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Sentimental/Romanesque
jensairien : Entre les pages
 Publié le 15/02/09  -  12 commentaires  -  3449 caractères  -  66 lectures    Autres textes du même auteur

Un intermède entre deux pages.


Entre les pages


Kader, tout heureux, avait ramené une fille à la maison. J’ai tout de suite compris le genre de relations établies entre eux : bref et sans délai, qui ne laisse aucun souvenir.


Je me morfondais sur le canapé un bouquin en main quand la clef fouilla la serrure. La fille fit un vague bonjour, irrésolue, et se planta sur place, tel un paquet livré à domicile. Je levais le nez de mon livre pour son visage, en désespérance, en manque de tout.


Depuis deux ans qu’il partageait mon appartement c’était bien la première fois qu’il en ramenait une. Je n’étais pas plus surpris. Ce lieu moulinait beaucoup, et pas que de la farine.


Je n’y étais plus chez moi et ça me rassurait. J’avais ainsi tout loisir de me laisser emporter au gré des va-et-vient, une certaine idée informelle de la liberté.


Il avait mûrement calculé son coup. Il ne tergiversa pas, la prit par la main et ils filèrent dans la salle de bain. J’étais content pour lui. La porte se referma, je retrouvais ma page.


Et ça n’a pas duré. L’eau du bain avait coulé, puis des floc floc, la transcription phonique d’un râle consommé, et l’eau qui s’écoule dans la bonde. Une serviette sur un corps humide, ça n’a jamais fait de bruit.


Il faisait chaud, l’appartement un vrai bordel et moi, tel un chat sur son toit. La fille est passée dans la pièce, en culotte, les mains dans le dos en train d’agrafer son soutien-gorge.


Elle me faisait face, indéfinissable, plus abandonnée qu’embarrassée, tandis que dans la salle de bain Kader se tenait replié. Vraiment beaucoup d’attention de sa part.


Cette fille, sans doute une junkie, il avait dû la rencontrer vers la place Clichy ; il traînait beaucoup par là, refourguant le produit de ses vols à des gens de sa condition. Régulièrement l’appartement servait de dépôt, un vrai bric-à-brac de valises subtilisées, de batteries de casseroles, de bibles et de bouquins de cul, de fringues, de tricycles et de petit ménager, fers à repasser, couveuses, fouets électriques.


J’hésitais à quitter mon livre. Cette fille était là, fragile, offerte, à disposition, je n’avais qu’à la rejoindre. Dans la chambre à côté, sur le matelas ad hoc, elle aurait fait bien. Je me demandais.


Bien sûr ça m’embêtait de passer juste après Kader, sauter du coq à l’âne, je n’avais pas l’âme d’un soldat. J’aurais été seul avec elle, sans doute aurais-je agi différemment. J’ai dû faire non de la tête, ou du regard, mais elle comprit. Je devais être d’un romantisme torride car elle parut déçue, une petite moue triste au coin du cœur, mal saucissonné, et elle se rhabilla.


Kader sortit en grande forme, avisa la fille en jean et sweat-shirt et décida qu’il était temps pour elle de réintégrer sa zone. « Je te raccompagne. »


La porte claqua, l’escalier répercuta leurs pas tandis que le soleil pénétrait par la fenêtre, facétieux, réverbéré par les carreaux. Je retrouvai mon ouvrage mais les mots ne parlaient plus, sans force, encre triste collée sur le papier des vaches.


Je retins mon tourment, l’esprit ankylosé puis me levai du canapé. Rien n’y fit, mon trouble demeurait. J’allai à la cuisine, dans un impeccable désordre, retournai dans la pièce, calamiteuse, alors je claquai la porte palière et sortis à mon tour, pas encore capable d’admettre que je n’étais qu’un misérable imbécile.


C’était le genre de fille avec lequel on entretient des relations brèves et sans délai, le genre qui ne laisse aucun souvenir.



 
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   kullab   
15/2/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Super.
Bougrement efficace.
"Du coq à l'âne" : excellent.
Bravo pour avoir réussi à en mettre autant dans un texte aussi court.
Bref, j'ai aimé, quoi.

   Nongag   
15/2/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Pas mal, pas mal...

Bref, habile.

Un détail cependant: Je trouve le narrateur mal défini un peu. Il lit un livre mais: "Je n’y étais plus chez moi et ça me rassurait". Comprend pas, il est chez lui oui ou non.

Plusieurs phrases coup de poing, fortes:
"La fille fit un vague bonjour, irrésolue, et se planta sur place, tel un paquet livré à domicile."
"Une serviette sur un corps humide, ça n’a jamais fait de bruit"
"Bien sûr ça m’embêtait de passer juste après Kader, sauter du coq à l’âne, je n’avais pas l’âme d’un soldat."

Récit ciselé au quart de tour.

   Anonyme   
15/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Une nouvelle sans chichi.
Vite fait bien fait.
Est-elle autobiographique ?

   Flupke   
15/2/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Sympathique et réaliste ce coït furtif et ses remous provoqués.
Dense en phrases bien trouvées, mais juste l'essentiel. Le style d'écriture colle merveilleusement bien au contexte de l'événement décrit.
J'ai bien aimé :
"Ce lieu moulinait beaucoup et pas que de la farine". (Qu'importe le signifiant pourvu que le signifié soit vaguement clair)
"et moi tel un chat sur un toit"
"romantisme torride"
"encre triste collée sur le papier de vaches" (excellent retour à la réalité)
Et la fin qui fait écho au début offre un protagoniste dûment transformé.
Tout ça en si peu de lignes, comme un entremets microscopique dans un resto japonais, mais impeccablement servi. Bravo !!! J'ai beaucoup aimé.

   Menvussa   
16/2/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Ouaip ! Bien écrit mais cette tranche de vie me laisse un peu perplexe. Je n'en vois pas trop l'intérêt.

Bref, à la prochaine lecture.

   Anonyme   
16/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'aime bien... c'est douloureusement désabusé, un peu cynique (ou un peu trop ?) mais pleinement assumé dans le ton...
Cela m'a mise mal à l'aise, comme si tu avais mis le doigt sur quelque chose d'assez universel en somme, cette sorte d'envie de "vomir" sur la beauté des choses, juste pour oublier que l'on est en train de passer à côté, ou pire, que l'on est incapable d'envisager cette beauté là...

   widjet   
17/2/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Moi aussi, j'aurais aimé en savoir plus sur ce type qui lit. D'accord avec les autres comms. Simple, direct, sans fioriture même si certaines phrases auraient mérité d'être plus percutantes.

Beau contraste entre ce que peut offrir un livre (la liberté) et la terne réalité. La phrase Cette fille était là, fragile, offerte, à disposition, je n’avais qu’à la rejoindre. Dans la chambre à côté, sur le matelas ad hoc, elle aurait fait bien. Je me demandais me semble un peu confuse, pas très bien construite.

Du JSR honnête, mais le bougre peut tellement mieux.

Widjet

   Anonyme   
19/2/2009
Pas compris la fin... Le type se prend pour un imbécile parce qu'il a pas fait sa p'tite affaire avec la fille d'la place clichy? Si c'est ça je trouve ça un peu léger, pas franchement convaincu, ça colle pas trop avec les réactions précédentes du narrateur, jamais "indécis" (pas assez du moins)...
Après, insister sur le " genre qui ne laisse aucun souvenir", je sais pas. A prendre comme une critique de cet état d'esprit je suppose, mais on reste dans le flou quant aux intentions de l'auteur... Je ne sais pas... L'ensemble me laisse un goût de facilité, de constat... Il me manque peut-être une "prise de position" plus explicite.

   Anonyme   
21/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Une tranche de vie pas ininteressante. Un récit toutefois quelque peu évasif. L'écriture est vive qui raconte plutôt bien cette intimité révélée. Rien de déplaisant, rien de trop décrit, rien d'excessif. Une lecture assez agréable.

   marogne   
15/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bizarre.

J’ai d’abord été un peu surpris, la fille comme marchandise, le prénom de celui qui trafique et saute à la va-vite, tout cela ne faisait-il pas un peu trop cliché, ou plutôt un peu trop « beauf » ?

Et puis, paragraphe après paragraphe, et comme pour le narrateur, après l’action elle-même, après la lecture, une petite musique, une impression fugitive qui revient et laisse croire que ce n’était pas si léger que cela, si obscène que cela moralement.

Et in fine, plaisir de l’avoir lu, et bravo à l’auteur pour nous avoir communiquer presque le même sentiment que celui qui assaille à la fin le narrateur, sauf que nous, ces deux pages, on les a consommées.

   jaimme   
26/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
La majorité des phrases est bien tournée. L'histoire est intéressante. Mais comme la fille en question, on l'oublie assez vite. La dernière phrase, d'ailleurs, montre surtout que le personnage narrateur ne vaut pas grand chose. Pas la fille.
Merci Jeansairien. Des qualités d'écriture, réelles. Une chose curieuse d'ailleurs, et qui me plaît: il y a des détails qui plantent bien le décor et un manque de précisions sur les personnages qui pourrait gêner. Mais non, ce curieux mélange a bien fonctionné pour moi.

   plumette   
18/4/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
j'avais envie de lire quelque chose de jensairien en guise de bonjour et d'accueil pour son retour en Onirie!
j'ai parcouru votre univers assez surréaliste et déjanté pour m'arrêter sur cette petite nouvelle bien troussée, efficace, plus à ma portée dans son réalisme un peu sombre: une tranche de vie courte qui en dit long sur ces êtres flottants: Kader, le narrateur et la fille.
De l'humour, de la dérision "Je devais être d’un romantisme torride car elle parut déçue, une petite moue triste au coin du cœur, mal saucissonné, et elle se rhabilla."
l'écriture est pleine de trouvailles, un style!

Alors à quand vos nouvelles publications?

Plumette


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