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Sentimental/Romanesque
maguju : Le violon de Vladimir
 Publié le 09/03/22  -  5 commentaires  -  16049 caractères  -  32 lectures    Autres textes du même auteur

« Il resta paralysé sur le perron, subjugué par le spectacle qu’il avait sous les yeux. »


Le violon de Vladimir


Tout en relevant le col de son manteau, Vladimir se disait que décidément il n’aimait pas l’hiver. Ses origines russes n’y changeaient rien, son corps se tassait dès les premiers frimas, il remontait les épaules, son ventre se contractait et il adoptait une démarche rapide et saccadée. En ce soir de décembre, le froid était particulièrement mordant et pénétrant. Vladimir ne sentit bientôt ni sa bouche ni ses joues et des larmes de froid roulèrent sur son visage. Quelle idée de vouloir s’installer à Vienne ! Il tourna au coin du Graben et se dirigea vers la Stephanplatz, accélérant à nouveau le pas. Il se reprocha de ne pas avoir appelé un taxi mais ses finances n’étaient pas au mieux et il devait éviter toute dépense superflue. Il aperçut le clocher de la Stephankirche et résista à l’envie d’allumer une cigarette. Il lui fallait se débarrasser de cette habitude et de toute façon il était presque arrivé chez son ami Friedrich. Encore quelques minutes et il pourrait enfin se réchauffer. En passant devant l’épicerie Julius Meinl, il regarda avec envie les mets appétissants de la vitrine, les contractions de son estomac lui rappelant qu’il n’avait rien avalé depuis plusieurs heures. C’est alors qu’il le vit, assis en tailleur, affublé du même bonnet ridicule que les autres jours, soufflant sur un bol de soupe qu’une bonne âme avait dû lui offrir en cette soirée glaciale. Depuis quelques semaines, Vladimir avait l’impression que, quels que soient ses déplacements au centre de Vienne, le vieux vagabond se trouvait irrémédiablement sur sa route. Au début il avait trouvé la coïncidence amusante mais cela avait fini par l’agacer ; quelque chose dans la manière dont le vieil homme le fixait le mettait mal à l’aise. Il hésita à faire un détour afin de l’éviter mais trouva sa réaction absurde et poursuivit dans sa direction.


– Vous m’avez l’air bien pressé ce soir, faut dire qu’il fait pas chaud. Vous n’auriez pas une petite pièce pour un vagabond gelé et sans le sou ?

– Heu… oui, bien sûr. Attendez voir que je regarde si je vous trouve ça, bégaya Vladimir, surpris que le vieil homme lui adressât la parole.

– Toujours avec votre étui à la main, c’est un violon que vous transportez n’est-ce pas ? Vous êtes musicien ?


« Quelle perspicacité ! » pensa Vladimir, contrarié d’être interrompu alors qu’il était presque arrivé à destination.


– En effet. Je vais d’ailleurs répéter avec un de mes amis ce soir. Il m’attend, finit-il par ajouter pour couper court à la conversation.


Il glissa quelques pièces dans la main du clochard et reprit sa route.


– Dabriu vietchiep

– Pardon ? rétorqua le jeune homme en se retournant.

– Dabriu vietchiep. C’est du russe, cela veut dire bonsoir. Vous ne le saviez pas ? demanda le vieil homme en plissant les yeux.

– Heu… si mais comment savez-vous que je parle le russe ?

– J’ai entendu une personne vous interpeller l’autre jour. Elle vous a appelé Vladimir, j’en ai déduit que…

– Bonsoir, l’interrompit le musicien.

– Bonsoir Vladimir.


« Quel culot », pensa le jeune homme. « Voilà qu’il m’appelle par mon prénom ! »

Enfin rendu devant le 23 de la Singerstrasse, il appuya à plusieurs reprises sur la sonnette, tapant des pieds sur le trottoir en attendant que son ami vienne lui ouvrir.


– Salut Vlad ! lui lança joyeusement Friedrich.

– Qu’est-ce que tu fichais bon Dieu, j’me les gèle moi !

– Oh ! Monsieur est de mauvaise humeur ce soir.

– Laisse-moi entrer tu veux ?


Friedrich regarda son ami d’un air amusé, lui barra la route un instant mais finit par le laisser entrer.

L’appartement que Friedrich partageait avec sa petite amie Anna était de taille modeste mais tous deux disposaient malgré tout de plus d’espace que Vladimir et leurs voisins étaient conciliants concernant le bruit. Des mélomanes sans doute. Les jeunes gens avaient donc pris l’habitude de répéter chez Friedrich. Il y régnait le désordre habituel, les deux tourtereaux n’étant pas très portés sur le ménage, mais il y faisait chaud et Vladimir savait qu’alcool et nourriture feraient partie du programme de la soirée…


– Qu’est-ce qui t’arrive ? On dirait que tu as vu un fantôme, lui dit Friedrich en lui versant un verre de vin.


Vladimir posa son précieux étui avec précaution sur le canapé, retira ses gants et son manteau et souffla dans ses mains avant d’accepter le verre de son ami.


– C’est juste un clochard qui ne me lâche pas. Partout où je vais, je le vois. Il est trop bizarre vraiment. Il m’a parlé en russe ce soir. Laisse tomber… Je suis fatigué et j’en ai marre de ce froid sibérien. En plus demain c’est mon anniversaire… ça doit être ça qui me travaille. Vingt-cinq ans… et toujours à vivre des maigres cachets qu’on arrive à se faire par-ci, par-là ; c’est désespérant et ça commence à me lasser. Je tente ce fichu concours de l’Opéra et si j’échoue je raccroche.

– Tu as un talent fou. Ils ne peuvent pas passer à côté d’un talent pareil !

– Ouais… en attendant répétons pour le concert de demain. Mon portefeuille est désespérément vide… Ce n’est pas de cette manière que je vais trouver une petite nana pour réchauffer mon lit !

– Hum… comme si c’était un problème pour toi. « Vous êtes si booô Vladimir ! » ajouta-t-il en imitant l’intonation de la logeuse de Vladimir, madame Ulrich.


Feignant d’être agacé, Vladimir attrapa un coussin qui traînait et le lui jeta au visage. Tous deux se mirent ensuite au travail, Vladimir au violon et Friedrich à la contrebasse, et la soirée se finit dans la bonne humeur, les jeunes musiciens ayant sifflé quelques bouteilles sous le prétexte de se réchauffer… Trop saoul pour envisager de rentrer chez lui ce soir-là, Vladimir accepta de dormir sur le vieux sofa défoncé de son ami. Il se boucha les oreilles afin de ne pas entendre les grincements du lit provenant de la chambre… et sombra dans le sommeil.

Les jours suivants, il s’arrangea pour éviter les rues qu’il empruntait habituellement, dans l’espoir de ne plus tomber nez à nez avec ce vagabond adepte du russe… et quelque peu envahissant. Vienne était assez vaste, pourquoi fallait-il qu’il le rencontrât aussi souvent ! C’était à se demander s’il ne le surveillait pas ! Près d’une semaine s’écoula sans qu’il le vît et, à sa grande surprise, le vieux bonhomme finit presque par lui manquer. À plusieurs reprises il se prit à se demander si ce froid polaire ne l’avait pas tué ou s’il n’était pas mourant à l’hôpital avec une pneumonie… Et puis un soir, alors qu’il regagnait son domicile après une répétition, il eut la surprise de le voir installé devant chez lui, assis sur sa petite valise déglinguée, un sourire aux lèvres et une moitié de sandwich à la main.


– Je t’ai manqué on dirait, lui dit le vagabond avec un clin d’œil.

– Pas du tout, répondit Vladimir en réprimant un sourire. Dites-moi vous avez l’air plutôt en forme.

– Te fie pas aux apparences mon gars. Disons que, contrairement à toi, je suis plutôt résistant. Tu m’offres un verre ?

– Je ne crois pas non… et de toute façon je ne suis pas sûr d’avoir grand-chose à vous offrir.

– T’inquiète tout me va… sauf de l’eau ! J’y peux rien, je la digère pas… Et le vieil homme partit d’un grand éclat de rire. Au fait je m’appelle Alexei. T’inquiète pas je ne vais pas t’égorger.


Alors, tout en se disant qu’il était un peu fou, Vladimir l’invita à entrer. Son moral n’était pas des meilleurs ce jour-là – le concours d’entrée à l’Opéra approchait et son stress s’intensifiait – et il se dit que partager un moment avec ce clochard facétieux allait peut-être s’avérer distrayant… De plus, il devait avouer que cet homme l’intriguait à le suivre comme ça partout dans la ville. En découvrant l’appartement, ou plutôt la petite chambre de bonne où logeait Vladimir depuis un an, l’homme émit un sifflement d’admiration. Ceci amusa beaucoup le musicien, l’équipement de sa chambre étant plutôt spartiate : il se résumait à une table, une chaise et un canapé-lit. Le jeune homme jouissait cependant d’un coin cuisine et d’une petite salle d’eau.


– Un bel étui que tu as là, et original en plus de ça, dit le vagabond en promenant ses doigts sur le cuir défraîchi. Un décor de branches enchevêtrées et d’oiseaux était gravé dans le cuir ainsi que les initiales M.V.

– Oui je sais. J’y suis très attaché. Je l’ai acheté il y a deux ans à un vieil homme à Moscou qui tenait un magasin de bric-à-brac. Je suis tombé en arrêt devant cet étui. Je ne sais pas… il m’appelait en quelque sorte. Le violon qu’il contenait était pourtant très endommagé et son archet brisé en deux mais je n’ai pas hésité une seconde et j’ai acheté le tout.


Vladimir reprit l’étui des mains d’Alexei et l’ouvrit. Il en sortit un magnifique violon, en épicéa, et érable sycomore, précisa-t-il à son invité, et le caressa amoureusement.


– J’en ignore l’origine. Je l’ai fait réparer et cela m’a coûté une fortune pour tout dire, mais ça valait le coup. Il a une sonorité tout à fait incroyable. Je vous jouerai un morceau si vous voulez… mais buvons un coup d’abord, s’exclama-t-il soudain en sortant une bouteille de vodka de sous son canapé.


Cette bouteille, cadeau de sa mère chérie, il comptait l’ouvrir le jour où il serait accepté à l’Opéra mais bon… autant la boire maintenant, se dit-il ; pour conjurer le sort et peut-être aussi délier la langue de ce vieux clochard.

En réalité, Vladimir n’en apprit que très peu sur Alexei ce soir-là. Il était né en Russie et avait apparemment vécu dans le village d’Akcha jusque dans les années 80. Ensuite, sans en préciser la raison à Vladimir, il avait quitté le pays et avait beaucoup voyagé avant d’atterrir à Vienne. Au bout de quelques verres, saouls comme des Polonais, les deux hommes se mirent à entonner des chants paillards russes… et Vladimir s’endormit comme une masse.

À son réveil, il constata qu’il avait dormi tout habillé et à même le sol ; son dos le lui fit sentir aussitôt. Après un moment de confusion il se souvint de la nuit précédente et chercha du regard le vieux vagabond. Celui-ci avait disparu et Vladimir en fut soulagé. Il se releva avec difficulté, se massant les lombaires, et se dirigea vers la salle de bains. C’est alors qu’il entendit les premières notes. Il se figea et sentit la nausée lui monter à la gorge. Il se retourna et chercha des yeux son étui, même s’il connaissait par cœur la sonorité de son instrument et que les sons qui lui parvenaient ne laissaient aucun doute possible… Ce vieux fou avait emporté son violon et il avait l’impudence de s’en servir ! Qui plus est, devant chez lui !

Le jeune homme dévala quatre à quatre les marches de son immeuble, sans manteau ni chaussures, au risque de se briser le cou. Il croisa sa logeuse, madame Ulrich, et faillit la renverser au passage.


– M’sieur Vladimir, qui c’est celui-là ? Il a réveillé tout l’immeuble. Après le raffut que vous avez fait hier soir… Faut dire qu’il joue bien le bonhomme. Oh mais sortez pas comme ça vous allez attraper la mort !


Vladimir ne put lui répondre. Il resta paralysé sur le perron, subjugué par le spectacle qu’il avait sous les yeux. Le vieil homme se tenait debout sur sa petite valise, les yeux clos, des larmes roulant sur ses joues. Il s’était rasé de près et avait revêtu le costume noir que le jeune musicien comptait porter le jour de son examen à l’Opéra. La colère de Vladimir retomba aussitôt et les insultes qu’il allait lui jeter au visage restèrent coincées dans sa gorge. Alexei interprétait le concerto en ré majeur de Tchaikovsky, le morceau qu’il avait lui-même l’intention de jouer à l’examen ! Vladimir sentit son cœur se serrer et les larmes lui monter aux yeux. Jamais il n’avait entendu plus émouvante interprétation de ce morceau. La technique s’effaçait derrière l’émotion pure et la grâce. Le visage d’Alexei était métamorphosé, transcendé par cette musique enchanteresse et sublime. Après quelques minutes suspendues dans le temps, le vieil homme cessa son jeu, rouvrit les yeux, sembla désorienté puis rangea le violon et l’archet dans leur étui et s’approcha de Vladimir.


– Qui êtes-vous ? articula le jeune homme, encore secoué par ce qu’il venait d’entendre.

– Un vieux fou, répondit Alexei en tendant l’étui à Vladimir. Un vieux fou solitaire et misérable à qui vient d’arriver une chose folle et improbable.

– De quoi parlez-vous ? Venez avec moi à l’intérieur, j’ai les pieds gelés nom d’un chien ! Je vais tomber malade et rater mon examen…


Vladimir prépara deux tasses de café et les deux hommes s’installèrent côte à côte sur le canapé. Le jeune homme attendit patiemment que le vagabond prenne la parole.


– Cela faisait plus de trente ans que je n’avais pas touché un violon, ce violon en particulier. Oui mon jeune ami, crois-le ou non, cet instrument m’a appartenu autrefois. C’est la stricte vérité. Lorsque j’avais une trentaine d’années j’étais un musicien plutôt doué et totalement obsédé par la musique ; obsédé au point de négliger ceux que j’aimais… T’as pas un truc plus fort à boire mon gars ? Le café j’le digère pas non plus. Non ? Bon pas grave… À cette époque j’étais marié à une femme belle et merveilleuse prénommée Mikhaila. Elle avait un don pour travailler le cuir. C’est elle qui a fabriqué ton étui et qui l’a gravé. Mon nom est Vodianov d’où les initiales M.V. Je peux te montrer mes papiers si tu veux. Nous attendions un enfant et alors que ma douce Mikhaila était sur le point d’accoucher, j’ai accepté d’aller jouer à Moscou avec un ami violoniste. Nous manquions d’argent et c’était l’occasion de récupérer quelques roubles avant la naissance du bébé. De toute façon je ne refusais jamais une occasion de jouer… Ma femme a eu les premières contractions quelques heures avant mon retour. Elle a attendu, bien trop longtemps, avant d’appeler une ambulance car elle me voulait à ses côtés. Il y a eu des complications… elle est morte en couches à l’hôpital et notre enfant aussi.

– Alexei…, tenta de l’interrompre Vladimir en posant sa main sur son épaule.


Alexei renifla bruyamment et se racla la gorge avant de poursuivre.


– Tout va bien mon vieux… À partir de ce jour je n’ai plus joué une note. J’ai jeté mon violon au sol, j’ai brisé l’archet et j’ai balancé le tout dans une poubelle avec l’étui. Cela m’aurait fait trop de mal de le garder. J’ai songé quelque temps à me tuer mais, va savoir pourquoi, je ne l’ai pas fait. J’ai manqué de courage tout simplement. J’ai quitté le pays et j’ai vécu de petits boulots, à droite et à gauche. Et voilà qu’un jour tu passes devant moi alors que je faisais la manche devant la Peterskirche. J’ai aperçu ton étui et j’ai bien cru faire une attaque… J’aurais voulu oublier ce que j’avais vu mais je n’ai pas pu et je t’ai suivi… je voulais en avoir le cœur net.

– Vous devez récupérer votre instrument et son étui. Ils vous appartiennent Alexei, murmura Vladimir. Vous êtes un virtuose…

– Ah non mon p’tit gars ! Tu vas le garder et tu vas réussir ce fameux concours ! Moi j’ai tourné la page il y a bien longtemps. Le destin a voulu que ça tombe sur toi et je m’en réjouis. Tu es un bon tu sais. Tu l’as peut-être oublié mais tu m’as joué ton morceau hier soir. Même éméché ta technique était parfaite. Il ne te manque qu’un soupçon d’émotion mon ami… Tu dois penser à ceux que tu aimes en jouant. L’amour c’est le secret. Sois plus doux dans ton jeu, utilise l’archet comme si tu peignais un tableau plein de soleil…


Les deux hommes discutèrent encore un moment puis Alexei insista pour prendre congé. Je dois reprendre mon chemin, dit-il à Vladimir. Et toi le tien, ajouta-t-il. Le vagabond remit ses vieilles frusques et son bonnet et se dirigea vers la porte. Le jeune musicien attrapa son manteau et l’accompagna jusque devant l’immeuble où ils se serrèrent la main. Alexei ramassa sa valise cabossée restée sur le trottoir et s’éloigna. Soudain il se retourna et lança :


– Au fait, ton violon, il est en épicéa, érable et palissandre. J’le sais c’est moi qui l’ai fabriqué. Bon vent mon gars et si on se recroise, file-moi une pièce ou deux tu veux ?


 
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   Anonyme   
10/2/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Une histoire touchante je trouve, où le trivial côtoie l'émotion ; l'équilibre est délicat à tenir, pour ma part j'aurais, je crois, apprécié plus d'intensité dans les couleurs du tableau que vous peignez. Je veux dire que les jeunes musiciens sont un peu trop propres sur eux à mon gré, Vladimir notamment me semble manquer d'épaisseur. Pour l'intensité dramatique je l'aurais bien vu tourmenté, plus proche de renoncer à sa vocation que vous le montrez, "repêché" in extremis par Alexei. Bien sûr c'est vous, auteur ou autrice, qui savez.

Par ailleurs, le moment où le clochard raconte son parcours m'a paru raté : trop rapide, manquant d'émotion. En une longue réplique Alexei lâche tout, avec précision, et moi lectrice je vois trop la fonction d'exposition de cette réplique à mon avis beaucoup trop détachée vu qui la prononce. Personnellement je n'ai pas besoin de savoir au juste pourquoi le vieil homme s'est retrouvé dans cette situation, laisser l'événement traumatisant dans le vague, évoqué par petites touches, m'aurait paru suffisant…
J'ai de gros doutes sur la possibilité de jouer du violon comme un dieu du premier coup après un hiatus alcoolique de trente ans ; cela serait beaucoup plus vrai et poignant, je crois, si la séance du lendemain était au contraire marquée de maladresse, d'hésitations, avec par-ci par-là quelques mesures touchées par la grâce où s'entend le talent passé du clochard. Encore une fois c'est vous qui voyez.

J'ai donc bien aimé le récit mais pense qu'il pourrait être intéressant d'en travailler l'intensité, de donner plus de chair au personnage de Vladimir.

D'un point de vue formel, j'ai eu le sentiment que vous aviez tendance à employer par moments deux adjectifs là où un suffirait, et que cela affaiblit l'expression :
il adoptait une démarche rapide et saccadée. En ce soir de décembre, le froid était particulièrement mordant et pénétrant.
cette musique enchanteresse et sublime.

   Donaldo75   
20/2/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Je trouve que le premier paragraphe, celui avant les dialogues, amène bien le personnage et la situation à venir, le vieux vagabond apparaissant comme un sémaphore narratif. C’est une manière vraiment intéressante de démarrer progressivement la nouvelle. J’aime l’utilisation du sémaphore narratif, comme l’avait fait Alfred Hitchcock dans son film « Les oiseaux » où l’étendage de la mère se charge de plus en plus de volatiles et est utilisé comme une balise rappelant le danger. Les premiers dialogues posent également une forme de suspense – comment ça, le vagabond écoute ce qu’on dit à Vladimir – mais ils semblent fades par rapport au paragraphe précédent. C’est mieux par la suite, quand les dialogues sont moins nombreux entre deux paragraphes de narration. Le pitch dramatique prend forme quand Vladimir explique comment il a acquis ce violon. Et puis le récit s’accélère, prend de l’intensité après la soirée de beuverie. Et là, les dialogues ne servent plus d’excuse pour habiller le contexte, ils racontent et réussissent même à communiquer l’émotion de l’histoire du vagabond. En définitive – même si je n’aurais pas terminé la nouvelle sur la phrase de fin – la progression dramatique est intéressante et réussit à embarquer le lecteur.

   Anonyme   
9/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour maguju,

Vous avez écrit une nouvelle solide, les descriptions de Vienne sont bonnes ainsi que personnages bien représentés pour en faire une étrange et à la fois émouvante tranche de vie entre un vieux clochard et un jeune homme un peu désespéré que réunit la passion de la musique (on sent que l’auteur l’est aussi). Cerise sur le violon vous avez glissé une Anna dans l'histoire, rien que pour ça je rajoute un demi-point^^). J’ai vraiment bien aimé cette nouvelle. Une bonne histoire, c'est avant tout ce qu'il faut en littérature.

Merci pour cette escapade autrichienne et musicale

Anna

   plumette   
9/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Maguju et contente de vous lire à nouveau!
Votre histoire comble mon goût du romanesque.
Son cadre géographique est dépaysant.
Vous me donnez envie de croire aux coïncidences extraordinaires.
la vie dramatique d'Alexeï et sa manière d'accepter son destin colle assez bien avec ce que j'imagine être l'âme russe.
ça va un peu vite, mais c'est le format de la nouvelle qui veut cela !Et la qualité de l'écriture excuse les ellipses car le récit coule avec beaucoup de naturel.

A vous relire

   ferrandeix   
19/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une nouvelle qui exploite le rêve, une sorte de merveilleux où le Réel se trouve transformé, idéalisé, débarrassé de sa dureté, de sa mesquinerie : une rencontre impossible, un clochard qui sait jouer le concerto pour violon de Tchaïkovski... On a presque honte de se laisser prendre à cette imposture de la conscience magique. Pourtant, faiblesse de notre esprit, on se laisse emporter. Alors, que penser au final? Je n'en sais rien. Un conte bien construit, certes, sans fausse note. La couleur locale russe se marie bien avec ce merveilleux qui pourrait rappeler une byline. Une référence qui emporte l'adhésion et justifie la nature du contenu.


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