'étire pas. Le jour et la nuit ne bataillent pas l'un contre l'autre mais se laissent chacun la place d'exister, sachant que demain reviendra, inéluctablement.


Hoani remonte l'étroit sentier d'un pas égal, en homme qui sait que seul l'instant existe et qu'il est de son devoir de le faire beau. Portant sa charge de fruits, il n'est pas sûr du poids qui pèse réellement sur lui, mais il le portera, quel qu'il soit.


Ainsi chargé, il arrive parmi les siens. Sa femme ne demande rien, elle sait que le sixième arbre à pain a été planté sur leur terre et que ses enfants ne manqueront de rien. Que les enfants de ses enfants ne manqueront de rien.


 
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   Anonyme   
8/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est amusant, de retrouver Épinal et ses fameuses images sous les Tropiques... Les villageois simples et bons, la "popaa" (je suppose) Catherine plus cérébrale mais touchée par leur grâce, la solidarité des îles, tout va bien au Paradis après l'orage, c'est cool. Pour ma part, je verrais bien Tahuere gravement handicapé après sa naissance difficile où il a dû manquer d'oxygène, mais c'est pas l'ambiance et j'ai l'esprit notoirement mal tourné.
Par exemple, je trouve caractéristique que les deux personnages que le texte dessine un tant soit peu soient la non îlienne et le père, celui qui a la charge, non la mère autour de qui, quand même, tourne l'histoire : en l'occurrence, elle n'apparaît guère que comme une couveuse organique défaillante, on ne l'évoque que sous l'angle "parturiente".

Et alors, les portes ouvertes tremblent sur leurs gonds à force d'être enfoncées :
un lien, aussi ténu soit-il, doit perdurer
Ils sont massifs, comme taillés à coups de hache dans le roc de leur île.
demain reviendra, inéluctablement
il n'est pas sûr du poids qui pèse réellement sur lui, mais il le portera, quel qu'il soit

Oui, quand je lis ce texte je le trouve naïf, sans recul, presque caricatural, à l'écriture sans charme, tirant vers le grandiloquent et percluse de clichés. Et je me fiche de ces défauts.
Je m'en fiche parce que l'histoire racontée me touche, parce que j'ai vécu longtemps outre-mer et que je me retrouve dans ce texte alors que je n'ai jamais vécu telle situation, de près ou de loin. Il y a une intensité, une conviction qui m'emportent malgré moi. C'est un peu comme si je me retrouvais devant un tableau naïf ou de l'art brut, que je me disais "purée, le gars ne s'est pas foulé", et que je restais incapable de m'y arracher.

Alors j'évalue selon la formule "Comment j'aime ce texte", ainsi que désormais j'y suis invitée, et non "Comment je trouve ce texte", parce que ce n'est pas la même chose.

   toc-art   
12/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour,

J'ai bien aimé ce récit, surtout le début, enfin jusqu'à l'accouchement. Je m'attendais à une tension supplémentaire à ce moment qui n'est pas venue et du coup, une certaine monotonie s'est installée.
Je n'ai pas saisi la raison des italiques sur la dernière partie du texte. Le paragraphe sur Catherine me semble superflu, il n'apporte rien au récit selon moi et dilue l'intrigue.
Quelques répétitions : sueur et regard deux fois dans la même phrase.
Un passage au passé composé "il a chanté " qui ne paraît pas nécessaire.
J'ai été surpris : on peut bassiner un front ? Je ne connaissais pas cet emploi.
Mais l'impression d'ensemble reste agréable et le dépaysement garanti.
bonne continuation

   plumette   
14/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Voilà un joli texte qui rend hommage à la vie, un texte qui dépayse, qui parle de solidarité, un texte qui m'a fait du bien.
j'aime bien que l'écriture se mette au service de traditions qui nous sont méconnues.
J'ai apprécié la simplicité de la langue, qui coule avec facilité pour nous raconter cette histoire.

Sur la forme: il y a des rééptitions qui m'ont gênée, comme "sueur", 2 fois dans une même phrase ou encore douleur, impuissance, compassion et compassionnelle: ces mots sont forts, je trouve qu'il faut les utiliser avec parcimonie pour ne pas les afadir, et il est sûrement possible à l'auteur de trouver des synonimes.

Je ne connais pas le mot "évasanée" et au moment où j'écris cela, je ne suis pas allée chercher le sens de ce mot. Etait-il indispensable?

Je me suis demandée ce qu'apportait le fait de mettre la fin du texte en italique. quelle était l'intention de l'auteur? Je ne l'ai pas comprise! Même si je perçois bien qu'il y a 2 parties dans ce texte.

Merci pour cette lecture,

Plumette

   Anonyme   
25/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Hersen,
Ah faut-il être si loin pour que la vie soit belle, et simple ? Faut-il être si démuni pour comprendre la valeur des choses ?
Ma compagne, aide-soignante, cette nuit de Noël a aidé un des résidants du foyer d'handicapés où elle travaille à ne pas mourir étouffé avant l'arrivée du samu. Cela arrive chaque jour que des gens tout simples sauvent des vies, à chaque instant de notre parcours sur cette terre triste et belle. Chaque seconde où une vie vient à la vie, ou quelqu'un meurt. Notre civilisation est moribonde si elle oublie ces miracles quotidiens. Planter un arbre quand un enfant naît, quelle chose magnifique, donner la vie en donnant la vie, comment dans nos cités d'enfants gâtés avons-nous pu perdre cela de nos mémoires ?
Bravo Hersen de nous rappeler notre humble humanité par cette merveilleuse histoire qui peut paraître être un conte de Noël mais qui est si authentique, si pleine de bon sens, et de véritables valeurs.
L'écriture est douce, belle, comme le vent des alizés qui berce ces îles, quelquefois paradisiaques.
Merci pour ce dépaysement et cette simple piqûre de rappel de ce que nous sommes réellement au fond de nous.
A vous relire avec bonheur.

   Bidis   
25/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Au passage, j'ai vu une répétition ("sage femme" : "La sage-femme est au bout de ce qu'elle peut faire pour soulager la mère. Elle ressent son impuissance comme insupportable. Surtout sous le regard de Hoani, taiseux, implorant la sage-femme du regard "), mais ce texte est tellement beau et poignant dans sa simplicité, que je n'en tiens pas compte.
Un texte très fort donc, à mon estime. Cet arbre qui va prendre racine dans le placenta d'un nouveau-né, quelle tradition magnifique ! Et quel beau nom que celui "d'arbre à pain" ! Je m'en vais de ce pas vers Google pour en savoir plus...

   Anonyme   
25/12/2016
Une belle histoire de transmission fort bien écrite et haletante et puis aussi une histoire de fraternité, tout ces iliens unis dans la même quête lorsqu'il est question de vie et de mort. C'est beau et à rappeler à une époque où on ne sait pas encore que le chacun pour soit et dieu pour tous, ça marche pas et que si tout le monde se fiche de tout le monde c'est la mort pour tout le monde. C'est beau de transmission et d'éternité c'est beau de souligner comment nous sommes tous complètement concernés.

   vendularge   
26/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Hersen,,

Pour avoir vécu l'insularité pendant quelques temps, je connais bien (essentiellement en ce qui concerne les soins), cette idée de la "fatalité". Sous nos climats, il suffit de composer le 15 et une escouade de médecins, d'infirmières, de kits de perfusions débarquent; dans ses situations de grand isolement, la moindre crise d'asthme peut virer au cauchemar. Et personne ne songe à porter plainte. C'est ainsi.

Voilà donc une histoire parfaitement crédible, bien écrite que j'ai eu plaisir à lire, cela m'a rappelé bien des souvenirs et je vous en remercie.

Vendularge

   matcauth   
28/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Hersen,

C'est une belle histoire, intéressante, car elle nous apprend des choses sur ce côté insulaire, sur les problèmes de ces endroits isolés mais qui souhaitent quand même bénéficier du modernisme quand celui-ci apporte quelque chose de bien. C'est donc touchant, ça apporte un éclairage sur cette vie, que vous décrivez bien, avec une écriture qui est adaptée.

C'est un peu là que je ferais un reproche, justement. C'est une chronique, ça pourrait presque être un article de journal, et l'écriture n'est pas assez romancée, elle est assez journalistique, et mériterait d'être enjolivée. Je connais suffisamment vos textes pour savoir que ce n'est pas un problème pour vous mais j'ai l'impression que le votre façon d'écrire s'est laissée influencer par le contenu, par cette histoire.

Mais l'écriture est quand même très bonne, efficace, il n'y a pas grand chose à dire. L'ensemble est documenté, enrichissant.

C'est un bon moment de lecture. Merci.

   macaron   
28/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une tradition étonnante il faut bien le dire, je ne la connaissais pas. Une histoire simple, optimiste, avec cette "surprise" à la fin. L'écriture, sans tempête, nous promet que tout finira bien. Cela dérange certains, pour moi le final suffit à justifier cette nouvelle, une nouvelle courte, un format bien adapté. A vous relire sans doute.

   hersen   
28/12/2016

   Anonyme   
28/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ce texte me parle d’un autre lieu, d’un autre temps que ceux que je connais un peu.
Il parle aussi d’une tradition qui m’intrigue, il y a quelque chose de magique à planter un arbre 'avec le placenta comme terreau'.

J’y vois donc un rite magique et un sacrifice…comme si l’on rendait à la Nature une part de l’enfant, ou du moins de l’humain, pour peut-être se montrer reconnaissant et s’allier les bonnes grâces d’une instance supérieure, ou donner un acompte.

Mais ce qui me paraît intéressant – car je m’intéresse « par intermittence » à tout ce qui concerne le don – c’est le lien qui est symboliquement établi entre l’homme et la Nature, entre celle qui donne : ce que l’homme reçoit, et qu’il rend (du moins en partie) avant de tout rendre plus tard (au moment de la mort de l’homme : le père ou le nouveau-né, ou la mère).
Et la Terre reçoit à son tour.

Cette conscience que les gens dont on nous raconte l’histoire gardent à l’esprit d’être liés à la Terre, de dépendre d’elle et de lui devoir des égards, est quelque chose que beaucoup de nos concitoyens (ou contemporains) ont perdus.
C’est dommage, je crois.

Cette dimension de rendre s’inscrit peut-être dans le cycle : donner-recevoir-rendre qui permet de relier les gens entre eux, et les gens à la Nature, et qui surtout caractérise peut-être ce qui est éminemment vivant.

Ce qui relie aussi les générations dans le temps…on peut penser à un moment où l’enfant sera mort et ou l’arbre sera encore debout, ou l’inverse, mais le lien existera enjambant en quelque sortes les vies, comme un pont des unes aux autres, par-delà la mort.

Merci pour cette histoire par ailleurs fort bien racontée, et pour l’éclairage qu’elle donne bien au-delà du mode de vie des Marquisiens…c’est à dire d’une question essentielle à l’humanité...celle du lien ('des liens' devrait–on dire versus de l’enfermement et de l’isolement (pour faire simple) : intra spécifiques ou interspécifiques, et au-delà si ça se trouve :o) )

Je ne suis pas sûr d’avoir fait un commentaire très constructif-là…

Quoi qu’il en soit, à vous relire.

   Tadiou   
28/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Une histoire simple et tranquille qui coule doucement comme un ruisseau ne rencontrant pas d'obstacle. Je ne sens pas l'angoisse, bien qu'elle soit forcément présente. Je ne sens pas la montée d'une tension créée par la possibilité d'un drame. Sans doute ces habitants du bout du monde ont-ils l'habitude de vivre avec la possibilité permanente d'un drame, tant ils sont démunis.

Une écriture simple et linéaire, régulière; simple comme le sont ces gens? Une écriture descriptive, uniforme; on avance pas à pas, sans soubresaut. Peut-être eût-il été intéressant de varier le style au fur et à mesure de l'accroissement de l'angoisse, jusqu'au soulagement de l'aboutissement heureux.

La plantation de l'arbre à pain est décrite avec douceur et pudeur; cela m'a touché. Avec la petite énigme à la clé : qu'y a-t-il dans le sac? Les réflexions de Hoani concernant l'avenir et ses enfants sont intéressantes. Je pense qu'elles auraient pu être développées. On serait alors, à travers elles, entré dans la profondeur du personnage. En fait on reste constamment à la surface.

Comme d'habitude, je n'ai pas encore lu les autres commentaires : il y a alors peut-être des redites.

A vous relire.

   Anonyme   
29/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Bizarrement je reste sur ma faim après cette tranche de vie où le beurre et la confiture doivent se deviner plus qu’ils nous sont contés.

Si j’ai bien compris que l’entraide et la solidarité sont les piliers de base de toutes sociétés vivant en autarcie, je trouve que le ton pris pour la narration abonde un poil de trop vers le cliché purement clinique là où j’aurais aimé plus de liant pour pénétrer plus profond les sentiments.

Bien sûr, ils sont là et ils affleurent, ces sentiments, mais une trop grande part est laissée à mon imagination devenue paresseuse en ces périodes de fêtes. :)

Puis, j’ai toujours beaucoup de mal à accepter de voir du « bon » sentiment là où il n’y a que de l’intérêt finalement (je t’aide mais seulement parce que demain j’aurais besoin de ton aide… ), même si l’humanité en a besoin pour s’en sortir, je n’y trouve rien de grandiose.

Mais peut-être qu’aujourd’hui n’était pas le bon jour, tout simplement, pour entrer de plain pied dans ton histoire ainsi livrée, hersen.

Le décollage est donc raté pour moi, mais je note « bien » pour le témoignage réaliste et cette belle tradition de l’arbre poussé vers la vie grâce au placenta qui ainsi boucle la boucle.

Merci et à une prochaine fois sans doute


Cat

   Pouet   
30/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bjr,

La catégorie est vraiment adéquate, effectivement ceci respire le "réalisme" et l'écriture colle bien au propos.

Bien aimé l'ensemble empreint de douceur et de sensibilité.

J'ai relevé une ou deux minuscules choses:

"Elle est en sueur. Son mari passe inlassablement un linge humide sur son front en sueur. "

Il me semble que la répétition de "sueur" est évitable.

"L'appareil sera là dans quarante-cinq minutes, si tout va bien. Mais de cela, on n'est jamais sûr dans les îles. La sage-femme soulage la mère comme elle peut mais elle sait que sans l'hélicoptère d'ici une heure, tout sera fini pour le bébé. Et la mère sera loin d'être sauvée."

Il y a trois fois "sera" dans ce passage et je pense que le dernier pourrait être supprimé: "Et la mère, loin d'être sauvée."

"Surtout sous le regard de Hoani, taiseux, implorant la sage-femme du regard."

Pareil ici pour "regard" (il est pénible avec ces répétitions çui-là!!!!)

Bref voilà, il y en a quelques autres du même style mais je pense que vous aurez compris. Après ça ne "dérange" sûrement que moi hein...

Les dernières phrases sont vraiment très belles, celle-ci tout particulièrement: "Hoani remonte l'étroit sentier d'un pas égal, en homme qui sait que seul l'instant existe et qu'il est de son devoir de le faire beau."

Et la toute fin avec " que ses enfants ne manqueront de rien. Que les enfants de ses enfants ne manqueront de rien." est un joli "pied de nez" si je puis dire étant donné que l'enfant a failli "manquer la vie", tout simplement.

Cordialement.

   Pepito   
2/1/2017
Bonsoir Hersen,

Kriture : de jolies tournures, une écriture efficace. Pour les virgoules, j'ai laissé tomber (,,,,,, ;=). Coté chipotage :

"Elle est en sueur." > plus loin "sueur"
"évasanée" > connaissais pas (le correcteur d'ortho, no plus ;=), merci ! Avant de vérifier, j'ai perçu la racine "vase" et cela m'a terrifié un instant . ;=)
"se taisant quand il surgit" > cékiki surgit ? Si c'est le "cri" > "survient" (ou un mot =) conviendrait mieux.
"la procédure est bien rodée parce que vitale" > non, parce que souvent effectuée (par exemple).
"couchée en face d'elle" > tss, tss, tss, je demande à voir la position. ;=)
"Il lui reste quelques minutes (virgoule) "tout" au plus." > me manquait le "tout". Pour la virgoule, j'ai craqué...
"Un avion de chasse pour sauver une femme." ????!!! > je suppose que c'est pour un accouchement par le siège (éjectable). Et je parle même pas du manche.
"Le brancard est porté par six hommes." ???!!! > c'est un brancard, pas (encore) un cercueil.

Fond : intéressante coutume. La fin avec le Papa est un poil trop longue à mon gout. Mais l'ensemble est prenant et se laisse bien lire. Merci pour le partage.

Pepito

Edit : hey ! "évasaner" est la contraction de "Évacuation sanitaire aérienne" j'en tombe sur les fesses ! Génial ! ;=)

   papipoete   
3/1/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour hersen,
Une naissance, pourtant pas la première, s'annonce sur cette île sans hopital, pour Tahia mère de 5 enfants ; jusqu'à son dernier accouchement, tout s'est chaque fois bien passé, mais là tout va mal ; pour le bébé et sa mère .
Le village entier est réuni et les femmes assistent cette femme en détresse ; on a demandé le secours d'un hélico qui n'en finit pas d'arriver ! Enfin, le voilà et Tahia heureusement accouchera, fébrilement d'un garçon que l'on crut perdre !
De retour chez elle, elle reviendra portant une glacière au mystérieux contenu ... pas pour le père qui sait lui !
Et montant sur la colline, il plantera un nouvel arbre à pain au fond d'un trou, que le placenta qui nourrît son bébé, amendera et fera pousser comme une deuxième fois .
NB le récit est prenant, on voudrait aider Tahia ; et le dénouement de l'histoire est riche d'enseignement, et fort touchant !

   GillesP   
10/1/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonsoir Hersen,
Je suis un peu déçu par cette nouvelle-ci. Je n'ai pas réussi à m'immerger dans cette histoire. Pourtant, l'écriture, comme d'habitude, est fluide. D'une manière générale, j'aime bien la retenue avec laquelle vous écrivez. Il y a un côté minimaliste qui me touche, un peu à la façon de Leila Slimani. Et puis, j'aime la première phrase, très réussie: "l'air est si lourd que même les oiseaux se taisent".
Il y a quelques passages un peu moins bons, comme celui-ci: "la parturiente doit être évasanée": ces deux termes rares utilisés d'une manière si rapprochée, à l'intérieur d'une narration plutôt simple, me paraissent hors de propos. Peut-être avez-vous voulu éviter d'utiliser les mots "femme" et "évacuer" qui apparaissent un peu avant et un peu après, mais cela me semble artificiel. Par ailleurs, je n'ai pas bien compris l'intérêt du passage sur le passé de Catherine, la sage-femme. Qu'apporte-t-il au reste? N'eût-il pas mieux valu s'attarder sur la femme en train d'accoucher? N'est-ce pas elle qui devrait être au centre du récit? Maintenant que j'y pense, c'est peut-être pour cela que je suis resté un peu à l'extérieur de l'histoire: Tahia n'apparaît au final que comme une parturiente, une couveuse. Du coup, sa souffrance n'interpelle pas assez le lecteur que je suis.
Un petit détail, pour finir: à votre place, j'aurais mis du passé composé et non du passé simple dans cette proposition: "elle n'eut aucun mal à avoir le poste de sage-femme". D'ailleurs, peu auparavant, vous mettez bien le passé composé: "elle est venue". C'est en effet le temps de référence lorsqu'on veut faire des retours en arrière au sein d'une narration au présent.

Sur ce, je vais de ce pas lire une autre nouvelle de vous, car je n'ai pas envie de rester sur cette déception, alors que j'avais beaucoup aimé votre Boîte de conserve et que j'avais été touché par Origami.


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