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Poésie contemporaine
Castelmore : Ô Muse
 Publié le 22/04/21  -  16 commentaires  -  2055 caractères  -  260 lectures    Autres textes du même auteur


Ô Muse



Les vertiges troublants d’une fuite éperdue,
Quand meurent les soleils, près des pics hérissés
Et des glaciers hautains aux reflets vernissés,
Ont englouti souvent ma raison confondue.

Combien de fœhns brûlants, tournoyant aux déserts,
Ont asséché les flots de ces torrents sauvages
Que déversait mon cœur, tels furieux orages
Qu’un aria divin allumait dans les airs !

Le vent mélodieux qui guide les étoiles,
De leur source enfouie aux prémisses du temps
Jusques à mes cieux noirs de nuages suintants,
Viendra-t-il emporter ma barque dans ses voiles ?

Aide-moi ! pour franchir le mur gris des enjeux,
Mener mes pas légers par-delà les rivières,
Oublier en brisant les honteuses barrières,
Et vomir les mots sourds et les discours fangeux.

La terre nourricière aux champs fleuris de seigle,
Les eaux des océans, mères d’éternité,
Dévoileront pour moi toute virginité,
Comme le ciel d’azur, au royaume de l’aigle.

Serai-je seulement inquiet de pureté ?
Non ! Je peindrai la chair, pétrie à la première
Folle étreinte des corps, attirant la lumière,
Et la mort dans l’instant où s’éteint sa fierté.

Tu sais créer les mots et l’âme du langage,
Viens, penche le regard vers ton nouvel amant,
Ainsi fais-lui quitter son état infamant
Et qu’il s’enivre enfin du merveilleux rivage,

Où ton ardent baiser, ton élan retenu,
Ta caresse innocente à ses lèvres humides,
Enflamment pour chanter, loin des plaintes timides,
La beauté d’une fleur, le malheur advenu.

Ta cithare à la main, de myrte et d’une rose
Couronnée, tu vas allègrement tes pas ;
Accompagne les miens où je n’oserai pas,
Seul, écrire un poème en versifiant ma prose.

Je prierai avec toi la religion de l’art
Pour jouir du plaisir des feux de l’écriture
Quand s’exhale du cœur l’émoi de ma nature.
Ô Muse donne-moi du bonheur une part !


 
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   Myo   
8/4/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Je me laisse bercer par ces mots sans avoir l'envie de les décortiquer. Je ne chercherai pas la faille et doute qu'il y en ait.
L'émotion est là dans un doux vertige...
La Muse en écho murmure quelques vers.

Il m'arrive quelque fois d'avoir du mal à ressentir la même intensité tout le long d'un poème d'une telle densité, mais ici, chaque mot a sa place et sonne en harmonie avec la grandeur de son art.

Une part de bonheur... vous nous en faites cadeau.
MERCI

En El Myo

PS: J'ai juste un peu de mal avec la formulation " tu vas allègrement tes pas"

   inconnu1   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
poésie revendiquée en classique. J'ai peur qu'une synérèse malheureuse fasse tout capoter (inquiet et non inqui-et). Respecter le classique sur un aussi long poème est compliqué. Dommage car sinon, le style y était. Si je ne me trompe l'inhomogénéité du traitement des diérèses devrait faire basculer le poème en contemporain mais ce n'est pas sa place.

Pour ce qui est du fond, l'appel à la muse est sans doute un peu déjà entendu. Le thème est-il renouvelé? Je n'oserais dire, mais on a clairement une belle plume qui sait manier la langue et la versifier

Bien à vous

NB : le poème est aujourd'hui publié et ce n'est que justice. Je comprends aujourd'hui que le mot inquiet nous relie plus que de raison.

   Ligs   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Castelmore,
Quel beau réveil qui m'incite à écrire aujourd'hui !
Votre poème est majestueux, maîtrisé.
Tout est au rendez-vous, le lexique, la beauté des images, le rythme (facilité par l'alexandrin il est vrai).


Ce passage est mon préféré :
[...] Je peindrai la chair, pétrie à la première
Folle étreinte des corps, attirant la lumière,
Et la mort dans l’instant où s’éteint sa fierté.

Et la dernière strophe est d'une grande justesse.

Merci pour cette lecture.

   papipoete   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
bonjour Castelmore
D'emblée, je vous dis sans aucune arrogance ; votre poème est trop long ! Il est rempli de lignes plus belle l'une que l'autre, mais notre Maître de poésie nous recala rien que pour cela...
Versifier sur la muse, peut laisser courir tant et tant la plume, que tel un pur-sang, elle galope sans s'arrêter...
NB il n'en demeure pas moins que l'écriture est majestueuse, comme dans la 3e strophe, 3e vers " jusques à mes cieux noirs de nuages suintants " par exemple;
comme il est bon d'avoir pour compagne, une muse qui nous pousse, nous inspire et laisse le sombre de côté...
Après avoir jardiné sous le soleil, je suis revenu sous votre ode ; c'eut été trop injuste de ne faire l'effort de vous lire, face à celui que vous fîtes pour parler de cette chère amie... comment retenir du plus beau, quand tout est beau, tel un Everest de mots brillants, où les diamants roulent de toute part !
la 8e strophe peut-être et la neuvième scintillent de quelques carats de plus, mais on est là dans un travail d'orfèvrerie...
une telle écriture visait sans doute la forme classique ? voyons-voir cela de plus près...
ah, au 21e vers ( inquiet ) se dit " in/qui/et " et donne un vers de 13 pieds
au 36e vers ( versifiant ) se dit " ver/si/fi/ant " donne aussi 13 pieds.
c'est tellement dommage d'abattre un tel travail, si méticuleux, et se faire surprendre par ces diérèses ! ( je trouve qu'il y en a énormément dans votre texte, et sont autant de pièges vicieux !
Bon, cela n'enlève rien à la qualité de votre poème ( votre muse aurait pu vous murmurer " attention ! y'a peut-être diérèse là... )
mais comme je le disais en préambule, " il faut savoir sabrer " ( ce let-motif m'est resté gravé en mémoire, depuis mes premières leçons, en 2010... )

   Quidonc   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Bonjour Castelmore,
Qui n'a jamais connu de faiblesse dans son inspiration. Sujet éternel que celui de la muse, et comme les diamants (éternels eux aussi) quand c'est bien taillés c'est éblouissant.
Alors que m'importe si c'est un tantinet longuet, je le lis plusieurs fois pour en savourer chaque étincelle, et ce n'est pas moi qui vous ferez de leçon sur la longueur d'un texte ;-) .

"Viens, penche le regard vers ton nouvel amant,
Ainsi fais-lui quitter son état infamant
Et qu’il s’enivre enfin du merveilleux rivage,

Où ton ardent baiser, ton élan retenu,
Ta caresse innocente à ses lèvres humides,
Enflamment pour chanter, loin des plaintes timides,
La beauté d’une fleur, le malheur advenu."

C'est beau et je n'en dirai pas plus que ces vers pour résumer mon ressentit.
Merci pour ce partage

   Damy   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Cet appel vertigineux à la Muse m’a vraiment beaucoup touché. Une version originale sur un thème souvent traité.

La première partie du poème où le poète mêle son art à tous les éléments de la nature est remarquable et m’a profondément ému.
« Le vent mélodieux qui guide les étoiles,
De leur source enfouie aux prémisses du temps
Jusques à mes cieux noirs de nuages suintants,
Viendra-t-il emporter ma barque dans ses voiles ? »
Le vent emporte déjà.
« La terre nourricière aux champs fleuris de seigle,
Les eaux des océans, mères d’éternité,
Dévoileront pour moi toute virginité,
Comme le ciel d’azur, au royaume de l’aigle »
La terre nourricière a déjà tout dévoilé.
Mais je ne vais pas citer tout le poème. Il me nourrit et m’emporte.

La deuxième partie qui implore m’a également envoûté.
« Viens, penche le regard vers ton nouvel amant »
La Muse ne fait pas que pencher le regard, elle embrasse la plume de son baiser le plus pur pour des vers chastes ou mortifères.
Le dernier quatrain est vraiment très beau.

Merci, Castelmore, de m’avoir embarqué si poétiquement dans votre quête de l’absolu.

   Robot   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Comme un tour d'horizon de tout ce que l'on quémande à sa muse afin d'insuffler en nous les vents de son inspiration.

On y lirait une déclaration d'amour que celà ne me surprendrait pas.

Un contemporain que j'ai lu en appréciant chacun des vers métaphoriques ou imagés de cette composition lyrique. Je me suis laissé entraîner, porté par la fluidité du propos.

   Angieblue   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Quelle belle inspiration!
Elle mérite bien que vous lui rendiez hommage, votre muse, vu les vers magnifiques qu'elle vous a dictés.

Mes vers préférés sont:
tels furieux orages/Qu’un aria divin allumait dans les airs !

Tout le 3ème quatrain.
"Le vent mélodieux qui guide les étoiles,
De leur source enfouie aux prémisses du temps
Jusques à mes cieux noirs de nuages suintants,
Viendra-t-il emporter ma barque dans ses voiles ?"

Magnifique aussi le 9ème:
Ta cithare à la main, de myrte et d’une rose
Couronnée, tu vas allègrement tes pas ;
Accompagne les miens où je n’oserai pas,
Seul, écrire un poème en versifiant ma prose."

Superbe aussi dans le dernier quatrain:
"Je prierai avec toi la religion de l’art
Pour jouir du plaisir des feux de l’écriture"
ça j'adore vraiment.

Un peu moins les deux derniers vers du poème, que je trouve un peu plus faible et simple que ce qui précède.

J'ai eu des petites gênes à la lecture:
Dans le premier quatrain aux vers 2 et 3, j'ai trouvé un peu lourd qu'il y ait 2 propositions coordonnées. J'ai dû relire plusieurs fois le quatrain pour en saisir le sens, ça n'est pas fluide.

Et enfin, à la strophe 4 ce qui me vient spontanément c'est:
Aide-moi.....
A mener mes pas
(ça me fait bizarre "mener" sans la préposition devant.

Voilà, vraiment bravo pour cette œuvre majestueuse.

   Provencao   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
" Le vent mélodieux qui guide les étoiles,
De leur source enfouie aux prémisses du temps
Jusques à mes cieux noirs de nuages suintants,
Viendra-t-il emporter ma barque dans ses voiles ? "

J'ai choisi ce quatrain qui illustre à mon sens le charme presque visuel et musical présent dans l'artistique littéraire.


Cette quête, se manifeste fort bien comme une réelle quête de cette muse.qui semble être le signe transmis en vos vers comme un don de .....l'écriture..
C'est ainsi que j'ai ressenti votre écrit..

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   emilia   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Votre Muse n’est pas restée de marbre à votre superbe invocation, elle a su vous insuffler « les mots /la chair/ et l’âme du langage » déclinés en strophes mélodieuses, à l’instar du « vent qui guide les étoiles…/ sur un aria divin… », et de subtiles images qui s’égrènent en vibrants « vertiges » d’un amour enflammé pour nous chanter, en sa charmante compagnie « cithare à la main, de myrte et d’une rose couronnée… » avec les émois d’un cœur dans l’espérance de cette « part de bonheur » que peut apporter « l’art » de l’écriture ; bravo à vous pour ce poème magnifique et félicitations à votre duo en harmonie… !

   Anonyme   
23/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Castelmore

Depuis le titre jusqu'au derniers vers et son point final, le narrateur nous fait baigner dans un romantisme de bon aloi.

Pour les détails qui m'ont gênée :
"Jusques à mes cieux noirs de nuages suintants," la sonorité jusque-Z-à, un peu rugueuse.
"Ainsi fais-lui quitter son état infamant" de même ici, "son état-T-infamant
"Couronnée, tu vas allègrement tes pas ;
Accompagne les miens où je n’oserai pas," Ces deux vers m'ont donné du fil à retordre pour assembler les sujet aux verbes et leurs complément. Je suis parvenue à savoir.
J'aime fond et forme, sans ostentation dans l'emploi d'un registre 19e siècle.
J'aime les inversions, pas trop nombreuses et pourtant bien présentes.
J'aime la longueur, la Muse "la" vaut bien.
J'ai vu survolant les commentaires, que ce texte avait été classé par Oniris.
Si l'auteur veut le travailler pour parvenir à un classique-règles Sorgel, je voudrai bien voir le résultat, mais j'aurai peur de ne pas retrouver la magie de cette découverte.

Merci du partage,
Éclaircie

   Cristale   
23/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Castelmore,

Des petites erreurs de prosodie faciles à rectifier sans que le poème ne perde rien de sa splendeur et d'autant moins vu l'ampleur et la longueur de celui-ci.
Sans doute un peu trop de hâte lors de l'envoi en lecture...

Il me semble que la muse a guidé la main du poète dans l'élan d'un lyrisme absolu tel que nous pouvons en lire chez les grands auteurs des siècles derniers, une syntaxe qui me plaît beaucoup de par le langage soutenu bien éloigné du nivellement par le bas que nous pouvons constater actuellement.

Un très beau poème agréable à lire porteur d'un discours musical audible, un souffle particulier très agréable coloré de jolies images.

Bravo et merci Castelmore.
Cristale

   dream   
23/4/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Castemore,

La muse est cette onde vermeille dont le poète s’abreuve à la source du rêve ; elle est la tendre fleur aux senteurs d’ivresse et fait comme une musique quand éclot chaque vers. Mais parfois, cette douce sylphide défaille, se craquelle et se fend, puis s’évapore en désaccordant sa lyre :

« Je prierai avec toi la religion de l’art
Pour jouir du plaisir des feux de l’écriture »

« Tu sais créer les mots et l’âme du langage
Viens, penche le regard vers ton nouvel amant, »

Merci pour cette onde vermeille ! (dont j’ai pris, malheureusement, connaissance seulement ce jour).
dream

   jfmoods   
23/4/2021
Les deux premières strophes, épiques, construites sur des jeux de contrastes, dressent le cuisant constat de l'échec du poète. La rugueuse promesse des sommets ("pics hérissés", "glaciers hautains") s'est soldée par un enterrement de première classe ("Ont englouti"). Le flot vif des mots ("ces torrents sauvages / Que déversait mon cœur", "furieux orages") s'est tari face à l'aridité d'un paysage désolé, voué à une chaleur suffocante ("foehns brûlants", "Ont asséché").

Par l'intermédiaire d'une question fermée au futur, la troisième strophe pose l'hypothèse - espérée - d'une inspiration puissante à venir ("Le vent mélodieux [...] / Viendra-t-il emporter ma barque dans ses voiles ?").

Nous entrons alors dans le vif du sujet, posé par le titre du poème ("Ô Muse !"). Au fil des strophes 4 et 5, l'Inspiratrice est sollicitée (impératif : "Aide-moi !"). Elle seule se trouve en mesure d'apporter le secours nécessaire au dépassement de limites si douloureusement éprouvées ("le mur gris", "les honteuses barrières"). Elle seule peut offrir à l'affamé cette récolte riche et comblante de mots (métaphore : "La terre nourricière aux champs fleuris de seigle"), cette élévation spirituelle préalable à toute écriture véritablement féconde (comparaison : "Comme le ciel d’azur, au royaume de l’aigle").

Dans la cinquième strophe, le poète fait mine, par l'intermédiaire d'une question rhétorique ("Serai-je seulement inquiet de pureté ?"), de prévenir un doute levé par la muse. Mais c'est pour mieux - par une dénégation ("Non !") - attester de sa parfaite conformité aux enjeux profonds de la poésie (parallélisme : "Je peindrai la chair, pétrie à la première / Folle étreinte des corps" / "Et la mort dans l’instant où s’éteint sa fierté").

Dans les quatre dernières strophes, l'appel se fait plus pressant, le propos devenant expressément sensuel ("penche le regard vers ton nouvel amant", "ton ardent baiser, ton élan retenu, / Ta caresse innocente à ses lèvres humides, / Enflamment", "Pour jouir du plaisir"). La reconnaissance par le poète de son insuffisance ("état infamant", "plaintes timides", "je n’oserai pas, / Seul") va de pair avec la promesse d'une véritable concorde amoureuse avec l'Inspiratrice ("tu vas allègrement tes pas ; / Accompagne les miens", "Je prierai avec toi", "Muse donne-moi du bonheur une part !").

Merci pour ce partage !

   Miguel   
23/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Pour le coup, à l'inverse de Musset, c'est le poète qui dit à la Muse : "Tends-moi mon luth et me donne un baiser". Et la Muse s'exécute, car chaque vers est une merveille de mélodie, sans parler des images fortes et efficaces. On est sous le charme d'un bout à l'autre. Moi qui me méfie des poèmes de plus de cinq strophes, je n'ai pas vu passer celles-ci.

   Louis   
26/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ce poème fait entendre une prière, tout entier dédié à l’invocation d’une Muse.
"Invoquer", comme le suggère son étymologie latine : "in vocare", c’est mettre en voix. Le poète demande à la Muse une voix poétique. Que la divinité parle à travers le poète ; qu’elle lui prête voix.
Le trouvère dira en quoi il est digne de recevoir ce présent divin ; et déjà par ce poème, dans cette invocation portée par une parole poétique digne de la Muse ; par cette offrande lyrique faite à la déesse, dans le rythme majestueux et solennel des alexandrins.
Ainsi se montre-t-il prêt à accepter de s’inscrire dans le flot d’une parole qui le précède et le dépasse ; dans les dispositions à s’élever au-dessus de soi.
Mais il lui faudra dire d’abord les difficultés qui ont empêché cette élévation et justifient l’aide précieuse demandé à la Muse.

Le poète implorant cherche à être auteur, et cherche une hauteur.
Il n’a trouvé jusqu’ici que des altitudes illusoires. Dans des paysages états d’âme, il dépeint sa déconvenue.
Un décor de montagne est ainsi évoqué dans la première strophe. Règne le froid en ces lieux intérieurs, « quand meurent les soleils », dans une perte de lumière et de chaleur, dans une perte de sensibilité, près des « pics hérissés », pointes douloureuses, plutôt que sommets caressant les nues, frôlant les étoiles ; près des «glaciers », où gèlent les voix, grandes masses figées, raidies, paralysées.
L’auteur cherche les hauteurs, il veut être hauteur, il veut élever une voix poétique par-dessus les rumeurs du monde, plates et banales, par-dessus la cacophonie régnante, mais ne veut pas être confondu avec les hauteurs glacées, « aux reflets vernissés ». Il ne veut pas de ce « vernis », de cette apparence brillante et sensible, qui cache froideur et indifférence.
Rien ne brille dans cette « mort des soleils », et la hauteur n’est qu’arrogance et orgueil, hautaine hauteur des « glaciers hautains ».
On y éprouve bien quelques « vertiges » dans ces éminences hautaines, dans ces ersatz d’altitude, mais on s’y perd, on se fait de glace, on s’y fond et s’y confond dans ces hauteurs illusoires, avec les glaces et les glaçons, avec eux, « confondu ».
L’auteur est en quête d’une voix authentique, de poésie qui touche les cieux, et brille avec les étoiles.

Toujours en des paysages état d’âme, on est mené, dans la deuxième strophe, des plafonds du monde au fond plat des déserts.
Ces étendues solitaires et désolées sont les lieux et les temps de sécheresse et d’aridité. Le flot poétique s’y assèche, sous l’effet de «foehns brûlants ».
Ils tarissent ce qui vient de soi, ce qui s’écoule de sa propre source dans les « flots » de « torrents sauvages ».
Des hauteurs illusoires ainsi s’écoule une voix, mais ne trouve que le désert où elle s’assèche, et non des oreilles et des cœurs où s’épanouir, où fleurir.
Elle ne réussit pas à ensemencer le désert, à le transformer pour qu’il soit moins sec, moins aride, et plus vivable.
Il faudrait bien une voix d’eau qui irrigue le monde, et lui redonne l’aspect d’un jardin des plaisirs, celui qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Les hauteurs le permettent, et les auteurs, mais un vent fou assèche l’eau bienfaisante, assèche tout.

La troisième strophe se fait interrogative :
Trop de glace ou trop de chaleur, entre gel et brûlures, comment trouver la source d’une voix fraîche et souriante ? Une voix qui trace la voie de sillons féconds, dans les cœurs et dans les terres.
Se confondrait-elle avec cette source « enfouie aux prémisses du temps », cette source mélodieuse, musicale, bergère d’étoiles, et «guide » de tout idéal ?
Se confondrait-elle avec cet élan vital, qui traverse les mondes, qui court dans les immensités arides pour vivifier la matière ?
Se confond-elle avec cette puissance cosmique, venue des profondeurs des temps et des infinités de l’espace pour donner vie et sensibilité, à la matière froide, inerte et impassible ?
La poésie est cette voix profonde, courant de vie qui féconde les déserts, alors comment inscrire sa voix dans son cours, comment laisser « emporter sa barque » dans son mouvement ?
Une voix nous précède, une voix depuis le commencement des temps, comment mêler ses mots, ceux de « mes cieux noirs de nuages suintants » au flot de son courant vital ?
Cela se fera-t-il spontanément ?

L’auteur en doute.
Et dans cette incertitude, il fait appel à la Muse. Dans ce contexte d’intempéries, gel ou sécheresse, en cette période incertaine, naît son invocation.
Il fallait la longueur de ces majestueux alexandrins pour l’évoquer, tout leur art pour l’invoquer.
On n’invoque pas les muses dans un langage dénué d’ art.
L’auteur cherche une hauteur dans plus haut que soi, dans plus haut que l’humain, dans une Muse divine.

Aide, lui est donc demandé, à partir de la 4ème strophe.
Appui, pour « vomir les mots sourds et les discours fangeux ».
La parole poétique suppose, pour être trouvée, que l’on se libère d’une autre parole, celle faite de « mots sourds », des mots sans force et sans éclat ; des mots sans musique et sans couleurs, sans vivacité, mais aussi des mots creux qui ne s’entendent plus, mots au sens perdu, propos devenus absurdes, "ab-surdus", bavards et muets, parce que sourds aux réalités, insensibles à ce qui fait l’essentiel de la vie.
Ils sont à rejeter ces mots-là, avec les «discours fangeux », grossiers, faits des paroles avilies, des paroles dégradées, tous ces discours utilitaires, instrumentalisés et manipulateurs.
Ce n’est pas une alchimie, comme voulaient la pratiquer Rimbaud ou Baudelaire, « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or », pas une transmutation qui est ici évoquée, mais un rejet du « fangeux », de la boue où se mêlent le trivial, le grossier, et l’informe. Il y a des mots « à vomir », non seulement par dégoût, mais parce qu’ils sont toxiques.
L’opposition se fait nette entre une "expiration", un rejet, et "l’inspiration", la venue à l'esprit, demandée à la Muse

La cinquième strophe précise que l’aide divine doit permettre un «dévoilement », qui favorise une saisie virginale du monde.
Que la muse concède au poète le don de ‘’voyance’’. Qu’il voie les choses comme jamais elles n’ont été vues, dans une candeur originelle, comme dans l’enfance du monde.
Qu’il le libère d’un langage convenu, qui détermine une façon de voir les choses, et lui permette de trouver une langue en correspondance avec ses visions épurées, lui permette de renouer avec les sources vives de l’univers et de retisser les liens brisés qui le maintenaient à l’origine dans une relation harmonieuse avec le monde.

Une inquiétude est à repousser, s’exclame la sixième strophe.
« Serai-je seulement inquiet de pureté ? »
Très vite, la crainte est évacuée. Le virginal n’empêche pas l’évocation de la chair : « Non ! Je peindrai la chair… »
Le virginal n’est pas chaste pudeur asexuée.
S’affirme la recherche du virginal, du « pur » au sens de l’originel, de l’initial et du primordial : « Je peindrai la chair, pétrie à la première / folle étreinte des corps. ».

La Muse n’est pas une sainte chrétienne, mais une divinité païenne, et dans la strophe suivante, la sixième, le poète s’adresse à elle directement, dans la familiarité d’un tutoiement : « Tu sais créer les mots et l’âme du langage ». Il s’adresse à son pouvoir de créer les mots nouveaux, les phrases nouvelles en correspondance avec les réalités profondes. Il s’adresse à ce pouvoir dont il souhaite recevoir une part en partage, et se déclare son « amant », déclare l’aimer pour être en retour aimé d’elle.

Cette muse, dans la huitième strophe, prend la figure d’Érato, la muse grecque de la poésie lyrique et amoureuse. Celle qui chante l’amour et la beauté.
Non seulement Érato est celle qui charme la vue, mais elle est aussi musicienne. Ainsi la parole poétique qui lui est demandée est une parole chantante et musicale. Ainsi la poésie trouve son essence, pour le poète, dans le rythme, la cadence et la mesure. Et s’avère tout de même un alambic qui permet d’extraire la quintessence du réel pour la mettre en mots chantants, en images et en vers.

Mais avant que ne prenne fin la prière, on peut se demander qui est au juste cette Muse divine à laquelle s’adresse le poète.
Nul ne peut, bien sûr, croire aujourd’hui en l’existence réelle des Muses.
On se trouve ici dans la situation de Lucrèce qui, en ouverture de son De natura, fait une très belle invocation à la déesse Vénus, comme l’ont fait traditionnellement les poètes avant lui depuis Homère aux Muses inspiratrices, et comme le fait l’auteur aujourd’hui dans ce texte poétique.
Lucrèce écrit : « Je t’appelle à mon aide pour le travail de ce poème… Donne ô Déesse, donne à mes paroles un charme éternel ».
On ne peut qu’être surpris par de tels propos de sa part quand on sait que, selon lui, les Dieux, bien qu’ils existent – Lucrèce n’est pas athée stricto sensu contrairement à ce que l’on croit communément – , ils n’interviennent jamais dans les affaires humaines. Ce sont des êtres bienheureux, dans une parfaite béatitude, or il serait contraire à leur nature de partager la peine des hommes et de se mêler de leurs affaires avec tous les soucis que cela occasionne. Les Dieux sont donc indifférents aux hommes et à leurs prières. Voilà qui semble alors paradoxal, puisque Lucrèce demande à Vénus une intervention sous forme d’une aide.
Mais un esprit si grand que celui du génial Lucrèce ne peut verser dans une contradiction aussi flagrante. Lucrèce, en effet, ne demande pas vraiment à Vénus d’intervenir parmi les hommes, comme le faisaient pour leurs Dieux les héros d’Homère. Vénus, comme toute divinité, est un modèle, un idéal à suivre, à imiter. Un modèle de beauté, d’amour et de bonheur. Il émane sans cesse des "images" des dieux, et par la seule image que Vénus donne d’elle-même, elle vient en aide aux hommes. C’est au fond à lui-même que Lucrèce s’adresse : trouve dans Vénus, se dit-il implicitement, le modèle de beauté éternelle que tu mettras dans ton poème.
Érato est très semblable à Vénus. Son nom est de même racine que celui d’Éros, il est en parenté, dans le grec ancien, avec le « désiré», et « l’aimable ». Il y a donc de l’amour dans Érato, autant que musique et poésie, beauté et joie sereine.
On peut donc penser que c’est à un idéal de parole poétique que s’adresse ce poème, idéal en lequel consiste toute l’existence d’Érato.
Le sujet du poème s’adresse ainsi à lui-même, s’adjure de trouver un idéal poétique à imiter dans l’image de la Muse, et de faire naître sa parole nouvelle, musicale, chantante, du haut niveau de cet idéal.
Vénus est aussi, pour Lucrèce, l’hédoniste, l’image symbole du plaisir, non du plaisir éphémère et passager, mais du plaisir durable, de la joie sereine délivrée de toute crainte, du plaisir de vivre d’une âme en paix non tourmentée, avec quoi le bonheur se confond. Il en va de même, sans doute, pour sa sœur jumelle, Érato, et l’on peut comprendre, à partir de cette nouvelle image d’elle-même, la dernière prière du poète, celle qui clôt le poème :
« Ô Muse donne-moi du bonheur une part ! »


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