Dans une contrée aride et terne naquit un beau garçon aux yeux couleur du monde et au sourire cathédrale. Ce fut à la cinquième heure du cinquième jour de l’an cinq qu’il poussa son premier cri ; un cri qui déchira le silence et se répandit comme une onde joyeuse sur les arbres gris et fantomatiques, les rivières asséchées et les montagnes endormies. Depuis fort longtemps, une légende circulait, gagnait les esprits et les cœurs et ne demandait qu’à enfler telles les fibres d’une éponge se gorgeant d’eau. Un enfant touché par la grâce du chiffre cinq surviendrait et sous chacun des doigts de sa main droite, les couleurs oubliées renaîtraient en un ballet multicolore.

Le temps passa. Le beau bébé se transforma en un petit garçon espiègle et rieur puis en un jeune homme élancé et élégant. Seulement voilà, la légende semblait ne vouloir rester qu’une légende. Ses doigts endoloris par trop d’essais infructueux n’espéraient plus, la contrée perdait également peu à peu la foi et le gris était plus vivace que jamais. Le blé jeune et pourtant couleur de pierre ployait sous le vent féroce. Dans le ciel drapé d’un voile blanc, le soleil dardait ses rayons mais ne portait nulle trace de ses ors. Les visages arboraient la même pâleur maladive.

Puis dans la succession des jours, arriva une jeune fille en tout point pareille à ses congénères. Semblable d’allure et de teint oui, mais dans ses yeux brillait une lueur qui racontait ses rêves d’un monde différent, lumineux et chatoyant. Au moment où leurs yeux se parlèrent et se comprirent, le jeune homme approcha un pouce de sa joue. Aussitôt, un bouquet rose en jaillit. Son index glissa ensuite sur ses lèvres qui se colorèrent d’un rouge vibrant. Du majeur, il effleura ses yeux qui prirent la teinte d’un champ de lavande au petit matin. Son annulaire lui dévoila une tenue chocolat et son auriculaire lui permit de fouler une herbe d’un vert profond. Puis il fit face au soleil. Il y avait quelque chose d’enfantin dans la prière qu’il adressa d’un murmure à l’astre, un reste de doute encore en lui. Il leva pourtant bien haut la main grande ouverte et cueillit les premières lueurs dorées sur le visage de sa bien-aimée. Il en enveloppa toute la contrée qui se para de toute la palette du peintre. Les couleurs se côtoyaient, s’épousaient, d’autres naissaient tels les oranges et les violets. Quelques heures plus tard, le soleil se coucha sur ce petit pays en un magnifique feu d’artifice de couleurs étincelantes.