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Humour/Détente
jensairien : Gigi
 Publié le 11/05/09  -  15 commentaires  -  6874 caractères  -  49 lectures    Autres textes du même auteur

C'est l'histoire de Gigi, mon amie la girafe.


Gigi


Quand j’ai pris cet appartement j’étais dans le plus grand pétrin, et le type qui me le refilait dans le plus grand embarras. Je l’avais rencontré dans un bar, il se disait voyageur mais donnait surtout l’impression d’avoir les flics aux trousses. Toujours est-il que j’ai accepté sa proposition. Il me laissa les clefs du logement et me présenta la concierge pour le loyer. Me serrant la main avant de déguerpir, il m’assura qu’il repasserait d’ici quelques semaines afin de récupérer quelques affaires ; je ne l’ai jamais revu.


L’appartement, un trois-pièces situé au dernier étage d’un immeuble vétuste, aménagé à la mode de papa, avec un mobilier fin de siècle, avait le charme désuet d’une maison de poupée. Les papiers peints étaient d’époque, les pièces hautes de plafond, petites et sombres. La tuyauterie faisait un bruit épouvantable, le chauffe-eau menaçait d’exploser d’un moment à l’autre. Et pourtant j’étais content : c’était toujours mieux que mon ancienne chambre de bonne.


Mais, le soir même de mon arrivée, une drôle de surprise m’attendait. J’ai d’abord cru à des souris ou un chat dans le placard, à la place de quoi j’y trouvai une girafe. Oui, une girafe. Un bébé sans doute car elle n’était pas plus grande que moi et tenait à peine sur ses pattes. Elle cavala en dérapant sur le plancher et se réfugia dans un coin de la chambre. Par chance je n’avais pas de voisin au-dessous.


Une enveloppe était attachée à son cou. J’hésitais à aller avertir la concierge, mais, avant tout, je devais m’instruire du contenu de cette missive. Je finis par le savoir, profitant de ce que la girafe s’était assoupie pour la lui arracher, ce qui me valut un grand coup de tête du bébé qui presque m’assomma.


C’était l’ami du bar bien sûr, le voyageur. Je devais prendre soin d’elle. Je n’avais aucun souci à me faire : il passerait rapidement la récupérer. Suivait une liste de recommandations sur son alimentation. Puis il finissait par ces mots : « Je suis désolé de ne pas t’avoir prévenu de vive voix. J’avais peur que tu ne comprennes pas. » Un aveu en somme.


J’arrangeai la chambre avec de la paille que je fis monter discrètement de nuit et aménageai dans le salon. Ma girafe mangeait beaucoup d’herbe, fraîche de préférence. Très vite, avisant un jardin public rasé de près, j’eus l’idée de m’acoquiner avec le gardien afin de négocier son gazon. Nous convînmes d’un prix raisonnable et bientôt, mettant au courant d’autres collègues de l’aubaine, j’eus à ma disposition assez d’herbage pour rassasier mon amie.


Le temps passa.


Je m’étais attaché à Gigi. Je l’ai laissée grandir, me demandant sans cesse si je ne devais pas la livrer à un zoo, et un jour je compris que la réponse s’imposait d’elle-même : Gigi était bien trop grande pour passer la porte d’entrée. La journée je la laissais seule dans l’appartement. Quand je rentrais, souvent, je la trouvais prostrée dans sa paille. La nuit j’ouvrais la fenêtre, et elle passait ainsi des heures, le cou glissé à l’extérieur, se balançant avec indolence tout en haut de l’immeuble. La façade donnait sur des terrains vagues. Par bonheur jamais personne ne remarqua cette gracieuse tête de girafe s’étirant jusqu’à la lune, prête à la gober.


Mais hélas elle déprimait. Moi-même délaissais la partie. Je ne nettoyais plus sa chambre comme avant et me contentais de lui jeter une botte d’herbe quotidienne. Et puis je perdis mon emploi. J’eus moins d’argent et de plus en plus de mal à la sustenter. Les communaux finirent par se méfier de moi et de mes airs : et si je finissais par foutre le feu à mon immeuble ?


Nous dépérissions, passant nos nuits à la fenêtre, l’enlaçant par le cou tandis qu’elle dandinait la tête en tous sens comme si elle voulait la décrocher. Elle me regardait avec des yeux mélancoliques qui m’étaient une vraie torture. Je devenais moi aussi neurasthénique. Je la serrais dans mes bras en pleurant et répétant sans fin : « Qu’est-ce qu’on va devenir ? Qu’est-ce qu’on va devenir ? » Ses clins d’œil innocents me bouleversaient.


La concierge commença à me trouver mauvais genre. Moi qui suis un enfant du pays, elle eut l’audace de me demander si j’avais mes papiers. Je n’arrivais plus à payer mon loyer. Fatalement, elle me menaça d’expulsion. Je ne savais plus quoi faire. Mon attachement à Gigi me paralysait. Partir eût été raisonnable mais l’abandonner un crime. L’étau se resserrait. Quelque part au fond de moi, je savais bien que les événements régleraient d’eux-mêmes cet épineux problème.


Et en effet, un soir que je revenais, la journée passée à la recherche d’un emploi, je trouvai un attroupement en bas de l’immeuble. Les gens se pressaient à l’arrière du bâtiment. Des pompiers, des policiers et beaucoup de journalistes s’affairaient, désignant la fenêtre esseulée trouant la façade blême du bâtiment, juste au-dessous des toits, tel l’œil impitoyable du cyclope. J’avançai à reculons, une furieuse envie de fuir me taraudant. Retenant mes larmes je murmurais mentalement le nom de mon adorée, Gigi, Gigi, puis je contournai la concierge en train de gesticuler comme sur une scène et fis le tour de l’immeuble.


Je voulais mourir, me jeter sous les roues d’une ambulance. Deux ouvriers en bleus de travail maculés de peinture, sans doute des témoins privilégiés, étaient interviewés sous un feu de flash. J’entendis des voix hurler : « La voilà ! Je la vois ! » Je les aurais tous tués, ces badauds avides du spectacle de la mort. Et puis j’entendis un des ouvriers et, curieux, m’interrogeant sur ces propos, m’approchais d’eux.


Les journalistes faisaient cercle pour recevoir leur témoignage. Assez contents d’être à la vedette, ils ne se faisaient pas prier pour répéter leur histoire.


- Et alors, nous venions de fixer l’échafaudage au toit et nous le remontions quand d’un coup, cet animal s’est extirpé de la fenêtre comme un diable de sa boîte. Heureusement que la nacelle était bien arrimée car elle se déroula sous son poids et toucha le sol comme un ascenseur. La girafe est partie en cavalant.


J’eus une bouffée de joie incontrôlable et je hurlais : « Gigi ! Gigi ! » Je cavalai comme un damné jusqu’au terrain vague. Elle était là, la belle. Les pompiers impuissants ayant jeté l’éponge, tandis qu’elle, en train de courir à l’amble avec une grâce un peu maladroite, déambulait dans le terrain en friche. Dès qu’elle m’entendit elle dressa l’oreille et se précipita à ma rencontre. Je me jetai sur elle comme un fou et me retrouvai la chevauchant, agrippé à son cou. Elle me promena ainsi sous l’œil médusé de la populace et des forces de l’ordre.


J’en pleurai.


Malheureusement pour nous deux, je finis au poste de police et elle au jardin zoologique. En définitive nous étions passés d’une cage à l’autre. Nous ne connûmes que quelques brefs instants de joie et d’harmonie. Le propre du bonheur ?



 
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   Selenim   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Une histoire rafraîchissante, contée avec simplicité et désinvolture.

J'ai bien aimé cette idée de girafe d'appartement. On l'imagine bien sortant son long cou tacheté par la fenêtre, en quête d'espace.

L'écriture est coulante, on s'y laisse doudouner. Quelques accrocs parfois, rien de méchant, mais surtout rien d'objectif.

Selenim

   Anonyme   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Sympa, cette lecture, une fois qu'on a admis l'absurdité de la situation.
La fin est assez attendue...Peut-être attendais-je , quitte à basculer dans le fantastique, une girafe surdouée, presqu'humaine ou alors une girafe capricieuse, jalouse, maladroite qui aurait causé une cascade de dégâts ménagers...

Madame Wikipédia vient de m'apprendre que le girafon mesurait déjà deux mètres à la naissance, et grandissait d'un mètre la première année. Le narrateur doit avoir l'allure d'un basketteur pour pouvoir l'enlacer.

Lecture divertissante. Merci.

   aldenor   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bien imaginé ; la situation est rocambolesque et poétique. Mais j’ai l’impression qu’elle n’est pas pleinement exploitée. L’inspiration s’ épuise rapidement et la fin est un peu décevante.

   Garance   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Une histoire plaisante empreinte de poésie.
La conclusion bien que suffisante pour donner sens à l'histoire aurait pu nous laisser délirer encore un petit peu.

   Maëlle   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
toute rigolote et loufoque ce qu'il faut, cette histoire.

   Anonyme   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai adoré cette histoire de girafe, même si l'épilogue est un peu triste.
Et si dans un prochain opus ("Gigi, le retour"), le narrateur organisait l'évasion de son amie?

   Anonyme   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ah Jensai, tu ne vas pas me croire ! Je viens de terminer un petit sonnet ( ben oui, j'y arrive pas avec le moderne) où l'un de mes héros est un "tendre girafon" ! P'têt ben le fiston de Gigi ?
En tout cas j'ai bien aimé ton histoire un peu déjantée, quoi que... va savoir, il y a bien (de temps à autre) des crocos dans les égouts parisiens...

   xuanvincent   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai apprécié cette sympathique nouvelle, qui m'a amusée et pourrait plaire (aussi) aux jeunes lecteurs.

   Menvussa   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est frais, c'est tendre, un peu triste mais traité avec humour, ce qui fait que ça passe très bien.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est original.

   Anonyme   
12/5/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai beaucoup de mal avec l'absurde, mais cette nouvelle-ci est passée comme une lettre à la poste. Très jolie, très tendre et tellement visuelle que j'ai vu les images défiler. Peut-être que je progresse grâce à toi dans mes lectures en ce domaine.
Félicitations, il me semble que cette fois-ci tu t'es lâché (je pense à l'histoire de l'homme à la tête de valise) qui, si tu avais été au bout de ton audace (idée développée en forum) aurait été aussi réussie que cette nouvelle-ci.
Au plaisir !

   widjet   
12/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Auteur un poil déluré (dans le bon sens du terme) et original, JSR l’est assurément. Ce qu’il gagne en excentricité, il le perd un peu en forme, en style ces derniers mois, là où jadis j’avais la sensation qu’il pouvait combiner les deux. Je me suis fait une raison depuis. Mais si le divertissement est sans prétention (à l’instar de l’auteur cela ne pète pas plus haut que son cul et cette humilité force le respect), il demeure sympatoche, fluide dans son déroulement. C’est déjà ça.

Une petite parenthèse animalière un peu barré mais pas trop finalement. Le texte me fait l’effet d’une potion magique qui fonctionne très vite (le début est assez réjouissant) mais dont les effets s’estompent chaque ligne un peu plus.

Widjet

   Flupke   
12/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Plus petit que toi, alors il doit encore téter ton girafon, non ? Bonjour les jerrycan de lolo dans le micro onde. Et puis ça aurait été l’occasion de lui faire courir les pharmacies pour trouver un biberon de deux litres. « Si si, madame, je vous assure il boit beaucoup ! » .LOL.
Bon c’est original, attachant et agréable à lire. L’explication de l’échappement de l’appartement est très claire. Bon heureusement que tu mentionnes, « je ne nettoyais plus sa chambre comme avant » car j’avais déjà avant cette phrase visualisé tous les pipis et les cacas hauts. Il eût été intéressant de décrire sa gymnastique spéciale pour s’abreuver en écartant les pattes de devant et en baissant le cou.
J’ai bien aimé « Ses clins d’œil innocents me bouleversaient ».

   kullab   
30/5/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bravo pour cette histoire que j'ai adorée.
C'est très très bon dès le premier paragraphe qui donne tout de suite le ton et la chute est superbe.
J'aime ce mélange de comique et d'absurde. Et puis, on serait presque pris d'affection pour ce pauvre homme et sa girafe. Ca prend.
Un sans faute pour moi.

   florilange   
10/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Mieux vaut tard que jamais, je viens de découvrir Gigi. Fable très morale, tout reprend sa place à la fin. Super joli & agréable à lire. J'ai toujours trouvé que la girafe avait de beaux yeux, alors 1 bébé girafe, sûrement craquant!

Idée pas si farfelue : quand j'étais petite, on racontait qu'1 type de St-Maurice, sur la route du zoo de Vincennes, laissait son gorille recevoir les huissiers...

Quelques (mini)maladresses : on emménage dans le salon mais on aménage le salon.
Passé un bon moment, merci.
Florilange.

   Anonyme   
20/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Jensairien. J'ai bien aimé cette histoire surréaliste. Mais tout est possible...Pas vrai ! J'ai visualisé la scène avec attendrissement. Attachants ces deux compagnons d'infortune...


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