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Sentimental/Romanesque
Taou : Marla
 Publié le 19/11/13  -  6 commentaires  -  9931 caractères  -  82 lectures    Autres textes du même auteur

"Tout est petit chez elle, sa taille, ses mains, ses pieds, ses seins ! Elle me fait penser à une petite souris. Elle est vive dans ses mouvements, et donne l’impression qu’elle est toujours en train de fureter partout !"


Marla


Je suis encore endormie, lorsque j’entends une voix lointaine hurler « debout tout le monde, finie la sieste ! ». Mes yeux ont du mal à s’ouvrir, j’ai l’impression que je viens à peine de les fermer. Je distingue entre mes paupières mi-fermées une figure penchée sur moi. Je peux sentir son souffle. « Tu n’as toujours pas compris que l’on n’est pas à l’hôtel ici ! Il faut se lever ! Allez, on se bouge le cul ! » Comme je ne réagis pas, elle tire la mince couverture et la jette par terre, me laissant recroquevillée sur moi-même, grelottante de froid. « Tu as une minute pour t’aligner avec les autres dans le couloir, sinon… ! » La voix laissée en suspens me laisse imaginer le pire, sauf que cela fait quatre semaines que j’y ai droit. Je sais qu’il ne m’arrivera rien. Je finis par m’asseoir et jette un regard furtif autour de moi. Quatre semaines que je suis ici. J’aurai tenu un mois dans une prison. « Je ne suis pas une criminelle bon sang ! » avais-je crié à mon avocat lorsque j’ai su où il comptait me mettre. Ma peur avait laissé place à la frustration et à la colère. « Je sais mais c’est le seul endroit auquel on a pensé, désolé. » Désolé certes, mais pas autant que moi, lui avais-je rétorqué. Voilà, encore une nuit ici et à moi la liberté, je pense tout bas. Je ramasse mes affaires en tâtonnant et m’en vais rejoindre les autres détenues qui font déjà la queue dans le couloir. Quand je dis que je vais rejoindre les autres détenues, je pense surtout à Marla. Elle me regarde arriver en traînant les pieds et m’accueille avec son sourire malicieux. « Tu t’y feras », me répète-t-elle comme chaque matin. Comment lui annoncer que je ne m’y ferai jamais pour la simple raison que demain matin, lorsqu’elle se réveillera, je ne serai plus là ? Comme les autres, elle croit que je suis une criminelle venue là pour purger ma peine. Seules quelques gardes et leurs supérieurs sont au courant du véritable motif de ma présence.


Voyez-vous, j’ai été témoin d’un crime et le système judiciaire, en l’occurrence le juge, l’inspecteur en charge de l’enquête et mon avocat, n’a pas trouvé de meilleur endroit qu’une prison pour femmes pour ma sécurité. Ils ont eu peur que les criminels me rattrapent et m’achèvent à mon tour avant que j’aie le temps de témoigner, un scénario que j’ai vu mille fois dans des films mais que je n’aurais jamais cru m’arriver en vrai. Je n’ai pas seulement vu leurs visages, ils ont aussi vu le mien, grâce au lampadaire situé devant mon immeuble. Fichu lampadaire ! Quand on m’a parlé de service de protection, j’avais espéré un petit séjour en bord de mer, pas une prison recluse au fin fond de je ne sais où. Si seulement j’étais restée dans mon lit cette nuit-là, mais non, il avait fallu que je me lève pour aller boire de l’eau, que je regarde par la fenêtre et que j’assiste à tout. Il n’y avait pas eu de bruit, pas de cri, même pas de son étouffé, pas de traces de sang non plus me diront plus tard les policiers, tout avait été fait en silence, avec soin, avec moi seule comme témoin ! Une chance pour la police, un enfer pour moi !


J’avance comme un zombie ! Quelle heure est-il ? Cinq heures du matin ? Six heures ? Je ne sais pas. Ils n’étaient pas censés me ménager ? On se dirige à la queue-leu-leu vers les sanitaires. Brossage des cheveux, lavage des dents, on se passe de l’eau sur le visage, certaines s’essuient les aisselles avec des lingettes, d’autres se les passent entre les cuisses. Ici, on oublie sa pudeur, on se nettoie du mieux que l’on peut, du mieux que l’on sait. Certaines prennent le temps de se maquiller, même en prison, on essaie de rester coquette. « C’est la seule façon de se sentir encore femme », m’a expliqué Marla la première fois que j’ai assisté à ce rituel. Et elle, pourquoi ne se maquille-t-elle jamais ? « Ce n’est pas mon truc. Ça fait trop gonzesse », m’a-t-elle dit en riant. Elle a des petits yeux qui se plissent au point de disparaître lorsqu’elle sourit. Tout est petit chez elle, sa taille, ses mains, ses pieds, ses seins ! Elle me fait penser à une petite souris. Elle est vive dans ses mouvements, et donne l’impression qu’elle est toujours en train de fureter partout ! Je ne lui ai jamais demandé pourquoi elle était là. De toutes les façons, il est trop tard pour chercher à savoir !


Les cellules sont ouvertes durant la journée, nous permettant de circuler les unes chez les autres. Je suis la seule à avoir une cellule individuelle, toutes les autres partagent la leur. Celle de Marla est à côté de la mienne. Sa colocataire est une femme âgée qui ne dit jamais un mot. Marla m’a dit qu’elle a arrêté de parler le jour où elle a mis les pieds dans la prison. Cela fait deux ans qu’elles cohabitent et Marla ne sait toujours pas à quoi ressemble le son de sa voix. Marla passe le plus clair de son temps avec moi. Je dirai qu’elle m’a apprivoisée dès mon arrivée, elle est la seule des détenues à qui je parle d’ailleurs. Petite, ma mère me disait toujours à chaque rentrée scolaire : tu n’as pas besoin de dix copines, parfois une simple bonne copine suffit. Marla est ma simple bonne copine. Elle aime me coiffer. D’après ce que j’ai compris, je suis la seule à la laisser toucher à mes cheveux. Je ne sais pas pourquoi mais les autres s’en méfient. Elle ne semble avoir d’affinités avec aucune d’entre elles en particulier ! Parfois elle passe des heures les mains fourrées dans mes cheveux. Je la laisse faire avec plaisir parce que cela se finit toujours par un massage du cuir chevelu qui m’apaise et m’aide à m’endormir. Cependant un jour j’avais ouvert les yeux pour la retrouver penchée au-dessus de moi. Son visage était si près du mien qu’il m’avait fallu un temps pour comprendre ce qu’elle était en train de faire. Ensuite d’un geste mécanique, elle avait repoussé une mèche qui me barrait le front avant de se redresser. Je lui avais alors dit que pendant quelques secondes j’avais eu peur qu’elle m’embrasse ! « Cela t’aurait fait quoi ? » m’avait-elle demandé. « Rien », lui avais-je répondu en haussant les épaules. « Qu’est-ce que tu entends par rien ? » avait-elle voulu savoir. « Disons que j’aime trop les hommes pour que le baiser d’une femme me trouble. » « Même si cette femme c’était moi ? » s’était-elle assurée. « Surtout si cette femme c’était toi ! » lui avais-je simplement répondu en me levant. Elle m’avait alors lancé un regard que j’ai mis du temps à comprendre.


Je suis assise dans la cour lorsque je la vois arriver en courant. C’est l’heure de la promenade du soir avant de regagner nos cellules. Elle a les yeux qui brillent de plaisir. Elle vient de nous inscrire à un cours de danse. « Tu m’as bien dit que tu en faisais lorsque tu étais dehors non ? » me demande-t-elle toute excitée. J’acquiesce de la tête. Elle s’emballe, elle me parle d’une nouvelle qui vient d’arriver et qui était prof de Zumba dehors et qui propose des cours. Elle me parle aussi des cours de poterie, de l’atelier chant. Et si on les faisait tous, ce n’est pas comme si on était occupées vingt-quatre heures sur vingt-quatre, me lance-t-elle du haut de sa petite taille. Elle me tire par le bras et essaie de me faire virevolter autour d’elle. Sa joie est réelle. Je sens ma tête qui tourne. Soudain, elle se jette dans mes bras et me murmure « si tu savais combien de temps je t’ai attendue ! J’ai l’impression de revivre ». Je reste interdite. Ne sentant aucune réaction de ma part, elle s’écarte tout doucement et me regarde sidérée. « Ben je comprends pourquoi tu ne veux pas que je t’embrasse, si le simple fait de te prendre dans les bras te met dans un tel état », me lance-t-elle en riant. Mais je n’ai pas le cœur à rire, des larmes coulent de mes yeux. L’idée de partir, de quitter ce lieu de passage me tourmente déjà. Marla ! Si petite et si vivante. Qu’a-t-elle bien pu faire pour atterrir ici ? J’ai envie de la prendre à mon tour dans les bras, de l’enlacer, de la serrer fort, lui dire que oui, on fera tous les ateliers ensemble, on rira comme on a jamais ri, on demandera à partager ma cellule, on furètera partout ensemble, ce sera nous contre les autres détenues, on sera soudées comme les doigts de la main et lorsque le moment de partir arrivera, on s’arrangera pour partir ensemble. Mais au lieu de cela, les mots restent bloqués dans ma gorge. Comment lui dire que je ne sais pas comment j’aurais survécu ces quatre semaines si je ne l’avais pas rencontrée ? Je lui murmure un simple « pardon ! », et tourne les talons. Elle reste là, les bras ballants. Je sens son regard dans mon dos mais je n’ose pas me retourner. Je sais qu’elle ne comprend pas, mais je n’ai pas le droit de lui expliquer pourquoi. Je continue de marcher jusqu’à ma cellule où je reste enfermée jusqu’au soir. Le lendemain matin, une des gardes vient me chercher avant que les autres détenues ne soient levées. Personne ne me crie dessus cette fois-ci, tout se fait en douceur et dans le calme. Je jette un regard rapide vers la cellule de Marla et tombe sur son visage collé contre les barreaux, la même position dans laquelle elle se trouvait la première fois que je l’ai vue. Je m’avance en courant vers elle mais suis vite rattrapée par la gardienne. On m’accompagne prendre ma douche où m’attendent des vêtements propres, avec une trousse de maquillage posée sur une paire de chaussures.


Le jugement est aujourd’hui, dans quelques heures je serai sur le banc des témoins, je donnerai ma version des faits, pointerai mon doigt vers les accusés et serai à nouveau libre de retourner chez moi. Lorsque mon avocat vient me chercher, il me dit ne pas comprendre ma mine renfrognée. Il s’excuse pour cette période de détention mais m’assure que cela était vital. Il s’inquiète, veut s’assurer que je n’ai pas changé d’avis, que je compte toujours témoigner. Je ne l’écoute pas ! Mon esprit est ailleurs, enfermé dans une cellule, derrière des barreaux, et il ne désire surtout pas en ressortir !


 
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   Anonyme   
26/10/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↓
J'ai trouvé touchante cette brève histoire de... trahison (du point de vue de Marla), cette évocation de destins brisés (Marla, sa codétenue) sans qu'on sache pourquoi. Pour la narratrice, tout cela n'a été qu'une parenthèse, pour Marla un désastre car un espoir déçu, c'est particulièrement pénible.

Pour moi, le dernier paragraphe est complètement de trop, revient sur ce qu'on a compris et en fait trop : je veux bien que la narratrice ait un pincement au cœur en abandonnant Marla sans explication, mais de là à souhaiter rester en tôle... Après tout, elle a fait preuve de suffisamment peu de délicatesse pour se servir d'elle pour survivre sans rien lui expliquer, alors pourquoi tant de considération soudain ?

   Pepito   
20/11/2013
Bonjour Taou,

Forme : une écriture agréable, avec quelques bizarreries de temps comme
"Cependant un jour j’avais ouvert les yeux" plutôt "j'ai" pour une ouverture d'yeux rapide
"qu’il m’avait fallu un temps" pas joli à mon gout.

Puis le gros pavé quasi monobloc, avec les dialogues à la queue leu-leu, sur ordi, ouch, difficile à digérer.

Fond : une protection en prison ? Je ne connais pas l'époque mais cela semble un endroit bien curieux. Une tête mise a prix dans ce genre de lieu est monnaie courante, ce me semble...

Sinon, l'amitié (et plus si affinités) est bien rendue. L'impression de trahir en ne disant pas tout, d'utiliser une personne, aussi.

Je ne suis pas fan du Sentimental/Romanesque, mais la lecture de votre nouvelle a été agréable.

Bonne continuation.

Pepito

   senglar   
23/11/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour taou,


Le récit est dense et il accroche. La trame en est originale. Je ne me pose pas la question de sa vraisemblance matérielle, en revanche la vraisemblance psychologique qui reste ouverte sur de multiples perspectives m'a convaincu.

J'ai apprécié cette lecture.

Merci :)

Senglar-Brabant

   Anonyme   
4/12/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Bonne idée qui crée un certain suspense et la fin est assez inattendue. J’aime bien l’idée d’être pressé de quitter un endroit qui nous rebute et par une rencontre finir par le trouver très attractif. En même temps, avec une telle intrigue on pourrait s’attendre à une histoire plus complexe, cela peut donner l’impression de rester sur sa faim, mais cette histoire toute simple est bien vue et surprend par sa chute. Pour la lectrice que je suis la montée des sentiments a été rapide, car c'est ça, elle est tombée amoureuse, non ? J’ai un peu de mal à être vraiment touchée par la narratrice cela va trop vite, à mon avis.
La mise en page sous forme de grands paragraphes n’aide pas à la lecture, je trouve. Des phrases un peu longues, à mon goût. Des répétitions de vocabulaires qui alourdissent = par exemple dans le quatrième paragraphe = seule, cheveux.

Bonne continuation

   Anonyme   
15/12/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonsoir Taou...
Je ne sais si cette histoire est possible mais en tous cas la petite Marla m'a fait trop de peine quand la narratrice lui a tourné le dos pour retrouver sa liberté. Quelle cruauté quand on pense que l'espoir est la seule lumière du monde carcéral, la vie enfin revenait, et puis soudain l'enfer redevient infiniment plus terrible encore. Je n'imagine même pas pour la pauvre Marla durant les jours qui suivront.
Oui, bon d'accord, y'a deux ou trois petits trucs qui collent pas bien dans ce texte, mais quoi, manque de rigueur, de relecture. Détails que tout cela, à retravailler quelque peu sans doute. Une chose est certaine, en tous cas, l'émotion était là et m'a fait chavirer, presque, alors les détails d'écriture... Merci à toi, Taou.

   Asrya   
9/11/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Je me suis lancé dans la lecture de ce texte après avoir lu le cours descriptif :
"Tout est petit chez elle, sa taille, ses mains, ses pieds, ses seins ! Elle me fait penser à une petite souris. Elle est vive dans ses mouvements, et donne l’impression qu’elle est toujours en train de fureter partout !"
Difficile de résister à des petits seins.

Je m'attendais à une histoire d'amour (rien d'original pour la catégorie sentimental/romanesque vous me direz) et j'ai été servi, un peu timidement malgré tout.
C'est une belle idée, un peu chimérique à mon avis ; digne des scénarios de films ou de livres uniquement. Je vois mal cela se passer dans la réalité. Mais passons. C'est un détail qui, tel qu'il est transcrit, est acceptable.

L'histoire d'amitié ambiguë entre les deux femmes est intéressante, peut-être un peu trop dans la retenue. Peut-être pas.
Mon côté sentimental en aurait souhaité davantage. Moins de non-dits, plus d'expressions (orales ou corporelles).

Cela reste néanmoins un bon écrit, agréable à lire, simple ; saupoudré d'une amourette.

Merci pour cette nouvelle,
J'espère avoir l'opportunité de vous lire à nouveau,

Asrya.


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