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Humour/Détente
Vilmon : Fifi braque La Poste
 Publié le 30/07/23  -  9 commentaires  -  9974 caractères  -  54 lectures    Autres textes du même auteur

Un récit inspiré par le titre offert par marimay.
Une journée comme une autre pour Fifi à son hameau d’Entrelacs.


Fifi braque La Poste


– Philomène, sois raisonnable, lui dit son père depuis la cuisine.

– Ce n’est pas parce que j’ai le syndrome de l’asperge que je suis une incapable, lui déclare-t-elle en refermant la porte de sa maison.


Elle fronce les sourcils sur le palier, décroche de son épaule son sac à dos, l’ouvre, y trouve son carnet et le consulte. Encore une fois, elle s’est trompée, elle se fâche, referme son carnet et l’appuie contre son front avec force comme pour tenter d’y faire pénétrer les mots directement dans sa tête.


– Asperger, avec un g comme guitare et un r comme beurre.


Elle en profite pour retirer et observer avec attention la carte du hameau d’Entrelacs, elle pointe les étapes de son itinéraire pour rejoindre la petite succursale de la Banque République : deux pâtés de maisons, sur le côté opposé, elle doit alors traverser trois fois. Elle range le tout dans son sac, le referme, l’accroche à son dos, fixe ses bretelles et sa ceinture, élance son bras vers la main courante de l’escalier en se concentrant sur les marches devant elle, les descend précautionneusement une à une. À la dernière marche, elle s’immobilise et regarde attentivement de droite à gauche avant de s’engager sur le trottoir, elle veut absolument éviter d’entrer en collision avec une personne insouciante. Rassurée, elle avance, la tête tournée vers le sol pour fuir les regards, fait quelques pas jusqu’à la première intersection en évitant de marcher sur les fissures dans le béton. Elle s’immobilise avant de traverser, regarde à droite puis à gauche, répète le geste trois autres fois, selon ses propres calculs statistiques, la probabilité qu’une voiture apparaisse et la renverse pendant sa traversée passe à un pourcentage acceptable de risque en effectuant quatre vérifications avant de traverser. Satisfaite, elle rejoint le trottoir opposé, malheureusement une forme humaine drapée d’une robe fleurie lui bloque le chemin, elle tente de l’esquiver, mais cette personne se déplace pour l’obliger à la confronter.


– Bonjour, Fifi, comment vas-tu ce matin ? C’est madame Gulliver, tu me reconnais ?

– Bonjour madame Gulliver, évidemment que je vous reconnais, votre parfum vous devance.

– Oh ! Je le prends comme un compliment, ma belle. Où vas-tu ainsi avec ce passe-montagne sur la tête ? Tu dois avoir chaud en cette journée d’été.

– C’est pour braquer la banque.

– Pauvre chérie, la banque est fermée aujourd’hui, il n’y a que le guichet automatisé.


La jeune adolescente fixe la dame avec un visage blême, surprise que tous ses plans tombent à l’eau aussi facilement à cause d’un horaire qu’elle a oublié de consulter lors de la préparation de sa mission.


– Mais ne sois pas si dépourvue, il y a La Poste, elle est ouverte.

– Merci, madame Gulliver, je compte bien analyser votre suggestion.

– Toujours heureuse de pouvoir t’aider, Fifi. Allez, bonne journée.


Fifi ne lui retourne pas la politesse, elle est trop occupée à réorganiser ses idées, elle décroche son sac, glisse la fermeture éclair, y plonge la main et en ressort la précieuse carte du hameau. Elle retrace le chemin qu’elle a parcouru depuis sa maison, laisse son index sur l’emplacement où elle se trouve et cherche sur les rues avoisinantes la position de La Poste. Elle la repère, sur le même côté de la voie principale sur lequel elle se trouve, ce qui lui évite de franchir celle-ci, mais elle doit traverser une rue supplémentaire. Elle acquiesce de la tête, range le tout dans son sac, le retourne sur son dos, y fixe les bretelles et la ceinture, reprend sa marche à pas mesurés en évitant les fissures.


Après avoir franchi la deuxième intersection, elle entend un horrible crissement derrière elle qui se prolonge jusqu’à ses côtés, du coin de l’œil, elle aperçoit un petit vélo qui s’immobilise tout près d’elle, trop près à son goût, et reconnaît son ami qui savoure toujours des bonbons.


– Alors Fifi, tu viens avec nous, nous allons chasser les grenouilles dans la mare du père Peuchère ? lui demande l’adolescent avec un suçon en bouche.

– Non, je ne peux pas, Jujube.

– Pourquoi ? On s’était bien marrés la dernière fois.

– Je dois braquer La Poste.

– Ah, d’accord, on peut se revoir après ?

– Je ne sais pas, je serai certainement en prison.

– J’irai te rejoindre.


Jujube démarre et la quitte en traversant la voie principale sans regarder, elle le déclare idiot, il risque de se faire renverser, elle estime qu’il est très, très dangereux de rouler ainsi à vélo, les risques sont énormes, de l’ordre de vingt-huit pour cent selon ses calculs, elle croit qu’il devrait vraiment faire plus attention s’il veut capturer ses grenouilles. Fifi reprend son itinéraire en espérant qu’aucune autre personne ne va entraver sa mission avec des fadaises, elle pense à Jujube et la merveilleuse après-midi qu’elle a passée avec lui à chasser les grenouilles, son pied touche à une fissure du trottoir, un malheureux incident qui l’en voit désolée. Elle soulève le soulier fautif et essuie la semelle avec sa main, l’observe avec attention, repose son pied avec satisfaction, à côté de la fissure diabolique, et reprend sa marche.


Devant les portes de La Poste, elle reste sur le trottoir à les observer distraitement sans remarquer les personnes qui la contournent avec un regard intrigué ; elle rejoue en mémoire la stratégie qu’elle a imaginée. Après l’avoir revue plusieurs fois avec différentes possibilités farfelues ou peu plausibles, elle se décide, s’approche du seuil, tire la porte vitrée et pénètre dans La Poste, le cœur battant, elle réalise qu’elle a oublié de mettre en place son passe-montagne afin de cacher son identité. Elle recule immédiatement, rejoint le trottoir, abaisse sa coiffe, y aligne les trous avec ses yeux, se retourne et refait son entrée dans La Poste, rassurée que personne ne la reconnaisse.


Elle se dirige vers le comptoir, s’arrête en chemin, décroche son sac à dos, l’ouvre, y retire son pistolet, laisse le sac ouvert et le glisse sur une épaule, prêt pour y verser des liasses et des liasses d’argent. Elle s’approche, coupe la file d’attente, pistolet nonchalant en main, sa vision partiellement voilée par cette tuque trop large pour elle. Les personnes la regardent avec surprise, reconnaissent son sac à dos avec sa peluche préférée Spip, l’écureuil de Spirou, chuchotent entre elles pour tenter de deviner ses intentions étranges.


– Bonjour, Fifi, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? lui demande le caissier.

– Je braque La Poste, oncle Ferdinand, alors je veux tout ton argent, lui déclare-t-elle en pointant son arme.

– Malheureusement, je n’ai presque plus d’argent en caisse, Fifi. Tous ces gens que tu vois ont retiré des billets et il ne me reste plus rien.

– Mais il faut que je braque La Poste.

– Je vais voir ce que je peux faire, attends-moi un instant.


Son oncle quitte son poste, elle le regarde joindre un bureau, décrocher le téléphone, il parle, elle réalise soudain qu’il appelle sans doute la police et elle s’alarme en criant.


– Non, non, pas la police, les billets, les billets, lui commande-t-elle.


Son oncle raccroche immédiatement, revient à sa caisse en battant des mains pour la rassurer.


– Tout va bien, Fifi, je vais t’obéir, je vais te donner des billets. Voilà ce que tu as dans ton compte, cinq euros et soixante-sept centimes. Tu as braqué ton compte bancaire et il est maintenant à zéro, tu l’as volé en entier.


Il lui tend la monnaie, elle lui indique avec le pistolet de tout déposer dans son sac, elle hésite un moment, dépose son arme sur le comptoir, referme son sac, reprend le pistolet, se retourne et prend la direction de la sortie, la tête tournée vers le sol.


– Au revoir, Fifi, tu reviendras me voir, j’aime beaucoup lorsque tu me rends visite, lui déclare son oncle.


Elle pousse la porte, se précipite sur le trottoir sans regarder la présence de gens, elle prend de grandes inspirations, s'exalte de sa réussite, regarde tout autour, aucune sirène, aucun policier, tout semble normal.


– J’ai réussi, voilà pour toi, père, je ne suis pas une incapable, moi aussi je peux faire comme Bonnie et Clyde. Viens Spip, allons fêter ça au café.


Elle aperçoit son café habituel sur le côté opposé, Entre les Entrelacs, avec un grand sourire, elle regarde de gauche à droite quatre fois, franchit la voie principale, se faufile entre les tables de la terrasse, passe le seuil, s’approche du bar, tente d’attirer l’attention du serveur en le perçant du regard, à sa satisfaction, il vient vers elle en l’apercevant.


– Bonjour, Fifi, comme d’habitude, jambon fromage ?


Elle acquiesce de la tête, se retourne, rejoint sa place à une petite table près de la façade vitrée, y dépose son pistolet, décroche son sac de l’épaule, l’installe sur la chaise voisine en s’assurant que Spip soit face à la table, s’assoit, retire le passe-montagne de son visage, le range et replace correctement au centre du napperon l’assiette que lui sert monsieur Gaston. Elle savoure son sandwich lorsque le commissaire entre dans le café.


– Fifi, qu’est-ce que tu as fait ? lui demande le commissaire.

– Je te l’ai dit, père, je peux braquer une banque, ou plutôt, La Poste.

– C’est bien ce que m’a raconté ton oncle, allez, on va au poste de police. Tu peux apporter ce sandwich. Non, baisse les bras, je ne vais pas te passer les menottes.

– Est-ce que ça va, commissaire ? lui demande le serveur.

– Oui, oui, je vais l’emmener en prison pour une heure ou deux, sinon elle va me reprocher pendant des semaines d’avoir failli à ma tâche.


Elle reprend son sac, l’installe sur son épaule, prend son sandwich à deux mains et hésite devant le pistolet laissé sur la table. Son père saisit l’arme en plastique rouge et la guide vers la sortie sans la toucher.


– Allez, ma puce, c’est ici que se termine cette aventure, lui dit son père.

– Au revoir, Fifi, à demain, lui dit Gaston.


 
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   jeanphi   
30/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Très littéraire, touchant, émouvant, attendrissant, l'histoire est aussi belle que n'en est l'écriture, simple et légère.
Cela se passera de mon commentaire qui aurait porté davantage sur la manière d'envisager une suite pour un scénario que sur du fond ou de la forme.

Merci beaucoup pour cette lecture que j'affectionne.

   Disciplus   
14/7/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Espace lecture
Lecture facile. Écriture sans prétention.
Le personnage principal est attachant au vu de son handicap dévoilé très tôt.
Dialogues circonstanciés.
L'anecdote peut vous tirer un sourire.

   Donaldo75   
15/7/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
n'aime pas
L’Asperger ? Amusant d’utiliser ce cliché dans cette nouvelle. En même temps, la catégorie proposée est « Humour / détente » alors ça coule presque de source. Bon, je ne suis pas fan des scènes hyper décrites comme dans le premier pavé ; certes, ça densifie l’ensemble quand les dialogues sont très nombreux mais pour moi c’est du remplissage au détriment de l’action. En plus, je ne vois pas l’humour dans ce pavé. Les dialogues servent à raconter, ce qui est un choix narratif. Ils ne permettent pas trop d’exposer les personnages, ici utilisés comme des marionnettes pour le récit. Bon, Fifi va braquer la Poste parce qu’elle n’est pas fermée contrairement à la banque ; on a compris ses raccourcis de pensée, illustrés dans la manière dont elle juge Jujube. Finalement, le pitch s’épaissit quand le lecteur découvre qu’elle braque le guichet de son oncle alors que son père est commissaire de police. La fin est gentille. Les dialogues ont essentiellement servi à raconter cette petite histoire bien légère mais pas servie par un style appuyé qui m’aurait fait rire ou même détendu. C’est fade, pleins de bons sentiments. C'est un peu comme raconter une blague marseillaise avec l'accent pointu et sans bouger ses bras.

   Perle-Hingaud   
15/7/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime beaucoup
J'ai bien aimé cette histoire pour son originalité parmi les propositions de nouvelles et pour le message qu'elle délivre.
Le style est limpide et les dialogues sans lourdeur. J'ai apprécié le ton et l'humour débonnaire. L'écriture permet de visualiser les scènes sans le poids d'une description. Par exemple: "Non, baisse les bras, je ne vais pas te passer les menottes". Acceptation de la différence, gentillesse des habitants et bienveillance, de jolies valeurs mises en scène avec simplicité. Je ne vais pas bouder mon plaisir !
Merci !

   embellie   
30/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
L'écriture "donne à voir" sans être trop descriptive. L'historiette est mignonne. J'ai l'impression d'avoir suivi un court-métrage de bonne qualité. Merci.

   Atoutva   
2/8/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Un bon petit scénario pour enfants et adolescents.
Histoire peut-être pas très crédible, mais c'est le coin détente-humour.

   Vilmon   
6/8/2023
Bonjour, pour plus d'explications sur ce récit :
ICI

   Cyrill   
15/8/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bjr Vilmon,
Un texte léger qui m’a détendu et fait sourire. On s’attache tout de suite au personnage de Fifi dont les difficultés sont très bien rendues dans le rapport minutieux de ses actes et de leur motivation, et dans ses répliques sans malice. Le titre est un bonbon !
L’aventure dans laquelle elle s’engage a besoin d’un cadre dans lequel se dérouler et son entourage est là pour le lui donner. On dirait presque une pièce de théâtre jouée à trois où la bienveillance est de mise, mâtinée toutefois d’un humour assez fin et c’est tant mieux, sans quoi j’aurais peut-être tiqué.
Peu réaliste, l’histoire pourtant retient l’attention et elle est servie par une écriture claire et vivante, adaptée au propos. Le regard de l’auteur me semble tendre et amusé à la fois, ce qui n’est pas simple à doser.
Merci pour le partage.

   Tadiou   
22/8/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Commentaire tardif. Comme d'habitude en ce cas je ne lis pas les commentaires précédents avant d'écrire le mien.

J'ai passé un moment bien agréable avec ce récit pas sérieux du tout, qui résonne comme un immense gag, l'absurde apparaissant abondamment (les fissures de béton, les probabilités de danger en traversant la rue, les annonces répétées de braquage...), un gag entouré de la bienveillance générale et amusée de l'environnement, à commencer par le père de Fifi qu'on découvre commissaire.

L'écriture est légère, se laisse avaler sans coup férir.

Merci pour ce moment hors du temps qui ne distille aucun drame, aucune gravité, que des sourires.

Tadiou


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