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Poésie contemporaine
Hiraeth : Complainte du jeune travailleur
 Publié le 28/02/19  -  12 commentaires  -  1871 caractères  -  202 lectures    Autres textes du même auteur

Ah ! Que la vie est quotidienne...
Et du plus vrai qu'on s'en souvienne,
Comme on fut piètre et sans génie...

(Jules Laforgue)


Complainte du jeune travailleur



Dans l’enfer du métro, près des vieilles entrailles
De la vile Paris recrachant ses ouailles,
Je me rends au bureau dès la percée du jour,
Tel un triste Thésée, muet, aveugle et sourd,

Lâché dans ce dédale et offert en bétail
Au monstre costumé qu’on appelle travail.
Un ange de métal m’a dit "gagne ta vie,
Quitte à te retrouver aux bords de la folie…"

Je sais bien que les gens acceptent la tenaille
Pour servir leur pays et nourrir leur marmaille ;
Mais moi, étudiant d'art, jeune et maudit puceau,
Par la nécessité arraché du pinceau,

Sans femme ni gamins je rêve d’autres rails !
L'imagination, cette fée malhonnête,
Me peint l'illusion d'une charmante fête,
Changeant les stations en caravansérails…

Parfois un vent lointain, soufflant vaille que vaille,
Avive en moi le feu d’une rébellion,
Et me fait fantasmer de Révolution –
Et je rêve de mort, qu’importe la bataille !

Mourir… Et vivre, un peu ! Assaillir les murailles !
Mourir sur les remparts en compagnie des dieux !
Aux doux yeux d’un mourant que le monde est glorieux…
Je rêve d’un couchant pour toutes funérailles.

Un trajet un peu long, voici que je déraille,
Car c’est le terminus, mon beau songe se taille :
Il fuit mes policiers, ce pauvre clandestin…
J’émerge, et sur mes joues la brise du matin.

Et je ris du vieux Marx, cette aimable canaille,
Dont le rouge dessein se perd dans ma grisaille
Car je suis, comme tous, un peintre indifférent,
Un geôlier à moi-même, à moi-même un tyran,

Et n’ose deviner en quoi l’humain bétail,
Appelé à punir les bourreaux du travail
Désignés par des chefs pleins de haine publique,
Pourrait se transformer dans l’élan d’une clique.


 
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   Corto   
8/2/2019
 a aimé ce texte 
Bien
On est ici autant dans le manifeste que dans la poésie. Mais pourquoi pas ?
Le "jeune et maudit puceau" se rend "au bureau dès la percée du jour" et s'en trouve très contrit. On pourrait lui rappeler qu'à cette heure-là bien des travailleurs de la nuit se hâtent vers leur lit, et que d'autres installent depuis des heures les produits qu'il ira chercher au supermarché le soir.

Mais il a bien le droit "Sans femme ni gamins je rêve d’autres rails !", sans pour cela se prendre pour le damné de la terre. L'excès est confirmé avec "Et je rêve de mort, qu’importe la bataille !"

Reste à trouver la voie pour ne plus être "un peintre indifférent, Un geôlier à moi-même, à moi-même un tyran,".

On prend plaisir à lire ce texte fougueusement poétique, bien écrit, à condition de rester à distance des envolées socio-philosophiques qui peuvent laisser perplexe.

Merci pour ce moment.

   Pouet   
28/2/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bjr,

un texte assez sombre non dénué d'un certain réalisme.

Ado ou jeune adulte plutôt bohème, plutôt artiste, on rêve d'originalité et d'aventure en raillant le concept femme-enfants-pavillon-chien (comme moi) et à 35 piges on se retrouve flanqué de deux mômes-femme-normalité-train-train-facture-boulot-loyer (comme moi).

Le texte est assez "froid", détaché et chirurgical, en tout cas c'est l'impression qu'il m'a fait et ce malgré l'utilisation du je et certains passages un peu "surjoués"comme le sixième quatrain. Je ne conçois toutefois pas cela de façon négative.

Bien apprécié le mélange de style de langage malgré peut-être un peu d'emphase relevée plus haut, même si bien sûr on ressent derrière la volonté de l'auteur.

Au final, j'ai bien adhéré au texte

PS: je m'aperçois que mon commentaire n'est ni clair, ni bien construit, ni quoi que ce soit... Désolé.

   Davide   
28/2/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Hiraeth,

Je regrette de sentir dans cette complainte un trop plein de rage ("rébellion", "Révolution", "bataille") à travers un vocabulaire familier, parfois argotique un peu trop insistant : "maudit puceau", "...se taille", "marmaille"...
Cette rage, c'est l'envie de vivre, d'être profondément vivant dans un monde qui nous "tenaille", et elle est légitime...

Mais, pour ma part, j'ai été autrement plus touché par certaines images, comme celle de la "vile Paris", du métro, de l'étudiant d'art et de beaux vers, dont la noirceur devient poétique, comme :
"Aux doux yeux d’un mourant que le monde est glorieux…
Je rêve d’un couchant pour toutes funérailles."
ou encore :
"Changeant les stations en caravansérails…"
Au surgissement de ces quelques mots, tout devient sublime !
Oui, car l'écriture est soignée, le rythme de l'alexandrin parfait, les rimes en "aille" du début à la fin bien trouvées (même si elle obligent un brin de familiarité).

J'ai pris plaisir à lire ce beau texte, bien travaillé.
Je l'aurais sûrement adoré s'il y avait eu un soupçon supplémentaire d'onirisme pour contrebalancer l'"enfer du métro", car je vois que vous en avez le talent.

Je vous remercie pour ce texte,

Davide

   senglar   
28/2/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Hiraeth,


De l'allure.

Unir Thésée et Marx dans un même poème, une même idée, faut le faire.

Le poème débouche sur une impasse (encore que déboucher sur une impasse... Demain sera le même jour en fait, c'est le mythique serpent qui se mord la queue, temps suspendu qui tourne sur lui-même, espoir avorté. On prend les mêmes et...), la conclusion est sombre puisqu'elle est occlusion (or une occlusion intestinale en plus d'intestine vous savez...). Doit se déconstiper votre peintre.

J'aime beaucoup cette improbable révolte qui fait honneur à l'ami Laforgue.

De la gouaille au service de laquelle est la rime et une allure classique mêlée au populaire. Un melting pot de vers et de mots réussi.

Merci

Senglar brabant

   papipoete   
28/2/2019
 a aimé ce texte 
Bien
bonsoir Hiraeth
Ah que c'est dur le matin, de prendre le chemin du boulot, alors que j'étais si bien au fond de mon lit ! On me disait, " gagne ta vie et tu verras après ! " Moi, c'est le contraire ! je voudrais voir déjà et peut-être turbiner après ! Et puis je rêve de ce que j'aime... et les barricades m'attirent davantage que l'atelier et sa clique ! donnez-moi des couleurs et de mon pinceau vous peindrai " ma révolution !
NB quand faut y aller, faut y aller ! Il ne semble pas que la sirène de l'usine, ou autre appel au boulot vous réjouisse à la folie ? Pourtant, " le travail, c'est la santé ! " n'est pas tout à fait loufoque, quand on vient à perdre la santé...
En tous cas, en voilà un cri ! un leitmotiv à garnir une banderole !

   Anonyme   
28/2/2019
 a aimé ce texte 
Bien
" Lâché dans ce dédale et offert en bétail
Au monstre costumé qu’on appelle travail.
Un ange de métal m’a dit "gagne ta vie "
Certes, on peut considérer le travail comme une contrainte, surtout si on l'exerce sans l'avoir choisi et qu'on aspire à tout autre chose ; ici, l'art en l'occurence.
Mais je trouve quand même le propos un peu excessif " Quitte à te retrouver aux bords de la folie ".

Alors il ne reste plus qu'à rêver d'autres horizons et pourquoi pas de révolution pour changer le cours des choses. Jusqu'ici on ne peut pas dire que cela a marché vraiment...

   wancyrs   
1/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut Hiraeth,

On dirait que le travail, pour votre héros, n'éloigne pas l'ennui, le vice et le besoin. On le dirait tourmenté par l'idée de se lever les matins pour cet éternel recommencement. Une chance qu'il y a le rêve, pour s'égarer de temps en temps ; à ces moments-là, il aimerait en découdre avec sa vie. Serait-ce un Sisyphe qui ne voudrait rouler sa pierre ?

Dans vos deux premières strophes, la mythologie vient flirter avec les vers pour leur apporter le sens qu'ils portent ; la deuxième strophe, surtout, me fait penser au labyrinthe, le minotaure, Ariane et son fil... Espérons juste que tout ça va bien s'achever... Et vous au moins vous êtes chanceux de pouvoir citer les dieux sans qu'on ne vous colle une étiquette d'évangéliste ; lol.

Merci pour le partage

Wan

   hersen   
1/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Oui, l'expression "gagne ta vie" est assez surréaliste, en fait, car si nous connaissions l'implication de notre naissance, en voudrions-nous, de cette vie ?

C'est ici le chemin de ferraille qui déraille, un jour on s'arrête et on se dit, stop, qu'est-ce que je fous là, dans ce métro ? mais déjà il est trop tard, et même si
"je rêve d'un couchant pour toutes funérailles"

même ça sera refusé.

c'est vraiment un texte qui exprime bien cette vie emprisonnée dans cette ferraille, et la dernière strophe exprime la crainte du jour où on trouvera l'ouvre-boîte.

Mais d'ici là...

Un truc bête, mais que je dis quand même car je n'ai pas trop aimé, alors que sinon j'aime vraiment bien l'écriture qui nous fait bien ressentir tout goût de fer dans la bouche :

Au monstre costumé qu'on appelle travail..."

le "qu'on appelle travail" me semble un peu trop simple, c'est le "qu'on appelle", en fait qui me dérange. Très prosaïque, il pourrait être remplacé par une expression plus parlante ? et/ou plus originale ?

   TheDreamer   
1/3/2019
 a aimé ce texte 
Bien
En ces temps d'ordo-libéralisme tout est mesuré à l'aune du profit, l'humain n'est plus que quantité négligeable, un pion interchangeable. Les souffrances demeurent muettes engoncées dans les esprits avec les rêves. Il faut gagner sa vie quitte à la perdre.

Ce poème dit un malaise partagé par nombre d'individus, l'espérance et le choix de décider de la direction de sa vie sont de plus en plus éloignés. Il faut bien vivre et l'homme comme un automate va vers son travail (le terme vient du latin "Trepalium", instrument de torture de l'antiquité servant à punir les esclaves).

   Cristale   
1/3/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Contraint de vivre, il n'est d'autre choix que celui imposé du travail pour assurer sa subsistance. Les rêves de jeunesse ne sont plus ...que des rêves. La réalité est toute autre. Un artiste si doué soit-il devra accepter de mourir de faim s'il s'obstine à vouloir vivre de son art, à part certains, mais bien rares, élus. Ainsi disparaissent les génies ignorés.

Un poème qui traite bien son sujet mais les exigences que je m'impose à moi-même m'empêchent d'apprécier la forme, vous vous en doutez.

Les trois premiers quatrains sont présentés en rimes suivies, le quatrième, le cinquième, le sixième en rimes embrassées et les trois derniers reprennent la forme en rimes suivies. Sans doute est-ce voulu ?
Ensuite un joli travail sur les finales en "aille" (rime féminine) et "ail" (rime masculine) alternées sur les cinq premiers quatrains "entrailles-ouailles" "bétail-travail" "tenaille-marmaille" "rails-caravansérails" "vaille-bataille" mais les trois quatrains suivants ne reprennent pas cette particularité sauf le dernier.
C'est dommage.
Je crois savoir qu'en contemporain peu importe l'alternance m/f mais, à mon humble avis, cela nuit à la musicalité d'une pièce poétique comme celle-ci. Le fond, si remarquable ou surprenant soit-il, ne doit pas faire négliger la forme

J'ai pointé mon doigt sur ce qui me dérange concernant l'ossature de votre poème mais j'ai apprécié le thème assez original dans la façon de le traiter.


Cristale

   Vincendix   
1/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,
Un titre qui colle parfaitement au sujet, cette complainte pourrait être aussi celle du « vieux » travailleur, celui qui brandissait le drapeau rouge et qui récemment a changé de couleur en enfilant un gilet jaune (une couleur pourtant honnie dans le monde du travail !).
Les révolutions n’ont pas libéré les prolétaires qui continuent à être enchainés à des obligations souvent difficiles à supporter, pour eux, la lutte finale sera la mort.
Vincent

   Anonyme   
5/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Peut-être parce que je connais l'auteur par ailleurs, je saisis tout l'humour désenchanté qui se balade entre les lignes. C'est bien dit, bien écrit, l'humour et tout le reste.

J'aime cette déambulation à contre cœur dans les obligations de la vie, comme un caprice d'enfant ne voulant pas devenir grand.

Mais après tout, qui oblige à quoi, exactement ?

Comme disait je ne sais plus qui (eh oui, je n'ai pas ta mémoire, Hiraeth, pour les belles tirades), chacun est maître de son destin, ou un truc approchant.

D'ailleurs je m'attendais à une dernière strophe qui aurait joué là-dessus. Ô, déception !... Mais non, je rigole.

Merci pour ce bout de temps passé à te lire, qui mérite bien ce qu'il vaut.


Cat


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