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Humour/Détente
Quetchi : Le CSP - Cadre Sup' Planqué
 Publié le 04/04/07  -  7 commentaires  -  10769 caractères  -  55 lectures    Autres textes du même auteur

Le premier volet d'une série qui expose le quotidien véridique d’une poignée de travailleurs acharnés.


Le CSP - Cadre Sup' Planqué


- Tu vois Béatrice, tous les jours sur ma messagerie personnelle, je reçois une dizaine de mails vantant les mérites du Viagra ou des prothèses pour pénis. (Grande inspiration, sourire en coin, mains s’agitant frénétiquement en gestes de dénégation.) Mais je te rassure, je n’en ai pas besoin ! Sais-tu comment je peux m’en débarrasser ?

- Oui. Arrête d’aller sur les sites pornos.


Mon CSP s’appelle Jean-François. Il frise la cinquantaine grisonnante et reste convaincu que le clavier est réservé à une classe inférieure, les secrétaires (pardon, les "assistantes", mais ce terme moderne n’est pas encore entré dans son vocabulaire). Comme son rang l’exige, il pratique des horaires irréguliers : arrivée à neuf heures tapantes (neuf heures trente en l’absence du chef), départ à dix-huit heures (dix-sept heures trente en l’absence du chef).



Journée type :


9 heures (cas extrême) : Jean-François arrive d’un pas de gastéropode tranquille, pose ses affaires, trifouille son nez et son entrejambe dans la foulée. Il allume son ordinateur, et le temps que l’interface Windows apparaisse et qu’il puisse enfin commencer à travailler, décide d’aller prendre un café. Productivité, productivité.


9 heures 30 : Retour dans le bureau. À la cafétéria, Jef a croisé d’autres cadres sup’ dont les PC sont également facétieux au démarrage. Ils ont discuté des lenteurs informatiques, du temps, de la petite nouvelle si bien roulée et se sont glissé en forme de confidences quelques mots sur le boulot.


- En ce moment, je suis surbooké.

- C’est comme moi, je ne vois pas le jour.


9 heures 40 : Clic simple sur l’icône messagerie. Aucune réaction. Second clic. Toujours rien.


9 heures 42 : Se souvient qu’il faut double-cliquer. Plus vite.


9 heures 43 : Entrée intempestive du chef, qui réclame à cor et à cri un travail demandé il y a quinze jours.


- Concrètement Jean-François, tu en es où ? Tu as avancé ?

- Non mais attends ! Bien sûr, Alain. J’y consacre tout mon temps depuis trois jours.

- Bon, on en parle demain matin. Ça passe en comité vendredi.


Alain est soulagé d’apprendre que son cadre sup’ est occupé depuis trois jours… On est mercredi, il aurait donc travaillé dimanche ? Il sourit et se félicite intérieurement d’avoir donné la même chose à faire en parallèle à une autre personne du service.


9 heures 50 : Jef décroche son téléphone pour appeler une petite assistante fraîchement recrutée, dans une des filiales du Nord. Il se tourne vers le mur et baisse la voix tout en dissimulant l’appareil (croit-il réellement qu’on ne voit pas le fil qui relie son oreille au bureau ?). Tout en se triturant le nez, il lui fait comprendre que malgré son emploi du temps chargé, il a toujours une petite pensée pour elle. La petite est confondue et ravie : il est si gentil. Et puis surtout, elle ne l’a jamais vu et est persuadée qu’il a quinze ans de moins. Elle aura un choc à la prochaine réunion générale.


10 heures 20 : Comme il a déjà le combiné en main (productivité, productivité), Jef se décide à passer un coup de fil à sa femme. Celle-ci, qui essayait de le joindre depuis trente minutes, l’insulte copieusement et le traite de coureur de poufiasses.


10 heures 35 : Entrée intempestive du chef.


- Dis donc, Jean-François, je ne te vois pas beaucoup travailler !

- Non, mais attends ! Le téléphone n’arrête pas de sonner. Les filiales sont beaucoup trop dépendantes du siège ! Isabelle de Lille avait besoin de…


Trop tard. Alain est parti.


11 heures :


- Tu réfléchis ?


La voix profonde et grave de Roger le fait sursauter. Jef s’aperçoit alors qu’il contemple son écran depuis vingt-cinq minutes, l’esprit vide. Il prend note : cette pose lui donne l’air d’un grand penseur. À refaire à la première occasion.


- Évidemment, je réfléchis.

- Ouais, c’est vrai, toi t’es cadre, t’es payé pour. Pas moi. Alors, si ça ne t’ennuie pas, tu peux me donner ta réponse à propos du dossier Machin ?


Jef se lève, se gratte l’entrejambe (Roger peut comprendre, ce n’est pas un cadre, mais c’est un homme quand même) et se dirige vers le dossier posé sur une table à l’autre bout de la pièce. Il soulève tout doucement la page de garde, la repose au même rythme et la soulève à nouveau. Puis ricane.


- Chi chi chi ! Tu vas rire ! Je n’ai pas eu le temps de le regarder.

- Et tu penses le faire quand ?


Oh, ça y est, le non-cadre commence à le gonfler.


- Non, mais attends ! Je suis débordé. J’ai un comité à préparer pour vendredi. Tu n’as aucune idée du travail que cela peut représenter.

- Le comité sur les sociétés Truc et Chose ?

- Oui ! (soupir exaspéré)

- Ben, ce n’est pas Béatrice qui le fait ?


Tiens, information intéressante. Alain, fidèle à ses habitudes a donné le même boulot à deux personnes différentes… À creuser.

Roger n’obtiendra jamais de réponse à sa question. Jef est reparti dans ses pensées supérieurement cadrées.


11 heures 20 : Se décide enfin à s’intéresser à son téléphone, dont c’est la quatrième salve de sonneries en dix minutes.


11 heures 21 : Merde. C’est professionnel. Et c’est un homme.


11 heures 30 : Arrive dans mon bureau.


- Béa, tu es sur le comité pour vendredi ?

- Oui, toi aussi ?

- Ouais, mais je n’ai rien fait.

- Jef, tu abuses.


Je soupire.


- Tu ne vas pas me dire comme ma femme que je suis le plus mou, le plus lent et le plus con ?


J’éclate de rire.


- Euh, non, pas dans ces termes en tout cas !


« Pétasse », pense Jef. « Pétasse. »


- Ça t’ennuie qu’on dise à Alain que…


Entrée intempestive du chef.


- On sera prêts pour le comité, Béatrice ?

- Jef et moi sommes dessus. On a presque terminé.


« Bien. Mais t’es toujours une pétasse. »


Il passe l’heure et demie suivante à tenter de se concentrer sur ce que j’ai fait. Sans résultat.


13 heures : Jef se met en quête d’un responsable - si possible, pas le sien - qui acceptera de faire dînette avec lui. Sa victime ressortira de ce déjeuner perturbée par ses ricanements incessants (chi chi chi) et la lenteur prodigieuse qu’il déploie pour manger ses fruits avec ses doigts (doigts déjà fortement sollicités tout au long de la journée).


14 heures 20 : Jef éprouve un besoin urgent d’appeler une jolie petite assistante d’une des filiales de l’Est.


14 heures 25 : Entrée intempestive de la pétasse. C’est-à-dire moi. Il me fait comprendre par signes que sa conversation téléphonique risque de s’éterniser. Aucun problème. Je m’assois en face de lui et j’attends.


14 heures 30 : Il se sent obligé de raccrocher. Et demande d’un ton mielleux :


- Voui ?

- Tu sais, pour le comité, j’ai effectué des recherches sur les impayés et les matos qu’on peut récupérer mais…


Bla bla bla. Elle parle trop vite la pétasse. Jef décroche.


- … donc, si tu pouvais aller voir Nathalie...


Ça y est, j’ai capté son attention. Pour être sûr qu’il participe, il suffit de l’envoyer voir une jolie fille. Productivité, productivité.


- Nathalie ?

- Oui tu sais, elle nous a déjà dépannés là-dessus la dernière fois. Elle a un fichier avec...


Incroyable. Je l’ai à nouveau perdu. Je parle vraiment trop vite.


- Bon, demande-lui de sortir ce qu’elle a sur ces deux dossiers.


14 heures 45 : Jef sort de chez Nathalie, chagriné. Par malchance, elle était absente et il a dû s’adresser à l’un de ses collègues, certes sympathique, mais beaucoup trop viril à son goût. Dans le couloir, il croise une gentille et bien mignonne petite stagiaire - on est en juillet, c’est la saison – qu’il invite à prendre un café. Il passe trente minutes à lui faire les yeux doux et à tenter de lui faire croire qu’il est responsable adjoint. Il lui promet de revenir la voir le lendemain. Elle se promet de demander un changement urgent d’affectation.


15 heures 30 : Jef pénètre dans son bureau, remonte son pantalon de la main gauche et vérifie de la droite qu’il y a toujours quelque chose entre ses jambes. Parfait, tout est là.


16 heures : Entrée intempestive de la pétasse, deux comptables et deux informaticiens. Ces réunions surprises sont intolérables : comment peut-on planifier son travail de manière efficace dans ces conditions ?


16 heures 04 : Visiblement, cette réunion était prévue depuis longtemps.


16 heures 15 : Bla bla bla. Jef est largué. De temps en temps, il ricane – chi chi chi – ou hoche la tête pour faire illusion.


- … qu’en pense le chef du projet ?


Cinq paires d’yeux se tournent vers lui, débordantes d’espoir. Merde ! Mais qu’est-ce que c’est que ce projet dont il serait responsable ?

DRIIIINNNG ! Sauvé. Le téléphone est vraiment le meilleur ami de l’homme.


16 heures 16 : Chic, c’est professionnel. Jef a enfin une occasion de briller : il beugle et déballe tout son vocabulaire technique. Peine perdue. Les cinq crétins en face de lui ont repris tranquillement leur conversation.


16 heures 30 : Bla bla bla. L’esprit de Jef vagabonde à la recherche d’une remarque intelligente qui lui permettrait d’intervenir dans le débat. Trouvé !


- Les états sont imprimés sur dix pages et il y a beaucoup d’espaces blancs. Sur cinq, ce serait mieux.


Silence embarrassé. Pour la remarque intelligente, c’est raté. Les deux comptables éclatent de rire et pétasse glousse. Charitable, l’un des informaticiens lui enfonce la tête sous l’eau en indiquant que pour régler ce genre de détails, il n’est peut-être pas nécessaire de réunir six personnes.


17 heures : Enfin seul. Le moment semble bien choisi pour prendre des nouvelles de sa mère tout en lisant ses mails. Productivité, productivité.


17 heures 20 : Tiens, piaillements féminins qui viennent de chez Roger. Le CSP a soudain une envie pressante d’aller dans le bureau du non-cadre pour envoyer un fax.


17 heures 23 : Encore une déception. Cette femme a presque son âge. Il se met tout de même à tourner comme une toupie autour de la machine pour montrer qu’il est très occupé.


17 heures 40 : Entrée intempestive du chef. Jef tressaille et sort les doigts de son nez.


- La réunion de tout à l’heure s’est bien passée ?

- Super. Je maîtrise la situation. J’ai réussi à les convaincre de…


Trop tard. Alain est parti.


17 heures 57 : Déjà ? Jef range ses affaires et éteint son ordinateur. Plutôt que de prendre l’ascenseur (option l’obligeant à passer devant le bureau du chef), il préfère descendre les quatre étages à pieds. Il en profite pour réfléchir à la journée mouvementée qui l’attend demain. Productivité, productivité.


 
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   Fattorius   
4/4/2007
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Certains éléments sentent le vécu... et ceux qui l'ont vécu aussi s'y reconnaissent (lenteurs informatiques, etc.).

Parfois un peu répétitif, ce qui est accentué par l'option de détailler un agenda - ce qui donne par ailleurs un caractère sec à un sujet cocasse par ailleurs.

   nanardbe   
4/4/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
très chouette j'ai bien ris (note je sais pas si c'est le but?)

Mais sinon c'est génial ;-)

   Nico   
4/4/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
J'ose espérer que c'est un petit peu exagéré quand même...

Sinon, c'est agréable à lire. Pas toujours facile de comprendre qui narre l'histoire.

   Banshee   
4/4/2007
Tiens, une curiosité ! Pas mal... on dirait un peu le morceau "Un homme pressé" de Noir Désir :p. Malheureusement, si c'est drôle, la forme ne suit pas et casse le rythme.

   Quetchi   
5/4/2007
Merci à tous pour vos remarques. Pour répondre à Nanardbe, le but était bien d'en rire et Nico, euh... ce récit est vraiment très peu exagéré.

   Maëlle   
15/4/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Drôle, et puis j'aurais bien envie de dire que ce gars là, je le connais, mais il est pas si pire que ça, quand même (ou dans un autre genre...)

   Marsupilmi   
16/4/2007
 a aimé ce texte 
Bien
Je peux confirmer qu'avant ma prise de retraite c'était exactement comme ça ; aujourd'hui peut-être est-ce limité à la fonction publique ?


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