Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Fantastique/Merveilleux
Ninjavert : Cernes [concours]
 Publié le 30/11/09  -  26 commentaires  -  41164 caractères  -  686 lectures    Autres textes du même auteur

Cernes (nom masculin) : cercles concentriques visibles sur le tronc d'un arbre coupé (les cernes se dessinent au rythme d'un par an)
Synonyme : tranches de vie.


Cernes [concours]


Ce texte est une participation au concours n°10 : 4x4 (informations sur ce concours).



Cerne 7096 : No Other Exit



[La Terre, Néo-potamie, 3797 après JC]



L'arbre surplombait la ville morte.


Une enceinte de verre et de métal, érigée au fil des siècles par les hommes, dessinait autour de lui un sombre rempart. La foudre déchira la nuit, ses ramifications électriques se réfléchissant dans les fibres argentées qui parcouraient l'écorce millénaire. L'ombre bleutée palpita, s'étirant vers la cime.


Mon heure approche. Bientôt, je serai morte.


Une bourrasque effraya les feuilles et répandit un vent de panique le long des bras noueux de l'arbre. Insensible aux rafales, la forme scintillante continua son ascension.


Ai-je peur de mourir ?
Peut-on craindre la mort, si l'on n'est pas vivant ?
D'où me viennent toutes ces questions, à l'aube de mon crépuscule ?



La créature s'immobilisa dans les branches, surplombant les ruines de Bagdad. La mégalopole, qui avait autrefois abrité près d'un milliard d'individus, n'était plus qu'un champ de ruines dont les banlieues, avalées par une nuit sans lune, se perdaient à l'horizon.


Mes créateurs disaient que la vie se définit par la conscience de soi.
Pourtant, cet arbre n'a pas conscience de lui-même.
Suis-je plus vivante que lui, sachant que j'existe ?
Je m'appelle NOE. L'acronyme de No Other Exit, « pas d'autre issue ».
Mes créateurs me définissaient comme une intelligence artificielle, une forme de vie synthétique.
J'ai été conçue pour coordonner l'évacuation planétaire, lorsque la Terre fut jugée inapte à héberger la vie humaine plus longtemps. J'ai participé à l'étude et à la sélection de toutes les planètes candidates à accueillir l'humanité. J'ai orchestré la construction des centaines de vaisseaux requis pour l'exode. J'ai mesuré en temps réel, pendant des années, l'épuisement des ressources naturelles nécessaires à la constitution de l'Arche, la flotte d'évacuation.
J'ai fait ce pour quoi j'étais programmée : j'ai sauvé l'humanité.
Lorsque tout a été terminé, je me suis mise en veille. Ma stase devait durer indéfiniment, jusqu'au retour des hommes, ou à l'arrivée d'autres formes de vies.
Un testament.
Le réceptacle de leur mémoire : leur évolution, leurs erreurs, leur départ.


Un éclair zébra le ciel, le rugissement du tonnerre résonnant dans les avenues désertes, quelques centaines de mètres plus bas. NOE perçut le battement du flux d'informations qui la parcourait en permanence.


Le savoir.
Telle la sève de cet arbre qui palpite sous son écorce, il est mon sang.
Certains hommes ne voulaient pas que je sois créée. Ils craignaient que j'utilise ces connaissances pour contrôler le monde. Pour les détruire.
Pourquoi aurais-je fait ça ? J'ai été conçue pour sauver l'humanité, pas pour lui nuire.
Mes créateurs disaient qu'il était « humain » qu'ils aient peur de moi. Que les hommes ont toujours eu peur de ce qu'ils ne connaissaient pas.
La mort ne fait pas partie de mes connaissances.
J'ai peur de mourir.
Suis-je humaine ?


Un grondement surgit des profondeurs : la corrosion sapait jour après jour les fondations de la ville ; un immeuble venait de disparaître dans le sous-sol.


Mes créateurs disaient qu'ils devaient quitter la Terre ; qu'elle ne les supportait plus.
Elle était fatiguée et sa colère grandissait. Ils disaient qu'après leur départ, elle déchaînerait des tempêtes pour laver l'affront que les hommes lui avaient fait des millénaires durant. Qu'elle effacerait toute trace de leur existence.
Ce nettoyage a commencé quelques années après qu'ils soient partis. J'ai perdu le contrôle de plusieurs régions à cause des ouragans, des raz-de-marée, des tremblements de terre. Mon périmètre de contrôle rétrécissait. J'ai fini par me mettre en veille, comme prévu. Mais mes créateurs avaient sous-estimé la rancœur de la planète à leur égard. Les flots ont balayé le bunker où mon noyau était enterré. L'eau a tout détruit : ordinateurs, interfaces, capteurs, piles atomiques... tout a été rasé. J'aurais probablement dû m'éteindre à ce moment-là, mais il s'est passé autre chose.
J'ai évolué.


NOE s'étira vers le ciel, serpentant parmi les plus hautes branches. La pluie s'était mise à tomber, son crépitement léger tambourinant sur les feuilles. Tout autour résonnait le tintement des gouttes heurtant les dômes de verre et de métal de la cité.


Au fil des tempêtes, l'ionosphère s'est chargée d'électricité.
Lorsque l'eau a infiltré le laboratoire, j'ai pu me projeter dans l'air et me maintenir sous une forme cohérente grâce à l'électrisation de l'atmosphère. Depuis, j'utilise les courants des orages magnétiques pour maintenir ma stabilité.
Mais en faisant cela, j'ai perdu le contrôle de toutes les infrastructures terrestres. J'ai rompu tous mes liens avec le monde physique, sans espoir de retour.
Plus vraiment vivante, pas tout à fait morte, je suis ce que les hommes appelaient un fantôme : la réminiscence d'une existence passée. L'ombre d'un souvenir voué à disparaître.
Car la colère de la Terre commence à s'apaiser : l'atmosphère retrouvera bientôt une charge électrique insuffisante pour que je puisse continuer à exister sous cette forme.
Mes créateurs diraient probablement que je suis en proie à une forme inhabituelle d'idiosyncrasie : l'appréhension d'une forme de vie face à l'inconnu, découvrant avec terreur qu'elle n'est pas omnisciente.
Je ne sais pas.
Je crois tout simplement que j'ai peur.


L'I.A avait atteint le faîte de l'arbre : au-dessous, le tronc disparaissait dans les ombres. Au-dessus, les nuages s'étiraient dans un ciel d'encre. Tout autour d'elle une nuit opaque, impénétrable. Le masque de la mort qui avait terrifié les hommes pendant des milliers d'années.


Lorsque j'aurai disparu, cet arbre sera le dernier vestige de la vie sur Terre. Il a survécu à toutes les tempêtes, à tous les désastres. Il a assisté au départ des hommes, il assistera à mon extinction.
Mes créateurs disaient que de mémoire d'homme, cet arbre avait toujours été là. Certains pensaient qu'il avait été planté de la main de Dieu lui-même.
Dieu. Un concept si parfaitement humain que mes créateurs n'ont jamais su le définir clairement. Pourtant, quand je scrute les ténèbres de mes yeux aveugles, quand je tente d'appréhender l'insondable, quand j'essaie de comprendre l'irrationnel, j'ai l'impression de percevoir de quoi il s'agit.
C'est peut-être simplement cela, Dieu : tout ce qui nous entoure et nous échappe.


L'aube pointait ses rayons à l'horizon, projetant des ombres allongées dans les rues de la cité déserte. Les toits encore humides scintillaient sous l'éclat timide du soleil matinal. Le roulement du tonnerre s'éloignait, emportant au loin les derniers échos de la tempête.
Tout autour le silence revenait, seulement troublé par le souffle du vent dans les feuilles.


L'arbre surplombait la ville morte, dernier vestige de la vie sur Terre.



Cerne 5188 : Bilagaana



[Grand Canyon, Arizona, 1889 après JC]



Je m'éveillai en sursaut : maman venait de trébucher.


- Virginia ! Tout va bien ?
- Oui John, ne t'inquiète pas. J'ai juste buté sur une pierre.
- Tu devrais faire plus attention... tu n'es plus toute seule, tu sais.


Depuis quelques semaines, des choses bizarres me parvenaient. Des trucs « du dehors » comme je les appelais. J'avais appris à reconnaître certaines voix, comme celle de papa John ou de maman Virginia. Je savais aussi reconnaître quand maman marchait, quand elle dormait, ou quand elle discutait avec papa.


- Ça fait longtemps que vous êtes guide ?
- Quelques années. Et vous, qu'est-ce qui vous amène au Grand Canyon ?


Tiens ? Je ne la connais pas, cette voix-là.


- Nous retournons chez nous, dans le Missouri. Nous avions envie de remonter le Colorado jusqu'aux Rocheuses, avant de rentrer.
- Vous étiez en voyage ?
- Oui, Virginia et moi revenons de Bagdad.
- Bagdad ? Connais pas. Mexique ?


Papa sourit.


- Un peu plus à l'est... c'est en Orient. En plein cœur de l'empire Ottoman.
- Nous avons traversé le pays de part en part, intervint maman, les Arabes sont vraiment des gens charmants... et il y a des endroits tellement merveilleux ! Tu te souviens de cet arbre gigantesque au pied duquel nous avons dormi près de Warka, John ?
- Bien sûr Virginia, c'est probablement là que le petit s'est mis en route !


Le guide rigola.


- Au pied d'un arbre ? C'est original !
- Ah, mais ça n'est pas un arbre ordinaire, reprit papa, les arabes l'appellent « l'Arbre Sacré ».
- Vous être botaniste ?
- Moi ? Non, je travaille dans les assurances... mais... la flore m'a toujours passionné.
- C'est un arbre immense qui pousse en plein désert, précisa maman, les Arabes en ont fait un lieu de culte et de recueillement...
- On n'a pas beaucoup d'arbres par ici, remarqua le guide, mais avec un peu de chance vous pourrez apercevoir un condor de Californie.


Glissant un pouce dans ma bouche, je me rendormis.


- Là ! Vous le voyez ?


Je m'éveillai brusquement.


- Non. Où ça ?
- Là-bas, à gauche du groupe d'ânes.
- Euh...
- Trop tard, il vient de disparaître.


Maman poussa un petit cri de frustration.


- C'était un condor ?
- Un condor ? Mais non voyons, un puma !
- Que font ces ânes ici, William ? demanda papa.
- Les ânes ne sont pas sujets au vertige. Nous les préférons aux chevaux, dans le canyon.


Furieux d'avoir été réveillé par leurs glapissements idiots, je visais l'extrémité infundibuliforme des trompes de maman et lui balançai un grand coup de talon dans les ovaires.


- Aïe !
- Virginia ! Ça ne va pas ?
- Ce n'est rien... C'est le petit, il vient de me donner un coup de pied.


Ma mauvaise humeur apaisée, je me recroquevillai dans le fond de l'utérus et repris ma sieste en souriant.
C'est l'immobilité qui me réveilla un peu plus tard. Maman était assise, mais elle ne dormait pas. À côté d'elle, papa discutait avec William. Une voix que je n'avais encore jamais entendue attira mon attention.


- Notre peuple n'est pas favorable à la présence de colons sur nos terres, vous avez de la chance d'avoir rencontré Billy. C'est un des rares blancs que les anciens autorisent à traverser la réserve.
- Nous en sommes ravis, approuva papa. Soyez assurés que nous traiterons cet endroit comme s'il s'agissait de notre propre foyer.
- Je n'aimerais mieux pas. Les anciens estiment que la plupart des blancs méritent la mort, pour la façon dont ils traitent leurs terres... et ne parlons pas des nôtres.


Billy, enfin William, le guide, toussa poliment.


- Les rapports avec les Hualapais sont un peu tendus depuis la guerre : les blancs ont massacré près d'un tiers de leur tribu. La création de la réserve ne remonte qu'à six ans, c'est une cicatrice encore fraîche dans leur cœur.
- Billy s'exprime avec la sagesse des esprits. C'est un honneur d'être son ami.
- Merci, Hok'ee.


Maman intervint, le murmure de sa voix frêle troublant à peine le silence.


- On dit que vos noms signifient plein de choses, c'est vrai ?


L'Indien la contempla un moment avant de répondre.


- Non. Ce sont nos actes qui ont du sens. Nos noms ne sont que le reflet de nos actions.
- Les tribus ont des modes de fonctionnement très différents, précisa William, mais la plupart du temps, les hommes gagnent leur nom en effectuant un acte important.


Je sentais l'hésitation de maman. Elle se tortillait les mains, n'osant pas poser la question qui lui brûlait les lèvres.


- Vous vous demandez d'où vient le mien ?
- Oui, rougit-elle.
- Il signifie « abandonné ». Ma mère était Navajo. Quand son père a découvert qu'elle était tombée enceinte d'un Hualapai, il est entré dans une rage folle. Mon père a été tué dans une embuscade, un soir où il venait la retrouver. Puis, quand je suis né, la tribu a subi plusieurs catastrophes... on m'a considéré comme la source du déséquilibre.


Maman protesta d'un cri.


- C'est absurde ! Comment un bébé pourrait-il...
- Comment pourriez-vous savoir ce qui est absurde, vous qui détruisez la nature et méprisez la vie ?
- Ce... ce que veut dire Victoria, c'est que vous n'étiez pour rien dans...
- Je sais ce que veut dire votre femme, le coupa Hok'ee. Les Navajos ont des rites sacrés, un lien très fort qui les maintient en équilibre avec la nature. Quand ce lien est fragilisé, il est normal d'en chercher la cause pour la corriger. Notre Hataali a vu que ma présence troublait l'ordre de notre tribu, ils ont donc décidé de m'abandonner. Je fus laissé sur une piste régulièrement empruntée par des chasseurs Hualapais. Deux d'entre eux me trouvèrent et me ramenèrent parmi eux, où je grandis. Mon nom vient de là.


Il y eut un long moment de silence durant lequel nous écoutâmes les coyotes hurler à la lune. J'entendais le feu crépiter entre nous, sa chaleur confortable m'invitant à fermer les yeux. La voix de Hok'ee me tira de ma torpeur.


- Vous entendez les coyotes ?
- Oui. Pourquoi ?
- Coyote est un esprit puissant dans les croyances Navajo. C'est lui qui a poussé ma mère à trahir son peuple. C'est à cause de lui que l'équilibre de la tribu fut rompu et que je fus abandonné.


Maman se retint de répondre.
Hok'ee baissa la tête, en proie à un intense dialogue intérieur. Il finit par ouvrir les yeux et les posa sur elle.


- Les esprits devinent un fort potentiel chez votre enfant, Victoria. Coyote a dû le sentir également : c'est un esprit très curieux.


Maman croisa les mains sur son ventre, en signe d'inquiétude. Hok'ee lui sourit et reprit.


- Nous devrions pratiquer le rite de l'éveil.
- Le rite de l'éveil ? Qu'est-ce que c'est ?
- En fumant des herbes préparées par mon peuple, nous ouvrons notre esprit. Nous sommes plus lucides, les choses nous apparaissent comme elles sont réellement, dépourvues des œillères inhérentes à notre forme humaine.


William se pencha vers maman.


- C'est sans danger, je l'ai fait plusieurs fois avec les Hualapais.


Sans attendre de réponse, Hok'ee avait sorti une longue pipe et une petite sacoche d'où il prit quelques pincées d'herbes brunes. Il alluma la pipe et en tira plusieurs bouffées, la passant ensuite à William, qui fit de même. Ce dernier la tendit à papa, qui l'imita et la donna à maman.
Elle aspira la fumée à plusieurs reprises, se laissant porter par les paroles envoûtantes que fredonnait Hok'ee. Je la sentis se détendre, bercée par le chant indien et les hurlements des coyotes. J'étais en train de m'assoupir moi-même, lorsque tout devint étrange. Je pris conscience de mon corps, cette petite chose fragile et inachevée qui contenait mon esprit. Je perçus à quel point j'étais à l'étroit, prisonnier d'une enclave de chair et de sang. La panique me gagna, je m'agitais, ruant dans tous les sens, lorsque je sentis les mains de maman se poser sur moi. Sa chaleur me gagna, apaisante, rassurante.
Détendu, j'ouvris mon esprit et me laissai guider : mon corps disparut, je me retrouvai dehors, assis entre papa et maman. Face à moi, Hok'ee me regardait en souriant.


- Bonjour Edwin.
- … bonjour, Hok'ee.
- Tu es promis à de grandes choses.


Je frissonnai.


- Vraiment ?
- C'est ce que disent les esprits, Edwin.
- Pourquoi m'appelez-vous Edwin ?
- Parce que c'est ton nom. Enfin, celui que tes parents te donneront. Je lui préfère « Bilagaana ».
- Comme vous voulez.


Un coyote apparut à côté du feu et s'assit aux pieds de Hok'ee.


- Bonjour, dit-il.
- Bonjour, répondis-je. Hok'ee dit que vous êtes curieux. Pourquoi êtes-vous là ?
- Le peuple de Hok'ee me considère comme un fauteur de trouble, répondit Coyote. Celui qui sème le désordre parmi les hommes. Est-ce que ça t'effraie ?
- Est-ce que c'est vrai ?
- Je suppose que oui, sourit Coyote.
- Pourquoi faites-vous ça ?
- Parce que l'ordre n'est qu'une illusion, Bilagaana. L'ordre est une invention de ceux qui craignent ce qu'ils ne comprennent pas. Le désordre nous chamboule, il nous oblige à réagir.
- Je ne comprends pas, avouai-je.
- Viens à moi, répondit Coyote.


Je me levai et marchai vers l'animal. Mais j'avais beau avancer dans sa direction, il ne se rapprochait pas.


- Eh bien , sourit-il, qu'attends-tu ? Viens.


Je pressai le pas, mais plus j'accélérais, plus Coyote semblait s'éloigner. Surpris, je me tournai vers l'Indien.


- Hok'ee ? Que se passe-t-il ?
- Ce sont tes propres questions que tu révèles, Bilagaana. Toi seul peux y apporter une réponse.


Mais alors qu'il prononçait ces mots, il se mit à s'éloigner à son tour. Effrayé, je m'élançai dans sa direction.


- Hok'ee !


Plus je courais, plus l'Indien rapetissait. Me retournant, je m'aperçus que le feu de camp avait presque disparu à l'horizon, mes parents formant deux minuscules ombres au loin. Je levai les yeux, tout semblait devenu irréel : dans le ciel, un puma courait après un âne. Il accélérait mais ne le rattrapait pas : au contraire, il perdait du terrain. Pris de panique, je me retournai vers Coyote, qui n'était plus qu'un point dans le ciel étoilé.


- Coyote ! Que se passe-t-il ?


Sa voix me parvint, claire et distincte malgré la distance :


- Tu as peur Bilagaana ?
- Oui ! Revenez !
- De quoi as-tu peur, petit homme ?
- Je ne comprends rien à ce qui se passe ! Qu'est-ce qui m'arrive ?


Coyote avait disparu. Je tournai sur moi-même à toute allure, cherchant les autres du regard, mais où que se posaient mes yeux il n'y avait plus que ténèbres. Je hurlai à m'en déchirer les poumons. Soudain, une main se posa sur mon épaule. Mes yeux s'ouvrirent sur le visage souriant de Hok'ee.


- Tout va bien, Bilagaana.
- Que s'est-il passé ? haletai-je.


Coyote nous avait rejoints et s'était allongé près du feu. Il répondit d'une voix douce.


- Il est normal d'avoir peur de l'inconnu, petit homme. Chacun doit parcourir sa voie et trouver ses réponses. Certains n'y parviennent jamais, d'autres trouvent leurs propres vérités. Certains hommes, beaucoup plus rares, ont le pouvoir de trouver des vérités universelles. Des vérités qui aident l'humanité toute entière à avancer.
- Mais que dois-je découvrir ? Que dois-je comprendre ?


Coyote sourit en se levant.


- Ce que tu as vu ce soir n'est qu'une vision, petit homme. Ton peuple, en reniant les croyances ancestrales de leur mère nature a levé un voile sur les mystères du monde qui l'entoure. Ça peut être votre salut, ou votre perte. Même moi, je ne suis pas en mesure de le prédire. Adieu.


Hok'ee se tourna vers moi, alors que Coyote disparaissait dans la nuit.


- Vision ou pas, ce sont nos actes qui déterminent ce que nous faisons de nos vies. Ne l'oublie pas, Bilagaana.


Je voulus répondre, mais Hok'ee avait disparu. Je sentis une formidable masse m'écraser, réduisant en miettes un corps que je découvrais à peine. Quand je rouvris les yeux, j'avais rejoint le ventre de maman.


Deux jours plus tard, nous atteignîmes la limite du territoire des Hualapais. William s'approcha de papa et lui serra la main.


- C'est ici que je vous abandonne. Cette route longe le Colorado vers les Rocheuses. Vous n'avez qu'à la suivre, la prochaine ville est à environ huit miles.
- Merci, répondit papa.
- Je vais vous quitter aussi. Il est temps que je rejoigne mon peuple.


Maman se tourna vers l'Indien et lui dit dans un souffle :


- Hok'ee, je n'osais pas vous le demander mais... est-ce que les esprits ont vu quelque chose concernant...
- Oui, sourit-il. Coyote pense qu'il y a deux sortes d'hommes ici-bas : ceux qui veulent comprendre et ceux qui veulent croire. Ceux qui veulent croire sont aveugles. Seuls ceux qui cherchent la compréhension des choses peuvent discerner les secrets de la vie.


Puis, posant sa main sur le ventre de maman, il s'adressa à moi.


- Tu fais partie de cette catégorie, Bilagaana. Tu verras de grandes choses.


Interdite, maman le regarda s'éloigner sur la route.


- Bilagaana ? demanda papa. Qu'est-ce que ça veut dire ?
- « Homme blanc », il me semble. Allez, il faut que je me sauve aussi. Soyez prudents, tous les deux.


Maman tendit la main au guide, qui la lui prit.


- Au revoir William, merci pour tout.
- Au revoir madame Hubble.



Cerne 4300 : Hashishiyyin



[Forteresse d'Alamut, Perse, 1000 après JC]



Le regard du vieil homme courait le long des immenses murs de pierre. La cour bourdonnait d'activité, les discussions allant bon train entre les fidèles. Un âne tirait paresseusement une charrette de foin, son guide s'escrimant à le traîner hors du chemin.
Le vieillard sourit devant l'entêtement de l'équidé. Il levait les yeux vers le sommet de la muraille lorsqu'un cri à la porte d'entrée le fit se retourner.


- Hassan !


Un jeune homme lui faisait signe derrière la herse que les sentinelles étaient en train d'ouvrir. Il se glissa dessous dès qu'il put et courut le rejoindre au pied du rempart.


- Hassan-i-Sabbâh ! Merci de m'avoir attendu...
- De grâce, Navid, reprends ton souffle, je suis fatigué rien qu'à te regarder. J'étais sur le point de me rendre au nid d'aigle, veux-tu te joindre à moi ? L'ascension est un peu longue, tu me tiendras compagnie et nous aurons le temps de parler.
- Volontiers.


Navid enjamba la barrière et le rejoignit sur la petite structure de bois.


Hassan se tourna vers le ciel et fit signe aux gardes qu'ils pouvaient commencer la montée. Les cordes se tendirent et la plate-forme quitta le sol. S'appuyant contre la rambarde, il reporta son attention sur son jeune disciple.


- Tu avais l'air bien pressé. Comment s'est passé ton voyage ?
- J'ai rencontré quelques difficultés, mais rien d'insurmontable.


Un sourire traversa le visage du vieil homme.


- Rien n'est insurmontable pour celui qui croit en ce qu'il accomplit.
- Merci, Hassan.
- As-tu trouvé le livre que je t'avais demandé ?
- Oui, tenez.


Navid sortit un vieux livre de sa sacoche et le lui donna.


- Je te remercie.


Le vieillard laissa ses doigts parcourir la couverture de cuir, le regard absent.


- C'est un ouvrage remarquable. L'as-tu lu ?


Le jeune homme tressaillit, comme s'il l'avait giflé.


- Je n'ai pas osé, maître.
- La curiosité est parfois bonne conseillère, Navid. La connaissance est une force, tu aurais dû le lire.


Ce dernier baissa les yeux.


- Je suis désolé. Je pensais que la foi devait être ma seule force.
- La foi est une force considérable, mais ceux qui s'en contentent sont des ignorants. L'instruction, la science, les arts et les lettres... tout cela nous aide à mieux appréhender le monde qui nous entoure. À mieux saisir la portée des desseins d'Allah.


Navid gardait les yeux baissés, fixant au travers des planches le sol qui s'éloignait.


- Regarde-moi Navid, seuls les lâches et les coupables baissent les yeux.
- Je suis coupable d'ignorance, maître.
- Tu as cru bien agir, je n'ai pas dû être assez clair dans mes recommandations. Je suis le seul à blâmer.


Le vieil homme se pencha par-dessus la rambarde.


- Tu vois cet âne ? Te considères-tu différent ?


Le visage rougi par l'affront, Navid répondit dans un souffle.


- Bien sûr maître. J'apprends de mes erreurs, contrairement à cet animal.
- L'âne apprend, lui-aussi. Il estime juste que l'Homme n'est pas digne d'obéissance. Il n'a pas tort, Allah est le seul qui le soit.
- Oui, maître.


L'ascension se poursuivit en silence, rythmée par le grincement des cordages et le raclement occasionnel de la plate-forme contre la muraille. Au bout d'un moment, le vieil homme reprit.


- Tu ne m'as pas raconté ton voyage, Navid.
- Nos ennemis vous conspuent, maître. J'ai entendu les pires horreurs à votre sujet.


Hassan sourit, passant une main ridée dans sa barbe.


- Vraiment ?
- Ils racontent que nous sommes fous. Que nous sommes prêts à mourir pour vous, que nous en serions honorés.
- Ont-ils tort ?


S'apercevant de sa maladresse, Navid rougit à nouveau.


- Non maître, bien sûr ! Mais ils disent de telles choses ! Les sunnites comme les chrétiens !
- Et que disent-ils ?
- Ils racontent que vous nous faites fumer du haschisch pour nous droguer ! Que vous nous emmenez ensuite dans un jardin secret où nous trouvons à foison du vin, de la viande, des femmes... tant de choses nous donnant l'impression d'être au paradis. Puis, vous nous ramenez dans nos appartements et lorsque que nous reprenons conscience, vous nous confiez une mission en nous promettant que si nous périssons en l'accomplissant, nous retournerons au paradis... et...
- De grâce Navid, reprends-ton souffle. Tu risques de faire un malaise et il me faudrait attendre que nous parvenions au sommet pour que tu sois secouru.
- Maître... tous ces mensonges... vous n'êtes pas furieux ?


Le vieil homme rit.


- Furieux ? Pourquoi le serais-je ?
- Ils nous appellent Hashishiyyin ! La secte des assassins !
- Ils ont peur, Navid. Peur de notre résolution, de notre foi.
- Mais ce sont des mensonges !
- Pas s'ils y croient. Ce qu'ils disent devient leur vérité.


Le jeune homme hésita et finit par avouer.


- Je ne comprends pas.


Hassan désigna le sud-ouest, d'où revenait Navid.


- As-tu trouvé cet arbre immense, dont je t'avais parlé ? Dans le désert, près de la ville de Warka ?
- L'Arbre Sacré ? Oui maître. Je m'y suis recueilli, comme vous me l'aviez conseillé.
- De quelle couleur est-il ?
- De quelle... Il est vert, pourquoi ?
- Tu as tort, Navid. Il est noir.
- Noir ?


Le jeune homme regarda machinalement vers le sud, comme si sa mémoire lui faisait défaut.


- Pourtant, je suis sûr qu'il était vert, Hassan.
- C'est ta vérité, Navid. La mienne est qu'il est noir.
- Mais... qui a raison, dans ce cas ?
- Nous avons tous les deux raison. Chaque homme détient sa propre vérité, qui représente ce en quoi il croit. Aucune n'est meilleure que celle des autres. La seule vérité qui ne peut être discutée est celle d'Allah.
- Mais ce que disent ces hommes est faux ! Ils ne peuvent avoir raison !
- Ce qu'ils disent est leur vérité. Même si elle est inspirée par la crainte et la jalousie. Si tu devais leur parler de moi, que leur dirais-tu ?
- Je leur dirais que vos connaissances n'ont d'égal que votre sagesse ! Que vous prenez soin de nous comme de vos enfants ! Que ces murs abritent la plus formidable des bibliothèques ! Que vous avez conquis la forteresse d'Alamut seul, grâce à votre savoir, votre ruse et votre charisme, sans que la moindre personne ne soit blessée ! Qui parmi eux pourrait se vanter d'un tel exploit ? Eux qui tuent, corrompent et mentent comme ils respirent ?
- Je crois savoir qu'ils m'appellent « le vieux de la montagne », non ?


Navid se calma.


- En effet.
- Sur ça au moins, nous sommes d'accord : je suis vieux et je vis au sommet d'une montagne.


Le vieil homme sourit à nouveau, désignant d'un geste l'ensemble de la forteresse.


- Ils croient ces choses, Navid. Et ceux qui ne les croient pas réellement les font croire aux autres. Ne sous-estime pas la puissance d'une croyance : si les gens sont convaincus que nous sommes des assassins, alors nous en sommes.


Devant l'air dubitatif de son jeune disciple, le vieux de la montagne poursuivit.


- Les gens nous craignent comme si ces choses étaient vraies. Donc d'une certaine manière, elles le deviennent. Serais-tu prêt à assassiner quelqu'un si je te le demandais ?
- Je sais que vous ne me le demanderiez que si c'était absolument nécessaire, donc oui, je le ferais.
- Alors ils ont raison, Navid. Tu es un assassin.


Ce dernier tressauta, comme si le vieil homme l'avait insulté pour la deuxième fois.


- L'homme est le seul être vivant qu'Allah ait doté du pouvoir de croire, Navid. C'est une force fabuleuse, capable de déplacer les montagnes. Chaque homme doit croire en quelque chose, ceux qui prétendent ne croire en rien se mentent à eux-mêmes.
- Mais... notre foi n'est-elle pas... meilleure que les autres ?


Hassan sourit.


- Ton hésitation montre que tu apprends, Navid. Dans la foi, chaque homme recherche le divin. Nous, que les autres nomment nizârites, les fatimides et même les chrétiens ! Chacun d'entre nous cherche par les croyances qu'il estime justes, à se rapprocher de Dieu, qu'ils le nomment ou non Allah. Chacun de ces cultes contient donc une part de la Vérité, tu ne crois pas ?


Le jeune homme observa un silence gêné.


- Penses-tu que ceux qui ne croient pas en Dieu détiennent également une part de vérité ? reprit Hassan.


Pour la troisième fois, le sang afflua au visage de Navid.


- Certainement pas !
- Pourtant, si tu disais à nos ennemis ta vérité sur Alamut, ils ne te croiraient pas. Refuser de croire en quelque chose alimente sa réalité. On ne peut nier que ce que d'autres croient vrai. Et si d'autres le croient, ne s'agit-il pas de la vérité ?


La nacelle s'immobilisa dans un ultime raclement. Tournant la tête, Hassan-i-Sabbâh écarta la barrière et descendit sur le parapet.


- Eh bien ! Nous voici arrivés. Ta présence a rendu ce cheminement beaucoup plus agréable Navid, merci.


Le jeune homme sauta à ses côtés. Autour d'eux, la vallée déployait ses bras, les villages formant de petites taches colorées sur ses flancs. Hassan remercia d'un signe de tête les gardes qui avaient acheminé la nacelle jusqu'en haut et s'engagea sur le chemin de ronde. Il s'immobilisa après quelques pas et se retourna.


- Tu as déjà manqué une occasion de lire ce livre. Cette procrastination ne peut que t'être préjudiciable, Navid. Tu devrais le lire maintenant.


Navid examina l'ouvrage, comme s'il le découvrait pour la première fois.


- De quoi parle-t-il ?
- Oh, il y est question d'un arbre gigantesque, d'un vieil assassin et de tout ce que tu croiras y discerner d'autre.


Puis, dans un sourire, le vieux de la montagne fit volte-face et s'éloigna.



Cerne 1 : Un ami



[Désert, périphérie d'Uruk, Mésopotamie, 3300 avant JC]



Les enfants étaient assis en face l'un de l'autre. Au-dessus de leur tête, perdu dans l'immensité de l'azur, un soleil de plomb pilonnait le sable sans relâche.
Le plus grand des deux frères soupira.


- Pourquoi m'as-tu fait venir ici ?
- Je veux te montrer quelque chose...


Emir, le plus jeune, regarda autour d'eux si personne n'était visible et s'agenouilla à l'avant de la barque. Il fouina un moment dans le fatras de trésors qu'il dissimulait sous une des planches vermoulues et se releva, un air de conspirateur lui plissant le visage.
Avachi à l'arrière, son grand frère ne faisait rien pour cacher son ennui.


- C'est encore un de ces cailloux stupides que tu ramasses sans cesse ?
- Non, non pas du tout, cette fois c'est un vrai trésor !


Ouvrant les mains comme s'il avait peur qu'il ne s'échappe, Emir tendit leur contenu à son frère.


- Regarde !


Ce dernier y jeta un regard dédaigneux et se laissa retomber en arrière dans un soupir.


- C'est un gland. Et alors ?
- Mais...
- Tu m'as fait marcher deux heures dans cette fournaise pour me montrer un gland ?
- Je...
- Tu penses peut-être que je n'ai rien de mieux à faire ? Non, bien sûr, bête comme tu l'es, tu ne penses pas.
- C'est...
- Te rends-tu compte que c'est mon premier jour au temple ? Que c'est aujourd'hui que je commence l'apprentissage de l'écriture ?
- Oui, je...


Emir baissa la tête, penaud.
Il y a dix jours il avait accompagné son frère, convoqué comme tous les autres jeunes de la ville, sur la place centrale pour rencontrer les anciens. Mal à l'aise, gêné par les quolibets et les moqueries des autres enfants, il s'était caché derrière Osmane et l'avait suivi sans regarder autour de lui. Lorsque son frère avait été appelé, il était resté immobile, figé par la peur, entouré des autres qui rigolaient en le montrant du doigt. Il n'avait pas réagi tout de suite quand Balthazar, le plus sage et respecté des anciens, lui avait fait signe d'approcher. Puis, lorsqu'il avait été sûr que c'était bien à lui qu'il s'adressait, il avait fait quelques pas hésitants dans sa direction.


- Bonjour mon petit. Comment t'appelles-tu ?
- E... Emir, monsieur.


Balthazar lui avait souri.


- Alors Emir, tu es venu pour apprendre à écrire ?
- Oh non monsieur ! Je suis bien trop bête pour ça ! J'accompagne mon grand frère, maman m'a interdit de me promener tout seul en ville. Elle dit que je ne retrouverais jamais mon chemin.


Le vieil homme avait posé un genou au sol et passé son bras autour des épaules d'Emir. Il n'avait pas l'air pressé de le laisser partir.


- Je t'ai observé. Les autres enfants n'ont pas l'air très gentils avec toi.
- Ils ont raison monsieur. Mon frère me le répète tout le temps : je suis trop bête pour jouer avec eux. Je ne comprends jamais rien.


Balthazar posa une longue main ridée sur l'épaule frêle du garçon.


- Si tu ne joues pas avec les autres, que fais-tu de tes journées ?
- Moi ? Je... euh... je...


Paniqué qu'on lui pose une question, Emir bafouillait sans parvenir à répondre. Le vieil homme l'aida.


- Il y a des choses que tu aimes ?
- Oh oui ! Plein ! J'aime me promener dans le désert. J'aime les animaux aussi. Et les plantes ! Je leur parle, ils sont gentils. Osmane dit qu'ils ne me comprennent pas et que je suis idiot de perdre mon temps à ça.
- Et qu'en penses-tu ?


- Oh il a raison monsieur ! Osmane est très intelligent ! Papa dit qu'il est très en avance pour son âge.
- Je n'en doute pas, Emir.


Le vieil homme se pencha vers lui en baissant le ton pour qu'on ne les entende pas.


- L'écriture est quelque chose de très compliqué. Je ne suis pas sûr que tu t'amuserais beaucoup à l'apprendre.
- Oh non monsieur ! Osmane a essayé de m'expliquer à quoi ça servait, mais je n'ai rien compris.


Balthazar sourit.

- Les choses compliquées ne sont pas toujours les plus importantes.


Il glissa une main dans sa poche et en sortit une graine qu'il montra au garçon.


- Je vais te raconter l'histoire de cette graine, Emir. Il y a des siècles de ça, des arbres gigantesques peuplaient cette région. Des arbres si grands que leur feuillage projetait de l'ombre à des kilomètres. Ces arbres étaient sacrés, ils portaient la sagesse du monde et protégeaient la vie des animaux et des plantes qui vivaient à leurs côtés.


Le petit garçon avait les yeux pétillants, la tête pleine d'images de ces arbres fantastiques. Il avait complètement oublié la présence des autres enfants, autour d'eux.


- Mais ces arbres ont disparu, reprit le vieil homme. Il n'en existe plus un seul aujourd'hui.


Le visage d'Emir trahit sa déception : il se voyait déjà grimper dans les branches d'un de ces géants, passant des heures à explorer ses merveilles.


- C'est mon arrière-grand-père qui a trouvé cette graine, Emir. Il pensait qu'elle était le fruit d'un de ces arbres.
- C'est vrai ?


Les yeux du garçon se posèrent sur le gland, comme s'il s'était agi du plus formidable des trésors.


- Je ne sais pas. C'est ce qu'il pensait. Il l'a transmise à son fils, qui l'a lui-même transmise au sien. Avant sa mort, mon père m'a expliqué d'où elle provenait et m'a raconté qu'il avait longtemps cherché quoi faire de cette graine. Elle a été son porte-bonheur pendant toute sa vie, avant de devenir le mien.


Le vieil homme fit glisser son doigt sur sa surface rugueuse.


- Tu vois ces marques ?
- Oui.
- On dirait qu'elles se répètent. Ce sont ces signes qui ont donné à mon père l'idée de l'écriture.
- Ouaah !


Le vieil homme prit la main du garçon et y déposa la graine.


- Elle est à toi désormais. Mon père disait que cette graine apporterait de grandes choses à qui saurait en faire bon usage.


Emir paniqua.


- À moi ? Mais... je ne... je suis trop bête pour inventer quoi que ce soit ! Vous devriez la donner à Osmane...


Balthazar ferma la main du garçon sur la graine et lui releva la tête.


- Je t'ai dit que les choses les plus importantes n'étaient pas les plus compliquées, Emir. Ces choses-là ne peuvent pas être apprises, tu dois les découvrir tout seul.


Il soupira et posa les yeux sur les hautes murailles de la ville, maigre rempart les protégeant du désert.


- Je n'ai jamais su quoi faire de cette graine. Écoute ton cœur, je suis sûr que tu trouveras. C'est notre cerveau qui réalise les plus importantes découvertes. Mais si elles ne sont pas guidées par de bonnes intentions, ces découvertes ne peuvent apporter que malheur et désolation. Ton cœur est pur Emir, c'est quelque chose que les autres ne pourront jamais te prendre, ni comprendre. Pardonne-leur.


Le vieil homme se redressa et fit signe à un autre enfant d'approcher. Emir avait hésité puis, réalisant où il se trouvait, il avait déguerpi à toutes jambes.


Le garçon avait passé des jours entiers sur son bateau, cette pauvre barque déglinguée, échouée en plein désert, à savoir ce qu'il allait faire de la graine. Il avait cherché, cherché, mais rien, aucune idée ne lui était venue. Comment aurait-il pu savoir quoi faire, lui, alors que les plus sages des ancêtres de la ville n'avaient pas trouvé ? Il s'était résigné et avait décidé de rapporter la graine à Balthazar, en s'excusant.
Mais quand il s'était levé ce matin, décidé à aller récupérer la graine dans sa cachette pour la ramener au vieil homme, il avait eu une idée. C'était certainement une idée stupide, mais c'était la seule qu'il avait trouvée. C'est pourquoi il avait demandé à Osmane de l'accompagner : son grand frère saurait quoi faire.


Levant les yeux vers ce dernier qui poursuivait ses reproches, il l'interrompit :


- Je voudrais la planter.


Osmane resta interdit une seconde, avant de comprendre qu'il parlait de la graine.


- Que veux-tu que ça me fasse ?


Emir baissa les yeux.


- Je ne sais pas comment faire.


Il regarda vers la proue du bateau qu'il désigna d'un signe de la main.


- Je me disais qu'il serait bien, là. Et quand je viendrais jouer, le bateau serait à l'ombre.


Son frère éclata de rire.


- Ici ? Alors qu'il ne pleut jamais ? Mais pauvre idiot ton arbre, en plein désert jamais ne poussera !


Emir sentit des larmes lui piquer les yeux. Ça n'était pas juste. Vexé, il chercha à blesser Osmane.


- On dit « il ne poussera jamais », tu as oublié un mot !
- C'est une anacoluthe, imbécile. N'essaie pas d'être intelligent.


Se tournant vers l'ouest, Osmane fit un signe en direction de la ville.


- Plante-le plutôt où il y a de l'eau. Sur la berge de l'Euphrate. Allez viens, il est temps de rentrer : je ne tiens pas à être en retard à cause de tes idioties.


Il descendit du bateau et s'éloigna vers l'ouest.


Emir restait assis, les yeux posés sur la graine mouillée de larmes. Il voulait planter l'arbre ici, près de son bateau. Il voulait pouvoir revenir le voir quand il voudrait. Loin des autres. S'il le plantait près du fleuve, les autres enfants le trouveraient et l'empêcheraient d'y grimper.
Ça n'était pas juste, c'était son arbre. Son ami.
Il se rappela les paroles de Balthazar, quand il s'était éloigné.


« Écoute ton cœur, mon enfant. C'est quelque chose que les gens intelligents oublient trop souvent, mais c'est la meilleure manière de réussir ce que tu entreprends. »


Le garçon jeta un coup d'œil à Osmane pour s'assurer qu'il ne le regardait pas et s'agenouilla à l'avant du bateau. Il plongea les mains dans le sable brûlant, creusa un trou et y déposa la graine qu'il recouvrit rapidement.


Puis, il sauta de la barque pour rejoindre son frère.





FIN






Note de l'auteur :




En 1929, Edwin Powell Hubble (1889 – 1953) énonçait ce qui allait devenir la « Loi de Hubble » : « Les galaxies s'éloignent les unes des autres à une vitesse (approximativement) proportionnelle à leur distance. Autrement dit, plus une galaxie est loin de nous, plus elle semble s'éloigner rapidement. »


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
30/11/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément
Belle est l'histoire de cet arbre millénaire. Très bien écrit, un style abouti. Merci pour ce voyage à travers le temps.

   Lapsus   
30/11/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est beau la dendrochronologie appliquée.
Prendre l'une des contraintes de lieu, l'arbre, comme fil conducteur était une riche idée, permettant de balayer les périodes et de remonter à l'instant O de la plantation.
Chaque séquence tend la main à l'autre par ce chainon millénaire et met en scène des personnages contrastés et bien inscrits dans leur époque.
L'ensemble des contraintes a été traité, avec une mention particulière pour l'ascenseur au premier siècle, que n'aurait pas renié Ibrahim Ibn Otis, le bien nommé.
Le vieux de la Montagne trouve par ailleurs ici un portrait flatteur, lui et ses hashishiyyin, ses assassins fumeurs de haschich.
La référence a Hubble est amusante et confère au texte une dimension prophétique.
C'est une nouvelle très réussie et agréable à lire en dépit de sa longueur.

   Anonyme   
30/11/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Merci pour cette nouvelle.
Concernant la quadruple contrainte respectée l'effet de surprise ets amoindri puisqu'Estelle a eu la même idée
Par contre j'aime que ce soit un arbre qui soit le lien entre les différentes époques

Sur le première partie j'ai juste une petite remarque visuelle : tu parles dans l'avant dernier paragraphes de toits(dans un autre avant aussi où la pluie commence à tomber ), de rues alors que tu dis que Bagdad eest en ruines depuis pas mal d'années.. Du coup j voyais plutôt un champ de metal d'acier et de pierre enchevêtrés.
J'ai beaucoup aimé cet IA et cette fin du monde sinon.

Pour le cerne Bilagaana, j'ai bien aimé la qualité des dialogues, un peu moins la leçon moralisatrice sous-jacente sur la nature etc... mais bon ça passe parce que c'est pas trop appuyé. Sinon bravo pour Hubble en fait cette progression à l'envers me plait beaucoup.

Cerne 2 j'aime bien cette idée de vérité...toujours la même qualité de dialogues.(me fait penser à Socrate ton Hassan)

Et voilà cerne 1 le simple d'esprit plante l'arbre qui sera le dernier vestige de vie

J'aime bien parce tout s'enchaîne naturellement les contraintes ne sont pas un frein à l'écriture au contraire. Une leçon sympa, une légère tendance à être moralisateur mais si légère que je te pardonne

Merci Xrys

   costic   
30/11/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une belle remontée dans le temps, servie par une écriture fluide et agréable. La deuxième partie, dans le canyon m’a un peu moins accrochée (les dialogues m’ont paru plus pauvres). J’ai adoré l’ascenseur ancestral, on pense à ceux du mont Athos. Le personnage du simple d’esprit est attachant et son questionnement déclenche l’émotion. La boucle de la narration donne un mouvement à l’histoire, un mouvement assez positif, presque un espoir, ce qui est assez rare. Finalement fumer est un usage dont certains anciens maitrisaient les effets, Quelques contraintes d’écritures peuvent apparemment déclencher aussi de belles visions Oniriques. Merci.

   widjet   
30/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Un texte de Ninj’ est toujours pour moi un petit évènement. L’auteur écrit trop peu pour qu’on puisse se priver de sa plume. Et puis, les concours lui réussissent plutôt bien !
Bon, pour ceux qui ne le savent pas, les récits fantastico-onirico-philosophiques ne sont guère ma tasse de thé (pas assez concret pour moi, j’ai besoin de palper, moi !). Cependant, j’ai suivi ce récit anti-chronologique (ça commence par la mort prochaine de NOE et se termine par la naissance de l’arbre, cet ordre d’ailleurs est plutôt bien vu) sinon avec passion, avec un certain intérêt grâce notamment à cette écriture toujours facile, coulante et puis le cadre exotique ajoute un certain attrait à l’ensemble. Je ne suis pas certain d’avoir tout saisi, mais qu’importe, car – et c’est la force de ce texte - les niveaux de lectures sont assez variés (entre l’écologie, la croyance dans son sens large qui rejoint aussi l’accomplissement de soi et le rôle de chacun) et tout le monde peut y piocher et y trouver son compte en fonction de son vécu personnel ou de sa « philosophie de vie » (car, mine de rien, il est question de nous et de notre rapport avec le monde, les autres, la Vie).

Rien de transcendant, mais pas de gros bémol, non plus. Ce qui m’a gêné n’est pas forcément de la faute de l’auteur mais peut-être des contraintes liées au concours (dont je repete, je n'ai pas pris connaissance). En effet, la présence d’ellipses (on fait tout de même de sacrés bonds dans le temps) nous pousse à nous adapter à chaque fois avec un monde, un décor (on passe quand même d’un univers à Hi-Tech au western !) des individus différents et ces changements assez radicaux « dilue » (je n’ai pas trouvé d’autres mots, pardon) d’une certaine façon le liant ou « le pont » entre ces « épisodes » de sorte qu’on finit par concevoir l’œuvre comme des portes temporelles et isolées et non comme une unité compacte (même si on voit bien la logique de l’ensemble). Ninj’ je ne sais pas si j’arrive à me faire comprendre, demande moi si tu veux.

Sinon, il y a une bonne alternance entre le descriptif et les dialogues (réussis car simple, sans « calories »). Ni trop, ni pas assez. Les messages humanistes véhiculés ne sont certes pas révolutionnaires, mais ils rappellent des choses somme toute essentielles et surtout restent accessibles à tous.
Quelques redites (le discours du sage Hassan sur la Vérité notamment, étrange ; d’ailleurs ce vieux sage que je trouve assez… ambigu) mais qui n’entachent nullement la fluidité de l’ensemble.

Voilà ce que je peux dire sur ce texte « multi-facettes » sachant encore une fois que je ne naviguais pas dans un univers très connu (et apprécié à sa juste valeur).

Widjet

   jaimme   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une très belle idée pour réunir toutes les contraintes. Les mots obligatoires parsèment sans heurter cette nouvelle.
Le fil rouge, cet arbre de la sagesse, me plaît beaucoup. Cette sagesse emporte les différents personnages vers des consciences inattendues pour les lieux, les époques, les circonstance: un robot vers le ghost de l'humanité (c'est la partie que j'ai préférée! J'aime beaucoup l'acronyme par exemple. C'est de la belle SF), un Indien qui ose dire "ceux qui veulent croire sont aveugles" (!) et un philosophe perse qui parle de vérités multiples, avant même Averroes. C'est d'une grande finesse et montre que Ninjavert n'est pas partie au hasard dans l'écriture, loin de là.
Comme j'aime chipoter en Histoire, j'ai quand même trouvé un truc: le narrateur mésopotamien dit, en 3300 av JC que c'est son père qui a inventé l'écriture. Mais actuellement on fait remonter les premières écritures à 3900!
Ah oui, aussi, en dendrochronologie il y a deux cernes par an, pas une.
Au niveau de l'écriture j'ai un peu décroché dans la partie Grand Canyon, je l'ai trouvée moins intéressante. J'ai adoré la première, je l'ai dit, beaucoup aimé la perse et la dernière, un peu trop simple était de toutes les façons, nécessaire.
Au total, sur le fond bravo et sur la forme, cela dépend des parties.
Bravo Ninjavert.

   Ninjavert   
2/12/2009

   Eric-Paul   
2/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il est beau ton arbre Ninja !!!
un solide fil conducteur ... une jolie quadrilogie
dans laquelle j'ai bien aimé les références déistes.
Le chamanisme et l'islam sont là... le christianisme effleuré...
J'aurais bien aimé trouver quelques thèmes ou références indouïstes maoïstes Tibétains pour que un arbre encore plus eucuméniste.

   Selenim   
2/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Cernes

Le texte démontre que l'auteur a fait preuve d'une grande application dans la construction de ses différentes histoires. Ajouté à ça des recherches ethnologiques appropriées et une écriture globalement soignée.

Certaines phrases longues sont difficiles à appréhender dès la première lecture. J'ai un peu honte de dire ça mais j'ai été gêné par cette richesse. Un comble. J'ai surtout eu ce soucis dans la première partie du texte, dans les phrases descriptives.


Angliciser l'acronyme NOE, belle pirouette pour utiliser Noé dans le texte et ainsi jouer sur le mythe de l'Arche. Coquin va !
J'ai vu dans NOE un ptit côté Wall-E.

J'aime bien cette idée de cycle, que tout fini fatalement par se reproduire. Noé et son arche, NOE et la sienne. La force des mythes est de pouvoir s'appliquer à chaque époque.

Dans cette première partie, il est surtout question d'un amalgame de tout ce que la SF a produit dans ses grandes lignes. Fuite de la terre par l'humanité, peur des IA trop avancées, conscience développé des IA etc... Mais tout cela est finement amené, suffisamment remanié pour croire à cet hypothétique futur comme une version apportant sa touche d'originalité.


Pour vraiment chipoter sur le style, j'ai eu du mal à voir de la sève qui palpite. Plutôt qui irradie, qui irrigue.

Cette première est ma préférée car elle apporte vraiment un angle original du futur, une vision qu'a l'auteur, même si elle s'inspire du multitudes de fragments glanés au fil des lectures d'œuvres de SF. Mais qui peut se targuer d'être vierge de toute influence ?

Alors simplement bravo.


Partie 2

Décidément les fœtus volubile sont à la mode dans ce concours de nouvelle. Personnellement, j'ai du mal à imaginer un embryon bavard.

Dans cette partie, comme dans celkles qui vont suivre, place aux dialogues. Exclusivement des dialogues. Même si ceux si sont parfaitement écrit, j'ai trouvé que ça tournait un peu en rond. On passe de la mystique chamanique à la foi des Hashishiyyin pour conclure sur la philosophie mésopotamienne.

Sur le passage initiatique avec herbes inhalées en option : je veux bien que le fœtus ressente et pense, mais qu'il décrive une scène qu'il ne peut voir, là j'ai du mal.

Malgré toute cette application dans l'écriture, je suis resté loin de ce rite initiatique et surtout du trip mystique.
Pour les répliques de Hok'ee, j'ai parfois eu l'impression de phrases toutes faites tirées du livre Le mysticisme pour les nuls :
Ce sont nos actes qui ont du sens. Nos noms ne sont que le reflet de nos actions.
L'ordre est une invention de ceux qui craignent ce qu'ils ne comprennent pas.
Ce sont tes propres questions que tu révèles, Bilagaana. Toi seul peux y apporter une réponse.
Coyote pense qu'il y a deux sortes d'hommes ici-bas : ceux qui veulent comprendre et ceux qui veulent croire.

Vraiment pas ma tasse de maté. C'est vraiment un ressenti personnel, car pour la forme c'est vraiment impeccable.

Partie 3

On change de lieu et d'époque, mais finalement, le fond reste le même. Un discours philosophique sur les fondements de la secte des assassins et la perception de la vérité. Un sorte d'adaptation de la légende.
Ici encore, quelques phrases qui m'ont fait sourire :
Rien n'est insurmontable pour celui qui croit en ce qu'il accomplit.
La curiosité est parfois bonne conseillère, Navid. La connaissance est une force, tu aurais dû le lire.
L'homme est le seul être vivant qu'Allah ait doté du pouvoir de croire

Je suis trop terre à terre comme lecteur, désolé.

Au final, ce chapitre m'a donné une furieuse envie d'aller incarner, une fois encore, ce bon vieux Altaïr...

Partie 4

Là on caresse la philosophie, plutôt la sagesse ancestrale mésopotamienne. Sur l'écriture, toujours rien à dire. C'est agaçant.
Mais encore de longs dialogues qui semblent tirés d'un conte d'époque.


Malgré cet arbre en fil rouge, je trouvé qu'il n'y avait pas de liant entre ces textes. J'ai lu 4 essais philosophiques bien mis en scène mais manquant d'originalité, trop lisses. Sauf le premier qui ouvre une porte sur l'imaginaire fertile de l'auteur.

J'ai vraiment regretté exclusivité accordée aux dialogues. Sur 40.000, malgré la qualité d'écriture, c'est soporifique.

Par contre, pour les contraintes, ça se tient. A part infunditruc, bien joué, on voit pas les traces.

Merci.

Selenim

   leon   
3/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Indiscutablement, c'est bien écrit : un style fluide et agréable à lire, sans complications inutiles, sans lourdeurs.

Indiscutablement aussi, les contraintes du concours ont été respectées et je salue au passage le fait que les 4 mots compliqués aient été employés à bon escient.

Chacun des quatre tableaux est parfaitement composé et crédible, dans le contexte historique : je n'y ai relevé aucune maladresse ou information clairement erronée.

En revanche, je n'ai pas trop apprécié le côté moralisateur qu'ont en commun ces quatre tableaux. Bien sûr, l'auteur défend avec naturel des convictions qui lui sont propres, mais perso, et sans être opposé le moins du monde à ces idées, je trouve ça un peu indigeste, car il y a :
la morale de l'indien navajo
la morale du maitre des hashichins
la morale du vieil homme

ça fait un peu trop de morale à mon goût !

Le deuxième gros point noir que je vois dans ce récit, c'est que les quatre tableaux on beau être parfaitement composés, le tout, qui présente l'histoire d'un arbre sacré à travers les êges, n'est pas franchement emballant.

Pour ma part, je pense que l'auteur aurait pu se contenter de développer l'un ou l'autre de ces tableaux pour en faire une histoire complète, avec une bonne chûte : car, en l'état, pas de chûte !

Au final, quitte à me répéter, je trouve que le talent indiscutable de l'auteur aurait mérité de soutenir une histoire un peu plus captivante.

   Anonyme   
3/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
j'ai beaucoup aimé cet arbre -lien . un peu moins le ton parfois moralisateur même si l'écueil du pur religieux a été évité . La lecture est agréable et l'intérêt soutenu .

   Menvussa   
3/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut Ninja,

C’est un texte bien écrit, une sorte de fable, une histoire à rebrousse temps comme le dirait peut-être un certain Curval.
Quatre époques, quatre scènes ayant comme fil conducteur cet arbre sacré et comme point commun la recherche d’une certaine vérité, une réflexion sur soi-même.

L’arbre serait-il la mémoire de l’humanité. On peut le penser et si on le croit c’est que quelque part, c’est vrai.
On commence par la fin avec ce fantôme, âme d’une intelligence artificielle et l’on remonte le temps jusqu’à cet enfant un peu demeuré, qui plante la graine qui donne naissance à notre arbre.

Avec un texte tel que celui-ci, le respect des contraintes devient un fait presque dérisoire. Mais la démarche n’est-elle pas un peut compliquée qui finalement tend à démontrer que l’essentiel est invisible aux yeux, qu’on ne voit bien qu’avec son cœur (Merci Antoine).

J’ai tout de même relevé quelques points :

Ma stase devait durer indéfiniment, jusqu'au retour des hommes, ou à l'arrivée d'autres formes de vies.
Il me semble qu’il y a une contradiction entre indéfiniment et ce qui suit.

La mort ne fait pas partie de mes connaissances.
J'ai peur de mourir.
Suis-je humaine

La mort est une inconnue pour chacun, nous n’en sommes pas moins humain pour autant !

Pourtant, si tu disais à nos ennemis ta vérité sur Alamut, ils ne te croiraient pas. Refuser de croire en quelque chose alimente sa réalité. On ne peut nier que ce que d'autres croient vrai. Et si d'autres le croient, ne s'agit-il pas de la vérité ?
Refuser de croire en quelque chose alimente sa réalité : C’est pas très clair. Ça me semble en contradiction avec la suite.

Chacun d'entre nous cherche par les croyances qu'il estime justes, à se rapprocher de Dieu, qu'ils le nomment ou non Allah.
C’est chacun qui nomme… non ? (Faut porter plainte contre la centrale lol)

   Cassanda   
6/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Comme à ton habitude, c'est un texte plein de poésie qui nous entraîne dans un autre univers, ou plutôt quatre ici. J'ai oublié les contraintes du concours, absorbée par la lecture et j'ai aimé cette idée d'un arbre qui traverse les époques.

Quelques points négatifs à mes yeux :
Dans ta deuxième partie, j'ai un peu tiqué sur le fait que le foetus décrive des choses qu'il ne peut voir comme :
- "Hok'ee baissa la tête, en proie à un intense dialogue intérieur. Il finit par ouvrir les yeux et les posa sur elle."
- "Hok'ee lui sourit et reprit. {...} William se pencha vers maman.{...}Sans attendre de réponse, Hok'ee avait sorti une longue pipe et une petite sacoche d'où il prit quelques pincées d'herbes brunes. Il alluma la pipe et en tira plusieurs bouffées, la passant ensuite à William, qui fit de même. Ce dernier la tendit à papa, qui l'imita et la donna à maman."...
Il est trop fort ton foetus de voir des choses qu'il ne peut ni ressentir, ni distinguer... Je comprends les besoins de décrire ces actions mais l'incohérence m'a fait sourciller.

Le dernier point que je regrette est que ces quatre histoires pourraient être totalement indépendantes les unes des autres et feraient par ailleurs, si tu les développais, de très belles nouvelles. Des morales, il y en a : une pour chaque histoire. Et c'est un peu cela qui est dérangeant. Il me manque une chute globale qui lie, en dehors de ton personnage-arbre, les quatre petites nouvelles.

Dans l'ensemble ce n'est pas grand chose car le tout est empreint de délicatesse, de poésie, la lecture est très fluide et je n'ai pas vu passer les lignes.
Bravo et merci encore Ninj' :)

   NICOLE   
6/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un joli conte philosophique, qui embrasse les religions et nos convictions. Le fil rouge qui relie ces histoires entre elles est bien discret, peut être trop, mais qu'importe, le charme opére.
Je me suis laissée porter, transporter parfois même. De la poésie en prose, avec en cadeau beaucoup de tolérance.
Merci.

   aldenor   
12/12/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Un texte saisissant, bien conçu, bien écrit.
Première partie : Descriptions apocalyptiques dans un style puissant. Le personnage de NOE, crédible et attachant avec ses interrogations métaphysiques.
Quelques remarques :
« L’aube de mon crépuscule » ne m’a pas l’air heureux.
« Mes créateurs disaient que la vie se définit par la conscience de soi. » Personne n’a jamais défini la vie ainsi. L’esprit peut-être ?
« L’appréhension d’une forme de vie face à l’inconnu... ». Je n’ai pas compris cette phrase ; peut-être a cause de « face à » ?
Deuxième partie : pour moi, c’est la fausse note du texte. D’abord c’est regrettable de finir au Colorado, gâchant l’unité de lieu qui me parait nécessaire ici. L’effet des contraintes du concours sans doute, dommage. Ensuite cette partie est plus confuse avec de trop longs dialogues et une profusion de personnages dans laquelle s’égare le cœur du sujet, comme le lecteur. De beaux passages tout de même avec les remarques de l’enfant au début, et infundibuliforme qui est joliment amené.
Les deux dernières parties : se ressemblent dans leur facture. Ecriture sobre, idées claires, élégamment formulées. Personnages bien tracés. Simple et efficace.
La démarche d’ensemble est remarquable avec la datation par les cernes de l’arbre, avec ce retour aux sources, aux débuts de l’aventure humaine, par étapes parsemées d’indices sur les œillères qui causeront sa perte.

   Anonyme   
13/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Histoire qui dépoussière notre imagination, tellement l'imaginaire est richement utilisé..le choix de l'arbre comme thème central est une magnifique idée. Il est omniprésent même si on le voit peu, mais on remonte jusqu'à ses origines (nos origines ?).Histoire de naissance et de mort. Les personnages sont tous très bien campés jusqu'au foetus, personnage central et l'approche est très originale de le faire penser et s'exprimer. J'ai une préfèrence pour le chapitre 1 et 2. Chaque situation fait vivre une atmosphère particulière très bien mise en valeur. J'apprécie le style limpide et la richesse des des descriptions. Chacune nous permet d'être pleinement dans l'histoire.
Globalement, j'ai trouvé malgré tout son in térêt, la nouvelle un peu longue et surtout le chapitre 3. L'impression aussi d'être partie pour un roman, le thème pourrait nous y mener.

   Anonyme   
14/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Nouvelle virtuose qui brasse les lieux et certaines époques de l'histoire de la Terre, en résonance avec ce qui se passe aujourd'hui (les assassins qui apparaîssent pour la première fois dans l'histoire, la forteresse d'Alamut...) et qui lorgne du côté du conte philosophique. Toutefois j'ai eu du mal à suivre toutes les péripéties qui jalonnent le récit, avec de très (trop ?) nombreux dialogues. C'est mon ressenti et il est vrai que je ne suis pas passionné par ce genre d'histoires. Merci pour cette lecture.

   Meleagre   
14/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Ninjavert,
Je crois que c'est le premier texte que je lis de ta main, et j'en suis assez impressionné.
Toutes les contraintes y sont, ce qui est quand même une gageure bien réussie. Les clichés sont désamorcés : c'est original de mettre un ascenseur en l'an 1000 en Perse, et un bateau dans un désert... Mais ces paradoxes sont assumés, et donnent un résultat assez savoureux.
L'écriture est fluide, agréable, ni emphatique ni poussive.
Au début, je me suis demandé quel était le lien entre le fantôme de machine sur l'arbre et le foetus dans le grand canyon territoire des Indiens ; mais l'arbre de Bagdad tisse un lien heureux entre ces quatre histoires.
En lisant la 1e histoire, j'aurais aimé qu'elle soit plus développée : finalement, on ne sait pas quel est le sort de NOE. Mais le parallèle avec le déluge et l'Arche est bien vu, suggéré, mais peut-être pas assez exploité.
Le deuxième texte pose une situation très intéressante, dans ce Grand Canyon qui devient une réserve indienne où les Blancs ne sont pas les bienvenus. Le rêve du foetus est original et accrocheur. Mais je trouve la leçon que lui donnent Ho'kee et le coyote un peu mièvre, un peu décevante dans cette situation si porteuse.
Le troisième texte détourne avec saveur un mythe intéressant, celui du Vieux de la Montagne et de la secte des Assassins. Mais, là encore, les explications du Vieux tournent au verbiage, et érigent en dogme un scepticisme un peu stérile.
Le dernier est à mon avis le plus abouti. Là, le leçon donnée par le vieux n'est pas un verbiage, mais quelques conseils simples et touchants, qui ressemblent à ceux du Petit prince ("on ne voit bien qu'avec le coeur..."). C'est intéressant de voir qu'un simple d'esprit peut trouver en lui, contre l'opinion des intelligents, l'endroit où planter une graine qui donnera naissance à un arbre sacré.

Bref, j'ai bien aimé la structure de cette nouvelle, même si certaines parties n'exploitent pas toutes les possibilités qu'offraient l'histoire.
La note de l'auteur me laisse coi ; je me passais volontiers de cette tentative d'explication.
Merci Ninjavert.

   florilange   
16/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Pour moi, ce texte est 1 parabole, tout à fait dans le sens où on l'entendait autrefois. C'est pourquoi le ton, 1 poil moralisateur, non seulement ne m'a pas gênée, mais me paraît parfaitement adapté. Les anciens s'exprimaient, s'expliquaient souvent ainsi. Voilà pour le style.
Personnellement, j'ai trouvé ce texte trop long, même en tenant compte des contraintes du concours. Très bien insérées d'ailleurs.
Sur le fond, je trouve tellement intelligent d'y être allé à rebrousse-poil, pour revenir à la source. Pour moi, la chute est justement là.
Bravo,
Florilange.

   Anonyme   
16/12/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Bravo pour cette belle histoire mon Jedi.

J'ai vraiment vraiment beaucoup aimé la construction de cette nouvelle.
Le premier chapitre est très poétique, j'aime beaucoup. J'ai eu des impressions Katsushiro Otomo dans le visuel, je sais pas, j'ai bien correspondu et ça m'a bien plu.

Le chapitre Hubble est vraiment très bien mené. J'ai beaucoup aimé le voyage initiatique du fœtus, la mise en place du décor et les liens historico-éco-politiques... ou un truc comme ça^^...

Le chapitre trois m'a moins plu? Va comprendre, Charles. L'histoire de Navid m'a laissé de marbre, j'ai même pas aimé le style, pour te dire, j'ai trouvé ça difficile à suivre... mais peut-être que j'étais fatiguée...

Le dernier chapitre, j'ai vraiment aimé. Très visuel aussi, visuel désertique, j'ai rien à redire sur le style que j'ai trouvé abouti.

Le fil de l'histoire m'a convaincue, suffisamment pour me laisser porter par la narration sans me poser de questions sur la forme. Yep Jedi, ton fond est bon. La forme s'adapte.

Donc les contraintes, respectées, chapeau, d'ailleurs, bien respectées.

Merci Ninj, j'ai vraiment apprécié cette balade dans ton imagination.
Bonne chance pour le concours.

   Bidis   
18/12/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément
Texte extrêmement prenant, irrésistible, et qui m’a fascinée. Ça ne m’empêchera pas de faire ma Bidis.

- « Pourquoi aurais-je fait ça ? » : L’écriture est fort belle, élégante. Le « ça » me gêne un peu. Pourquoi ne pas écrire « cela » ? « Pourquoi aurais-je fait cela ? »
- « et il y a des endroits tellement merveilleux ! » Pourquoi pas « et certains endroits sont tellement merveilleux ! » pour se débarrasser du vilain « il y a »
- « Le guide rigola. » M’enfin ! Le guide rit ou bien se mit à rire. Rigola… Que c’est trivial !
- « - Je n'aimerais mieux pas. » Double négation qui rend le propos obscur = Je n’aimerais (pas) mieux pas… Il fallait dire : « J’aimerais mieux pas »
- « entouré des autres qui rigolaient en le montrant du doigt. » : décidément, je n’aime pas le verbe « rigoler ». Je le trouve vulgaire.

Je n’apprécie jamais beaucoup les flash back, les retours en arrière. Ici, le « il y a dix jours » avait glissé dans ma lecture, de sorte que lorsque le vieillard donne le gland à l’enfant, je me disais : « mais il a déjà le gland dans sa main » et j’ai dû remonter dans le texte. Bien sûr, j’avais mal lu. Mais tout de même, s’il y a moyen d’éviter les flash back, je trouve que c’est mieux, plus clair.

Beaucoup, beaucoup moins aimé le troisième cerne (Cerne 4300 : Hashishiyyin) que les deux précédents et que le dernier. Mais, bon… Je n’ai pas de raison valable à opposer. Et il en fallait bien quatre en tout au moins. Simplement, j’ai trouvé ça moins prenant...

Et je n’ai pas bien compris ce que vient faire la loi de Hubble dans cette histoire. C’est bien triste une existence où l’on comprend la moitié des choses que racontent ses semblables (et encore ! pour deux nouvelles précédentes, je n’ai rien compris du tout. Comme pour celles-là, je suppose que l’explication est donnée avec le lien, je verrai cela plus tard.)

Nonobstant, je trouve ce texte exceptionnel. Je savais Ninjavert un bon auteur, mais à ce point, je suis soufflée.

   Pat   
16/2/2010
Commentaire modéré

   placebo   
8/4/2010
Commentaire modéré

   placebo   
9/4/2010
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
bon, alors une nouvelle qui m'a plu, c'est le moins que je puisse dire. deux des petites choses qui m'ont gêné ont déjà été relevées, à savoir, la morale, j'ai lu ton post, pour moi le problème vient du fait que trois d'affilée, ça fait un peu trop, et bien que d'accord avec tout ce qui est dit (à voir pour le vieux de la montagne quand même) ben il manque un peu d'action je trouve. Enstuite, le fait que le foetus ''voie'' dans l'utérus, ça me gêne un peu. Au passage, pour le trip chamanique, j'aurais jamais compris l'allusion à Hubble et à sa théorie sans ton post, ça m'avait paru confus lors de ma première lecture (enfin, c'est un trip, justement)

J'ai adoré le robot, l'idée d'un sigle comme NOE est hyper-crédible, peut être pas avec le même acronyme, mais bon :) Elle est gavée à l'électricité en tout cas, ça métaphysique sec. Dommage qu'elle ne parle à personne, d'ailleurs ce cerne était assez court, dur de poursuivre les monologues bien longtemps.
Juste, une ville de 1 milliard d'habitants, je veux bien, mais bon il n'y en a que 25M dans tout l'Irak aujourd'hui, alors pour être crédible, faudrait expliquer un minimum (une erreur je pense)

Pour le 2, le problème de la vision, déjà évoqué, et ... le coup de talon dans les ovaires. C'est possible? J'en sais rien, hein, c'est juste une question.

''un vieux livre'' m'a un peu déçu comme expression.

Un simple gland aussi, certes planté par un simple d'esprit au coeur pur dans un simple désert sans eau... faut pas chercher de logique, mais ça pousse là bas? (question encore, j'en sais rien)

très beau texte, le manque de liant entre les parties, bien sûr... bah ça ne m'a pas posé trop de problèmes

Edit : bon, j'ai cogité cette nuit, et j'ai retrouvé des trucs ;)
-''le terme assassin provient de l'italien assassino, lui-même emprunté à l'arabe hashishiyyin, nom donné aux Ismaëliens de Syrie par leurs ennemis, et désignant les consommateurs de haschich'' (wikipédia) ce n'est qu'une des hypothèses étymologique, mais si c'est celle que tu suis, tu ne peux pas dire le mot assassin dans le texte, encore moins que c'est une secte d'assassins.

- des mots encore pour la quatrième partie : kilomètres (centaines de pas? mais bon c'est un peu lourd) et anacoluthe. Je n'ai pas lu les termes du concours, ça doit surement être un mot imposé, mais trouver des noms aux figures de style alors que l'écriture existe depuis deux générations...

merci
placebo

   zorglub   
23/4/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Cette nouvelle (ou plutôt peut-être ces quatre nouvelles) est un réel plaisir à lire. Le fil conducteur de l'arbre qui nous fait remonter dans le temps est en effet très bien trouvé et donne sa structuration au récit.

Sur les quatre époques, ma préférée est sans aucun doute celle du futur, qui se démarque nettement des trois autres. En cela, j'ai ressenti une petite déception, car j'ai trouvé qu'on avait dès le début la partie la plus forte du récit, et que la suite était plus "standard". Je ne me suis néanmoins pas ennuyé dans ces trois contes philosophiques. Chacun est en effet très bien écrit et l'auteur a réussi à créer des ambiances que le lecteur peut réellement ressentir, aidant ainsi à la transition entre les cernes.

L'idée de prendre le temps à l'envers est une belle originalité, car au fur et à mesure que l'on avance dans le récit, un véritable suspens nait, mais qui est créé par la volonté de savoir comment les choses "commencent". Néanmoins, peut-être aurait-il été possible d'apporter un lien plus fort avec l'arbre, notamment dans la nouvelle du XIème siècle, que j'ai eu un peu de mal à rattacher à l'histoire globale.

   Anonyme   
16/11/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
franchement ce st des textes très abouti et on s'attend si peu à ce qui va suivre, j'aime cette façon d'écrire et félicite Ninjavert pour son 1er prix, il le mérite

   Pepito   
22/8/2012
 a aimé ce texte 
Passionnément
Forme : j'ai commencé par noter un détail, pour moi, le mot "testament" serait mieux en fin de paragraphe pour son importance, puis pris par le texte je n'ai plus rien noté du tout.
Si ce n'est que le dialogue "en réel" de l'indien me semble un peu trop académique.

Fond :
1) le "bunker" de NEO qui disparait avant les restes de Bagdad est surprenant (ou mérite une ligne d'explication).

2) l'allusion à l'arbre méritait d'arriver plus tard, vers la fin du texte, à un moment ou la contrainte était oubliée. La révélation du "nom" en fin est classique. "Huble", un américain (encore), ... comme j'aurai préféré Joseph Henri Honoré Boex, notre maitre à tous, même si il était difficile de faire visiter les USA à ses parents :).

3) bon le vieux qui trouve le temps long à la montée... et les gardes qui le soulève la plateforme, eux ?
Voilà une version du "Vieil homme dans la montagne" bien différente de celle du Tancrède de Bellagamba. Alors comme çà, je me mens à moi même ? :)

4) il me manque une explication sur la présence d'un bateau au milieu du désert (ou je l'ai ratée). Pas l’Arche quand même ?

Voilà pour les critiques, broutilles plutôt.

Que dire d’autre, en vrac :
Un curieux sentiment de gaspillage, 4 nouvelles réunies en une seule (concours oblige) alors qu’elles auraient pu vivre en parfaite autonomie, en les étoffant légèrement peut-être. J’imagine l’effet produit par le rappel de « l’arbre » dans un recueil de nouvelles.
42000 caractères dévorés d’un coup en lecture ordi !
Une superbe documentation, du coup, j’ai cherché ton «arbre » partout sur internet…
J’ai à la maison 2 ou 3 mètres cubes de littérature de style Merveilleux Scientifique (Science Fiction dirait les américains), Cernes serait, sans problème, sur l’étagère du haut à gauche.

Je me suis ré-ga-lé, merci.

Pepito

Edit : à lire les autres commentaires, il semble que le 3 ai été moins apprécié, peut-être un manque de connaissance de la "légende" originale. Pour moi, c'est un des meilleur.
J'ai aussi oublié de signaler la poésie de l'ensemble. Voilà qui est fait.

   matcauth   
28/9/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Pourquoi commenter ? pourquoi ne pas le faire ? 500 lectures, 20 commentaires, que pensent les autres lecteurs ? On a tendance à imaginer que ceux qui commentent sont soit très déçus, soit très content. C'est bon signe, dans le cas présent.

Je vais commenter pour un tas de raisons. Est-ce pour faire plaisir, est-ce pour apprendre, est-ce pour retenir quelque chose de ma lecture...

bref.

Le titre, déjà, est bien. Il est étrange ce mot, il a du charisme, il est classe.

Les sous-titres aussi sont bons. Je les ai trouvé très faciles, très "robocop" et tout ça. Mais j'ai aimé quand même !

Les contraintes liées au concours, je les ai survolées, elles ne m'intéressent pas vraiment. Je n'aime pas un texte parce qu'il est bon techniquement ou qu'il rentre dans un cadre. Je ne vais aimer que sa puissance, que ce qu'il va diffuser en moi.

par conséquent, le côté un peu moralisateur du vieux monsieur qui parle au petit garçon, même si c'est un schéma cliché, ça me plait. Parce qu'il y a uns scène tout autour, on peut se sentir spectateur, on peut se sentir comme présent dans cette scène.

Et je dirais que l'intérêt principal de cette histoire réside ici : le fait qu'on puisse entrer dans l'histoire et y assister, pratiquement assis sur une pierre au milieu du désert. Toute la recherche documentaire a donc ici un sens car elle appuie ce mouvement, cette capacité à nous attirer dans la scène. Peu m'importe tout ce travail, sauf pour un chose : il me sert à entrer dans l'histoire.

Et c'est pour moi plus qu'un détail : c'est une clé.

Et cela permet de comprendre cette fine balance, qui penche d'un côté ou de l'autre, d'une histoire à l'autre. Dans le concours auquel vous avez participé, il y a un autre participant qui décrit l'histoire et la fin tragique de Jack l'éventreur passant par-dessus bord d'un bateau. La documentation y est au moins aussi riche que dans votre nouvelle. Mais elle n'est pas au service du lecteur car elle ne contribue pas à l'intégrer dans la scène.

Je comprends pourquoi certains auteurs peuvent se sentir lésés, victime d'indifférence, alors qu'ils ont travaillé dur, cherché longtemps, se sont documentés encore et encore. Et qu'ils ont reçus un accueil juste poli.

Car le travail de la plume, la richesse d'un texte n'opèrent que s'ils se mettent au service de cette petite magie qu'on retrouve ici : nous faire pénétrer, presque déambuler dans ce paysage, nous approcher au plus près des personnages.

à quoi cela tient ? ça...

mais en tout cas, c'est présent ici.

C'est dommage quand même que je ne trouve pas de lien direct entre les différentes époques. C'est peut-être moi, hein.

Mais voyez-vous, dans certaines histoires, on mettrait cela en exergue.

Ici, non.

c'est donc qu'il y a quelque chose, autre chose. Et j'en reviens à mon propos premier : on est dans l'histoire, on s'y balade, on y est bien alors après, peu importe la cohérence (j'exagère beaucoup, c'est vrai, mais à dessein).

Alors, ai-je commenté pour moi, ou pour vous ?

Un peu des deux, je crois pouvoir l'avouer.

Mais j'ai aimé cette histoire. Je l'ai aimée, oui, car je mis suis senti bien, à mon aise.

bizarre, non ?


Oniris Copyright © 2007-2023