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Sentimental/Romanesque
virevolte : Tristan
 Publié le 20/11/22  -  9 commentaires  -  5253 caractères  -  68 lectures    Autres textes du même auteur

Un enfant et sa grand-mère.


Tristan


Oh ! Oh ! la bonne glace, les beaux beignets, tonitruants chouchous. Le petit-fils a réclamé un cornet à deux boules, vanille et fraise, sa grand-mère hésite un peu. C’est plein de sucre. Mais bon, ce sont les vacances. Le petit lèche sa glace. Il a pris un coup de soleil sur le dos. Ça brûle. Elle lui a passé de la crème mais c’est trop tard.


— On ne t’en a pas remis après que tu t’es baigné. Voilà !


Elle n’y a pas pensé. Elle s’en veut un peu. Elle n’est pas une bonne grand-mère. Fut-elle une bonne mère ? Peut-être. Ses enfants semblent épanouis. Ils réussissent, comme on dit. Elle pourrait être fière. Les deux sont des scientifiques. L’un a fait médecine, l’autre est entré à Polytechnique, c’est bien, mais aucun des deux n’a de goût pour l’art. Elle ne leur a jamais vraiment appris à dessiner. Elle disait vous n’êtes pas doués, laissez tomber. Elle n’a jamais eu la patience qu’il faut pour les enfants. Pourtant elle aurait voulu qu’ils étudient au moins l’histoire de l’art. Ils comprendraient mieux qu’elle ne peut pas arrêter, prendre sa retraite et jouer les grand-mères. Même à son âge, même avec son arthrose. Elle leur parle de Renoir qui travailla jusqu’à la fin de ses jours malgré sa terrible arthrite. Il était presque paralysé qu’il peignait encore. Il se faisait attacher ses pinceaux aux bras. On ne s’arrête pas. Cézanne peignait le jour de sa mort. Évidemment, elle n’est pas plus Renoir que Cézanne, elle ne sera jamais exposée au Louvre, ni vivante ni morte. Mais elle ne va pas changer sa vie.

Le petit-fils a fini sa glace. Maintenant il s’ennuie.


— Grand-mère, viens m’aider à faire un château de sable.


« Tu sais bien que grand-mère a mal au dos. » Non, elle ne peut pas lui dire ça. Ce serait en contradiction avec Cézanne et Renoir. Elle se lève, va jusqu’au sable mouillé. Le petit a sa pelle, il creuse. Il s’appelle Tristan. Et la fille vous l’appellerez Iseut ? Insupportable, la mamie ! C’est à la mode, Tristan, a dit sa belle-fille. Ne vous inquiétez pas Hélène (la Belle ?), ce que j’en dis, moi… C’est votre affaire après tout ! Une exécrable belle-mère. Qu’ai-je donc réussi dans ma vie ? Est-ce l’heure de faire mes comptes ? Colonne réussis, colonne ratés. Ce n’est pas le moment, ni le jour. Il fait trop beau. Elle porte un paréo, parce qu’à son âge il vaut mieux ne pas trop exposer ses chairs. Ces vieilles en maillot sur la plage, j’en ai vu en bikini ! Pourquoi pas les seins nus ? Et ces jeunes filles qui pèsent des tonnes, croient-elles que c’est agréable leurs exhibitions de graisse. Elles s’assument, a dit Hélène. Passons.

Hélène et Arnaud sont en vacances. Ils ont laissé le petit à grand-mère. Pour une fois. Tu le vois si peu. Quinze jours ce n’est pas si long. Et où veux-tu qu’on le mette ? Sûrement pas avec ces petits voyous des colonies de vacances ! (C’est vrai que son fils lui ressemble, bien que des « voyous », il ne faut pas généraliser.)

Ils ont fini le château.


— Maintenant on va l’inonder.

— Ah ?

— Oui. On serait une armée qui l’attaquerait. Avec des canons, tu sais. Des chevaliers aussi avec des bannières.


Il a lu un livre pour enfants sur les châteaux forts. Il sait les donjons, les douves, la herse, le mâchicoulis. Ils n’ont pas mis tous ces détails dans leur sable mouillé. Seulement donjon et douves. Elle est tout de même contente que le petit s’instruise. Il sera peut-être architecte, celui-là. Il saura dessiner. Elle le regarde plus attentivement. Peut-être qu’il lui ressemble un peu.

Elle ne se baignera pas. Elle ne se baigne que dans sa piscine ou dans celle d’Arnaud et Hélène. À l’abri. Elle n’aime pas les plages en été. Toutes ces chairs semblables, cette viande qui grille. En hiver ou même en automne, dès que le sable est nu, à peine froissé du souvenir de ces baigneurs stupides, la mer vient lécher la pâleur de la plage. On pense à une huile de Boudin ou de Monet.


— Grand-mère on s’en va. J’ai faim.

— Et ton goûter ?

— Tu l’as oublié.

— Excuse-moi.

— C’est juste que tu n’as pas l’habitude.


Il est charmant, cet enfant !

Ils s’en vont, la petite silhouette et la grande. À l’époque de Boudin et Monet elle serait venue en robe longue. L’impératrice Eugénie portait pour se baigner des pantalons bouffants à la zouave. Elle se serait promenée avec un petit-fils qui pousserait un cerceau.

Elle a toujours gardé quelque chose des impressionnistes dans sa peinture, la lumière, le ciel, les ombres bleues. Ce grand silence. C’est plutôt ça qu’elle peint, le silence. La nudité du silence.


On va goûter. Plus tard on dînera sur la terrasse. Il y aura les cigales, un souffle dans les lauriers-roses, ce sera un repas tout simple, avec un dessert venu du meilleur pâtissier de la ville. Comme autrefois quand Marc était vivant.

L’enfant est content. Il ira jouer encore un peu dans le jardin. Il imagine que la maison est un palais avec des princesses et des rois. Il ne ressemble pas aux autres enfants de son âge. Il n’est pas intéressé par les jeux vidéo, il lit. Il a sept ans. On disait « l’âge de raison ».


Elle a l’impression d’un volet qui claquerait dans un orage, une violence amère. Elle se dit que plus tard cet enfant sera malheureux.


— Viens, Tristan. Viens embrasser grand-mère.


 
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   Tadiou   
31/10/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Lu et commenté en EL.

J'ai été sensible à l'atmosphère douce-amère (et plutôt amère que douce) de ce récit.

Les phrases, souvent courtes, qui suggèrent davantage qu'elles ne décrivent, permettent au lecteur de se laisser aller, avec plaisir, à des images et à des élaborations d'atmosphères. Phrases courtes évoquant, avec bonheur, la petitesse des taches des impressionnistes ou des points des pointillistes, chers à la grand-mère.

Texte qui parle de la médiocrité, parfois de la laideur, de la vie ordinaire et en même temps de son charme, nourri, non seulement de tendresse et d'affection, mais aussi, plus prosaïquement de cigales, de lauriers-roses et d'un dessert.

J'ai été surpris par l'avant-dernière phrase qui me semble opaque et en décalage.

Merci pour le charme de ce récit et de cette ambiance. Charme malgré tout.

Tadiou

   JohanSchneider   
2/11/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
C'est écrit dans une langue superbe, avec un très bel équilibre entre pudeur sans excès et sentiments retenus sans froideur.

De belles formules qui frappent l'imagination : la nudité du silence, et puis surtout "plus tard cet enfant sera malheureux."

Un vrai tour de force d'avoir réussi à rassembler autant de choses (le temps qui passe, les relations parents-enfants vus par le prisme de son propre vieillissement) en si peu de lignes.

   Anonyme   
4/11/2022
 a aimé ce texte 
Pas
Je n'ai trouvé que peu d'intérêt à cette nouvelle. Elle est très courte, il ne se passe absolument rien et surtout l'écriture est peu convaincante avec cette grand-mère sans profondeur. Je suis au regret de dire que je n'ai pas trouvé ça bon du tout !

   Donaldo75   
5/11/2022
 a aimé ce texte 
Pas
Je n’ai pas aimé cette nouvelle ; d’abord le style reste très scolaire, sans relief et il ne se passe rien à la lecture, même entre les mots. La narration ne relève pas l’ensemble et je n’ai pas réellement vu d’histoire. Du coup, je ne peux pas dire que j’ai été emballé par ma lecture, loin de là et je ne sais toujours pas où ce texte veut m’emmener ; peut-être ai-je raté le sens de ce récit, n’ai-je pas appréhendé le fond qui le sous-tend, soit par manque d’intérêt au thème soit par incompréhension. C’est possible que mon cerveau se soit d’entrée de lecture mis dans des dispositions peu optimales pour bien le recevoir ; je crois néanmoins qu’une écriture avec plus de relief et d’incidentes donnerait du « drive » à l’ensemble et m’aurait peut-être permis de le prendre différemment.

   Anonyme   
20/11/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour virevolte,

J'ai apprécié le fond, la manière de le raconter, avec recul, par les yeux d'une mamie un peu mégère mais vraiment emplie d'amour pour son petit fils à qui au final elle passerait tout, peut-être parce qu'elle s'en veut de ses relations à ses parents et le voit finir malheureux. Alors, en bonne mamie, elle profite de leur temps ensemble pour manger une bonne glace pleine de sucre et péter des chateaux de sable qu'on aurait préalablement pris du temps à construire.

Je me rends compte en l'écrivant que mon commentaire sera plus long que votre nouvelle.

Le vocabulaire est riche, adapté (à l'image d'arthrose/arthrite) et les inserts culturels sont agréables à lire.
La personnalité des protagonistes est survolée, certes, le format joue énormément sur la mise en abîme, cependant, on peut aisément se projeter vers le narrateur et comprendre son fonctionnement avec les indices semés ici et là, comme on le ferait en rencontrant cette grand-mère et son petit fils lors d'une visite sur la plage.

Mon seul bémol réside dans le style choisi.
L'utilisation de ce style télégraphiques (phrases courtes systématiques) ne me permet pas de faire coller le fond et la forme ensemble. Je crois ce procédé efficace sur les passages dits "urgents" ou dans lesquels on veut induire une "urgence" ou une "sècheresse". Ici j'imagine que le but était de donner à Mamie un air détaché, non émotif, hors pathos. Pour en faire quelqu'un de réaliste, de terre-à-terre, ce qui renforce à mon goût la tendresse du final.
Si je trouve l'idée bonne pour suivre un fil de pensées, l'effet ne me semble par contre pas optimal tel que décliné ici. Peut-être aurait-il fallu, dans tous ces points à la ligne, glisser quelques envolées plus longues. Il me reste un petit point de superficialité en bouche, et ça m'agace fortement. Edit : si on relie au pointillisme, comme je le lis dans le commentaire de Tadiou, on comprend mieux, je remonte donc ma note...

Cela dit, dans l'ensemble, j'ai trouvé que l'idée, la manière de la poser excepté le style donc, se tient.

Merci donc, pour ce petit intermède rapide à lire et agréable dans ce qu'il pose de douceur et d'éternité.

Au plaisir de vous relire.

   jeanphi   
20/11/2022
Bonjour virevolte,

Je suis immédiatement entré en empathie avec ces personnages, cela dû à quoi (lexique, aspect décousu de la trame des sujets évoqués, familiarité tant du fond que de la forme), je ne peux le dire. Au contenu, des personnages dont une large part de la personnalité semble nous être dévoilée en quelques mots du quotidien. On se rapproche par écrit d'une scène réellement vécue, une réalité où la communication, tout réelle qu'elle soit, dépasse de mile fois le contenu des discutions. Des infos passent à intervalles plus fréquents qu'entre les mots, cela jaillit du texte comme un souvenir dans la mémoire, des infos passent entre les lettres, si j'ose dire.
Il manque un grand fracas pour plonger illico dans un bon vieux Pennac.
L'exercice me paraît requérir une certaine maturité à l'écriture.
Confrontation intergénérationnelle, la grand mère amenée au porte du temple par son petit-fils qui en sort tout juste.
Un à plat on ne peut moins fataliste de l'implacable sort.

   Corto   
4/12/2022
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour virevolte,

J'ai lu et relu votre nouvelle et j'en suis resté assez perplexe.
La situation de la grand mère désignée d'office pour garder son petit-fils est traditionnelle.
Non, ce qui parait central est le personnage de la grand mère pour laquelle vous lâchez quelques informations assez frustrantes. Il y a pourtant là matière à construire un personnage passionné d'art, artiste elle-même: développons cet axe, l'amour de la peinture, les essais, les recherches, les réussites, les échecs etc. Il pourrait être beau ce tableau mais il faut le travailler. L'art est un sujet sans limites, pourquoi se borner à quelques allusions ?
Une remarque: les réussites scolaires des enfants (Polytechnique et médecine), ça fait un peu "trop"...et ça n'enrichit pas la nouvelle.

Il me semble que vous avez fait un premier jet. Reste à aller beaucoup plus loin pour un texte plus riche voire captivant.

Avec mes encouragements.

   Cyrill   
3/1/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Bonjour virevolte,
L’heure de faire les comptes, comme se dit cette femme à la pensée flottante, qui remet à son corps défendant sur la balance le poids de ses actes, de ses choix. Et les justifie d’un ton qui semble mi hargneux, mi vindicatif contre un fond de mauvaise conscience qui ne veut pas la lâcher. Voilà comment je lis ce texte, qui a, à mon goût, la fadeur des pensées ordinaires, de celles que l’on n’approfondit guère et qui viennent comme des scories empêcher la vie de couler. Ces réflexions me semblent réalistes, mais j’ai du mal à saisir l’intérêt de la chose : je veux dire, à mettre par écrit et donner à lire ce qui fait le quotidien de la pensée, commune à nombre d’entre nous. Va-t-on, lecteur, se sentir mieux en se disant que nos propres réflexions sont partagées, ou en se distinguant de cette « Vieille dame indigne » par la croyance d’avoir une morale supérieure ?
L’écrit devrait permettre d’aller plus loin que ces réflexions de surface qui mettent dans des cases ou des colonnes une chose si importante : la vie. Dommage d’être resté si terre-à-terre, au ras du sable ici. L’ambiance estivale empêcherait-elle de creuser plus profond ?
Reste l’écriture, à laquelle je n’ai rien vraiment à reprocher. Elle est sobre et convient au propos en ce sens que rien d’extraordinaire ne se passe. Nous est donné à voir le quotidien plutôt léger de cet enfant avec sa grand-mère, entrecoupé des pensées de cette dernière : pour moi, c’est bien construit, équilibré.
Merci pour le partage.

   Boutet   
25/1/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Cette petite nouvelle me plait bien et me fait penser à un livre que j'ai lu récement ,Il sagit du tourbillon de la vie d'Aurélie Valogne, l'histoire d'un petit fils passant ses vacances d'été avec son grand père.
Le récit est court, on ne trouve pas vraiment d'histoire, d'intrigue, on n'est pas forcément surpris par la fin, mais cette nouvelle m'a néanmoins touché.


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