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Fantastique/Merveilleux
XM : Plus !
 Publié le 30/08/13  -  2 commentaires  -  34924 caractères  -  65 lectures    Autres textes du même auteur

Il arrive parfois, lorsque l'on en veut plus, que l'on en ait plus !


Plus !


Ainsi ! J’ai résolu de tout révéler…

Étant de santé fragile, le temps me fait défaut. Et ce jour passant va de nouveau tenter de s’emparer de mes dernières forces. Dès lors, je n’ai qu’un but : me hâter de dévoiler les faits, actes et conséquences, et toutes les circonstances qui m’ont conduit à découvrir un mystère tel qu’en en relatant les détails, je crains d’avance de le voir s’enliser dans les sables mouvants de l’incrédulité humaine. Mais pardon ! Quel droit aurais-je d’accuser le douteur de douter quand pour ma part, l’instinct, ni la raison, ne sut me faire accepter la vérité avant de recevoir la lettre… Un document y était joint me fournissant certaines informations, preuves irréfutables d’une réalité si bouleversante qu’elle ne cesse de me hanter depuis. Mais, faire débuter mon récit par « la lettre » serait commencer par la fin, ou plutôt – ce qui serait pire ! – par le début car dans cette histoire ces deux extrémités se confondent trop bien !… Je me contenterai donc de commencer par le commencement…


Il n’y a pas longtemps encore, après avoir pris ma retraite, je me souviens que je m’ennuyais. Étant vieux célibataire, mes jours libérés de la routine de mon travail devenaient si longs qu’ils se prolongeaient jusque dans la nuit sans que je pusse trouver pour me tirer de la monotonie de ma solitude d’autre occupation que celle d’aller me mettre au lit pour « compter des moutons »…

Il existe, dans le treizième arrondissement, un bar à l’angle d’une petite rue s’échappant dans un vieux quartier de Paris. Par une après-midi déjà brûlante de juin, je me promenais dans ce coin dont le calme ne faisait guère détonner celui dans lequel se déroulait mon existence paisible. Poussé par je ne sais quelle tentation nouvelle, moi qui ne fréquentais que très rarement les lieux publics, je n’eus aucune hésitation à pénétrer dans ce café après l’avoir remarqué sur mon chemin.

L’établissement était minuscule. Le comptoir en occupait la partie droite, et quatre tables suffisaient pour en encombrer la partie gauche ; face à l’entrée, un passage étroit permettait aux clients qui le désiraient de siroter leur boisson au bar à condition de se serrer les coudes sur le zinc. Derrière le comptoir, un large miroir réfléchissait la salle sans pour autant créer l’illusion d’un Grand Café. La seule chose en cet endroit qui eût des dimensions remarquables était le patron, un balaise au cou rouge d’environ quarante ans. Il avait une figure sans expression, surmontée de cheveux fins et gominés. Il était seul à servir les clients et ceux qui étaient attablés devaient se lever pour aller lui commander directement leurs consommations.

Je pénétrai dans ce lieu – qui m’eût d’habitude fait fuir – ignorant que le destin me conduisait là pour y rencontrer Adémar Adémas.


– Tenez ! Asseyez-vous à ma table !


Je me retournai, surpris d’être interpellé de cette façon cordiale que je trouvai familière ! Toutefois, en apercevant celui qui m’avait invité je ne pus m’empêcher de me sentir à mon aise et même attiré par l’intelligence magnétique de son visage qui rayonnait comme un millésime prestigieux sur l’étiquette d’une vieille bouteille.


– Asseyez-vous donc ! Je m’appelle Adémar Adémas.


J’obéis mollement, l’assurant tout en m’installant en face de lui que je ne désirais pas l’importuner.


– Allons donc ! Voyez vous-même ! Il y a de la place pour deux ! Et même du vin pour autant ! Je commande toujours deux ballons à la fois pour ne pas avoir à me lever souvent et ainsi pouvoir demeurer sur mon banc. Vous pouvez le constater, ce maudit mastroquet est si étriqué qu’au comptoir il y a toujours foule et qu’il faut constamment lutter contre ces bougres d’assoiffés pour se ravitailler… Goûtez-moi ce beaujolais ! Vous m’en direz des nouvelles…


J’y goûtais, à ce beaujolais ! Et j’y goûtais encore. Et j’y goûtais les jours suivants, les semaines d’après, et même des mois plus tard… Adémar Adémas et moi devînmes amis. Si j’étais célibataire, lui n’avait personne. J’étais à la retraite, lui ne travaillait pas. Rien ne s’opposait en goûtant le vieux beaujolais à ce que je déguste la compagnie de cet ami nouveau.

Il était plus vieux que moi d’un an. Mais il y avait en lui une volonté de ne pas céder à la vieillesse qui faisait mon admiration au point d’en être effrayé. Cette vaillance face aux ans était devenue chez lui une obsession. Un jour, il me dit à brûle-pourpoint :


– Pensez-vous, mon cher ami, que nous puissions nous aimer ?


Je le fixai pour tenter de lui transmettre par la force de mon regard l’affection que j’avais pour lui. Je baissai cependant rapidement les yeux craignant qu’il n’aperçût dans mes prunelles les petites lueurs dévoilant sous leurs clartés l’étonnement que sa question imprévue m’avait causé. Je crus ainsi avoir réussi à lui donner la preuve de mon amitié tout en lui cachant l’intime sentiment de crainte que put me causer une telle sympathie poussée au point où il désirait que nous en vinssions. Il parut sinon convaincu, du moins satisfait. Quoi qu’il en fût, il continua comme si je n’avais aucune part dans notre conversation.


– Il nous faut nous aimer ! Vous comprenez ?! Il nous faut nous aimer !…


Il répéta cette phrase une fois encore et ce fut tout pour ce jour-là.

Le lendemain, je me rendis au café où nous nous étions donné rendez-vous avant de nous quitter. Je l’y trouvai dans un état lamentable. Il n’était que deux heures de l’après-midi et déjà sur la table les empreintes encore humides des ballons de beaujolais qu’il avait vidés formaient un entrelacs récent et complexe. Je le priai de cesser de boire et de venir avec moi faire une promenade. Il n’eut pas la force de me tenir tête, et après avoir réglé son addition je l’entraînai au-dehors.

L’air sembla lui faire du bien et je notai à sa mine qu’il se sentait mieux. Nous traversâmes le parc que nous avions pris l’habitude de fréquenter. Je lui proposai alors de nous y reposer un instant. Il acquiesça sans rechigner. Il marcha jusqu’à l’ombre d’un grand chêne et là, il se laissa tomber sur un banc fraîchement peint en vert. Il ferma les yeux et appuyant ses poings sur ses tempes, il répéta la phrase – qui m’avait déjà intriguée –, sur un ton intense qui ajoutait à ses mots déjà compromettants, une nuance malsaine. Je posai la main sur son épaule.


– Si quelque chose vous tourmente, mon ami, quelle qu’en soit la nature je suis la personne en qui vous pouvez vous confier…


Il me regarda comme s’il réalisait enfin que j’existais.


– Que voulez-vous savoir ?

– Mais ! Ce qui vous ronge et semble vous plonger dans le désespoir…

– Pourquoi ?

– Pour vous aider, naturellement !

– Comment le pourriez-vous ?

– Je ne sais pas… Cela dépend… En tout cas, soyez sûr que mon amitié pour vous me poussera à tout faire, à tout tenter pour vous obliger.


Il eut de nouveau cet air surpris ; étonné par ma présence ou par celle de la réalité qu’il découvrait en lui-même. Je le sentais traqué comme un fugitif pris entre « lui et moi ! ». Soudain, je notai sur son visage une triste résignation qui fit pleuvoir en moi une pluie de remords. Il était brisé. J’avais accouru à son secours, certes, mais ce noble dessein perdait à mes yeux sa valeur devant le spectacle de mon ami ainsi abattu. J’étais confus. Je regrettai de l’avoir pressé de questions et écrasé de bonnes intentions. Je voulus faire marche arrière. L’empêcher de parler ! Refuser de l’écouter ! Me boucher les oreilles ! Me sauver ! Il était, hélas, trop tard. Déjà, Adémar Adémas se confiait à moi, et cela s’avéra être le début d’une succession d’événements qui devait me conduire à découvrir plus tard la fantastique vérité se cachant aux tournants du chemin que le sort avait tracé devant moi.


– Je suis un raté ! Et le pire ! C’est que je suis vieux !


Ainsi donc ! C’était cela ! Ce n’était que cela ! Ses craintes métaphysiques le reprenaient. J’étais au courant de cet aspect de sa personnalité mais j’ignorais qu’il en fût si fortement affecté ! Si profondément infecté. Je tâchai de lui répondre simplement de façon à réduire ses inquiétudes à des dimensions plus humaines.


– Le jugement que vous portez sur vous-même me semble injuste et totalement injustifié ; quant au fait d’être devenu vieux, je pourrais en dire autant !

– Pardonnez-moi, cher ami. Je ne voulais pas vous froisser…

– Je ne le suis pas ! La vieillesse n’est pas une maladie honteuse ! Vieillir est un processus inévitable, heureusement progressif, qui nous permet de nous approcher de la mort avant que celle-ci ne nous ait atteints.

– Justement ! Je suis devenu vieux d’un seul coup ! Sans jamais y avoir été préparé. Je n’ai pas eu le temps de voir le temps passer. Les ans sont tombés sur moi par surprise, sans me permettre d’apprendre les horribles manières des vieillards, ni de m’entraîner à mimer leurs tics dégoûtants, ni à cultiver leur stupide béatitude…

– Comme vous y allez ! Vous allez finir par me froisser.

– Oh ! Pardon ! Il ne me viendrait jamais à l’esprit de vous offenser…

– Je sais ! Je sais ! Calmez-vous. Mais vous n’êtes pas un vieillard ! Et tout chargé d'années – selon vos propres dires –, vous n’êtes pas fané. Vous avez même conservé une allure dont vous pouvez être fier. Allons ! Vous pensez trop et ne vivez pas assez ! Que diable ! Il faut vivre !

– Vivre ! Mais, vivre, c’est mourir plus vite ! N’est-il pas suffisant d’être condamné à mourir pour qu’il nous faille, en plus, nous dépêcher ?!

– Mais qui vous parle de mourir ?! Je vous parle de la vie !

– La vie ! La vie ! La voilà la vie : une dizaine d’années ! Une poignée de sable et je serai mort ! Plus d’Adémar Adémas !

– Qu’est-ce que vous en savez ?…

– C’est de la statistique. C’est ce que vous appelez la vie… Eh bien, non ! Je refuse d’accepter cela !

– Nous partageons tous le même sort.

– Je refuse de partager quoi que ce soit et surtout je refuse la mort !

– D’autres l’appellent.

– Je les observe depuis longtemps, ceux-là ! Ceux qui l’appellent ! Appuyés sur leurs cannes, perchés sur leurs béquilles, suant et grognant ! Ils désirent en finir. Je les ai vus au square, les jambes branlantes, s’asseyant en s’aidant de leurs mains tremblantes. Une fois assis, ils se décrivent leur solitude avec des toussotements et des crachotements, puis ils parlent de leur foie, leurs rhumatismes, leur asthme. Ils se racontent leurs cauchemars et bien d’autres fantasmes. Ils se repaissent de leurs maux jusqu’à la tombée du soir. Alors, ils annoncent interminablement leur départ. Enfin, un à un et peu à peu, ils se lèvent, surpris et fiers d’avoir réussi à se mettre debout. Ah ! Ils peuvent bien l’appeler au secours, la mort ! Ils l’ont bien méritée. Moi, je la méprise ! Je la hais ! Je la refuse !

– Je crains, hélas, que vous n’ayez nullement le choix en cette matière…

– Si ! Si ! Je l’ai !

– Allons donc !

– Je trouverai le moyen !

– Impossible !

– Vous verrez ! Je ne me laisserai pas faire !


La tournure de la conversation me déplaisait. Bien que je n’eusse rien épargné pour aider mon ami, son attitude intransigeante, presque arrogante, me gênait. Plutôt que de me buter à ses arguments ridicules qui ne lui étaient dictés que par son entêtement, je changeai de sujet le moment venu, et je le raccompagnai chez lui…

Quelques jours se passèrent sans que je visse Adémar Adémas. Au début, je l’avoue, c’était moi qui n’avais pas recherché sa compagnie. J’étais de mauvaise humeur et las de ses jérémiades. Mais lorsque je me rendis à « notre » café, il n’y était pas. On ne l’avait plus vu. Je le cherchai en tous lieux où je croyais avoir une chance de l’y trouver. Mes efforts furent vains. Il n’était nulle part. Je me blâmais, évidemment, pour sa disparition que je mettais sur le compte de mon manque de compréhension et de compassion envers celui que j’avais osé appeler un ami. Je n’avais guère été sensible à sa détresse. J’avais méprisé sa douleur dont il ne m’avait précisément révélé la cause que sur ma promesse de l’aider à s’en débarrasser. Au lieu de lui offrir un réconfort je l’avais rabroué. J’avais jugé son mal imaginaire et je n’avais été bon qu’à augmenter son trouble. En un mot, je l’avais trahi.

Je commençai par m’inquiéter à son sujet. Puis, mon inquiétude s’épaissit, se transformant en une étrange peur, une angoisse poisseuse qui sous sa forme molle et collante s’était insinuée en moi, me faisant craindre le pire. Ce « pire », malgré moi, je le peignais sous toutes ses formes les plus virulentes et cruelles, et j’épuisais mes forces à imaginer un malheur sans jamais soupçonner que la disparition d’Adémar Adémas n’était encore qu’un pas de plus le long de cette dimension de l’univers invisible à l’homme, le guidant néanmoins, comme une longue canne blanche dans la nuit, vers d’effrayantes découvertes.

J’en étais là de mon anxiété et de mes réflexions, lorsqu’à ma plus grande joie, Adémar Adémas fit subitement sa réapparition au café. Je me trouvais assis à la table que nous occupions habituellement, espérant depuis une semaine son retour. Et soudain, je le vis debout devant moi ! Méconnaissable. Si je ne l’avais pas tant attendu je ne l’aurais pas reconnu. Il donnait l’impression d’avoir passé ces derniers jours sous un pont.


– Pardonnez-moi, me dit-il. J’aurais voulu aller chez moi pour me raser et me changer, mais je n’ai pas voulu vous faire attendre…


Ah ! Le lascar ! Il n’avait pas voulu me faire attendre ! Que croyait-il que j’eusse donc fait depuis huit jours, sinon attendre ? Je me gardai pourtant de lui en faire la remarque. J’étais soulagé de constater qu’en dépit de sa pauvre allure, et son misérable état de propreté, il ne montrait aucun signe de maladie, ni trace d’accident. Je le serrai dans mes bras, puis l’invitai à s’asseoir.


– Mon vieux ! Ah ! Mon bon vieux ! J’étais inquiet !


Ceci dit, je me précipitai au comptoir afin de commander pour lui deux ballons de rouge que je plaçai sur la table en tremblant. Il avala le premier verre d’un coup. Je lui demandai alors où il était passé.


– À la recherche d’une solution, me répondit-il.

– Une solution ? Mais à quoi ?

– À ma vie.

– Vous n’êtes pas heureux ?

– Là n’est pas la question.

– Quelle est donc la question ?

– Je vous l’ai déjà dit : la mort !


Je craignis de le voir retomber dans ses lamentations métaphysiques qui le vieillissaient plus que l’approche de cette mort qu’il redoutait. Je laissai tomber froidement :


– En effet.


J’étais déçu, mais j’étais si heureux d’avoir retrouvé mon ami que je ne voulais pas risquer de le contrarier. Je levai mon verre avec une sincère bonne humeur que je voulus lui communiquer en disant :


– Buvons à votre santé !


Nous trinquâmes. Nous bûmes encore. À la troisième brinde, je compris qu’il me fallait l’aider à se soulager de ce qu’il brûlait de me confier avec une telle ardeur qu’il me semblait presque voir de la fumée s’échapper de ses oreilles. Je me calai sur ma chaise et une fois dans une position confortable, je lui lançai :


– Maintenant, je vous écoute !…


Son visage s’éclaira.


– Vraiment ! Vous voulez bien ? Je ne vous embête pas ?! Il me semble que la dernière fois…


Ma conduite au square ne lui avait pas échappé. Il croyait m’avoir ennuyé et il en était toujours soucieux. Le ton de sa voix avait changé. Il paraissait être à la fois plus sûr de lui et moins absolu. Sous ses vêtements sales il arborait un nouvel amour-propre. Une transformation s’était opérée en lui durant son étrange absence et j’étais curieux d’en apprendre la cause. Je le rassurai donc.


– Cela ne se reproduira plus. Offrez-moi une seconde chance ! Juste pour vous prouver que je suis toujours digne de votre amitié.

– Une seconde chance ! Vous ne croyez pas si bien dire ! Une seconde chance ! C’est cela ! C’est justement cela dont il s’agit ! Savez-vous mon ami que deux êtres qui se rencontrent dans l’au-delà et tombent amoureux l’un de l’autre, s’aimant dans le Néant comme ils ne l’avaient jamais fait de leur vivant, eh bien, ces êtres ont droit à une autre chance ?! Oui ! Une autre chance ! Selon l’article 149 du Code de… Enfin… de là-Haut…


Je sursautai ! Ne pouvant m’empêcher de m’écrier :


– Là-Haut ?

– Oui. Là-Haut. Enfin, c’est une façon de parler ! Les morts peuvent demeurer sur Terre.

– Sur Terre ! Mais où, sur Terre ?

– Partout sur Terre. Même ici ! Dans ce café, peut-être ! Oui. Là. Dans ce mastroquet circulent des morts ! Seulement vous et moi ne les voyons pas ! Parce qu’ils sont morts. Ils ont leur règles, leurs instructions, leurs lois et décrets ! Ils sont tous enregistrés dans un grand livre tenu par l’Employé de la Réception… Après l‘enregistrement, les morts sont libres d’aller où bon leur semble… Ils ont leur « vie ». Leur vie à eux. Leur vie de morts. Comprenez-vous ? Là-Haut, c’est en-Bas !


L’esprit de mon ami s’était égaré ! J’étais affolé au point d’en avoir perdu la parole. Je le regardais muet d’émotion. Adémar Adémas était-il devenu fou ?! Sur le moment, je ne pouvais plus en douter. Il n’y avait qu’à le regarder dans ses nippes poussiéreuses pour en être persuadé. Son visage était hirsute, sa moustache tordue, et l’humeur glauque de ses yeux était encore emplie de je ne savais quelles images, quels rêves, quels poisons dont elle s’était imprégnée. Dans ma première joie de l’avoir retrouvé, j’avais omis d’interpréter ces signes qui ne trompent pas mais qui m’avaient trompé. Que lui était-il arrivé ? Ses mouvements devenaient erratiques comme si un tic nerveux les eût déclenchés. Où et comment avait-il contracté cette mystérieuse affliction qui lui avait si rapidement ôté la raison ? Je ne pouvais évidemment pas lui en poser directement la question. Je me demandai alors s’il ne se réveillait pas d’un coma ou de toute autre condition cliniquement semblable durant laquelle il eût possiblement été soumis à des visions indélébiles qui avaient détraqué son cerveau ? Je ne voyais pas d’autre explication que l’une de ces lointaines possibilités. Mais aussi lointaines qu’elles fussent, il y en avait une autre encore plus lointaine, plus stupéfiante et plus incroyable, qui, l’eussé-je découverte en cet instant précis, m’eût permis d’apprendre plus tôt le Secret d’Adémar Adémas. Hélas, le destin en avait décidé autrement et je continuai de m’empêtrer dans des spéculations relatives à son état mental jusqu’à en arriver moi-même aux portes de l’insanité.

Soudain !… Mon ami explosa d’un grand rire qui fit se retourner quelques clients, et me confirma dans mon opinion toute première.


– Allons ! Ne faites pas cette tête-là, me lança-t-il, toujours secoué par son rire interminable. Vous me prenez pour un fou ? Je vous rassure tout de suite ! Je ne suis pas dingo.

– Allons donc ! Qu’allez-vous imaginer ?

– C’est vous qui vous imaginez des choses ! Vous me demandiez de vous raconter ce que j’ai fait ces derniers jours, et j’essayais de vous l’expliquer… Et voilà que je vous vois déjà prêt à me passer une camisole de force…

– Mais ce « là-Haut » et ce « là-Bas », et cet article 149… Ces morts qui marchent sur Terre… Enfin toute cette histoire !…

– Ce n’est qu’une histoire ! Une histoire que j’ai lue quelque part ! Tenez ! Vous souvenez-vous de cette phrase que je vous ai si souvent répétée ?

– « Il nous faut nous aimer » ! C’est cela ?

– Oui. Eh bien, je m’étais soudain mis à penser que cette phrase cachait la Solution de mon problème ! L’amour et la mort étaient-ils reliés ? C’était un point, désormais, sur lequel je désirais réfléchir. J’allai donc me balader dans Paris ; l’exercice physique m’éclaircit les idées. Le cours de mes réflexions me conduisit alors sur les quais. Là, je découvris à l’étalage d’un bouquiniste un vieux livre sous cellophane intitulé : « Plus ! » ! Ce livre fut écrit par un philosophe qui a beaucoup écrit sur l’amour.

– Vous croyez en l’amour ?

– Voyez-vous, mon ami, le problème n’est pas l’amour mais… l’Amour !

– Un mot profond ! ironisai-je, mais j’aimerais comprendre avant de peut-être ne le trouver qu’habile.

– Ce que je veux dire c’est que le tout n’est pas d’aimer ou de savoir aimer ! Nous en sommes tous capables. En dépit de cela, l’Amour nous échappe tôt ou tard. L’Amour est inaccessible sur Terre ! Certes ! Il est possible de le découvrir – où à défaut, de « le faire » – mais on ne le possède jamais ! Il est possible de capturer son image en une autre personne mais dès qu’on essaye de s’en saisir, il disparaît ! Il s’évapore !

– Pourtant, vous dites qu’on peut réussir à s’aimer. Quelle différence faites-vous entre le fait de s’aimer et l’Amour ?

– Aucune ! Mais « s’aimer » est un état temporaire, toujours en déséquilibre, toujours tendant vers l’Amour sans jamais l’atteindre. L’Amour, lui, demeure libre. Dans cette poursuite, je dirais presque : ce combat, « l’Amour triomphe » ! Mais évidemment pas au sens où on l’entend communément. Il est vainqueur parce qu’il nous défait ! Et il nous défait parce qu’il fuit ! Tenez ! Ces amants de l’histoire dont je vous ai parlé ! Ceux qui s’aiment là-Haut… Ceux qui ont droit à une seconde chance… Dès qu’ils reprennent leurs formes, ils ont beau s’aimer, ou se leurrer en le prétendant, leur Amour a disparu. Ils l’ont laissé là-Haut ! Sur Terre, il s’étouffe ! Notre haleine le repousse, notre respiration l’empoisonne, notre souffle le chasse. Il vole en poussière.


Les propos de mon ami étaient originaux, fascinants, mais baroques. Je ne désirais pas entrer avec lui dans une conversation sur l’amour, un sujet sur lequel, je dois l’avouer, je n’avais pas grande expérience. Les quelques aventures que j’avais vécues dans ma vie ne pouvaient d’ailleurs que me pousser à voir son point de vue d’un œil ouvert. En dernier lieu, je n’aspirais qu’à comprendre ce qui lui été arrivé durant sa disparition. Je voulais le revoir et le ravoir tel que je l’avais aimé le premier jour de notre rencontre au café, heureux et joyeux comme un gamin. Sa tristesse pesait toujours sur ma conscience et en dépit de tout ce dont il m’avait parlé, il ne m’avait toujours rien dit. Je m’arrangeai donc pour détourner la conversation ou plutôt la remettre sur le droit chemin.


– Je n’appartiens pas à la catégorie des hommes qui croient passionnément en l’amour. Je me contente pleinement de notre amitié. Au nom de celle-ci, je vous en prie, dites-moi ce qui vous est arrivé !


Adémar Adémas fronça les sourcils. C’était là – je le savais pour l’avoir souvent constaté chez lui – sa façon de se concentrer. Ce signe encourageant fut suivi par un relâchement de ses muscles dont l’interprétation – dans mon impatience – indiquait un affaiblissement de sa volonté allant malheureusement à l’encontre de mon espérance. Il émit ensuite un soupir, qui, bien que suffisamment faible, lui fit tout de même baisser les épaules comme un homme vaincu. Il posa soudain la main sur mon bras tendu, voulant s’y accrocher pour me parler.


– Mon ami, je ne sais pas ce qui s’est passé !


Je sursautai sous l’effet de ses paroles, lui retirant mon bras dans ma réaction involontaire. Cependant, avant que je pusse ouvrir la bouche pour lui exprimer la déception que me causait dans son attitude ce qui me semblait être de sa part un manque de confiance en moi, il s’écria :


– Attendez ! Laissez-moi vous expliquer ! Je vous ai dit la vérité ! Écoutez-moi ! J’étais désespéré ! Je me souviens de cela ! Vous rappelez-vous de notre dernière conversation, la dernière fois… au parc… Je voulais à tout prix me battre avec la mort !…

– Ah ! Encore ! Mon cher ami ! Si vous continuez, la mort finira par vous tuer !

– Oui. En effet. Je crois que c’est déjà fait…


À ces derniers mots, ma colère tomba. Je le fixai avec insistance pour m’assurer que ce que j’avais entendu était bien écrit sur son visage. Ce que j’y vis m’effraya. Il avait l’air malade. Et je crois que ce fut en cet instant précis que pour la première fois je soupçonnai qu’un grand mystère l’entourait et le tenait prisonnier dans sa propre dépouille.


– Voyons ! Ne faites pas cette tête-là, me dit-il. Souriez. Je vous ai assez agacé avec mes histoires…

– Ne soyez pas méchant ! Vous savez très bien que je ne suis motivé que par mon désir de vous être agréable. Rien ne me fait plus plaisir que de vous rendre service. Vous ne vous sentez pas bien ? Que vous est-il arrivé tout d’un coup ? Vous n’êtes plus le même depuis votre disparition. Que s’est-il passé ?

– Je voulais une seconde chance… Pouvoir recommencer ma vie…

– Dans quel but ?

– Celui de la réussir au « second tour ». Hélas, je ne savais pas que… Je ne savais pas que…


Je voulus le presser de questions afin qu’il s’expliquât plus ou mieux sur ce qu’il disait, mais Adémar Adémas ne m’écoutait plus. Il continuait de parler comme s’il s’adressait à un être invisible. Il demeurait immobile, comme un aveugle, qui, me sachant à son côté, fixerait néanmoins l’espace vide en face de lui. Et il parlait… Il parlait… Personne ne pouvait plus l’arrêter.


– On dit que la vie est un théâtre, et que nous en sommes les acteurs. Je crois… non ! Je suis sûr que ce n’est pas vrai ! Au théâtre, quand se lève le rideau, les acteurs ont étudié auparavant leurs rôles. Ils ont fait plusieurs répétitions. Ils entrent en scène, préparés et capables de se mettre dans la peau de leurs personnages. Donc ! Si la vie est un théâtre, nous avons droit à une répétition ! J’ai le droit de répéter le héros dont je dois jouer le rôle, ce « Moi » dont je ne sais rien et que je dois interpréter devant « les autres ». Paulette… Savez-vous qui est Paulette ? Non ! Évidemment. Comment le pourriez-vous ? Paulette fut le premier amour de ma vie de théâtre ! Ou plutôt du théâtre de ma vie ! La première jeune première ! La première que j’ai vue nue et qui se donnait à moi, si petite et si chaude sous mes innocentes caresses… Pourquoi ne l’ai-je pas possédée ? Parce que je n’ai pas su ! Je n’ai pas su ! J’ai eu beau essayer de comprendre… D’apprendre ! De deviner ! Je n’ai pas su ! Je me posais sur son ventre, en croix comme le Christ ! Je me crucifiais sur elle, incapable de m’y clouer ! N’est-ce pas drôle ?! Est-ce possible pour un enfant d’être si naïf ? Car j’étais un enfant moi-même ! Est-ce là une scène de théâtre ? Non. Une comédie peut-être… La comédie de la vie sans répétition. Sans instruction ! Revivre ma vie eût signifié pour moi posséder Paulette et ainsi je ne me serais pas fait dépuceler par une putain. Parce que c’est exactement ce qui est arrivé plus tard. Je me suis donné à une putain… Bof ! Ce n’était pas de sa faute… Personne ne me fit répéter la scène du dépucelage. Je la vécus. Je l’endurai ! Mais aujourd’hui, je l’imagine. Si différente de la réalité ! Une scène pleine d’une gauche tendresse. Une scène où l’on prend son temps, on est aimé, attendu, voulu ! Et la grande scène du grand amour !? Combien de fois n’en ai-je pas rêvé ?… N’ai-je pas imaginé cette scène que je n’ai jamais jouée, ni même vécue. Et puis… l’amour… Bof ! L’amour ce n’est pas tout ! Dans mon renouveau, ce regain de vie que j’espérais, je voulais tout revoir, tout dénoncer, tout refaire. Pas seulement l’amour. Mais tout ! Tout. J’eusse été mon seul maître. Au courant des questions et des réponses, je n’aurais pas eu à surmonter mes craintes et mes hésitations pour oser ! Oser penser ! Oser parler ! Oser questionner ! Oser agir ! Oser défier ! Ne pas prendre de la vérité pour la vérité. Ainsi en vieillissant, je n’aurais rien regretté ! Que mon métier d’acteur dans ce théâtre de la vie n’eût pas été un succès, cela ne m’eût pas fait questionner la vie, sinon seulement mon talent d’acteur… Et maintenant, mon cher ami, je vais mourir. Je meurs. Mais n’ayez point de crainte, n’ayez point de chagrin, n’ayez pas de remords ! Maintenant, je sais ! Je sais tout ! Cette mort ! Ma mort ! Je saurais lui donner la réplique ! Demain, je ne serai plus ! Et ce sera sans regrets parce que je détiens la vérité.


Ademar Ademas était livide. Son visage était transparent. Son aspect n’était pas celui d’un mourant mais d’un mort. D’un fantôme ! Il était effrayant à voir.


– Comme vous êtes pâle, mon ami ! Oublions tout ceci ! Désirez-vous rentrer ?

– Non ! Vous me demandez ce qui m’est arrivé ? Je vous le dis !

– Cela peut attendre. Vous êtes fatigué. Venez !

– Non ! Attendez ! Devant l’étalage du bouquiniste, je vis soudain un homme qui me ressemblait…

– Il ne doit pas y en avoir beaucoup des comme vous, allez !

– Oui. C’est certain ! Mais lui me ressemblait comme s’il était ma réflexion ! Nous nous sommes regardés. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Mais moi j’avais deviné en un éclair. Je revenais ! Je revenais vers lui ! Je revenais à lui. Je revenais à moi ! Moi ! Cet homme que j’avais quitté sur ce même quai pour « recommencer »… C’était lui ! C’était moi ! Qu’avais-je accompli en cet aller-retour ? Rien ! Vous me demandez ce qui m’est arrivé ? Rien ! J’ai revécu ma vie pour en arriver à rien ! Je suis passé de la fin au début et du début à la fin, et je n’ai pas bougé. Je me suis retrouvé devant le bouquiniste tenant un bouquin dans la main, intitulé « Plus ! ». Plus ! Un mot révélateur. On en veut toujours de ce « plus » ! Plus dans la vie et plus de la vie ! Mais « plus » n’ajoute rien ! Tout ce que j’avais fait, je le refis comme si j’en avais été « désinstruit »… Croyez-moi… La vie est remise à zéro avant de démarrer. Quand on croit en avoir plus, on ne l’a déjà plus !…


J’étais affolé. J’en étais arrivé à espérer que mon ami fût devenu fou ! La folie se soigne. La mort est irréversible. Surtout sa mort ! Il l’avait tant méprisée, insultée, défiée, que… Je n’osai penser à ce qu’elle lui ferait si elle l’emportait… Adémar Adémas de nouveau éclata d’un rire qui se termina par un son rauque qui ressemblait à un cri.


– Mon cher ami ! Quelle ironie ! Moi qui voulais tant recommencer ! Revivre ma vie ! Eh bien ! Cette vie je l’ai déjà revécue ! Et je ne le savais même pas ! Maintenant c’est fini ! Fini ! N’est-ce pas drôle ?…


Je ne me souviens pas du moment où Adémar Adémas se tut. En fait, je crois entendre encore ses paroles, et je les entendrai jusqu’au moment de fermer les yeux…

Ma raison, convaincue qu’il avait perdu la sienne, s’efforçait de me suggérer des remèdes afin de le soulager de la douleur qui avait dû le pousser dans l’abîme où la sagesse ne s’exprime plus que par des maux. Toute l’histoire qu’il m’avait contée résonnait en moi comme un glas déchirant…

J’ignore quand et comment j’arrivai à le ramener chez lui. Il était maintenant si pâle que je voulus aller chercher un médecin. Il m’en empêcha.


– Non. Merci. Ne craignez rien. Tout va bien se passer. Revenez demain. Allez ! Mon ami ! À demain !


Le lendemain Adémar Adémas était mort. Il s’était suicidé la veille. Une heure après mon départ. Je fus le premier à découvrir son cadavre. Il avait… (il m’est pénible de l’écrire) une balle dans la tête… Je m’occupai de ses funérailles. Je fonctionnais sans l’aide aucune de mes facultés affectives qui se trouvaient, depuis l’épouvantable découverte que j’avais faite, dans un état de paralysie. J’étais comme une oie à qui l’on a coupé la tête et qui court sans pleurer… Comme cette pauvre bête, j’étais aveugle et sourd, mais j’entendais en moi une voix qui me disait : « Il nous faut nous aimer ! »

Une semaine se passa, durant laquelle nous demeurâmes encore ensemble. Lui, mort, et moi, mortifié. Après qu’on l’enterra, il ne resta plus que moi. Je crois bien que ce fut en ces tristes circonstances que je contractai cette toux qui brûle mes bronches et menace aujourd’hui ma vie. Par bonheur, contrairement à mon pauvre ami, je ne désire prolonger ni ma vie, ni le moment qui me sépare de la mort. Je suis une âme simple qui trouvera sûrement la place qui lui est due en temps voulu.


Il me fallut attendre plusieurs jours pour arriver à réfléchir sur ce qui s’était passé. Comment et pourquoi mon ami était-il devenu fou ? Comment en était-il arrivé au point de mettre un terme à cette vie qu’il aimait tant ? Tout ce qu’il m’avait dit et que j’avais refusé d’entendre me revint en mémoire comme si une force surnaturelle me poussait à m’en souvenir. Submergé dans la masse des paroles qu’il avait prononcées, roulant dans ma tête comme un torrent de pensées fluides, je m’étouffais en essayant de comprendre. Lorsque ma raison arriva enfin à me sortir de mon incompréhension, j’étais exténué et pour tout réconfort, je réalisai que je me trouvais devant un nouvel obstacle. De toutes mes réflexions était née une question capitale ! Inévitable ! Lancinante et effrayante comme un pendule tranchant, qui, à chaque battement descendait lentement vers moi, irrémédiablement, millimètre par millimètre, menaçant de me trancher la gorge si je n’arrivais pas à lui offrir une réponse ! Adémar Adémas avait-il – comme il l’avait annoncé – réussi à « recommencer » ? Avait-il vécu deux fois ?

Le chagrin que m’avait causé sa mort et la part de responsabilité que je m’attribuais dans ce malheureux drame me poussaient à imaginer un scénario dans lequel j’essayais d’adapter les faits que mon ami m’avait rapportés. Mais je n’arrivais qu’à y caser certains détails, sans jamais parvenir à inclure ceux qui s’opposaient et faisaient s’effondrer la version merveilleuse de mon ami, malgré mes croyances les plus fidèles au souvenir de celui que j’avais aimé. Non ! La réponse était non ! Je ne pouvais croire en tout ce qu’il m’avait conté. Il n’avait, ni recommencé, ni pu jamais espérer pouvoir y réussir ! Il avait simplement sombré dans une subite dépression nerveuse. Le reste n’avait été que le résultat de ma négligence et de la malchance qui s’en était mêlée.

J’étais à ce stade de mes conclusions, celles que j’avais fièrement tirées de déductions basées sur la seule vérité que connaissais, et que j’avais apprise en vivant. Pas un instant ne suspectai-je que je me trompais !

Je ne demeurai pas longtemps dans l’ignorance de mon erreur. Bientôt, je reçus… la lettre. Elle ne contenait que quatre lignes qui m’éclairèrent sur un mystère qui m’avait éludé parce que je n’avais pas été capable de faire confiance à celui que j’aimais tant. Vous pourrez en juger par vous-même et vous faire une idée de la vérité. Je crois que je n’ai plus rien à ajouter. Je pense avoir fait mon devoir. J’espère ne rien avoir omis par oubli ou négligence… Voici la lettre. Je peux maintenant reposer mon esprit. Contrairement à Adémar Adémas, je ne désire pas revivre ma vie. Je n’aurais rien à y changer et je désire tant aller retrouver ce « pauvre fou » là-Haut…ou en-Bas…


Cher Monsieur,


En réponse à votre demande d’information sur l’état civil de M. Adémar Adémas, j’ai l’honneur de vous faire savoir qu’à notre connaissance le seul Adémar Adémas en vie aurait aujourd’hui, comme l’indique l’extrait de naissance ci-joint, 160 ans.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, etc.


FIN


 
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   Anonyme   
17/8/2013
 a aimé ce texte 
Un peu
Euh... oui, mais si Adémar Adémas avait vécu deux vies consécutives (en l'oubliant), n'aurait-il pas lui aussi, à l'occasion de démarches administratives, découvert l'anomalie de son âge ? Je pensais en fait qu'il avait vécu ses deux vies, mais en revenant à l'époque de sa naissance... bon, de toute manière tout cela me paraît franchement confus.
C'est le principal reproche que je ferai à ce texte : la confusion, et un mouvement patinant (bon, ça correspond au sujet), et puis ce procédé vieillot "accrochez-vous, les révélations que je vais vous faire sont effarantes" ; c'était bon du temps de Lovecraft, et c'était soutenu par un style ample, de l'épithète, du grandiose dans l'horreur, voire de l'outré.
Rien de tel ici à mon avis, j'ai trouvé le texte trop long pour ce qu'il avait à dire et laborieux, comme essoufflé. Dommage, l'idée m'a paru sympathique et l'écriture plutôt plaisante quoique à mon avis entachée de lourdeurs (cf. mes remarques ci-dessous). Le narrateur m'a touchée.

"une étrange peur, une angoisse poisseuse qui sous sa forme molle et collante s’était insinuée en moi" : j'aime bien l'angoisse poisseuse !
"Adémar Adémas de nouveau éclata d’un rire qui se termina par un son rauque qui ressemblait à un cri." : je trouve lourdes les deux relatives successives.
"Elle ne contenait que quatre lignes qui m’éclairèrent sur un mystère qui m’avait éludé parce que je n’avais pas été capable de faire confiance à celui que j’aimais tant." : cette phrase aussi me paraît lourde avec son alignement de conjonctions que qui qui parce que celui que.

   jaimme   
23/8/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Merci pour cette lecture. Vous écrivez très bien. La longueur est très bien passée grâce à votre style.
J'ai beaucoup aimé l'histoire et adoré l'idée d'une "répétition" de la vie, préparation avant la scène, avant la vie.
La fin est à peaufiner: j'aurais bien vu une phrase intermédiaire entre celle qui finit par les ... (pas de spoiler) ans et la formule de politesse. L'administration aurait pu rajouter: "Mais nous faisons une enquête pour définir l'origine de l'erreur." ou quelque chose comme ça.
Une chose encore: le style ne différencie pas assez les deux personnages. Est-ce l'amitié si profonde qui les unit qui les fait parler (presque) de la même façon?
Une très belle nouvelle.


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