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Sentimental/Romanesque
JoanB : Je t'aime à mourir
 Publié le 27/05/07  -  11 commentaires  -  5394 caractères  -  68 lectures    Autres textes du même auteur

De moi sans elle, des lendemains de cuite qui déchantent, du malheur, et toutes autres conséquences...


Je t'aime à mourir


Gueule de bois, gueule enfarinée. Je décolle à peine les paupières. J'émerge. J'apparais enfin. Il est 18 heures.


Le soleil s'est couché, la nuit est déjà là, et je me réveille seulement. J'aime pas ne pas voir le soleil.


Impression que la nuit, cette nuit, avec son cortège d'ivrognerie, de malheur, de larmes, de déprime et de tout, se prolonge. Je me redresse péniblement, m'appuyant sur ma main gauche (c'est ma sensibilité de gauche qui doit inconsciemment ressortir). Je passe les deux pieds d'un même côté du lit. J'enfile mon vieux peignoir, et me dirige tant bien que mal, loin de ma chambre. Je suis pire que le Dude.


Je branche la tête dans le lavabo, et j'envoie la sauce. Eau froide. Très froide. Je ne sais combien de temps je reste. Suffisamment pour me sentir assommé. Je lance Caruso sur la chaîne hi-fi. "Una furtiva lagrima" résonne dans l'appart, décidément trop sombre aujourd'hui, plus sombre encore que mon esprit. J'envoie valser. Tout.


Je suis avachi en calebar et peignoir, sur le canapé. Je pleure, et chacune de ces larmes qui vient mourir à mes lèvres a un goût de ciguë. Toutes ces larmes qui tombent sur mon torse ont le pH de la chaux. Je pleure et me brûle, par ces gouttes de moi.


La paix dans le monde n'arrivera pas, et j'en ai rien à foutre. Je suis totalement égocentré. Voué à entretenir ma détresse, ma déprime, mon mal-être. Ma relation avec la mélancolie. Parce que la souffrance a pondu en moi, et que les larves me dévorent. Parce qu'elle était là, hier soir, mais pas pour moi. J'étais pourtant là. Beau. Bien sur moi. Lui livrant mon coeur sur un plateau, entre la première et la deuxième bouteille de Manzana. Ma vie offerte avec les glaçons. C'est à ce moment-là que j'espérais me déclarer, lui exposant mon amour comme présent. C'est à peine à ce moment-là que cet autre connard s'est ramené. Qu'il m'a volé Emeline.


Caricature de fils à papa, petit bourgeois sans conscience politique (la mienne je l'échange contre des bouteilles), habillé moulant, les cheveux coiffés avec du gel. Le charisme d'une salade d'algues. Le regard vide et inexpressif d'un feu de signalisation bloqué sur le rouge. Et pourtant. C'est lui qui lui a plu. Qui a su lui plaire. Lui qui n'avait aucune conversation, lui formaté, issu du même moule, qui a lâché sur la planète des milliers de petits connards sans âme ni personnalité. Ce genre de petites crevures, heureuses de travailler plus pour gagner plus. Satisfaites de ne rien savoir, et se glorifiant de ne jamais réfléchir. L'antithèse de ce que devrait être l'homme. Et en plus, il était vraiment laid. Encore s'il avait eu une belle gueule, j'aurais pu éventuellement imaginer un je-ne-sais-quoi de relation d'un soir, imaginer de le brancher, de me le faire. Mais non. Il n'avait rien pour lui. Laid et con. Et en plus, il me pique la femme que j'aime. Mention très bien au grand prix des sacs-à-merde. Petit cave deviendra gros beauf.


Cela m'en a pas mal enseigné sur la reproduction des céphalopodes, quand sur la piste de danse, alors que ça se galoche intensément, sur les huit principaux membres (bras et jambes), seulement deux touchent le sol. Cela m'aura plus ou moins déstabilisé, et m'aura contraint et forcé à me descendre en solitaire, tel Pantani redescendant à toute berzingue les cols des Alpes, les différentes bouteilles. Je ne suis pas pour autant reparti les mains vides. Je me suis récupéré une jeunette, impressionnée par le fait que mon humour soit plus noir que ses cils. Je l'ai renvoyée de chez moi en taxi, au milieu de la nuit. Cela lui donnera une leçon de vie, je l'espère. Arrêter de croire trouver le prince charmant dans le monde de la nuit. Elle n'y croisera que des pervers voulant tremper la nouille, ou des types suffisamment malsains et désespérés pour ne plus être des pervers sexuels, juste des caricatures de poètes maudits, des écorchés vifs de seconde zone. Pauvre petite poupée qui croyait encore que la vie c'était comme une boîte de chocolats. La vie, c'est comme un bol de cachets d'ecstasy, chaque souffle nous rapproche plus près de la mort. Pauvre enfant, je suis trop calciné pour être ton prince aux cheveux dorés. Laisse tomber, ma poule. Laisse-moi tomber.


Je retourne à la salle de bains. Il faut que je me douche. Ce soir est un grand soir. Comme dit Léonidas, ce soir nous dînons en enfer. Moi j'amène juste une grande cuillère. J'ai viré Caruso de la chaîne hi-fi, et c'est au tour de Janis Joplin de chanter-crier.


Je ressors de la salle de bains quelque temps plus tard. Je porte mon plus beau costard. Je sens bon le savon et l'eau de toilette. Je me suis rasé de très près. J'ai prévu les fleurs pour Emeline. Je grimpe dans le pick-up. Je pose les fleurs sur le siège passager, à coté du flingue.


Cinq minutes de route dans les rues de la ville. Je sonne au digicode : "C'est moi". Je monte les escaliers, les fleurs dans la main, le gun dans une poche et le sourire dans ma bouche. Je tape à la porte. "Coucou", je lui tends le bouquet. Elle les sent, aperçoit la petite carte. Bang, bang, bang, elle s'affaisse, pendant que la carte tombe elle aussi, son message épongeant le sang de la belle : "Emeline, je t'aime". Je caresse sa joue déjà froide. Je l'embrasse tendrement sur le front. Je retourne l'arme contre moi. Je refais le geste si cliché de poser le canon contre ma tempe. "J'arrive, je t'aime." Bang.


 
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   Anonyme   
27/5/2007
seductere...en latin ds le texte...séduit jusqu'à l'ensorcellement...ce terme était utilisé par les théologiens du Moyen Age pour désigner l'attirance diabolique...du diable...ça fait froid dans le dos hein ? Pourtant il arrive que certains hommes (jeunes surtout) soit la victime de femmes fatales....fatalitas...fatalitas...prudence hommes , mes frères....elles ne se rendent pas compte...comme disait Vian....Restons vigilants et sachons raison garder...l'amour est dangeureux pour la santé ...à consommer avec modération...

   Pat   
28/5/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'aime bien le style enlevé, le niveau de langage, l'humour.. Malgré quelques expressions qui ne me paraissent pas du meilleur goût (Ex : "par ces gouttes de moi", "voulant tremper la nouille"). D'autres, par contre sont de vraies trouvailles (ex : "Je branche la tête dans le lavabo", "Le charisme d'une salade d'algues", "mon humour soit plus noir que ses cils", "c'est au tour de Janis Joplin de chanter-crier"). Je pense également que certaines précisions, mises entre parenthèses, sont soit à intégrer au reste du texte, soit à supprimer, je ne sais pas : "(c'est ma sensibilité de gauche qui doit inconsciemment ressortir) (bras et jambes)".
A part ça, comment l'auteur peut-il raconter ça, à moins qu'il ne soit pas mort, ou qu'il parle de l'au-delà!
Bon je chipote, ce texte est vraiment sympa.

   Ten   
4/6/2007
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
C'est sympa, noir, j'ai eu l'impression que c'était du vécu ( sauf en ce qui concerne la fin évidemment ).
Justement, la fin m'a parue trop rapide, on la voyait de loin, et il n'y a pas vraiment eu de surprises en ce qui me concerne.
Le début me semble aussi très triste, je pense que c'était voulu, mais il aurait peut-être fallu le nuancer comme vous l'avez fait par la suite.
Le texte reste néanmoins bien écrit, les quelques touches d'humour font sourire malgré la constante tristesse du narrateur.

   Ama   
7/6/2007
Un peu pareil que les commentaires précédents (à part le premier ;). J'aime bien, le style, l'embiance, les images, les expressions. J'ai trébuché aux mêmes endroits que Pat et j'ai aussi trouvé que la fin était trop rapide. Trop rapidement écrite. Le personnage a des sentiments et une déprime on-ne-peut-plus humaine. Or pour tuer un proche, il faut être malade et le personnage n'apparaît pas comme tel. Il a juste l'air profondément déprimé, pas dérangé.
A cause de tous les films et tous les livres qui sortent en série innombrable, on finit par penser que tuer quelqu'un, qu'on connait ou non, en le regardant dans les yeux, c'est pas si difficile que ça. Mais c'est sûrement la chose la plus difficile au monde.

   JoanB   
8/6/2007
Personnellement, je ne me considère pas comme marqué par "tous les films et tous les livres qui sortent en série innombrable"...
Je me suis juste bati sur du ressenti, j'ai juste écrit cette nouvelle sans prétention en m'appuyant sur mon vécu, en y ajoutant pas mal de fiction...
Cette nouvelle n'a pas forcément plus de prétentions que celà. Elle pourra me servir pour un texte plus conséquent plus tard. Il n'y a pas à couper les cheveux en quatre...

   Maëlle   
4/7/2007
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'adore la langue, Pat a presque tout dit. Mais... il l'aime, dit il. Ah. Ben, heureusement qu'il le dit, on ne le devinera pas. Impression également que le texte perd en force au fur et à mesure que j'avance.

   Anonyme   
22/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
j'ai bien aimé le ton de ce récit, ce mec paumé, désabusé, agressif et finalement assez arrogant dans son désespoir. J'ai eu les mêmes réticences que Pat sur les faiblesses d'expression et apprécié à peu près les mêmes images.
La fin me parait un peu trop mélodramatique ici (je sais, c'est moi qui dis ça), le portrait du narrateur nous le présente plus comme un mec qui noierait son chagrin dans l'alcool en se répandant en réflexions métaphysiques désabusées sur l'inconstance des femmes que prenant une décision si définitive.

   jaimme   
26/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Emballé par le style de la première partie et plutôt énervé par celui de la seconde (en gros à partir de la description du céphalopode), mais c'est vrai qu'on peut mettre ce "dérapage" sur le compte de l' "énervement" du narrateur.
Je vois que l'auteur a fait une apparition rapide et unique sur le site. Dommage! Des qualités certaines à mon avis.

jaimme

   monlokiana   
29/6/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Le récit est fluide, on sent un personnage amoureux ayant aussi beaucoup d'humeur.
Je pense aussi que le passage "cela m'en a pas mal enseigné" est lourd, laid et difficile à lire
Le narrateur raconte son expérience et le texte est écrit à la première personne du singulier...
Comble de l'ironie: comment et où raconte t-il ces lignes? Vivant? Mort? Dans l'au delà? A l’hôpital? A la morgue?
Toutefois, j'ai bien aimé ce texte. Beaucoup d'humour, un petit brin d'originalité. La fin illustre bien le titre.
Monlo

   JoanB   
22/7/2012
Commentaire modéré

   JoanB   
22/7/2012

   Anonyme   
28/8/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Eh bien, cela va te surprendre, mais je préfère de très loin ce premier texte à où vont tout ces gens !

J'aurais dû commencer par celui-ci. Là, tu n'y vas pas avec le dos de la cuillère, c'est parfaitement excessif, excessif en tout, mais au moins c'est carré, et puis tu gères, tu "dégueules" et t'emmerde tout le monde !

Tu ne minaudes pas comme dans ton autre texte ! Tu fais pas des chipotis (néologisme) pour nous dire que t'es seul et que c'est le monde qu'est mal foutu ! tu montes et tu butes ! Oh year !


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