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Humour/Détente
Siderakis : Un poisson nommé Richter
 Publié le 01/12/10  -  9 commentaires  -  14126 caractères  -  54 lectures    Autres textes du même auteur

Comment un poisson rouge et grec devient mascotte d'un ferry...


Un poisson nommé Richter


Chaque fois que je passe quelques jours à Athènes, de préférence à une époque où les hordes touristiques commencent à se clairsemer, je ne manque jamais d’arpenter la rue Athinas, dans un sens ou dans un autre, bien souvent dans les deux, entre Omonia et Monastiraki.

Pourquoi la rue Athinas ? D’abord parce que son nom m’a toujours semblé facétieux : selon l’accentuation, cela peut se traduire par « la rue d’Athena » ou « la rue d’Athènes ». Or, s’il est banal de trouver dans n’importe quelle ville de nos provinces une rue de Paris, personne n’imaginerait un instant qu’on puisse trouver une artère ainsi baptisée en notre capitale. Et il paraît assez logique qu’il en soit de même dans n’importe quelle cité du monde. Et pourtant, au pied de l’Acropole, c’est bien ce qui se passe si vous n’êtes pas familiarisé avec la langue démotique et avec les ruses de l’accent tonique.

Mais là n’est pas la raison principale de l’attrait que j’éprouve pour cette rue. Au long de l’odos Athinas, je pourrais presque marcher les yeux fermés, me laisser guider par les bruits, par les odeurs, par les cris et les appels des vendeurs, me repérer à l’emplacement familier des périptères. Au parfum du café torréfié, savoir que j’approche de son carrefour avec Evripidou si j’ai emprunté le trottoir de droite en remontant vers Omonia. Si je suis par contre de l’autre côté, ce sont les boutiques des grainetiers qui vont me guider et me signaler l’approche de Monastiraki, donc le moment de rebrousser chemin et de fuir le quartier où viennent s’agglutiner les touristes. Aux effluves de viande étalée et de poisson, je sais ensuite que je me trouve à la hauteur du marché central – kentriki agora – et que bientôt, après les échoppes de médiocre maroquinerie ou de surplus militaires, j’arriverai à la place Ethnikis Antistasis, au-delà de laquelle la rue Athinas, maculée aujourd’hui par un grand magasin Marinopoulos, perd un peu de son charme.


Cependant, avant de devenir une rue presque semblable aux autres rues d’Athènes, la rue Athinas ici nous réserve une dernière surprise : une animalerie, un des rares magasins de la capitale qui propose des oiseaux de toutes sortes, quelques chiots impitoyablement exposés en vitrine, et tout ce que l’amateur recherche pour installer un aquarium dans son appartement, pour ensuite le peupler comme il se doit de poissons exotiques de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Les Grecs ne s’intéressent que depuis quelques années seulement aux animaux domestiques, et encore le font-ils de façon très inégale ; le chat reste pour eux un animal qu’ils côtoient mais qu’ils ne cajolent guère, qu’ils laissent vivre sa vie de chat, et c’est sans doute pour cette raison, pour le soleil et les murs chauffés à blanc, que les chats se trouvent si bien en ce pays. Le chien par contre commence à se frayer une place autre que celle dévolue depuis des siècles à ses congénères, voués à l’errance famélique ou à la garde des troupeaux et alors protégés des loups par d’impressionnants colliers hérissés de fer. Quant aux poissons d’ornement, ils se contentent pour l’heure de décorer une ou deux boutiques chics de la rue Ermou ou quelques appartements distingués de Kolonaki.


J’avais donc été assez étonné la première fois que j’avais vu, dans la vitrine de ce magasin situé à l’angle d’Athinas et de la place Ethnikis Antistasis, plusieurs aquariums peuplés de poissons souvent microscopiques mais tous plus beaux les uns que les autres.

L’un d’eux en particulier avait immédiatement retenu mon attention car, au lieu de s’ébattre bêtement et de faire, comme l’Argan de Molière, des allées et venues dans le sens de la longueur ou de la largeur, il restait au milieu de sa cage de verre et me fixait de ses yeux bagués de blanc. À force de l’observer, je me rendis compte que les bulles qui sortaient de ses lèvres suivaient une cadence tout à fait irrégulière, comme si elles transcrivaient une sorte de code. Je battis alors le rappel des notions que j’avais pu acquérir en ce domaine pendant les douze mois où, sous prétexte de défense nationale, les autorités de mon pays m’avaient fermement invité à porter l’uniforme et où j’avais pu, grâce à des protections inavouables, servir comme plombier auxiliaire dans une unité du contre-espionnage. Je compris qu’effectivement cette pauvre bestiole, elle-même initiée aux codes secrets par un vieux morse qui avait fait retraite dans les eaux tropicales, essayait de me transmettre un message.


À force de patience réciproque, de bulles raturées et de mimiques balbutiées, je fus convaincu que mon interlocuteur éprouvait derrière sa paroi de verre un ennui bien normal et une non moins légitime nostalgie, mais non tellement à l’égard de ses mers natales, de leurs massifs coralliens et de leurs plages enchanteresses. Non, ce qui lui manquait par-dessus tout dans ce parallélépipédique bocal, c’étaient les vagues, l’agitation des eaux tropicales, tantôt bercement mollement cadencé, tantôt colère annonciatrice pour les rivages voisins de typhons destructeurs et de tornades dévastatrices. Et comme c’était un poisson cultivé qui non seulement connaissait les chansons de Bobby Lapointe et les poèmes de Charles Cros, mais également les grands classiques de la littérature universelle, il se mit à me débuller du Baudelaire :


Les houles, en roulant les images des cieux,

Mêlaient d’une façon solennelle et mystique

Les tout-puissants accords de leur riche musique

Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.


Tout cela me touchait profondément mais par ailleurs je voyais difficilement ce que je pouvais faire pour porter secours à cette bestiole, d’autant que je devais absolument reprendre dès le lendemain l’avion du retour. Lâchement je tournais le dos à mon poisson rouge, non sans lui avoir prodigué d’artificieuses et vaines paroles de consolation.

Passèrent les semaines et les mois, jusqu’à mon retour en Grèce. Comme à l’habitude, mes premiers pas me dirigèrent vers la rue Athinas et vers le magasin animalier. Mais derrière la vitrine, je n’aperçus aucune silhouette familière ; les poissons qui se trouvaient là me contemplaient brièvement d’un œil fixe et stupide, puis tournaient vers moi une nageoire caudale souverainement indifférente. Peut-être même pouvait-on déceler dans leur mouvement vers l’intérieur de la boutique, une once de mépris. À moins que ce ne fût l’effet de mes remords renaissants …

Cette année-là cependant, je ne pouvais m’attarder très longtemps dans la capitale. J’avais dû céder à l’insistance d’un couple ami et promettre de les rejoindre pour plusieurs jours dans une petite maison de famille qu’ils possèdent sur l’île d’Eubée, à Kimi. Manolis et Vanguelia travaillent tous deux au Pirée, ils y louent un modeste appartement non loin de la place Karaïskaki, mais dès que viennent les beaux jours, ils gagnent Kimi tous les week-ends et s’y installent pendant leurs deux semaines de vacances.

Parti très tôt d’Athènes, j’arrivai à la plage au bas de Kimi à une heure où j’étais à peu près sûr de les trouver en pleine séance d’héliothérapie, comme disent les Grecs. Je n’éprouvais quant à moi nulle envie de m’attarder au soleil et, après un bain rapide, j’acceptai leur proposition de partir en premier et de les attendre tranquillement en compagnie de leur bouteille d’ouzo.

Je retrouvai avec plaisir les petits chemins sous les oliviers, la maison avec sa terrasse ombragée d’une vigne et son cyprès, flamme noire d’une bougie funèbre, stèle mnésique de tous ceux qui ici et dans les champs alentour avaient peiné de toute leur sueur, s’étaient buriné le front de tant de rides. Comme bien des paysages grecs, celui-ci me fait toujours remonter à la mémoire certains vers du poème de Yannis Ritsos « Romiosini » :


Tous ont soif, depuis des années

Tous mâchent une bouchée de ciel au-dessus de leur amertume.

Leurs yeux sont rouges à force de veiller

Une ride profonde gîte entre leurs sourcils

Comme entre deux collines, au crépuscule, un fin cyprès.


En pénétrant dans la pièce principale, je fus surpris de voir des lumières mouvantes dissiper par instants la pénombre. Je pensai que mes amis avaient oublié d’éteindre la télévision mais je me fis la réflexion que Manolis et Vanguelia ne la regardaient pour ainsi dire jamais, et surtout pas le matin. Le soir déjà, Manolis pestait régulièrement contre l’indigence des chaînes grecques, envahies par la publicité et les séries américaines. Curieux… Et puis, en me rapprochant, je compris mon erreur : ce que je prenais pour un récepteur allumé était en fait un aquarium habilement aménagé dans un énorme récepteur 16/9, doté d’un éclairage tamisé qui diffusait une douce fluorescence. Le décor était constitué classiquement de graviers, de plantes aquatiques et de corail ; au milieu de tous ces éléments, incongrue, une échelle de bois à neuf barreaux. Et tandis que je m’interrogeai sur la raison de cette présence insolite, sortit d’un buisson le locataire de ces lieux, un magnifique poisson d’or sous les traits de qui je ne tardai pas à reconnaître mon ami de la rue Athinas. Après les premières effusions – notez que j’emploie volontairement un terme vague, car « embrassades » eût été ridicule ! –, nous engageâmes la conversation, prématurément interrompue au stade des banalités par le retour de Manolis.


- Ah je vois que tu as fait la connaissance de Richter ! me dit-il.

- ??? m’étonnai-je.

- Oui, nous l’avons baptisé ainsi parce que nous avons remarqué un phénomène surprenant : à chaque fois qu’un tremblement de terre se prépare dans la région – et tu sais que dans cette partie de la Grèce, c’est chose fréquente – il ne se tient plus de joie et il se livre, sur son échelle, à des acrobaties telles que j’ai pensé un moment lui installer un filet. Mais ce que j’ai remarqué, c’est qu’il finit toujours par effectuer ses galipettes autour du même barreau, et qu’immanquablement, cela nous indique le degré atteint par l’imminent séisme. C’est pour cela qu’on l’a appelé Richter. J’ai essayé de faire profiter les autorités de ce don divinatoire et piscicole, mais jusqu’à présent, tout le monde m’a pris pour un farceur…


Je n’étais pas loin de me ranger à cet avis, d’autant que je savais Manolis volontiers porté sur les galéjades. Mais je me fis la réflexion qu’à une autre époque nous avions nous-mêmes connu en France un présentateur radio qui s’aidait d’une grenouille complice pour délivrer au public ses prévisions météorologiques… Et puis je pris finalement le parti le plus sage, celui d’interroger l’intéressé lui-même.

Richter me confirma qu’il avait pu, grâce d’abord au voyage en voiture d’Athènes jusqu’à Kimi, grâce ensuite aux séismes qui secouent régulièrement la région de l’Eubée, retrouver les sensations oubliées dont il m’avait entretenu lors de notre première rencontre.


- D’ailleurs, tu vas comprendre bien vite, me déclara-t-il à grand renfort de phylactères, une secousse de force 5 se prépare.


Effectivement tout se mit bientôt à trembler, un grondement sourd semblait entourer la maison, les meubles jouaient des claquettes sur le carrelage, et à l’intérieur du buffet, les verres s’entrechoquaient, les assiettes oscillaient les unes dans les autres en même temps que le reste de la vaisselle s’agitait en rythme. Quant à Richter, il appréciait au plus haut point cette version améliorée de la tempête dans un verre d’eau, se livrant à mille gracieuses cabrioles autour du cinquième barreau de son échelle, tandis que les vagues se creusaient à la surface de son aquarium, venaient se briser avec fracas contre les parois de son meuble, que les embruns nous fouettaient le visage et que l’ampoule de l’abat-jour rivalisait de clignotements avec le phare du cap Mandili.

Heureusement, les tremblements de terre, s’ils sont impressionnants dans ces contrées, ne durent jamais très longtemps. Quand je dis « heureusement », je n’exprime d’ailleurs là qu’un point de vue très égoïste, car Richter m’avoua bientôt qu’il eût préféré une activité tellurique prolongée et, pour tout dire, quasi permanente. Il me confia aussi que chaque séisme, s’il le remplissait de joie sur l’instant, ne faisait au fond que raviver sa nostalgie. Visiblement la neurasthénie guettait Richter, et cette fois, je ne pouvais en conscience l’abandonner à cet avenir de mélancolie et de dépression.


Le soir même, je m’en ouvris à Vanguelia et Manolis. Mes amis n’étaient pas des gens sans cœur – sinon ils n’auraient pas été mes amis – et ils comprirent, malgré tout leur attachement pour Richter, que la situation leur imposerait bientôt une séparation.


- Il me vient une idée, déclara soudainement Manolis.


C’était un peu inattendu, non que mon ami fût dépourvu d'idées souvent ingénieuses, mais parce que celles-ci lui arrivaient généralement à partir du sixième ou septième verre d’ouzo, alors que nous n’en étions qu’au quatrième.


- Je connais bien le chef mécanicien du Lycomides, le ferry qui fait deux fois par jour la navette entre Kimi et l’île de Skyros. Deux heures de voyage, sur une mer qui est bien souvent secouée par les vents étésiens. Cela pourrait convenir à notre Richter.


Le lendemain, nous rencontrâmes l’homme d’équipage dans une taverne des quais. Notre proposition l’enchanta particulièrement, d’autant que son ferry venait de perdre sa mascotte.

La séparation fut bien sûr déchirante : Richter, les yeux noyés de larmes, Vanguelia, le cœur oppressé, Manolis les mâchoires virilement serrées pour ne pas éclater en sanglots, tous préférèrent écourter cette trop rude cérémonie, non sans avoir toutefois accablé le quartier-maître et le capitaine de mille recommandations.


Avant de quitter Kimi et mes hôtes, je tins à prendre des nouvelles de mon vieil ami. Je fus tout à fait rassuré lorsque le mécanicien des Skyros Ferries m’apprit que non seulement mon poisson rouge avait recouvré ses plus belles couleurs, mais que désormais, à la moindre saute d’humeur boréale comme aux plus terribles colères du meltem, il se livrait à ses acrobaties prophétiques autour d’une échelle de Beaufort.


 
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   Anonyme   
18/11/2010
 a aimé ce texte 
Bien
Une nouvelle simple et très agréable pour ça. D'une part j'aime l'effort fait pour planter le décor, pour nous plonger dans la vie d'Athènes. Certes la multiplication des noms grecs est parfois un chouïa lassante dans le sens où celà n'apporte pas grand chose au texte, mais c'est quand même une bonne mise en place. J'aurai aimé que l'auteur insiste un peu plus sur les sensations cepenadnt et les bruits.

La suite roule doucement, et se lit facilement. Certes le poisson rouge n'est pas tropical, mais dans ce genre de récit ce défaut est bénin.

Et une chute attendue mais pliasante en ce sens où elle ne nous trompe pas, et se lit avec plaisir.

Breef, un bon texte plaisant.

   costic   
21/11/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai adoré faire la connaissance de l'admirable Richter. L'écriture est soignée et on dévore la nouvelle avec facilité. Seule la mise en route et les explications sur la rue Athinas m'ont parues un peu superflues . Les autres descriptions sont savoureuses. Je souhaite bon vent à ce poisson devin et aventureux espérant qu'il connaisse de fortes houles.

   doianM   
24/11/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Si j'ai bien compris l'histoire le poisson Richter ne prévoit pas les séismes: il les interprète à sa manière, quand ils se produisent, il s'en réjouit.
Toutes les secousses lui sont agréables, d'où la fin de sa carrière sur un bateau.
Amusant sujet. Et davantage la communication établie par le narrateur à l'aide du code Morse.

L'écriture est fluide, plaisante. On peut trouver le style un peu prétentieux. Ca gêne pas outre mesure. Puis ça dépend du goût du lecteur.

L'économie du texte. On lit tout, on apprécie la précision des détails sur la rue Athinas. Intéressants.
Cependant, le sujet étant ailleurs, nous arrivons au micro-drame ressenti par les auteurs, professionnels et amateurs: un passage est sublime, exceptionnel; or, la mort dans l'âme, je le trouve inutile dans l'architecture de l'ouvrage.
Et je dois le supprimer.

J'ajoute, pour éviter tout malentendu, que les passages peut-être superflus, ne manquent pas cependant d'intérêt.

Merci et bonne continuation

   Anonyme   
24/11/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Histoire amusante avec un poisson sympathique.
Des passages un peu longs dans la description des rues, c'est le cas des trois premiers paragraphes. Les idées sont intéressantes comme le cas de la rue Athinas, et l'ambiance créée par les commerçants. Mais on ne rentre pas assez vite dans le vif du sujet. Comme cette partie :"Cette année-là cependant, je ne pouvais m’attarder très longtemps dans la capitale. J’avais dû céder à l’insistance d’un couple ami ... ils gagnent Kimi tous les week-ends et s’y installent pendant leurs deux semaines de vacances." Est ce que tout ce paragraphe est utile à l'histoire ? A mon avis, cela casse le rythme.
En fait cela donne l'impression qu'il y a deux histoires : l'histoire du poisson, et une visite touristique en Grèce, les deux mériteraient à mon goût d'être davantage mêlées.
Bonne continuation

   alifanfaron   
1/12/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une histoire pour le moins originale, une écriture très agréable qui, par sa maîtrise, nous fait passer les "bizarreries" du texte pour normales. C'est rafraichissant et léger. C'est un texte qui donne le sourire.

   aldenor   
5/12/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J’ai un faible pour Athènes ; je me suis réjoui de la promenade, un peu insistante quand même…
Les traits d’humour sont nombreux et réussis. Encore que pas toujours suffisamment mis en valeur. Car il manque à l’écriture une certaine concision.
Par exemple, prenons le grand moment, la rencontre avec Richter :
« … au lieu de s’ébattre bêtement et de faire, comme l’Argan de Molière, des allées et venues dans le sens de la longueur ou de la largeur, il restait au milieu de sa cage de verre et me fixait de ses yeux bagués de blanc. À force de l’observer, je me rendis compte que les bulles qui sortaient de ses lèvres suivaient une cadence tout à fait irrégulière, comme si elles transcrivaient une sorte de code. Je battis alors le rappel des notions que j’avais pu acquérir en ce domaine pendant les douze mois où, sous prétexte de défense nationale, les autorités de mon pays m’avaient fermement invité à porter l’uniforme et où j’avais pu, grâce à des protections inavouables, servir comme plombier auxiliaire dans une unité du contre-espionnage. Je compris qu’effectivement cette pauvre bestiole, elle-même initiée aux codes secrets par un vieux morse qui avait fait retraite dans les eaux tropicales, essayait de me transmettre un message. »
Beaucoup de détails sont très drôles : cette manière de glisser les « protections inavouables ». Le vieux morse ! Plombier auxiliaire du contre-espionnage ! Et bien sûr les bulles, une idée géniale ce morse en bulles.
En même temps certaines lourdeurs gâchent la lecture :
« À force de l’observer, je me rendis compte que les bulles… » ; suggestion : « Etonnamment, les bulles … »
« Je compris qu’effectivement » est superflu et « bestiole » me semble inapproprié pour un poisson… Un point d’exclamation serait le bienvenu : « …me transmettre un message ! »
Merci pour le bel extrait de Yannis Ritsos, mais ces citations de poèmes me paraissent ici déplacées.
Un peu confus sur le thème, entre code-bulles et prévision des séismes, sans qu’on n’en saisisse le lien. L’échelle Richter tarde à paraître.
Le titre, (inspiré de « A fish called Wanda » ?), n’est peut-être pas le meilleur.
Mais plein de bonnes idées et de bons passages d’écriture.

   marogne   
5/2/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Il manque presque les jambes de Wanda … Non c’était le poisson n’est ce pas ? Mais il n’est pas forcément anormal que l’on se rappelle des jambes, non ?

Commentaire du texte ? Pourquoi pas, dans le film le sort du héros est moins gai, mais presque plus poétique.

C’est la poésie qui me manque un peu ici. On rentre dès le début du texte dans la Grèce, on arrive presque à sentir les odeurs, à entendre les bruits de la ville, mais on hésite entre brochure et passion, et l’auteur donne l’impression de fuir son cœur pour se réfugier dans la raison. C’était beau de voir le poisson communiquer par bulle, ou en regardant le passant, et l’explication « mammifère marin » de peu d’utilité, voire contre-productive (« productivité » en voilà un mot dont on ne pourra pas critiquer la trop grande poésie).

L’épisode sur l’île, qui aurait pu aussi donner prétexte au voyage, pas au voyage, à l’immersion, passe aussi pour moi à côté de l’intention, ou du moins bien sûr à côté de ce que j’aurais voulu ressentir : le soleil sur les pierres blanches, le gris des oliviers, les cigales, …..voire le goût de l’anis.

   Anonyme   
10/2/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
For-mi-dable ! ( Ce poisson , bien évidemment ! )

Blague à part : Joli texte que voici ! Un décor suffisamment posé pour qu'on ressente une atmosphère , un air de ne mener à rien de spécial , de badiner avec le texte , mais seulement un air , enfin une petite histoire bien complète ponctuée d'humour et ... d'une certaine tendresse . Que demander de plus ?
Une légère audace consistant à ajouter quelques citations poétiques ? Je prends !

Merci à l'auteur(e) pour ce joli moment !

   victhis0   
10/2/2011
 a aimé ce texte 
Bien
C'est sur que la balade détaillée à Athènes est un poil longuette et finalement assez inutile.
L'histoire est plaisante à souhait, poétique et originale. Je note un style un peu emprunté, parfois même vieillot (les galèjades notamment, très surannées) mais qui contraste plutôt bien avec l'inventivité/fraîcheur de cette petite histoire animalière bien menée


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