Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Réalisme/Historique
thierry : Voyage en Macronie
 Publié le 13/04/20  -  9 commentaires  -  71958 caractères  -  126 lectures    Autres textes du même auteur

Emmanuel Macron m’a piqué mon téléphone.


Voyage en Macronie


1 – Mars 2017


Bien décidé à trouver un appartement, je sortais de la gare Montparnasse, remontais l’avenue du Maine pour tourner à gauche et me rendre chez Milou, un bistrot bien planqué du bruit et qui ne se prend pas au sérieux. Tout en marchant, je téléphonais à mon éditeur, un garçon charmant qui réfléchissait alors à l’augmentation de mon pourcentage, lorsque je fis tomber l’appareil en percutant un groupe de trois ou quatre individus. Il y eut une légère bousculade entre gens bien élevés qui ont peur de se cogner la tête en se baissant ensemble « oh pardon ! je vous en prie, attendez, c’est ma faute, non, non, c’est moi, … ». Vexé de savoir mon téléphone abîmé, inquiet à l’idée qu’il soit foutu, j’oubliais toute la conversation avec mon éditeur et considérais un genou à terre ce mobile que j’avais lâchement laissé tomber. Je me relevais finalement presque rassuré, lorsque je réalisais que mes yeux parcouraient comme un ascenseur un pantalon gris, une veste grise, une cravate noire, une chemise bleue et un visage qui ne m’était pas inconnu.


– Il est cassé ?

– Euh non, enfin je ne crois pas.

– Ah ! Tant mieux.


La voix aussi me disait quelque chose. Enfin relevé, je dus associer ce costume, cette voix et ce visage. Le résultat de l’ensemble venait brouiller la conscience habituelle que j’avais de mon environnement en me renvoyant à une quasi-impossibilité : j’avais devant moi un individu que je n’avais jamais vu mais que je connaissais, quelqu’un dont le timbre de voix m’était très familier mais qui ne m’avait jamais parlé. J’ai dû rester figé, un point d’interrogation sur la tête, ce qui le fit sourire. Il avait l’habitude.


– Bonne journée, monsieur.


Je réalisais alors qu’il venait de repartir que ce type était Emmanuel Macron. Il était déjà à plusieurs mètres, encadré de ces autres costumes gris qui n’arrêtaient pas de parler.

En souriant des hasards de la vie parisienne, je voulais rappeler mon correspondant qui devait me croire suffisamment en colère pour lui avoir raccroché au nez. Je lui aurais expliqué que l’ancien ministre des Finances avait percuté mon mobile, il ne m’aurait pas cru et m’aurait dit de trouver un autre argument que cette métaphore embrouillée pour lui faire avaler que les impôts m’avaient tout pris. Mais voilà, ce n’était pas mon portable. Le dernier numéro que j’avais rappelé automatiquement m’amenait à une boîte vocale sans message, juste un long bip. Un « H » s’était affiché au centre de l’écran. Je raccrochais. C’était bien le même modèle, la même couleur, le même fond d’écran sans personnalisation, mais des griffures sur la coque me firent envisager qu’il n’était pas exactement l’objet que je trimbalais jour et nuit. Avant qu’une sécurité digitale ne m’empêche l’accès à ses données, j’ouvrais sans hésiter le répertoire. Immédiatement, je vis que j’avais tout le gouvernement (et l’opposition), tout le parlement et tout le CAC 40 à portée d’appel. J’hésitais. Qu’aurais-je à dire à François Hollande ? Ou à Manuel Valls ? Eux-mêmes n’auraient rien à me répondre et je ne voyais pas tout de suite quelle blague je pourrais faire. Peut-être un truc du genre « tu sais, finalement Manuel, je renonce à me présenter », ça pouvait être drôle. Mais au-delà ? Il me fallait bien récupérer mon téléphone et là, je suis sûr qu’on ne m’aurait adressé ni félicitations ni remerciements. Je décidais d’appeler mon propre numéro.


– Oui ?

– Oui euh… Allô ? C’est bien le téléphone de Marc Leroy ?

– …

– En fait je suis Marc Leroy.

– Ah bien. Macron à l’appareil. Je crois qu’il y a eu une confusion et un échange de téléphones quand le vôtre est tombé. Je me suis baissé trop rapidement et j’ai fait tomber le mien. Vous l’avez, à ce que j’entends.

– Oui, vous devez en avoir besoin. Vous êtes où ?

– Si ça ne vous ennuie pas, on peut se retrouver chez Milou, c’est au coin de la rue Poinsot, devant le petit square, vous voyez ?


« Vous devez en avoir besoin » était un peu idiot, mais pas tant que ça, finalement. Deux minutes après, j’étais dans le bistrot, attendu. Un jeune gars vint à ma rencontre avec mon téléphone tendu, prêt pour l’échange. Je devinais Macron assis au fond de la salle. Je ne voulais pas jouer les importuns, aussi mettais-je la main à la poche pour lui rendre le sien par le biais de ce collaborateur sans entrer davantage dans le bistrot. C’est Macron qui m’interpella en levant la main.


– Venez ! Venez !


Je ne savais pas trop quoi faire, je voulais juste récupérer mon appareil et reprendre ma route, mais je réalisais qu’il y avait un air un peu inquiet dans les yeux du gars « qui marche ». Pour une fois, j’ai vite compris, je me suis approché. Le gamin qui était censé m’accueillir s’effaça. Macron me dévisageait sans sourire. Je lui tendis son mobile :


– Ne vous inquiétez pas, je ne m’en suis pas servi.

– Merci.


Il était sincère, il m’a cru tout de suite, a rangé son téléphone dans sa veste sans vérifier les derniers numéros appelés. Le gamin m’avait déjà rendu le mien.


– Vous prenez un café ?

– Vous savez, rien qu’avec cette petite histoire, j’ai de quoi nourrir de longues soirées d’hiver au coin du feu avec mes petits-enfants pendant longtemps.

– Asseyez-vous je vous en prie, monsieur Leroy. Vous habitez le quartier ?

– J’espère m’y installer bientôt. Je visite des appartements justement. Votre QG est par ici je crois, dans la Tour, c’est ça ?

– Oui, mais on cherche à déménager aussi.

– Cette fois, on ne pourra pas échanger.


Tout le monde sourit. C’est ma principale qualité, j’arrive à trouver des répliques qui résument bien les situations avec la comparaison inattendue. Enfin, c’est ce que m’a dit mon éditeur.


– Ah, monsieur Leroy, quelqu’un a rappelé avant vous sur votre numéro. C’est un monsieur qui a dit « non, non et non ». J’avoue que je n’ai pas su quoi répondre. En même temps, cette conversation n’était pas la mienne.


J’étais un peu vexé, il le vit tout de suite et embraya :


– Oui, je suis désolé, mais je pensais que c’était vous qui me rappeliez. Comme je suis en numéro caché, …

– Ne vous inquiétez pas. C’est une mauvaise nouvelle, c’est vrai, mais bon… En tous cas, vous monsieur le ministre, personne ne vous a appelé.


Nouveaux sourires.

Son téléphone vibra. Il ne répondit pas :


– Vous faites quoi, monsieur Leroy, si je ne suis pas indiscret ?

– Je suis écrivain. Mais vous ne me connaissez pas, vous ne me connaîtrez jamais, j’écris pour les autres.

– Un nègre ?

– On ne dit plus ça, voyons !

– Vous avez raison, désolé, encore. Mais vous avez un boulot surprenant !

– Moins que le vôtre, monsieur le ministre.


2 – Mars 2017 encore


Pourquoi s’installer dans le quinzième arrondissement de Paris ? Là, je parle de moi. J’en ai marre de Neuilly. Que Macron se soit installé dans la Tour Montparnasse, qu’il cherche ailleurs, sur la Lune ou à Saint-Ouen, cela m’est bien égal. Je ne vois pas pourquoi les gens le trouvent si charismatique. Je crois simplement que « les gens » – dont je fais évidemment partie – trouvent dans un visage plus ou moins connu la projection de ce qu’ils veulent bien y trouver. Nos visages sont des miroirs. J’ai vu ce matin-là chez Macron la capacité à me distinguer du commun des mortels pendant quelques instants dans la perspective construite a priori de me vanter auprès de mes connaissances, de briller dans mon environnement. Oui, je pourrai dire « tiens ! j’ai bu un café avec Macron ». Super. Objectivement, avoir rencontré le pape ou le président chinois n’a finalement rien d’extraordinaire précisément puisque ce sont ces vedettes mondiales qui ont été vues par le plus grand nombre de personnes sur Terre. Être l’objet d’attention d’un Macron ou d’un Johnny Hallyday pendant quelques minutes n’a donc pas beaucoup d’intérêt. Des millions de gens doivent pouvoir dire « j’ai vu Bob Dylan » ou « j’ai fait un selfie avec Juliette Binoche ». À la réflexion, j’échangerais bien cinq ou six cafés avec Macron pour un selfie avec Juliette, mais peu importe. Non, ce qui aurait un intérêt objectif, ce serait plutôt de pouvoir affirmer sans mentir « j’ai arnaqué Bernard Tapie » ou « j’ai vendu une idée à Jeff Bezos », voire encore mieux « j’ai refusé de prendre un selfie avec Juliette Binoche », mais là ce serait au-dessus de mes forces.

Je cherche un appartement dans le quinzième arrondissement parce qu’il n’a pas vraiment d’âme. Ce quartier devenu bourgeois est à l’origine un emplacement ouvrier du fait des usines automobiles d’autrefois, c’est toujours le plus peuplé de Paris où se côtoient encore de larges avenues haussmanniennes encombrées toute la journée et de petites rues plutôt moches aux immeubles trop petits et où il est définitivement impossible de se garer. Je n’ai aucun mal à dire que j’ai beaucoup d’argent, je l’ai gagné en partant de rien. Je peux m’installer dans le seizième mais ce serait une reddition, pire : une retraite, un abandon. Il y a le huitième bien sûr, mais la proximité des avocats et des nouveaux riches comme moi m’effraie. Voir Monceau Fleurs et Saint-Augustin tous les jours me donnerait le blues et faire mes courses à la Madeleine me déprimerait. J’ai hésité avec le septième, mais je n’ai pas de particule et rencontrer un ministre tous les jours, pas forcément comme aujourd’hui certes, me dérangerait. La Bastille est trop bruyante, je snobe le Nord de Paris que les promoteurs veulent défigurer – ils doivent mettre des cierges pour chaque expulsion de sans-papiers – je ne connais rien aux douzième et quatorzième arrondissements, repères des bobos, et le treizième me fait peur, on a les superstitions qu’on peut. Plus sérieusement, le quinzième, outre le fait d’être central, est la quintessence de tous ces Paris et surtout recèle la clé de voûte du système : pouvoir s’en échapper, partir, s’en aller voir la mer : la gare Montparnasse.

J’ai donc visité plusieurs appartements avec à l’esprit un cahier des charges très simple : une baie vitrée en coin sur le nord et l’ouest à un étage élevé. Voir la tour Eiffel en majesté chaque jour, un plaisir bourgeois mais sans équivalent, l’impression d’être au centre du monde, c’est Narcisse qui vous salue.

Le soir même, je recevais un appel de mon agent immobilier qui me donnait rendez-vous dès le lendemain neuf heures, rue de l’Abbé Groult, au 99, au neuvième étage… Mon passé militaire adore ce genre de précision et mon agent me connaissant suffisamment sait que je ne supporte pas le retard. Aussi, à 8 h 59, à « huit cinquante-neuf » je le trouvais dans un semblant de garde-à-vous mi-amical, mi-moqueur devant la porte de l’ascenseur. « Repos soldat ! Alors, ça y est ? Vous aviez l’air bien sûr de vous au téléphone. – Affirmatif, cette fois, c’est la bonne. Si vous voulez bien commencer par signer le bon de visite. ». Nous entrâmes dans de grands espaces baignés de cette lumière un peu polluée qui vous emmène rapidement vers les fenêtres. Je cherchais désespérément mes grandes baies vitrées. Je ne voyais que de petites fenêtres n’offrant comme paysage que le toit des petits immeubles alentour, le genre de vue surprenante quand on vous annonce un home-cinéma et qu’on vous propose un écran de téléphone. Patrick – oui les agents immobiliers un peu ringards s’appellent toujours Patrick et insistent pour qu’on les appelle par leur prénom – avait évidemment remarqué ma déception, qu’il reçut par un sourire d’aide de camp satisfait de pouvoir surprendre son général. « Venez, c’est par là ». Je n’avais pas vu cet escalier intérieur et ne put réprimer un sourire. Patrick, en bon professionnel, avait su jouer du contraste dit « du soufflet ». Après cette petite tristesse de l’espoir envolé apparaissait la joie de la surprise. Un gigantesque plateau ouvert des quatre côtés venait m’accueillir à un sommet de Paris. J’étais le roi du monde. « C’est exceptionnel ». Je ne sais même plus qui a dit ça. Lui, parce qu’après tout visiter un endroit comme ça n’arrive pas tous les jours, même à un agent immobilier du quinzième, ou moi parce que je n’avais jamais vu une chose pareille. Sans humilité aucune, j’ai pensé à Saint-Exupéry, rien que ça. Je demandais à Patrick sans réfléchir « sérieusement combien ? » mais je me moquais de la réponse et pensais « jusqu’où on peut voir d’ici ? ». Il n’était même plus besoin de songer à la gare Montparnasse, être ici c’était déjà s’envoler ailleurs. Devant le prix annoncé qui relevait de l’indécence, il me fallait bien soulever un début de critique « c’est pas un four pendant l’été quand même ? – Mais non, bien sûr ! » Il avait raison : à question difficile, réponse courte. « Tenez, le double du bon de visite. »

Revenu à la rue, chez les mortels – j’avais déjà envie de regagner cet Olympe – le téléphone de Patrick vibra. Tous les Patrick adorent montrer à quel point ils sont sollicités, notamment en se plaignant de l’être. Il se tut rapidement et longtemps, silence ponctué par des « ah ! », « ah bon ? », « ah oui ! », me dévisageant de loin et l’air inquiet. Je voulais rester discret mais ne put retenir un « alors ? – Il faut que je repasse à l’agence, une urgence, je vous rappelle. – Mais je peux vous accompagner si vous voulez, on signera une promesse de vente tout de suite si c’est possible. Pour moi, c’est d’accord. – Euh… c’est plus compliqué, je vous rappelle sans faute. Merci ! » Et il avait déjà disparu.

En fait, je ne suis pas écrivain, vous l’aviez compris. Mon métier est la sécurité rapprochée. Pour faire simple, je suis garde du corps au chômage. Je n’ai qu’à demi menti, il m’est arrivé de commettre un livre – une biographie sans intérêt que personne n’a lue ici et que tout le monde a oubliée – et dont mon éditeur ne sait pas vraiment quoi faire. Je le comprends : il s’agit de la vie du père d’un Qatari assez puissant pour offrir un match de foot à son fils, résultat compris. Il lui est donc difficile de balancer ce bouquin au pilon. Surtout depuis que la maison d’édition appartient au Qatari en question. Il se trouve que j’assurais la sécurité de mon personnage lors d’un de ses séjours à Paris. Un jour que nous attendions la sortie de sa femme d’une joaillerie bien connue, j’étais assis à côté du chauffeur, prêt à bondir de la voiture pour ouvrir la porte à une belle femme munie d’un beau diamant. Mais rien ne venait, le chauffeur continuait ses mots croisés. Il réfléchissait tout haut : « A un grain en six lettres… », je répondais spontanément « beauté » alors que se profilait son épouse au sortir de la boutique. Le prince assis derrière se mit à rire, de plus en plus fort, sans que je sache très bien pourquoi. Le chauffeur embraya sur l’hilarité et moi aussi. La princesse hésita entre la vexation et la psychiatrie C’est ainsi qu’une véritable conversation débuta avec Son Excellence ou Son Altesse, comme on voudra. Lui-même ne savait pas comment je devais l’appeler, il me suggéra de faire simple : « Mounir ». Au fil des jours, il me demanda de l’accompagner régulièrement, que ce soit place Vendôme ou au Parc des Princes, sur les Champs-Élysées ou dans un café-théâtre. Sa sécurité ne posait jamais de problème, personne ne le connaissait. Peut-être craignait-il une révolution de palais, un attentat de ses opposants au Qatar, si jamais il y en eut. Il parlait souvent de son père, à tel point que je lui dis qu’il devait écrire sa biographie. Ce à quoi il me répondit qu’il en rêvait autant qu’il s’en sentait incapable. Je lui fis remarquer que si on avait enregistré nos conversations, le livre serait déjà écrit. Soudain, comme on voit souvent faire de la part des gens qui ont du mal à faire deux choses en même temps, il s’arrêta de marcher. Il ouvrit les bras « Marc, faites-le ! Je vous laisse tous les droits d’auteur. Même ceux des traductions. – Banco »

Il est donc inutile, disais-je, de préciser que l’ouvrage que j’écrivis obtint un succès très relatif en France (mais sensiblement plus important dans les pays du Golf…) et Mounir tint sa parole en me versant de plus une jolie prime de remerciement. Pour lui – est-ce culturel ? – la double fierté d’un hommage à son père et d’une œuvre qui portait son nom n’avait pas de prix. Juste un coût, mais parfaitement dérisoire au regard de sa fortune dont les meilleurs experts des dix plus grosses banques du monde n’avaient eux-mêmes pas vraiment idée.

Toujours est-il que du jour au lendemain Mounir se retira au désert. Sa princesse l’avait quitté, il n’avait plus goût à rien, on ne le revit jamais. Il laissa juste quelques dispositions particulières, parmi lesquelles il exigeait que je sois doté d’un dixième de sa fortune « je le déclare mon frère ». On hésita entre l’acceptation de ce caprice et la pendaison sous un pont. Finalement il me fut proposé un pourcentage, j’acceptai et disparus à mon tour.

Aussi Patrick m’inquiétait-il. Que signifiait ce revirement, cette échappée ? Qui l’avait appelé mettant probablement fin à mes rêves d’altitude parisienne ? Je regardais le double de mon « bon de visite du 99 rue de l’Abbé Groult 75015 Paris » et le serrais bien fort dans ma main avant de le ranger précieusement.

Bien entendu, Patrick ne me rappela jamais, ce qui est – chacun le sait – la caractéristique des agents immobiliers, surtout quand ils s’appellent Patrick et vous disent « je vous rappelle sans faute ». Je jetai mon dévolu par dépit sur un appartement à Neuilly, Paris tu n’as pas voulu de moi, je t’ai regardé de trop haut, clair, sympathique, en angle et bruyant. Le soir de la signature du compromis de vente de cet appartement obtenu par défaut, je dînais chez Paul, le chauffeur amateur de mots croisés, quand j’entendis d’une oreille que l’on qualifie facilement mais à juste titre d’incrédule dans ces cas-là : « Le candidat d’En Marche, Emmanuel Macron, a inauguré ses nouveaux locaux dans le quinzième arrondissement de Paris, rue de l’Abbé Groult précisément, cet après-midi. Venu de la Tour Montparnasse dont le plateau qu’il occupait était jugé trop petit, le QG du candidat occupe une surface beaucoup plus importante, dont un des plateaux, dit-on, de cent mètres carrés, offre une vue imprenable sur Paris en général et la tour Eiffel en particulier. On devine que l’ancien ministre des Finances aura une belle perspective pour en offrir une à la France ».

Là, ça faisait beaucoup. J’ai instinctivement mis la main dans ma poche intérieure, juste pour être sûr que dans mon portefeuille, j’avais bien gardé un papier : « bon de visite ». Cette fois, Patrick avait intérêt à me rappeler.


J’avais bien conscience qu’il ne me servait à rien de poireauter pour une explication que j’avais déjà. J’imaginais qu’il faudrait moins d’un quart d’heure avant d’entendre quelqu’un de cette agence immobilière me sortir une « raison d’État » en regardant de travers – sait-on jamais on nous écoute. Sachant que ces gens-là travaillent tard le soir (les militants politiques, pas les agents immobiliers), je pris mon scooter et me rendis au QG d’ « En Marche ! ». J’avais mémorisé le code de l’immeuble, pour une fois que ce genre de réflexe me servait à quelque chose, et vingt minutes après avoir fait la bise à Paul, « reviens finir tes pâtes », je sonnais au cœur de ce qui allait devenir le centre nerveux de la France. Ils n’avaient même pas encore eu le temps d’installer toutes les sécurités qu’on trouve dans ce genre d’endroits, je ne pouvais m’empêcher de songer « encore une bande d’amateurs ». C’est Emmanuel Macron qui m’ouvrit.

Je ne sais pas pourquoi, je me sentais un peu bête avec mon « bon de visite » à la main. Un peu « comme une valise sans poignée » pour reprendre la formule d’un ancien président. « Ah tiens ! Monsieur Leroy ! Entrez donc ! » Qu’est-ce que vous voulez répondre à ça ? Rien qu’en vous disant « bonjour », ce type vous prouve déjà qu’il est plus intelligent que vous, qu’il a une mémoire phénoménale et que sans doute vous étiez attendu. « Je devine pourquoi vous êtes là, et j’assume ! dit-il en riant. Désolé, je parle comme à la télé, mais bon, on dirait que ça marche, si j’ose dire. Je vous ai piqué l’appart, je sais. D’ailleurs, j’ai été très étonné quand j’ai appris que c’était vous qui… – Quand on s’est rencontré, je vous disais que je cherchais à me loger, n’est-ce pas ? – Sans doute, mais n’y voyez aucune désobligeance, c’est vraiment un hasard très étonnant. Remarquez, ces biens immobiliers sont tellement courus à Paris. Pour tout vous dire, je suis passé directement par le propriétaire – c’est même lui qui me l’a proposé – mais je vous le promets, dès la campagne finie, je lui dirai de voir avec vous en priorité, si vous voulez toujours l’acheter, bien sûr. Avec le loyer que je lui verse, il sera prêt à faire un geste ». J’ai failli dire « merci », il s’apprêtait sûrement à répondre « je vous en prie c’est tout naturel ». Non, je lui dis en écartant les bras, fataliste, « quoi faire ? comme dirait Lénine », ça m’est venu comme ça. J’avais bien compris que mon « bon de visite » n’avait aucune valeur et je ne tenais pas à me lancer dans une procédure pour une histoire sans grande importance et sans issue. Il sourit d’un air connaisseur. « Vous avez lu Lénine ? – Vous croyez que les gardes du corps sont toujours des boxeurs incultes ? – Tiens, je croyais que vous étiez écrivain ? – Disons que je suis un peu des deux et que ça me donne le droit de lire Lénine. – Bien sûr, bien sûr, et vous avez aimé ? – Je ne sais pas, je ne l’ai pas lu. – Désolé de vous avoir embêté avec ça, monsieur Leroy. En même temps, si vous avez cinq minutes, je vous fais visiter, ou plutôt revisiter, vous verrez comment on a commencé l’aménagement de ce qui sera peut-être votre futur chez-vous. » Oui, il y avait de l’ironie chez le jeune homme. « En même temps » j’avais aussi envie de voir la vue que pouvaient proposer ces lieux sur Paris la nuit. En reprenant un bol de rêve, je ne désespérais pas de revenir à la charge dans quelques mois, une fois la campagne présidentielle terminée. « Vous êtes sûr que ça ne vous dérange pas ? Vous êtes seul ? – Je vous le propose, c’est avec plaisir, entrez ! Et puis je ne suis pas seul, j’ai un garde du corps avec moi, n’est-ce pas ? Mais expliquez-moi ça… Comment peut-on être écrivain et en même temps garde du corps ? – Est-ce vraiment si important ? – Vous travaillez sur quoi, en ce moment, monsieur Leroy ? – Littérairement ou … corporellement ? – Les deux bien sûr… « en même temps » oui je sais, il faut que j’arrête avec ça. – En fait, et en même temps, je ne travaille sur rien. J’ai de quoi vivre et je me laisse porter par l’air du temps. Il semble qu’il y ait un nouvel air frais pour une nouvelle époque, n’est-ce pas ? »

Je lui expliquai en deux mots ce qu’il devait déjà savoir, car je ne doutais pas qu’un trentenaire servile et barbu lui ait pondu une petite fiche à mon sujet, déjà rangée et archivée avec des millions d’autres.


– Ça vous dirait de travailler avec moi ?


Nous étions insensiblement arrivés dans son bureau à proprement parler, cette grande pièce aux baies vitrées où Paris s’offrait dans sa majesté nocturne, sous les lumières bienveillantes de la tour Eiffel. La Défense scintillante se distinguait très nettement vers la gauche, la flèche de Notre-Dame à droite. Sa table était presque vide. Il y avait quelques cartons posés au sol. Nous étions restés longtemps sans rien dire à la contemplation de cette carte postale, cette promesse de l’aube, transpiration de celle du pouvoir, à survoler de nos regards attendris la plus belle cité de l’univers. Je me retournai :


– Vous ne travaillez pas beaucoup on dirait, si ?

– Vous dites ça parce que tout est vide, mais vous allez voir, ça va vite se remplir…

– Et qu’est-ce que je devrais faire ?

– Ce que vous savez faire : me protéger dans des déplacements et écrire sur ce que vous voyez.

– D’accord mais à une condition : je ne veux pas être payé.

– Non ?

– Pas d’argent entre nous.

– Soit. J’espère que ce n’est pas trop cher pour moi...


Cet esprit de liberté qui d’abord semblait le moteur primitif de ce jeune homme était si flagrant dans le lieu magique que nous occupions que je voulais le faire mien. Je voulais pouvoir partir du jour au lendemain, lui dire ce que je pensais à tout moment et me sentir inatteignable. Mon long passé de soldat anonyme m’avait aussi fait comprendre la notion « servir » qui, si on va au fond des choses, n’accepte pas de rétribution et pour couronner le tout, j’avais été surpris par cette proposition inattendue à laquelle je voulais apporter une réponse, une riposte, de même niveau et de même nature. Enfin, ma satisfaction était complète puisque j’étais sûr, finalement, de récupérer cet appartement dans quelques semaines. J’aurais tout loisir d’en imaginer l’ameublement et de décorer chaque pièce de souvenirs que je ne manquerais pas de faire revivre des années durant. Je me doutais bien qu’il se passerait ici des choses dont dépendrait la destinée des gens, qu’on y parlerait de la marche du monde, que viendraient des puissants comme des serviteurs, que naîtraient dans tel recoin ou devant telle porte une idée brillante qui ferait peut-être descendre des milliers de gens dans la rue.

Je repartis sur mon scooter et passant place du Trocadéro, je regardais à travers l’esplanade, essayant de deviner la petite lumière d’où je venais. Paul m’attendait encore à Neuilly. Sa petite famille dormait depuis longtemps quand il m’intercepta au pied de l’ascenseur. « Tu viens finir tes pâtes ? » J’aimais beaucoup Paul, son calme solide, sa tempérance puissante et son regard vif. J’aimais sa famille, sa femme bienveillante et ses deux filles qui me dédouanaient de ne pas en avoir. J’étais un peu l’oncle de passage, qui s’incruste, sur qui on peut compter pour ces petites choses indispensables, veiller parfois aux devoirs des enfants, leur raconter une aventure romancée pour faire venir à table un vent d’extraordinaire dans le quotidien des automnes de la ville. Quand j’ai proposé à Paul de venir habiter en-dessous de chez moi, il a tout de suite compris que nous pourrions bénéficier tous les deux de ce rapprochement. Notre amitié autorisait les échanges directs et les intuitions justes : il me paierait un loyer moins que raisonnable, il m’offrirait des instants heureux, à l’abri, à l’ombre de sa famille ou plutôt à son soleil. Ça m’était facile, j’avais tout à y gagner, comme de pouvoir tranquillement finir mon dîner à minuit sans gêner personne. J’avais acheté tout l’immeuble.


À Paris le soleil trempait dans un brouillard matinal et familier. Emmanuel devait se dire que son bureau offrait plus de lumière dans une vue qui n’englobait certes pas la capitale dans son entier, mais qui au moins offrait une chaleur, une intimité aux secrets bien pensés, aux complots tranquillement préparés. Un général ne rêve pas toujours de grands espaces, il a besoin d’un véritable cabinet de réflexion. C’était le sens de son déménagement de la tour Montparnasse à la rue de l’Abbé Groult.

Il se demandait quelle serait la lumière dans son bureau de l’Élysée. Il ne l’avait pas encore choisi, même s’il ne faisait plus de doute depuis cet hiver qu’il serait président. Fillon n’allait pas tarder à dérouiller au-delà de ce qu’on imaginait. Le futur chef de l’État me racontera avoir eu peur le jour où il rencontra Bayrou, en secret. C’est à l’instant où il lui serra la main qu’il comprit qu’il serait président de la République. Le chef du Modem la lui tint longuement, fort, la remuant doucement de haut en bas et le fixant d’un regard profond, grave mais avec un sourire en coin. Tout était dit : « Emmanuel, je ne me présenterai pas ».

Non, il n’y avait plus de doute, il en prenait conscience au ton de déférence qu’on employait maintenant en s’adressant à lui, à la distance qu’il sentait devoir prendre devant ses interlocuteurs.

Badinter raconte souvent la fin du procès de Patrick Henry, cet assassin d’enfant, lors du verdict : les jurés le regardaient droit dans les yeux. Or, quand vous condamnez un homme à mourir, vous ne le regardez pas ainsi. Il l’avait bien noté quand d’autres jurés avaient ordonné la guillotine pour Buffet, un autre assassin, dans les années soixante. Ils avaient baissé les yeux.

Il ne prenait plus la peine de répondre au président sortant quand celui-ci cherchait à le joindre, peut-être le H de son téléphone, qui n’appartenait plus qu’à l’écume des jours. Hollande sentait le passé et l’ennuyait comme un oncle, notaire de province qui se plaint de ne pas avoir de visites. Lui, c’était l’avenir. Un rêve fou était devenu projet et ce projet, moment délicieux, prenait le goût salé de la réalité.

En Marche n’était finalement qu’un parfum, quelque chose que tout le monde aime ou a aimé mais qui n’existe pas, une invisibilité indescriptible, un évocateur de sentiments simples et agréables que des spécialistes veulent enfermer dans des mots savants pour masquer leur impuissance.

Emmanuel savait très bien qu’au-delà de l’adhésion à sa personne, il y avait une envie de changer : non de réfléchir autrement, mais le besoin urgent de ne surtout pas développer d’idées révolutionnaires – le parfum n’est pas une promesse, au mieux un souvenir, juste agir, avancer avec ce qu’on a. Il allait traduire ça en « libérer les énergies », comme on parle de libérer des effluves. Il devait y avoir des changements concrets dans un besoin de justice, ou du moins son masque : la simplification.


3 – Mars toujours


– Et tu commences quand ?


En fait, je n’en savais rien, Paul le voyait bien. C’était pourtant à moi de décider. Le fait est que je n’en avais aucune idée et que la pression de la gratuité de mes services se retournait contre moi puisque ma conscience professionnelle – bénévole ne veut pas dire amateur – m’ordonnait d’être de service jour et nuit jusqu’à la fin de la campagne présidentielle ou du moins coordonné à ses autres gorilles. Mais voilà, j’étais « en dehors du système », moi aussi, toute comparaison égale par ailleurs. Je ne pouvais déjà que me sentir redevable d’un service promis et coupable d’une parole non tenue dès les premières heures de ce lendemain. C’est donc avec un point d’interrogation sur la tête que je retournais vers ces locaux du quinzième arrondissement, sans même être sûr que cette fois-ci quelqu’un daignerait m’ouvrir la porte. Je n’eus pas besoin de sonner à l’interphone, un monsieur que j’avais déjà vu quelque part sortait et me tint la porte. « Ah, mais vous êtes sans doute le nouveau biographe ? – Je vous demande pardon ? – Vous venez voir votre bureau, il vous attend. Mais dépêchez-vous ! – Euh oui, pourquoi ? – Eh bien ! C’est parti, on se retrouve à Bobigny ! » Et il était déjà dans la voiture qui l’attendait. Avec un peu d’appréhension amusée, je sonnais à un nouvel interphone, installé probablement dans la nuit. La porte s’ouvrit sans qu’on ne me demande rien. J’allais faire le tour des bureaux, percevant des bruits de conversations dans tous les sens à peine couverts par celui d’une photocopieuse. Des gens en chemises bleues allaient et venaient, inévitablement le bras replié à l’oreille. Une assistante surgit d’une pièce avec une dizaine de dossiers et un large sourire « suivez-moi, monsieur Leroy, il nous reste dix minutes ». Je la suivis avec ce plaisir indicible d’être porté sans rien comprendre, de flotter dans le tumulte de ces vagues ou dans l’agitation de ces abeilles bleues aux chaussures pointues. « Dix minutes pour quoi ? » Elle n’entendit même pas la question « attendez, là il faut que je réponde ». Son téléphone dans une main, tous ses dossiers dans l’autre, elle me fit signe du menton, désignant par là un petit bureau d’angle près de la fenêtre. Je la déchargeais de son matelas de papiers, ce dont elle me gratifia d’un sourire aussi discret que sincère avant de me mimer par ses doigts ainsi libérés « cinq ! ». Elle repartit elle aussi comme elle était venue. Je n’étais sûr que d’une chose : j’avais le droit de poser ses dossiers sur cette table, près de la fenêtre. J’essayais de m’approcher de la vitre, de regarder au plus bas possible, sans pouvoir toucher le sol des yeux. Autant la vue était dégagée de l’autre côté, autant ce versant était en vis-à-vis d’un simple immeuble de pierres de taille voisin d’un autre en briques, aussi peu accueillant l’un que l’autre. J’estimais rapidement une quarantaine de fenêtres plus ou moins envisageables selon l’éclairage du jour. La jeune fille réapparut. « Oui, c’est aujourd’hui ! – Aujourd’hui quoi ? – L’Annonce ! – Quelle Annonce ? Nous ne sommes pas le 15 août ? – Très drôle, nous filons à Bobigny où Emmanuel va annoncer sa candidature. Vous venez ? »

Il était clair que je devais la suivre. Au moins, dans l’ascenseur son mobile resterait-il muet. « Votre nouveau bureau vous plaît ? Vous aurez assez de calme ? – Euh… oui, oui » J’en avais marre de me comporter comme une midinette, à hésiter tout le temps, à ne pas me sentir légitime, à toujours avoir l’air de tomber de l’armoire. Je résolus de me sentir à mon aise, de prendre les choses comme elles viendraient sans m’en étonner à chaque fois qu’on m’adressait la parole. « Emmanuel nous a beaucoup parlé de vous ! – Qu’est-ce qui est prévu pour la sécurité ? – Oh, ne vous inquiétez pas, tout est prévu, nous ne risquons rien ! – Je sais bien que vous ne risquez rien, je suis là. Ma voisine de limousine se mit à rire doucement. – Oui on ne risque rien, alors ! Merci monsieur Leroy. Votre prénom, c’est Marc, n’est-ce pas ? – Oui appelez-moi Marc, bien sûr. – Sibeth. – Pardon ? – Sibeth, c’est mon prénom. – Ah ! Enchanté. »

« Dans quelques mois, à l’occasion de l’élection présidentielle, une opportunité nous est offerte, parce que ce combat que nous devons livrer, il commencera en mai 2017.

La responsabilité du président de la République est immense et j’en suis pleinement conscient. C’est pourquoi je me suis déclaré candidat à la présidence de la République. »

Je regardais les murs bleus de cette grande salle, j’observais tous les journalistes, les membres de l’équipe de campagne. Le magnétisme opérait, indubitablement. Cette candidature n’était pas une surprise, mais beaucoup de spectateurs éprouvaient à n’en pas douter ce sentiment délicieux de revoir un film qu’on a beaucoup aimé et qui enfin revient à l’antenne. On connaît les répliques par cœur, mais l’acteur a ce ton inimitable, cette intonation qui fait son originalité. Je réalisais à quel point l’exercice peut être dangereux et l’équilibre précaire. Un mot de travers, une respiration hésitante, une glotte qui remonte le long du cou et tout est par terre, des millions de gens moqueurs torpilleront le parcours dans lequel des centaines de gens se sont investis avec une ferveur de convertis en croisade.

« Le doute s’est installé. Depuis quarante ans, nous n’avons pas réussi à régler le problème du chômage de masse, la déprise des territoires, les divisions internes. La France est bloquée par les corporatismes. Dans le fond elle n’est plus à la hauteur de sa promesse. »

Sibeth était à côté de moi, rayonnante. Elle sentait bien qu’enfin, le jeu n’était pas virtuel, les premiers coups de canon venaient de retentir. Ses trois téléphones allaient chauffer pendant un bon moment.


– Alors ? Bien hein ?

– Vous savez qui était Naevius Macron ?

– Qui ça ?

– C’est un préfet romain qui a fait assassiner l’empereur Tibère.

– Ah ?


Évidemment, elle s’en fichait complètement. Quelques secondes seulement après cette déclaration si solennelle, Emmanuel Macron était redescendu au milieu des mortels pour prendre le bras de ma compagne occasionnelle. Je n’ai pas entendu ce qu’il lui racontait mais ils marchèrent tranquillement sous les flashs et devant les objectifs. Sibeth eut la gentillesse de me lancer un regard, je les suivis. Comme j’y avais été formé, je regardais le deuxième cercle, celui de gens qui vont et viennent, généralement parce qu’ils n’ont pas eu l’opportunité d’être dans le premier. Par convention, on laisse les caméras sélectionnées auparavant rentrer pour former une bonne partie de ce premier mur et on sait que le danger ne viendra pas de là. Dans le deuxième cercle, il y a de tout : des fans, des journalistes débutants, des curieux, des passants embarqués sans le vouloir. Il n’y a pas de méthode à proprement parler pour déceler les agresseurs potentiels. Les neuf dixièmes des gens dangereux restent précisément des potentialités, seul un sur dix peut spontanément décider de passer à l’acte. Lequel est généralement une insulte ou un encouragement hurlé par un fan trop exubérant, il suffit de tendre le bras, c’est fini. Je regarde les mains. Regarder les yeux n’amène rien.

Nous sommes montés dans la voiture dont la portière avait été actionnée précisément deux secondes avant que le « client » ne s’embarque et refermée exactement une seconde après. Je m’assis devant à côté d’un chauffeur dont le passé militaire – à n’en juger que par son expression – était bien plus impressionnant que le mien.


– Alors ? C’était bien ?


Pourquoi tous les candidats ont-ils besoin de se rassurer en attendant un compliment ? Par une moue qui exprimait le doute, Macron eut malgré tout ce petit réflexe de ceux qui ont déjà vécu tant et tant de campagnes électorales, ce qui est pour le moins surprenant quand on sait qu’il n’a pas mis les pieds à un meeting de sa vie. Il se demandait peut-être si finalement tout cela en valait la peine. Je me retournai :


– Vous avez des tournures de phrases un peu simplettes. Par exemple « ce combat que nous devons livrer, il commencera en mai » c’est un peu facile, trop parlé ou pas assez écrit pour un moment comme ça.


Sibeth n’eut pas l’air surpris :


– Qu’est-ce que vous voulez, c’est depuis Sarkozy, les présidents littéraires, c’est fini.


Macron regardait par la fenêtre avec un air de distanciation que l’on recherche par un regard fixe et une mine figée :


– Vous n’allez pas tarder à m’emmerder, monsieur Leroy…

– Je sais, c’est pour ça que vous me payez si cher !


Il sourit en soufflant. Il était visiblement à son aise dans cette rivière pleine de crocodiles.

Sibeth ne décollait bien évidemment pas de son portable :


– En tous cas, on va bien s’amuser !


On connaît la suite.


4 – Souvenirs


Il rentrait du Louvres, personne ne disait rien dans la voiture, forcément écrasés que nous étions à la conscience que le monde ne parlait que de lui. Il leva les yeux vers Brigitte, se tourna vers moi et sourit « comme sourirait un enfant malade ». Je rompis l’angoisse qui gagnait trop de terrain :


– Vous connaissez l’histoire du gamin en Chine qui a quatorze ans ? On lui offre un cheval. Le village dit « quelle chance », le vieux sage répond « on verra ».

– Oui je la connais. Il se casse une jambe, le village dit « quel malheur » et le « sage « on verra ». Et puis, c’est la guerre, les hommes partent sauf lui. Le village dit « quelle chance finalement » et le vieux sage « on verra », etc. Vous pensez que je pars en guerre ou qu’on m’a offert un cheval, monsieur Leroy ?

– Les deux bien sûr. On espère juste que vous serez bon cavalier.

– Pour aller combattre, oui.


J’avais à cette époque mes entrées à l’Élysée. Le fric, c’est chic. Et quoi que vous en pensiez, j’ai adoré pouvoir dire « j’ai mes entrées à l’Élysée, j’y vais quand je veux ». C’est ce que j’ai fait. Alors que je sortais de mon immeuble de Neuilly, je croisai Patrick qui semblait une âme en peine marchant le long du cimetière. Je l’interpellai d’un : « Bonjour, monsieur l’agent ! – Ah ! Monsieur Leroy ! Je vous dépose ? Je suis garé au coin de la rue. – Volontiers, je vais vers la Madeleine. – Vous avez trouvé l’appartement de vos rêves ? J’imagine que non si je vous croise par ici… – J’ai rendez-vous pour signer l’appartement du quinzième que nous avions vu ensemble. – Ah ! » Sans doute était-il gêné, sans savoir mon degré d’informations, empêtré aussi entre sa petite lâcheté, son obligation d’avoir abandonné l’affaire et de m’avoir laissé tomber en même temps et la perte de sa commission. « Vous savez… je ne pouvais rien faire. – Je m’en doute, pas de problème, si vous êtes mon taxi d’un jour, tout est pardonné. – Avec plaisir ! »

Nous avons donc remonté l’avenue Charles de Gaulle à Neuilly, cette autoroute urbaine toujours saturée, l’avenue de la Grande Armée et ses quartiers haussmanniens pur jus que forment l’avenue de Friedland et les boulevards Haussmann – le bien nommé donc – et Malesherbes. Le temps était triste, Patrick aussi. J’essayais de lui remonter le moral. « Comment vont les affaires ? » mais ça ne servait pas à grand-chose. Il avait grossi, en quelques semaines son teint s’était rougi et son expression figée dans un marbre d’indifférence. S’il était toujours rasé, son costume ne ressemblait plus qu’à un uniforme obligatoire. Il me répondit des banalités, s’excusant encore d’avoir déserté, maudissant les avocats américains qui s’accaparaient les appartements et tuaient le marché. Trouver un bien à vendre devenait une mission impossible, passer par une agence relevait même de la bêtise. « Vous devriez changer de métier… – Vous le savez bien, les vendeurs d’immobilier ne savent rien faire d’autre, autant dire qu’ils ne savent rien faire… – Allons, vous dites n’importe quoi, tiens, prenez la rue du Faubourg Saint-Honoré. – Ah on va passer devant l’Élysée. – Non, on va s’y arrêter. Mais je vous préviens tout de suite, ce n’est pas à vendre. – Oui, il paraît que le locataire a changé. Mais vous allez où, au juste ? – À l’Élysée. Je vais déjeuner avec le nouveau locataire, précisément. Vous pouvez m’arrêter là. Vous avez mon numéro, appelez-moi la semaine prochaine, on va vous arranger tout ça. »

Ainsi va Paris, comme toutes les grandes villes sûrement. Un type qui gagne à peine sa vie est à une poignée de main de celui dont le monde regarde chacun de ses gestes. Les pas qui me faisaient traverser la cour du Château me répétaient comme un mantra « ombre et poussière, ombre et poussière ».

Le gars derrière moi qui me resservait dès que mon verre était vide et ne bougeait plus, statufié dans mon dos, était peut-être là pour vérifier que je ne piquerais pas le cendrier. La pluie avait disparu sans qu’on s’en rende compte et on espérait sans le savoir qu’un rayon de soleil viendrait bientôt traverser cette salle à manger trop grande et trop silencieuse. Le président était plongé dans ses pensées. Nos tête-à-tête se faisaient rares, les déjeuners exceptionnels, ce que nous avions anticipé. Je m’étais même demandé au départ de son mandat s’il y aurait une seule occasion ces cinq prochaines années de converser tranquillement. Encore une fois, j’étais comme bien d’autres, pris dans le dilemme de lui voler du temps et laisser tomber celui que je pouvais qualifier d’ami. Je ne pouvais le résoudre qu’en me tenant disponible, être là sur simple demande, ce que j’ai toujours détesté depuis que je ne travaille plus. Finalement, nous sommes tous des traîtres, en effet Victor Hugo qui serait bientôt cité à toutes les sauces l’écrivait bien : la moitié d’un ami c’est la moitié d’un traître.


– Elle en est où ta biographie ?

– Mes carnets de campagne ?

– Oui c’est ça.

– Pour faire court, ça n’avance pas.

– C’est comme moi.

– Normal, tu viens d’arriver.


Je n’étais plus rien, ni militaire, ni garde du corps, ni écrivain d’occasion. Je n’avais aucune excuse pour ne pas faire ce pour quoi je m’étais attaché à ses pas : relater la campagne présidentielle. J’avais bien quelques titres en vue : « Macron Blues », « Le Rêve et l’Évolution » en miroir de son propre livre, tous plus nuls les uns que les autres. Je ne me sentais pas particulièrement écrasé par le décorum ni impressionné par l’armée d’énarques qui venaient dès qu’on les sifflait, ni même par les chefs d’état-major ou autres amiraux toujours prêts à glisser un mot du genre « la guerre est déclarée » ou « tous les missiles nucléaires ont été volés », non, ce temps de l’action n’était pas le mien. Qu’aurais-je eu à dire sur la formation du gouvernement, sur le choix de ces candidats à la députation dont certains ne connaissaient même pas leurs tables de multiplication ? Je me devais donc d’attendre que soient venus les temps du doute, les temps des interrogations et peut-être même ceux des regrets.


L’après-midi s’annonçant plus clair que le matin mais sans que n’arrive à percer un rayon de soleil sur Paris, je décidais une fois de plus de ne pas décider, de laisser mes pas m’emmener où voulaient se projeter mes yeux. Je revenais vers la Madeleine, à proximité du quartier abritant ma jeunesse, regrettant un pâtissier qui réalisait des gâteaux scandaleux à la noix de coco que rapportait ma mère d’adoption les jours difficiles à vivre. La circulation y était toujours impossible, les boutiques devenues sans intérêt, mais la surprise venait immanquablement au débouché de la rue Royale pour une perspective vers la Concorde qu’aucune photo ne peut vraiment restituer dans sa majesté. Proust avait sa Madeleine, ma Madeleine avait son gâteau à la noix de coco. On y trouvait également des tartes au citron meringuées et des millefeuilles auxquels la génération des Macron n’hésiterait pas à faire un procès pour empoisonnement au cholestérol. Mais on y voyait aussi des parisiennes. Je les cherchais comme un enfant cherche un décor familier qui lui rappelle qu’il est près de chez lui. Je me sentais loin de chez moi. On ne voyait plus ces jeunes femmes affichant une nonchalance dédaigneuse à la sortie d’une boutique de luxe, on n’entendait plus le rire moqueur de ces candidates au vedettariat se signalant à la porte de Maxim’s, on ne devinait plus les regards étranges de beautés fatales dont le premier sourire vous disait tout le bien qu’elles pensaient de ces boutiques de luxe comme de Maxim’s. Je ne voyais plus que des étrangères pressées que déposait un Uber quelconque ou un chauffeur attendant une princesse inconnue telle la femme de mon Mounir dont j’avais assuré l’escorte un mois et écrit la biographie le mois suivant. Je traversais la Seine par ce pont dont les Parisiens ignorent souvent qu’il est fait des pierres de la Bastille pour m’engager dans le boulevard Saint-Germain.

Que pouvais-je bien raconter sur Macron ? Fallait-il revenir sur un épisode dont tout le monde avait entendu parler, du genre « je vais prendre un cordon bleu » ou l’histoire des yeux levés au ciel dans la dernière seconde d’un meeting porte de Versailles ou bien fallait-il dévoiler des petits secrets, des réflexions « off », au risque de trahir l’intimité, ce qu’attendent tous les publics dans ce genre d’ouvrage ? D’ores et déjà, je m’interdisais de parler de cette pause sur l’autoroute, celle-là même où il fut filmé demandant un plat qu’on réserve aux enfants. Les humoristes ont eu beau jeu de qualifier ce président jupitérien d’enfant, laissant dériver la conversation vers des imaginaires « bon, je vais prendre un cordon bleu, un petit Kiri et un yaourt ». Ce qu’ils ne savent pas, c’est que dix minutes après cette séquence amusante, je retrouvais Emmanuel pleurant dans un coin des lavabos à l’abri des regards en général et de la caméra en particulier.

C’est là qu’on s’est tutoyé, dans l’intimité. J’étais tellement surpris : « Qu’est-ce qui t’arrive ? – Je crois que j’ai la trouille. – Moi, je crois surtout que tu es fatigué. – Non, je dors bien, je fais de l’exercice, je bouffe comme d’habitude. – Non, mais nerveusement. C’est trop dur. Tu ne te rends plus compte de ce qui pèse sur tes épaules. Et en même temps, tu commences à mesurer tout ce qu’on va y rajouter. – Tu crois que j’ai fait une connerie ? – À ce stade des opérations, on ne peut pas dire ça, non ! On dirait même que tu fais de grandes choses. – Je devrais peut-être arrêter, me barrer. – Au moins une journée, oui. – Tu crois ? – Je crois que le monde s’en remettra, oui. Et le futur président a tout à gagner à s’offrir des petites pauses de temps à autre. »

C’est ainsi que nous avons décidé le président et moi (j’adore dire ça) de partir une journée. Il n’était alors que candidat, mais c’était plus difficile que d’être président, je peux en témoigner. L’incertitude du résultat ne vous fait voir que le côté négatif de chaque scénario : la disgrâce en cas d’échec, les ailes coupées, le rêve qui s’envole et l’ambition qui se fracasse sans qu’on puisse le comprendre ; mais la possibilité du succès est peut-être encore plus terrible, entrer dans un univers dont vous êtes le centre, où vous ne vous appartenez plus, dans ce pays royaliste où on vous demande de guérir par miracle ou par enchantement n’est pas fait pour vous rassurer. Il est bien connu que les suicides en prison frappent surtout ceux qui sont en attente de comparution ou de jugement. Les condamnés, même à de longues peines, sont fixés sur leur sort et savent mesurer la durée à laquelle ils ont conscience d’être astreints.

Brigitte était bien d’accord et me remercia d’un léger mouvement de menton. « Emmenez-le, échappez-vous. » Emmanuel restait au bord d’un lavabo, soufflant fort, cherchant de l’air. J’ai vu à cet instant un boxeur entre deux rounds, les mains sur les cordes, cherchant de l’air, évacuant sa douleur par la transpiration et refusant de s’asseoir. Arrivé à un haut niveau de fatigue, le corps ne perçoit plus le bruit comme objet d’analyse, aucun entraîneur ne donne de conseils passée la quatrième reprise car aucun boxeur n’est en mesure de les comprendre ; il ne perçoit plus les cris du public, ce n’est qu’un lointain mouvement de houle sonore dans lequel il s’efforce de surnager avant de revenir au centre du ring pour lever les poings, lourds chacun comme une montagne. Je m’écartais, regardant Brigitte, le meilleur entraîneur dont Emmanuel pouvait rêver. Nous étions tous plein de compassion, je sais qu’elle avait les larmes aux yeux, que le reste de l’équipe avait déjà compris ce qui arrivait et que nous redoutions tous le son grave du gong annonçant que reprenait ce combat de nos dieux modernes. Notre champion commençait à se redresser et voulait se juger dans le miroir. Nous l’avons laissé seul quelques instants. J’ai aussi compris à cette occasion ce qu’était une équipe. Au-delà des échanges d’informations, du langage partagé, il y avait par-dessus tout la cohérence des non-dits, l’entente dans le silence.

En sortant des lavabos, alors que nous étions tous à une distance étudiée, chacun disponible pour un sourire marqué de bienveillance ou pour un regard au sol histoire de faire croire qu’on n’avait rien vu, Emmanuel Macron leva les bras au ciel et lança « une barre de Mars pour tout le monde » ! Et Sibeth ne put s’empêcher de la ramener « moi, je préfère un Lion »… Notre guerrier avait récupéré, finalement sans l’aide de personne, sauf bien sûr en allant puiser dans cette source d’énergie mystérieuse que sont les yeux de Brigitte.

Mes pas boulevard Saint-Germain m’ont entraîné jusqu’à l’église Saint-Thomas-d’Aquin. C’est là justement que le lendemain de ce dernier épisode, Emmanuel et moi nous sommes allés marcher, sur l’insistance régulière de sa femme. Il voulait bien sûr oublier son coup de barre mais son coach savait sans doute mieux que lui ses fragilités. Quelques minutes auparavant, alors que j’étais à table avec le président, je m’étais bien gardé de revenir sur cet épisode. Comme le pape ne doit rien au cardinal qu’il a été, le président n’est pas vraiment un ancien candidat. Dans notre imaginaire, il descend du ciel lui aussi, il n’a pas été choisi par les hommes. Aussi, revoyant les traits de lumière d’un soleil enfin réapparu, j’étais heureux de considérer la pierre blanche de cette église et de cette petite place si charmante et si calme au bord du tumulte de Saint-Germain. Quand le candidat profitant de sa demi-journée eut à choisir un lieu de balade avec moi, il m’annonça sans hésiter qu’on irait vers Saint-Thomas. J’avais été choisi non par proximité dans l’amitié ni parce que j’avais été le premier témoin de son coup de fatigue, mais simplement parce que j’étais capable de le protéger d’à peu près toutes les agressions possibles. Mais le coin était calme et surtout fréquenté par des gens bien élevés… Emmanuel aurait préféré se promener avec Brigitte évidemment, mais cette question de sécurité devenait primordiale et le couple aurait dangereusement attiré l’attention. Macron n’aimait pas trop ce type de calcul : « vous ne voulez pas que je mette une perruque aussi ? – Allons, fais ce qu’on te dit. – Leroy, tu commences à me faire chier. – Je sais, c’est pour ça que je suis payé. – Trop cher, j’en étais sûr. »

Alors que la place était entièrement déserte, un prêtre sortit sur le parvis. Il ne pouvait nous remarquer, absorbé par la lumière éclatante qui enveloppait la place ce jour-là, son église en particulier, à la différence de cet après-midi de juin retourné au gris alors que j’y revenais seul. Emmanuel, nous étions alors en avril, humait l’air d’une promesse de printemps pendant que ses yeux admiraient la grandeur fraîchement retrouvée des façades blanches entourant l’église. C’est lui qui se dirigea vers le prêtre :


– Vous avez décidément une bien belle église, mon père, cet endroit est magique.

– Non mon fils, il est miraculeux.


Emmanuel était content qu’on lui oppose cet argument de bon sens. Loin de le vexer, il ne voulait pas rater l’occasion :


– Je vous ai déjà entendu chanter, mon père, je ne sais pas si c’était merveilleux ou miraculeux mais j’ai compris pourquoi « chanter c’est prier deux fois ».


À son tour, le prêtre sourit.


– Je suis content que cela vous ait plu en tous cas, monsieur Macron, j’espère vous voir plus souvent !

– Ah ! c’est compliqué vous savez…

– Sûrement, sûrement, mais vous avez bien raison de venir vous promener par ici. Je ne sais pas si vous priez, mais vous pouvez toujours méditer. Cet endroit inspire toutes les réflexions, vous ne trouvez pas ?


Emmanuel ne répondit pas tout de suite, il avait croisé les bras et mis son menton sur un poing fermé, regardant le sol. Il voulait en venir à l’essentiel, la caractéristique des hommes pressés ou des âmes profondes :


– Vous pensez que le désir est une mauvaise chose ?

– C’est votre réflexion du moment ? Beau sujet en tous cas. Vous me faites penser à ce qu’écrivait Paul Ricœur : « Le bonheur est un point d’arrêt à la fuite en avant du désir ». Mais vous l’avez bien connu n’est-ce pas ?

– Pas tant que ça, mais c’est une belle idée. On me la rappelle moins souvent que mon passé chez Rothschild !


En ce jour de juin, alors que je remettais mes pas dans ceux des deux hommes et que nous étions à la lumière d’un printemps promis, je ne faisais finalement que trimbaler des sentiments mêlés. C’est vrai, cette fois finalement il faisait moche, l’affaire était conclue, le soleil oublié. Mais la météo ne fait pas tout. La place était vide, je n’avais personne à protéger. Je me souvenais du prêtre emmenant Emmanuel dans son église. Il n’avait pas eu besoin de me faire signe pour que je le laisse deviser seul avec l’homme d’église. Je remarquais bien alors quelques curieux qui faisaient semblant de s’intéresser à l’architecture de Saint-Thomas-d’Aquin mais qui voulaient vérifier s’ils n’avaient pas rêvé en voyant passer sur le boulevard voisin le futur président de la République. Ces pseudo-touristes regardaient timidement et rapidement de tous côtés, s’interrogeant sur l’opportunité de rentrer dans un bâtiment religieux, ou de regarder vers la rue de Gribeauval. Quand certains d’entre eux virent sortir Emmanuel Macron de l’église, ils restèrent interdits. Je crois qu’un vieux monsieur leva la main en signe de reconnaissance. Emmanuel fit la même chose. J’avais ce curieux sentiment de voir partir quelqu’un, pour être clair de le voir mourir. Était-ce l’envoûtement d’une église, ce prêtre aux allures profondes et subtiles ? Un personnage sympathique et brillant souriait et partait, reviendrait un président, un chef qui n’appartient à personne et qui n’a pas d’amis. Je m’approchais de lui pour l’emmener vers la rue du Bac où nous attendait Paul que j’avais réquisitionné pour cette occasion particulière. Macron m’avait dit « avoir un chauffeur qui s’appelle monsieur Paul, ce n’est pas un peu dangereux ? Non, je rigole » en référence à l’accident de Lady Di, ce qui m’amena à lui répondre « ne joue pas ta princesse, pas encore ».


5 – Putains de Gilets Jaunes


J’ai encore accompagné le président dans ses déplacements, alors qu’il se rendait à des « grands débats », exercices étonnants où il se mettait en scène avec cet acharnement narcissique qui commençait à m’inquiéter.

Ce qu’Emmanuel Macron écoutait n’était pas toujours si plaisant à entendre. Mais il adorait ça, ce théâtreux refoulé, comme il s’appelait lui-même, avec cette modestie redoublée – du moins en apparence – de celui qui a toujours peur d’en faire trop. Il se plongeait dans des abîmes de réflexions, de calculs, de notes, de hochements de tête, sans marquer de convenance démagogique, sans jamais avoir l’air de baisser l’intensité de son attention. Et il répondait, point par point, veillant à ne jamais donner de leçons, faisant précéder toutes ses phrases d’un « vous avez raison » ou d’un « vous l’avez très bien décrit » et redressant les torts dénoncés par une ligne droite de politique générale que vous ne pouviez qu’approuver. Il fallait être au centre de la roue et les salles pleines le ravissaient, les doigts levés pour avoir l’honneur de lui parler fleurissaient comme un champ de coquelicots.

Que valent les mots comme « l’art d’être français », et tout le discours intellectualisant dont Macron voulait teinter son intervention, devant une réaction de colère « il nous méprise ».

S’il avait bien saisi la viralité des réseaux sociaux pour propager un sentiment, une fausse nouvelle ou pour mobiliser efficacement, il sous-estimait la déconstruction intellectuelle de propos pourtant bien élaborés, qu’il s’agisse de technique, d’idéologie, de politique ou de débat d’idées en général. Bientôt, un tuto nous dira comment piloter un Airbus et une blogueuse trouvera en trois smileys comment résorber le déficit public d’un pays. C’est déjà le cas avec ces courts-métrages colorés de musique cool avec effets tirés des comics américains où un jeune barbu dont on devine le vélo opportunément posé dans la chambre à coucher nous explique pourquoi les riches sont des méchants (incrustation d’une courbe) et responsables de la faim dans le monde (amoncellement de billets et de cigares aux pieds de Wall Street). Un titre bâclé à l’ouverture de n’importe quel portail donnait le ton « Macron : pourquoi c’est foutu » ou « ils ne l’aiment pas » et tout était dit, on pouvait retrouver la blogueuse qui entre-temps proposait un remède super efficace pour qu’il n’y ait plus de chômeurs avec deux chats trop mignons.


Aux autres « Grands Débats » auxquels je me suis rendu seul, le principe selon lequel les explications les plus simples sont les plus probables ne jouait pas en faveur des élus présents. Le peuple autoproclamé montrait sa force : « Il faut faire payer les riches ! ». Avec ça, tout était résolu. C’était si simple. Bon sang ! Pourquoi personne n’y avait-il pensé avant ?

Sans doute les gens au pouvoir n’étaient-ils que des « laquais du capitalisme » comme aurait dit un grand oncle du joli mois de mai. Quelques Gilets Jaunes proposaient bien des solutions alternatives « vous promettez 100 € de plus par mois pour quelques smicards – pas tous – et vous donnez 10 000 € aux réfugiés ! Moi aussi je veux bien être un étranger ». On sentait dans certaines prises de paroles structurées un passé politique, un rodage de militant. Ainsi, celle qui voulait bien être un réfugié censé gagner 10 000 € par mois sur le dos des pauvres Français poursuivait « il serait temps que vous compreniez la détresse du peuple de France, l’insécurité culturelle dans laquelle vous nous plongez, vous avez vendu la France au traité de Marrakech ! » Certaine de son effet, une confusion totale, elle n’hésitait pas à brandir ses feuillets et prenait pour une acclamation ce qui était incompréhension. Les trois quarts des Gilets Jaunes n’en voulaient évidemment pas aux réfugiés et n’auraient pas su quoi penser du traité marocain en question, beaucoup, mais pas tous, étaient outrés qu’en leurs rangs se soient introduits des militants fascistes. L’impression de se faire couillonner l’emportait sur l’ignominie entendue dans les derniers propos. Pour des gens qui voulaient qu’on leur fasse confiance, parce qu’ils prétendaient représenter le peuple, ça la foutait mal…

Les deux députés présents se contentèrent de secouer la tête de tristesse, comprenant le piège dans lequel ils étaient tombés et surtout la contradiction qui minait le groupe de ces gens exaspérés qui n’auraient d’autre choix que d’accuser encore une fois un élément étranger à leur organisme pour sauvegarder leur apparence de légitimité et de cohérence : le politique. Un enfant qui a mal au cœur en voiture ou en bateau sait-il que son cerveau ne détectant aucune anomalie en déduit que le mal vient de l’extérieur et commande à l’estomac de tout rejeter ?

La colère peut se transformer en paroles – c’est le pari affiché par le président. On pouvait citer les auteurs (Étienne Chouard à toutes les sauces, Victor Hugo parce que ça fait toujours bien), les événements, les contradictions mais aussi les points d’accord : il suffit de parler des grosses sociétés américaines. En bon universitaire, Macron ne croyait qu’à la vertu des pédagogies.

Divine surprise pour ces Gilets Jaunes qui s’étaient découverts nombreux un samedi de novembre, cadeau du ciel, encore, quand ces mobilisations les avaient ouverts les uns vers les autres, sur un sens du collectif qu’ils n’avaient jamais éprouvé et qui les rendait heureux jusqu’à leur faire croire qu’ils avaient raison et qu’en tous les cas ils n’avaient pas eu tort de penser un jour « élections piège à cons ». On ne savait plus si les Gilets Jaunes voulaient se structurer pour qu’il n’y ait plus de structures, souhaitaient un vote pour qu’il n’y ait plus d’élections et exigeaient un départ des élus pour mieux négocier avec eux, négocier la baisse des taxes, avant tout le prix de l’essence pour que l’on se soucie enfin de l’avenir de la planète.

La dernière fois que j’ai vu le président, j’étais dans sa voiture, Notre-Dame brûlait. J’ai vu, ou ai-je imaginé, un début de larme au coin de son œil. Voyait-il un monde s’effondrer ? Je n’ai rien dit. Arrivé à l’Élysée, je me suis entretenu quelques minutes avec Sibeth :


– Écoute, je ne suis pas son garde du corps et je préfère prendre du recul.

– Je vois… Les temps changent.


Elle avait tout compris.


– J’écrirai seul, en tous cas, sans le voir, ça ne sert à rien.

– Reviens-nous quand tu veux.


J’espère revoir Macron quand il ne sera plus président. Je vous livre dans ce qui suit quelques notes sur l’apparition d’un personnage incongru, vous comprendrez – peut-être mieux que moi – jusqu’où ce voyage en Macronie peut nous emmener.


6 – Leonid


Leonid constatait que sa mission était achevée. Le poison était distillé, le venin répandu. Assez vite, la rumeur avait couru comme un parasite s’empresse d’envahir un organisme qui le prend comme un allié alors que sa mission est de le détruire. L’attaché d’ambassade savait bien que ça ne durerait pas forcément longtemps, que des remèdes s’appliqueraient rapidement et que son rôle n’était après tout pas plus important qu’un coup de vent dans les blés.

Passant par la gare Saint-Lazare, il acheta quelques journaux et vit ce qui n’était qu’un entrefilet devenir un sujet d’analyses signées par ces brillants journalistes que le monde entier nous envie. La rumeur de dissolution revenait comme une vague à chaque fois plus bruyante. Leonid remit l’exemplaire à sa place et les mains dans ses poches. Il avait un peu de mal à comprendre ce paradoxe français selon lequel nous aimons enfoncer ceux qui vont bien et soutenir ceux qui vont mal.

Leonid continuait à faire courir la rumeur : les Russes étaient partout, craignant les Chinois et les Américains, exigeant de Macron qu’il compose avec une forme d’autorité, bien loin de ses approches socialo-liberalo-jeunistes. Il fallait en finir avec la Star Up Nation et faire passer des mesures dures. Il pouvait mettre en avant l’urgence climatique, l’exigence de rassemblement, la menace « moi ou le chaos », peu importait : il fallait cogner. Voilà ce que voulaient les Russes. En échange, ils accepteraient le président français comme leader européen, mais ils voulaient des mesures rapides, puissantes, claires et tranchées. Il pouvait laisser sur le carreau autant de Gilets Jaunes qu’il le voulait, les Russes s’en moquaient bien, mais il fallait pouvoir compter sur les Français et sur l’Europe pour faire bloc avec eux face aux Chinois et face aux Américains. Du moins, c’est ce qu’ils laissaient entendre… Et Leonid aimait ça. On ne change pas les Russes, pensait-il, on est là pour foutre le bordel et on sait bien le faire. Cette forme de déstabilisation se mesurait au nombre d’articles et de ragots sur les réseaux concernant cette éventuelle dissolution. Le bruit le plus insistant consistait à prévoir un acte fort du président après les Européennes. On conjecturait quant à un nouveau Premier ministre. C’était là le but véritable des Russes : entretenir une certaine pagaille, une confusion dans les esprits, une dislocation dans l’unité propre à La République En Marche pour affaiblir les Français et au-delà les Européens dans la négociation de tous leurs traités, qu’il s’agisse de la Syrie ou de l’Irak, du traité de libre-échange avec le Canada ou du nucléaire iranien. Avant même d’avoir la bombe atomique, ils connaissaient l’intérêt caché de ce que Nixon avait appelé « le flingue sous la table » : j’en ai un ou j’en ai pas ? Je m’en servirai ou pas ? En gros, la position des Russes c’était « business as usual », affaiblissons pour paraître plus fort.

En rentrant chez lui, dans une petite banlieue cossue des Yvelines, il se disait qu’après tout, il avait le beau rôle. Il était heureux, s’invitant à la table d’un industriel de l’armement le lundi, sirotant un thé avec une députée lambda le mardi, jouant au tennis avec un ministre le mercredi, déambulant à une exposition le jeudi avec un haut fonctionnaire, se réservant le droit de ne rien faire le vendredi pour raconter sa semaine bien chargée à ses supérieurs qui masquaient leur jalousie. Leonid, ils le savaient, était le meilleur dans son genre, pour ces missions de relations publiques. Il parlait aux bonnes personnes, mais surtout au bon moment. Il pouvait manier l’ironie et la menace dans une même phrase, il plaçait des silences éloquents quand on attendait une phrase définitive, il souriait avec la condescendance des vainqueurs. Il n’avait jamais sorti ces mots « émeutes », « dissolution », « attentats » en premier dans les conversations, il savait de quoi ses interlocuteurs avaient peur avant qu’ils n’en prennent eux-mêmes conscience. Il laissait les idées flotter, les menaces planer, les peurs s’enraciner et les doutes subsister. Il cultivait la crainte comme on arrose des fleurs sur son balcon, sans y mettre trop d’eau, en leur parlant et en se moquant bien d’arroser les étages en-dessous.

Son but, l’objet de sa mission, était donc de semer des inquiétudes en offrant son pays comme rempart. Il prêchait à la lumière pour une France forte et tranquille, mais dans l’ombre il apportait la menace du chaos. Les Européens ont toujours eu ce complexe face aux slaves, ils savent ne jamais pouvoir les contrôler, peut-être leurs territoires sont-ils trop immenses et les rendent fous parce que perdus dans des dimensions absurdes, ne jamais pouvoir les raisonner et se rendent obligés d’écouter leurs menaces, fussent-elles recouvertes de mystères enveloppés dans des secrets. Le feu prenait bien. Le haut fonctionnaire du jeudi était un cousin du ministre sollicité le mercredi, ministre dont la femme était employée par l’industriel du lundi. Tout le monde connaissait Leonid et personne ne le disait. Il faisait partie de ces petits secrets inavouables, on ne déjeune pas avec un attaché d’ambassade russe, surtout à titre privé. On préférait jouer les affranchis, faire croire qu’on était de ceux qui savent sans en dire trop. Ainsi les rumeurs n’avaient-elles pas besoin d’être fondées.


7 – Arrivée


Emmanuel Macron aime bien regarder par cette fenêtre. Il aime apercevoir. Le rond-point des Champs-Élysées est embouteillé, il songe à l’Afrique où il séjournera en partant demain. Il va faire une chaleur infernale. Il espère avoir l’opportunité ne serait-ce que quelques minutes de voir les grands espaces, le désert. Il se demande s’il ne pourrait pas faire une petite halte au milieu du Sahara, sous prétexte d’y croiser des armées françaises, en réalité pour goûter seul quelques instants le vent chaud chargé de soleil. Il voudrait revoir ces immensités, ces reliefs qu’on ne distingue pas dans l’horizon, ces couleurs brunes, ocre et blanches. Demain. Depuis qu’il occupe ce bureau, il n’a plus d’impatience, tout est là. Ce n’est pas lui qui est arrivé, c’est tout ça, tout ce décor, cette fonction, il pense « onction » qui est venu à lui. Tous portent un regard différent sur sa personne. Sa bonne éducation fait qu’il en a été un peu gêné au début, il s’est rappelé que déjà, depuis 2012, depuis son arrivée dans les coulisses du pouvoir, son entourage le regarde avec cette bienveillance où se cache une once d’inquiétude, on a en tête le gamin surdoué qui fait du hors-piste, ça inquiète. Quand il devient ministre des Finances, on se dit que le pari est réussi, qu’il domine tout ce qu’il voit, qu’il est une espèce de monstre mais qu’avant quarante ans, il aura pratiquement épuisé tous les recours du possible. Mais il n’a pas quarante ans quand l’impossible se produit, il devient président de la République. À cette domination géographique, il est le meilleur dans tous les domaines, sur toutes les surfaces actives qu’offre la société, culturelle, financière, privée, publique, les domaines de l’argent, les domaines d’influence, les domaines du pouvoir, il ajoute une forme de domination historique. À qui le comparer ? Par son âge, il faut remonter à Bonaparte ou à Napoléon III on ne sait plus, par son intelligence, on ne sait pas non plus, il se permet de claquer la gueule des intellectuels français en dénonçant leurs médiocres capacités. Il nous emmène dans un inconnu sidérant, on ne craint plus pour le gamin qui fait du hors-piste, il a déjà soulevé la montagne.

Peut-être Brigitte s’inquiète-t-elle encore un peu… Après-demain, que fera-t-il ? Il le sait déjà, il écrira des livres. Il se sent capable de rester enfermé dans leur maison du Touquet une année entière sans bouger, sauf peut-être la nuit où il ira parler seul à la mer. On prête à Brigitte un pouvoir d’influence qu’elle a peut-être, lui-même n’en sait rien et s’en fiche. On cherche une explication à tout et comme on ne comprend pas qu’un type de son âge puisse rentrer dans le costume du général de Gaulle, on va chercher une explication, forcément cachée, celle de la femme. Il s’en fout.

Il peut se le permettre, il domine le monde. Pas simplement le monde physique, il peut exiger qu’on ferme le rond-point des Champs-Élysées si ça lui chante, il peut envoyer les soldats de l’opération Barkhane provoquer un massacre si ça l’amuse, mais il domine surtout le monde par la solitude qui l’a placé en son centre. On parle de lui, on l’adore, on le déteste. Il a le choix : il a le pouvoir d’ignorer chaque individu, il peut nommer des rois, il peut induire des fantasmes dans les esprits, il peut être seul à entendre les chants des dunes, dans la formation de ces bien nommées barkhanes, quand les grains de sable entrent en résonance, dans ce qui sera pour lui et pour lui seul, le chant du monde.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   cherbiacuespe   
15/3/2020
 a aimé ce texte 
Pas
Soyons honnête. La longueur du texte est un frein évident à la lecture. Lorsque je lis une nouvelle sur Oniris, je le fais habituellement d'un trait. Or, ce texte doit d'être lu en plusieurs tronçons.

La qualité d'écriture est parfaite, de même que la construction, son développement et son plan. De ce point de vue, c'est un texte très bien fait.

Vient le sujet lui-même, et là j'avoue avoir eu du mal, je n'ai pas accroché, et mon avis personnel sur le personnage, Macron, n'a rien à y voir. Je n'ai tout simplement pas réussi à m'intéresser au sujet. Désolé de ne pas récompenser la qualité du récit, l'effort fourni pour le composer et l'imagination évidente pour l'écrire.

Cherbi Acuespè
En EL

   Anonyme   
13/4/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Excellent ! Nous sommes dans la droite ligne d'un précédent récit que j'ai lu sur ce site et qui parle aussi d'un président...

Le style, bien sûr, mais aussi la légèreté et la construction m'ont amenée à penser qu'il y avait un deuxième degré bien enfoui et que le thème principal n'est pas forcément du côté du président.

Je ne veux pas dévoiler la chute qui glisse très bien sur la logique du récit et qui m'a presque fait froid dans le dos dans la période que nous vivons. Dans "tous le mondes possibles" celui-ci est dans le probable et votre pré-science à ce sujet m'interpelle.

Il y a de grands auteurs sur Oniris et vous méritez d'être cité, c'est vraiment une qualité énorme de ce site de pouvoir révéler des talents comme le vôtre !

J'ai peur que le personnage de votre histoire n'en rebute plus d'un, mais il faut garder à l'esprit que l'important ici n'est pas Macron mais le voyage !

La longueur du style ne m'a pas effrayée, au contraire, tout coule facilement et se dévore tout aussi aisément
Merci de nous avoir proposé cette lecture

   Anonyme   
16/4/2020
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour thierry,

Ce texte démesurément long (si, quand même) m'aura demandé bien des efforts, décidément ! Mais au moins j'aurai bien rigolé... le ton de 'Marc Leroy', voyez...

Après toutefois une petite frayeur initiale : quand on inclut dans le même texte les mots "Macron" et "garde du corps" cela évoque une tout autre personne. Heureusement, fausse alerte.

Le portrait fait de notre président est très humain, intime, un aspect que je ne lui supposais pas, même si c'était tellement logique.

Et les parties 6 et 7 m'ont laissé sur le bord de la route, pas glop.

Dugenou.

   maria   
13/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Thierry,

Ce que j'ai le plus apprécié dans Voyage en Macronie -outre la justesse et la fluidité de l'écriture- c'est le personnage M.Leroy.

J'ai beaucoup aimé le voir déambuler dans ce Paris qu'il connait et décrit très bien.
C'est un solitaire, mais il apprécie les moments que lui procure la famille de son ami Paul.
Il est débrouillard (ou chanceux). D'une situation ordinaire, il en tire des expériences extraordinaires : garde du corps d'un prince puis son biographe ; Macron ramasse son portable, il sera chargé de relater sa campagne.
Il écoute, observe et avec du recul se fait ses propres idées et ose les afficher "Depuis Sarkhozy, les Présidents littéraires, c'est fini"
M.Leroy est aussi un homme bienveillant, respectueux et discret avec son entourage ; pas seulement avec Macron.
Il n'a que des qualités que j'apprécie.

Quant au parcours de notre ancien ministre des finances, je retiendrai :
"Hollande sentait le passé et l'ennuyait comme un vieil oncle...dans son cabinet de réflexion...à l'envie de changer...surtout pas développer des idées révolutionnaires...mais la simplification"

Le sujet Macron ne m'intéressait pas vraiment, mais écrit par toi, je savais que je passerai un moment de lecture, très agréable.
La nouvelle est longue et chacun peut s'attarder sur ce qui lui convient le mieux.
Bravo pour ton travail.
J'aurais bien aimé faire un tour en Hollandie !!!
"

   Donaldo75   
16/4/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour thierry,

A la lecture du titre de cette nouvelle, je me suis demandé si tu allais nous passer en revue tous les présidents de la Cinquième République.

Plus sérieusement, je ne veux pas comparer celle-ci avec la précédente qui traitait de la Sarkozie. Pourtant, la tentation est forte. Cependant, autant le président est un personnage intéressant, un peu différent de l'image qu'on lui prête ou qu'il laisse transparaître, autant la narration m'a semblé moins robuste, plus digressive. En tant que lecteur, j'ai senti la volonté de l'auteur de faire passer des points de vue, des convictions et même une opinion à travers des passages de ce récit mais je ne me suis pas retrouvé dans le mode narratif choisi pour obtenir ce résultat. Le passage avec Leonid en est un exemple symptomatique.

Bref, c'est bien écrit, souvent finement observé mais assez mal cousu.

J'ai quand même aimé.

Don

PS: tu as d'autres sujets que les présidents de la Cinquième République ?

   hersen   
16/4/2020
 a aimé ce texte 
Pas
Pour être franche, j'avais déjà pas mal patiné en Sarkozie, sans me douter qu'il y aurait une "suite".

J'avoue que ce genre de texte me laisse de glace. Pour tout dire, je ne comprends pas la démarche, le but.
Qu'est-ce que ça nous dit ? que dois-je en tirer ? Je n'en ai aucune idée.
L'écriture est assez redondante, ce qui renforce l'impression de surplace en plus de ne pas comprendre où ça nous mène. Je pense que certains passages mériteraient d'être allégés, il y a parfois une insistance sans que j'en comprenne la raison.
J'ai eu du mal à tout lire.

Si en Sarkozie je pouvais un peu retrouver une sorte de gouaille de notre ex, sans que je sois fan, ici je ne retrouve rien de notre "actuel". Cela me semble très décalé.

Mais évidemment, je ne suis pas une spécialiste !

Désolée, la Hollandie ou Chiraquie ou Mittérandie ne me tenterait pas non plus, j'en ai bien peur :(

   Anonyme   
16/4/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

Merci pour ce beau texte que j'ai trouvé très touchant et drôle. J'ai particulièrement apprécié la plume qui nous plonge avec fluidité dans les réflexions d'un narrateur très attachant. Je trouve que c'est vraiment la force de cette nouvelle : le narrateur est original et il a son propre ton, sa propre voix, ce qui est assez rare (peut-être autant qu'un écrivain-garde du corps) !

Le style est vraiment excellent et même si le texte est un peu long pour une nouvelle à lire en ligne, il se lit d'une traite. D'autant plus que le fond est très original. J'ai particulièrement apprécié la promenade dans Paris.

Bel exploit aussi d'avoir su rendre humain une personnalité publique qui est rarement décrite sous cet angle !

En résumé, c'est un gros coup de cœur pour moi.

   Tiramisu   
17/4/2020
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour,

- Belle aisance dans l’écriture.
- L’idée est bonne de nous faire vivre le président actuel à travers une rencontre amusante, l’échange de téléphones, ce qui nous met en présence d’un futur président accessible qui s’intéresse à qui il rencontre.
Au départ, j’ai cru avoir à faire à avec Leroy à un personnage qui a tenu l’actualité à l’été 2018 ? En tout cas, il y a une réelle ressemblance. Ce n'est sans doute pas innocent.
Le début se lit donc bien avec ce petit suspense.

Mais j’ai trouvé la présentation de Macron si ce n’est caricaturale, assez en surface. Que dire du personnage Macron, il est présenté comme quelqu’un de simple, avenant au départ avec Leroy mais après il ne prend pas véritablement chair, il connait le tourment des hommes politiques, bon, mais après qui est-il ? A part que dans le texte on laisse entrevoir une âme de mystique ...

Ce texte m’a gêné aussi par sa structure. On passe beaucoup de temps sur Leroy qui ne devrait être qu’un faire valoir, beaucoup de passages bavards : toutes les considérations de Leroy, sur des problèmes avec l’agent immobilier me paraissent creuses, son affaire de déménagement, cela fait remplissage, je ne vois pas en quoi cela sert le sujet. Pareil pour toutes les considérations sur Paris, on a l’impression d’un guide touristique de la capitale, bon d’accord, on est En Marche à travers Paris, un peu ça va, point trop n’en faut.

En revanche, le paragraphe sur Léonid est vraiment peu développé peu compréhensible dans le contexte, même si on connait le rôle des russes dans cette période macronienne, ce paragraphe semble parachuté après avoir suivi Leroy.

Ce texte est très long, et de nombreuses digressions auraient pu être évitées, je trouve que les passages les plus riches sont noyés dans ces digressions.

   SaulBerenson   
20/10/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ce texte est long, très long, au point d'être d'avantage un petit livre qu'une longue nouvelle. Alors il faut aimer lire quelqu'un qui doit beaucoup aimer écrire, et c'est bien la moindre des choses, car il le fait bien.
Arrivé au bout du texte j'ai l'impression d'avoir écouter plus que d'avoir lu, cette mélodie macronienne trop réaliste pour n'être qu'imaginaire. Je ne tenterai pas d'y vérifier quelques véracités que ce soit, un peu par paresse, mais beaucoup par l'envie de me laisser faire.
Après tout nous sommes ici pour ça non ?

PS: La prochaine fois que je passe rue de la Gaité je ne manquerai pas de regarder par terre si j'y trouve un téléphone.
PPS : Le 13éme est un très bel arrondissement.
PPS : Les jeunes agents immobiliers qui ne rappellent jamais s'appellent KEVIN !

Bien cordialement

PATRICK


Oniris Copyright © 2007-2023