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Policier/Noir/Thriller
oiselle : Les plumes et le masque
 Publié le 19/04/20  -  5 commentaires  -  18725 caractères  -  46 lectures    Autres textes du même auteur

Un magasin de stylos, des objets semblent s'y déplacer ou disparaître la nuit… La femme de ménage s'en inquiète et l'ami du commerçant mène l'enquête.


Les plumes et le masque


Prologue

« J'ai perdu le Montblanc dans la neige

Celui que tu m’avais offert…

La la la lalala Nadège… »


Dans le magasin luxueux de l’avenue Mozart, la femme de ménage mettait la dernière main à l’époussetage des vitrines. Elle ne pouvait s’empêcher de fredonner en travaillant, d’autant qu’elle aimait cette chanson, qui, cela l’amusait, aurait pu être écrite pour elle, ainsi que pour sa situation. Son patron, Paul Lizart, n’allait pas tarder à venir assurer l’ouverture, et elle préféra l’attendre pour lui faire remarquer l’anomalie qu’elle avait relevée.


— Bonjour Nadège ! Vous êtes encore là ?

— Oui monsieur, bonjour. Venez voir je vous prie… fit Nadège d’un regard insistant.


Elle conduisit Paul vers le fond de la boutique.


— Encore cette idée fixe, Nadège ?…


Cela durait depuis plusieurs jours selon elle, Nadège avait l’impression que le magasin était « habité » ou « visité » durant la nuit. Elle s’en était ouverte à monsieur Paul, comme elle l’appelait, en veillant à ne pas passer pour une folle. Entre son service du soir après la fermeture, et celui du matin avant l’arrivée de Paul, elle avait remarqué le déplacement de certains objets. Le bloc de papier, qui servait aux clients pour essayer le glissé d’une plume, ou la teinte d’une encre, elle le remisait sous le bureau le soir venu, elle était sûre d’elle. L’autre matin, il trônait sur le comptoir… Et voilà que ce matin, c’était le tampon encreur ! Elle en avait, sciemment, laissé le couvercle ouvert hier soir.


— Regardez vous-même ! Il est refermé n’est-ce pas ?


D’un regard indulgent Paul tenta de rassurer Nadège. Ses frayeurs l’attendrissaient, il aimait chez elle ce côté petite fille fragile. Il appréciait son efficacité, et s’étonnait de l’intérêt qu’elle portait à la collection de porte-plumes, stylos, stylos plume, qui faisait l’orgueil de son magasin.


— Allons Nadège… Vous l’aurez déplacé après coup, voilà tout ! Venez voir plutôt…


Il était arrivé avec un colis sous le bras, qu’il posa précieusement sur le bureau dans l’angle de la devanture. D’un air gourmand, et énigmatique, il en sortit un boîtier couleur grenat dont il ouvrit le couvercle :


— Voilà le lauréat du Grand Trophée du stylographe de cette année ! N’est-il pas beau ?


Un magnifique stylo plume, noir, au corps de céramique orné d’arabesques, à la plume raffinée, reposait dans son écrin.


— Un vrai bijou, oui ! s’extasia Nadège. Celui-ci, vous aurez du mal à vous en séparer… ajouta-t-elle, taquine.


Depuis dix ans, Paul s’occupait de ce repaire de connaisseurs, des maniaques du bel objet ; l’écriture sous tous ses aspects, de la plume d’oie à la plume d’or de chez Cartier, en passant par le calame, le roseau du calligraphe. Et il guettait la pièce unique, qui ornerait sa vitrine, sans forcément chercher, comme le devinait Nadège, à la vendre.


— Allez, je vous libère Nadège ! À ce soir !


Malgré ce qu’il en laissait paraître, il tenait compte de ses inquiétudes. D’autant que… lui aussi avait remarqué des bizarreries…


Deux semaines plus tard…

Il m’en avait parlé rapidement l’autre soir. La confiance que l’on plaçait l’un dans l’autre et notre vieille amitié me l’avaient fait prendre au sérieux.

D’un commun accord, nous avions décidé d’une surveillance discrète de la clientèle. Mon expérience passée en matière de filature me servirait.


J’arrivai devant la boutique en ce samedi matin, jour d’affluence et d’effervescence. Affublé d’un chapeau mou et de lunettes, je faisais mine de regarder le contenu de la vitrine, tout en détaillant les personnes déjà à l’intérieur. Étudiants aux Beaux-Arts, snobs en quête du dernier cri, écrivains confirmés, les habitués venaient de tous horizons. S’il fallait être aisé pour s’offrir un Dupont, un Cartier, ou un Pilot, tous ne roulaient pas sur l’or. Certains passionnés passaient là comme on feuillette un catalogue, pour le régal des yeux, pour nourrir un espoir qu’un jour, ce Montblanc roulerait entre leurs doigts, à eux aussi !

Engoncé dans sa veste, un homme attira mon attention. Seuls ses yeux osaient toucher le contenu des vitrines, ses mains au fond des poches. Un peu maladroit, il évoluait dans la grande pièce sans se soucier des autres personnes, comme obnubilé par un but précis. Soudain une altercation retentit dans la rue. Un homme d’âge mûr et une femme se disputaient le contenu d’un panier. Dans ce quartier huppé et policé, la moindre animation populaire attisait la curiosité. Comme au spectacle, les passants assistaient à l’échange de noms d’oiseaux, et même les clients de « La Plumerie » se joignaient à l’amusement teinté de mépris des badauds. Tout d’abord pris par le mouvement général, je voulus fixer de nouveau mon attention sur l’homme dont l’attitude m’avait intrigué. Envolé ! Je ne l’avais même pas vu franchir la porte.

Une fois le calme revenu entre les deux querelleurs, qui repartaient à présent bras dessus, bras dessous, l’activité du magasin reprit, entre conversations feutrées et conseils avisés de Paul qui pouvait être intarissable.

Une femme élégante entra alors, d’un pas chaloupé, sûre de son charme. Les effluves d’un parfum raffiné la précédaient, et quelques clients se retournèrent sur sa silhouette. Je remarquai Paul, qui, d’un mouvement de la tête, lui fit signe qu’il allait être disponible.

Le galopin ! Son trouble soudain ne m’échappa pas. On ne me la fait pas à moi ! Elle était manifestement à l’heure au rendez-vous, et Paul confia la tenue du magasin à l’aide qui venait quelquefois en fin de matinée le seconder. Le maître des lieux s’éclipsa, d’abord dans l’arrière-salle, et son absence incita les quelques habitués à quitter la place eux aussi.

Je préférai également prendre ma pause. À l’intention de Paul je griffonnai un petit mot, l’informant de mon passage discret dans la matinée et l’invitant à nous retrouver au début de la semaine suivante. Entrant dans le magasin je confiai le papier à la jeune personne qui remplaçait Paul. Elle prit une enveloppe bleue, y glissa ma lettre et mit le tout en évidence près du téléphone, m’assurant que la commission serait faite dès le retour de mon ami.


Le mardi suivant, je reçus un appel téléphonique de Paul :


— André, quand peux-tu commencer la surveillance de ma boutique ? Une chose étrange s’est encore produite ce week-end…

— Allons, Paul, tu plaisantes ? J’étais là samedi… tu n’as pas eu mon mot ?

— Un mot ?! De toi ? Non… comment l’aurais-je eu ?

— J’ai confié à la jeune étudiante qui était là samedi midi un mot qu’elle devait te transmettre… une enveloppe bleue… va voir elle est vers le téléphone.


Resté au bout du fil, j’entendis alors la conversation entre Paul et la femme de ménage :


— Nadège ! C’est vous qui avez déplacé une enveloppe bleue ? Elle était posée là…

— Non, monsieur Paul, à part ce papier froissé dont je vous ai parlé, je n’ai touché à rien ! Quand je vous dis ! Quelqu’un s’est introduit ici ce week-end ! Oh, monsieur Paul… gémit Nadège.

— Calmez-vous je vous en prie ! Allô ? André ? Quand peux-tu passer s’il te plaît ?

— Ne bouge pas, j’arrive !


En rejoignant la boutique, je trouvai la rue encore calme. À une demi-heure de l’ouverture des magasins, à peine quelques passants, pas encore de chalands. J’avais à peine franchi le seuil que je vis le changement : des vitrines avaient été déplacées, on voyait la marque laissée par les pieds des meubles sur la moquette.


— Tu réaménages ton intérieur ? hasardai-je, sentant bien la tension palpable entre mon ami et la femme de ménage.

— Euh… oui, c’est ça… Allons, Nadège, vous avez bien assez donné de votre temps ce matin… Je finirai avec André. Merci à ce soir.


Les yeux écarquillés, incapable de protester, Nadège prit ses affaires et bredouilla quelques mots en sortant.


— André ! Je te livre tout en bloc ! Trouve-moi le malade qui ose s’introduire dans le magasin en notre absence ! Il déménage, déplace des affaires, utilise les stylos, me nargue, je suis sûr qu’il joue à m’effrayer et qu’il me rit au nez en venant aussi la journée ! Ça ne peut plus durer !

— Il t’a dérobé quelque chose ?

— Mais non ! Il ne cherche même pas à se dissimuler, il laisse des traces de son passage ! C’est soit un demeuré, soit un… un fou dangereux !

— As-tu des ennemis dans la profession ? Des jaloux ? Des ratés ?… Il ne t’est pas venu à l’idée que tu puisses le connaître ?

— Penses-tu ! Je ne marche sur les pieds de personne ! Mes clients sont tous des gens tranquilles ! Des passionnés parfois, des originaux même pour certains…

— As-tu constaté une effraction ? Par où entre-t-il ?

— Il doit passer par derrière, le rideau est baissé devant. Non, pas de casse, tu penses ! J’aurais appelé la police déjà ! Non, il me nargue je te dis ! Il laisse une tasse de café, un papier de chewing-gum, il déballe les stylos, et cette fois, il a déplacé les vitrines ! J’ai essayé de nier l’évidence devant Nadège, mais elle prend peur elle aussi…

— C’est par l’arrière que tu supposes une intrusion… répétai-je… Tu n’as pas condamné la porte ? Tu en as la clé ?

— Le verrou est toujours poussé de l’intérieur, et la clé est au clou sur le mur, oui… Où veux-tu en venir ?

— Je ne fais que procéder par élimination… vérifions, veux-tu ? dis-je en l’invitant du regard à m’emmener dans l’arrière-boutique.


Je lui emboîtai le pas pour le suivre au fond du logement lorsqu’il me fit volte-face, ses yeux incrédules m’implorant…

… Le clou pointait, vide, sur le mur !

Depuis quand ? Par qui ? De quelle manière ? et… pourquoi ?! Paul était tout à la fois désemparé, perplexe, effaré. Je tâchai de mon mieux de lui faire retrouver son sang-froid, après tout peut-être la clé avait-elle été remisée ailleurs ?


— Écoute, ouvre ta boutique normalement ce matin, je me poste en observation, veille à pointer les personnes qui entrent, pour m’en faire un portrait après coup, c’est forcément un habitué, et, qui plus est, il possède la clé !


Je laissai Paul à son magasin, et m’éloignai de quelques pas sur le trottoir, le temps de chausser mes lunettes de soleil et de déplier de ma poche un béret. Dangereux ? Non, je n’y croyais pas. Simple d’esprit plutôt, déconnecté de la réalité, pour agir ainsi.

Vue de loin, j’apercevais la silhouette d’un Paul qui me faisait penser à un pantin désarticulé, allant de long en large dans son magasin, faisant des grands moulinets de ses bras, semblant parler tout seul en invectivant Dieu sait quel fantôme… le magasin ? Hanté ?! Un esprit frappeur qui revient sur les lieux de quel crime ? Paul n’aurait-il pas davantage de détails à me révéler, sur l’histoire de ce commerce ? Cela faisait dix ans qu’il y officiait, lui, mais avant ? Une remontée dans le temps s’imposait, je le sentais…

Les clients franchissaient le seuil de « La Plumerie », par petites vagues. Je reconnaissais parmi eux quelques personnes entrevues lors de ma dernière faction. Cet étudiant désargenté, ce professeur d’université, ce journaliste négligé, ceux-là portaient sur leur visage et leur silhouette leur profession. Tel ou tel autre, plus anonyme, pouvait aussi bien être du monde de l’édition, des arts, ou des collègues de Paul. Certains se reconnaissant du même groupe se rassemblaient, échangeaient leurs points de vue, se congratulaient ; d’autres étaient solitaires, au regard fuyant, à la mine parfois sombre, style poète maudit.

Si je n’avais vu de mes yeux le chamboulement de l’intérieur de la boutique, rien n’aurait laissé paraître une quelconque anomalie. Même Paul semblait avoir repris pied, une fois la panique passée. À la pause de midi, je le rejoignis, attendant de lui ses premières observations :


— Tiens voici les noms des clients de la matinée. Oh, rien ni personne de surprenant, je m’en excuse. Ce n’est pas parmi eux que l’on trouvera une piste… soupira Paul, un peu las.

— Delric, Adnot, les frères Rimbat, le vieux Jacques, les petits jeunes des Beaux-Arts, Luc et Martin… j’énumérai les noms de la liste.


D’un air détaché, je demandai soudain à Paul :


— Et dis-moi ça fait quoi… dix ans que tu as repris l’affaire ? Tu as fait des transformations dans le magasin ? Des travaux, des nouvelles issues…

— Bien sûr depuis le temps ! La devanture a été changée, avec le rideau de sécurité, l’entrée du personnel sur la rue a été créée, pour abandonner l’accès par la cour intérieure, qui donne dans l’ancien logement à l’arrière-boutique.

— Si tu me décrivais l’ancien propriétaire, ce… ?

— Lecueil, Jean Lecueil. Quand il a dû se défaire du commerce, ça a été un crève-cœur pour lui. Il m’avait fallu faire rapidement mes preuves à l’époque, le vieux n’était pas très confiant. On ne l’a plus vu pendant des années, une sale maladie je crois, il perdait un peu la tête. Puis il a réapparu, misérable, négligé, engoncé dans son costume, seul vestige d’une situation passée plus enviable. C’est quand même lui qui m’a donné le goût de l’objet, il était passionné de stylos, les touchait, les couvait du regard, aimait les arborer à sa poche… Mais pourquoi me fais-tu parler de lui ?

— Vois-tu, tu n’as jamais constaté ni dégradations, ni vols ; seulement des intrusions, peu discrètes de surcroît. C’est forcément le fait d’un habitué, d’un nostalgique pourquoi pas, d’un maniaque probablement. Sois vigilant, il vient peut-être régulièrement, à ton insu, parmi ta clientèle… un jour d’affluence… par exemple le samedi ? Quand il t’arrive de t’absenter ?… lançai-je d’un ton narquois, tentant de dédramatiser l’affaire.

— Oui, tu vois juste ! Ce malade… c’est ça, il s’est introduit une fois, depuis la boutique a pris la clé, et revient quand ça lui chante !

— Je repasserai ces jours-ci, je ne pense vraiment pas que tu craignes quoi que ce soit. Tiens-moi au courant si tu le vois…


Le lendemain j’attendis le milieu de matinée pour me poster sur le trottoir face à la boutique. Un banc y était judicieusement installé, je m’assis donc pour lire mon journal. La rue s’animait peu à peu et je reconnus dans un groupe de personnes le couple qui s’était disputé un panier la semaine précédente. Un homme un peu bourru s’écarta du groupe pour entrer dans le magasin de Paul, déjà bien fréquenté. Je le reconnus à sa façon de remplir ses poches de ses poings serrés ; il était venu la première fois que mon ami avait fait appel à moi. Un frisson parcourut ma moustache… je devais m’intéresser à lui ! La circulation des bus et des taxis se faisait plus intense, et je décidai de me rapprocher de la vitrine. J’étais en train d’attendre mon tour pour traverser lorsque j’aperçus mon suspect surgir hors du magasin ! Sa silhouette lourde contrastait avec une foulée rapide qui me fit craindre de le perdre. Il tournait déjà au coin de la rue lorsque j’atteignis le trottoir d’en face. Par un coup d’œil en vitesse à l’intérieur de la boutique, j’eus juste le temps de voir Paul me désigner le quidam à grands gestes ! J’accélérai le pas. À l’angle de l’avenue je le retrouvai au loin, pour le perdre aussitôt.

Il venait de monter dans le bus ! Pour un coup d’essai, j’étais loin du maître ! Dépité je revins sur mes pas. Il me faudra plus de vivacité la prochaine fois…

Paul m’attendait sur le seuil, perplexe :


— Tu l’as vu ? C’était lui ! Quand j’y pense ! C’est par lui que… et c’est elle qui…

— Tu peux être plus clair ? Entrons, proposai-je en lui prenant le bras.


À l’intérieur régnait une ambiance insolite. Des clients entouraient la jeune étudiante en pleurs, qui hoquetait :


— Tonton ! Je voulais seulement l’aider ! Le médecin m’avait dit qu’il avait besoin de revivre de bons souvenirs ! Il aimait tellement son métier ! J’ai cru bien faire… je me suis présentée pour la place…


Paul m’éclaira :


— Elle est arrivée ce matin, préoccupée. Elle avait quelque chose à m’avouer me dit-elle. Si je m’attendais !


Il s’assit lourdement et poursuivit :


— Ils jouaient à la marchande la nuit, lui le vendeur, elle la cliente… Peu à peu il reprenait ses marques dans le magasin, l’ancienne disposition des articles, des meubles, elle l’aidait à tout modifier… Elle le voyait reprendre goût à la vie… jusqu’à la dernière fois où, à cause de ta lettre qu’elle avait subtilisée, elle a su que j’avais fait appel à toi. Elle s’est affolée. Quand tu as vu sortir Lecueil tout à l’heure, il venait de prendre sa nièce à partie, la suppliant malgré tout de lui laisser de nouveau la clé ! Je ressortais de l’arrière-boutique quand je l’ai fait fuir, il semblait fébrile et paniqué…

— Je ne voulais pas, enchaîna la jeune fille, j’avais trop peur qu’il attire l’attention des clients… et je ne veux pas perdre mon job ! supplia-t-elle Paul des yeux.

— Mais pourquoi aussi m’avoir caché que vous étiez parents ?! s’agaça mon ami.

— Vous m’auriez prise ? rétorqua-t-elle. Et puis de toute façon, maintenant… Elle haussa les épaules.

— Dites-moi où il partait en sortant d’ici, demandai-je à la nièce.

— Chez lui, par le train.

— J’ai encore une chance de l’avoir, dis-je en me précipitant au-dehors, vois si cette fois il ne te manque rien, Paul !


J’attrapai le bus aussitôt, terminus la gare. Les passagers s’amoncelaient d’arrêt en arrêt, mais même si j’arrivais à temps comment le distinguer d’entre tous les voyageurs ? Il m’avait paru si insignifiant jusqu’alors, et fugitif de surcroît ! Arrivé au terminus, le bus sembla peiner à se défaire de ses passagers tant la descente fut longue et laborieuse. Encore une fois, j’allais le perdre ! Je suivis le flot des voyageurs qui s’écoulait vers le départ des lignes. Un appel au haut-parleur annonçait l’arrivée imminente de l’omnibus. Je trouvai un emplacement un peu en hauteur pour toiser la foule et tenter de repérer cette anguille.


Dès l’entrée du train en gare, je l’aperçus sur le quai : un homme courtaud, au teint sombre, assez mou, portant des lunettes sans monture et vêtu d’un complet infroissable trop juste, dont la pochette s’ornait de toute une collection de stylographes. Il s’agissait bien de mon homme !

Je montai dans le même wagon que lui, et m’installai de façon à le garder discrètement dans mon champ de vision. Il avait le regard absent d’un homme las, désabusé. Il portait régulièrement la main à la poche de sa veste, comme pour se rassurer sur le sens de sa vie.

À l’arrêt suivant, il se leva pesamment, et je lui emboîtai le pas.

J’attendis qu’il soit parvenu en dehors de la gare, à guetter un taxi, pour l’aborder :


— Monsieur Lecueil ?


Sans surprise, l’air résigné, soulagé même d’être parvenu à la fin de sa cavale, il me toisa dans un dernier élan de fierté. Je tendis la main, et il me remit le Trophée de l’année, dans son écrin. Son trophée. Son masque venait enfin de tomber.


 
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   ANIMAL   
13/3/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une nouvelle policière plutôt bon enfant qui me fait penser à l'une de ces énigmes destinées aux ados à l'époque de la Bibliothèque Verte ou Rouge et Or. C'est un compliment car cela change agréablement des histoires sanglantes bourrées de violence et de sexe à outrance.

Ici, le lecteur se laisse porter par cette enquête sans prise de tête, servie par des détectives amateurs plutôt bien campés qui évoluent dans une ambiance feutrée. Tout se résout sans drame et le "crime" était commis pour une bonne cause.

Que demander de plus pour passer un bon moment avec cette histoire sympathique.

   cherbiacuespe   
15/3/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Un policier sans prétention et sympathique. On se perd parfois à cause de quelques longueurs dans l'enquête mais on peut se dire aussi qu'elle est menée par un ancien professionnel plus trop habitué à ce boulot ("Mon expérience passée en matière de filature me servirait"). La construction donne parfois une impression de fragilité. Pourtant ce n'est pas mal écrit, les dialogues sont convaincants, rien d'absurde dans le déroulement de l'histoire. Je pense cependant que cette idée originale aurait méritée un traitement plus efficace.

Cherbi Acuespè
En EL

   maria   
19/4/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour oiselle,

Un bon policier sans violence ! C'est original et, pour moi, réussi.
Il y a du suspens, l'énigme est résolue. et le "tonton" m'a touchée.

J'ai beaucoup aimé l'endroit. Je me suis même amusée à penser que des auteurs allaient se casser la tête à inventer et écrire une histoire avec les stylos qu'ils venaient d'acheter, alors qu'il s'en passait une belle à La Plumerie.

Merci et bravo pour ta première nouvelle ici.
Bonne continuation, oiselle.

   Anonyme   
21/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour oiselle,

Une petite histoire policière sympa, ça change ! Le ton tranche avec ce qu'on trouve habituellement ici, on retrouve un peu les histoires qu'on lisait durant les vacances de notre enfance, pas aussi mystérieux que les Trois Jeunes Détectives d'Alfred Hitchcock mais presque.

Une question : le personnage de Nadège, je l'aurai bien vu revenir un peu dans l'histoire, pourquoi l'avoir 'rangé' sitôt son rôle terminé ?

Malgré ça, c'est reposant, le texte se lit tout seul.

   thierry   
22/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bravo ! C'est bien écrit ; peut-être quelques phrases à améliorer mais le déroulé se fait très bien.
Le rythme régulier et les bons enchaînements font la force de cette nouvelle dont le support est très élégant.
J'aurais bien passé un peu plus de temps avec ce Lecueil et sa nièce afin d'en savoir plus sur la psychologie de cet amoureux et - pourquoi pas - en apprendre un peu plus sur les stylos.
Bref, cette histoire se lit bien et, dans son joli cadre, je la trouve très comestible. Pas facile de créer une intrigue avec des gens tous sympathiques !
Merci pour cette lecture


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