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Récit poétique
Khaatinga : Nectar
 Publié le 27/11/23  -  3 commentaires  -  6295 caractères  -  40 lectures    Autres textes du même auteur

Individu en proie à un tourment intérieur, dualité entre nature et urbanisation.


Nectar



Je me noie dans un présentisme exacerbé par les nécessités de l’information publicitaire, écœuré par les couleurs criardes, ses affiches maculées de crasse à la puanteur visuelle persistante, ces toiles chaotiques sont une intrusion permanente dans mon corps. La corruption est omniprésente, exacerbée par un consumérisme effréné. L’incivilité règne en maître, renforçant la désolation du paysage urbain où la vulgarité de l’individualisme fait régner une atmosphère de déchéance. Je déambule dans les artères malades de la ville recherchant un espace de tranquillité, un refuge de contemplation, une mauvaise herbe signe de révolte contre la superficialité de mon environnement. Ce rouleau compresseur m’écrase et m’entraîne malgré moi vers la complaisance, j’ai besoin de m’enivrer pour me sentir vivant, entrer dans un espace clos pour restreindre mon regard à l’avilissement des mœurs et de la perversion des hommes.
Tel un crâneur brillamment vêtu de diamants, je trace mon sillon sur des tomettes tachées de sang, un verre à la main. Oscillant, transpirant, j'imagine les coups de canif, me gaussant des regards vitreux. L’absinthe coule à flots, je ricane, oubliant mes vœux, mordant les coins de table, rognant les assiettes vides, frappé par l'arrogance, le cigare malodorant. J’aimerais brûler la ville, balayer les morceaux de ciment, tendre mes mains vers le ciel, ramasser les oiseaux meurtris par les vitres qui me glacent le sang.
N’oubliant pas de sourire, j’ai le regard teinté de suie, comme si je traversais une ruelle sombre, dégoulinante du vomi des rats volants. Vautré, entouré de mes démons, je fais régner la terreur à mon instance, sachant qu'elle attendra le bon moment pour me frapper, pour réveiller mes sens. Vous demandez pourquoi je suis encore là, sourd aux appels bienveillants de ma conscience distincte. Oui, je rentre chez moi ivre, diffractant la réalité, régurgitant mon mal-être.
Il n’y a pas de secret aussi lourd que ces particules de poussière baignant dans les rayons du soleil de cette froide pièce. J’ai couché avec le monstre, patriote de l'humanité, patriarche sans volonté. Le film de ma vie est construit par le vent dans les branches, par les arbres qui se penchent à la plénitude de mon espoir, me permettant de reconstruire le propre de mes regrets.
La mystique solitude épargne mon regard lorsque tombent mes envies, mes désirs qui se cachent au moindre soubresaut des lumières de la rue. Le langage amer flirte avec la force du béton, luisant au son de la colère, où seul vit le délicat amour de mes larmes. Le regard fixe, le visage blême, les chaises vides, la foule envahit ces moments où je parcours mon environnement, délicatement, comme appréciant les nuances d’un cuir taché.

Le besoin de voir la mer, où le bleu s'effrite dans les cœurs abîmés, me réveille, je combattrai pour que s'enfuient les chants désespérés de la naissance. Et quand l'eau coule à profusion, relâchée dans le néant, aussi pure qu'elle m’est apparue, je me délecte malgré moi de ce bain de jouvence emportant la crasse, une libération d’absolu de misère.
Les vagues me portent, me bercent. Je me perds dans cet éternel mouvement, dans cette danse infinie de la vie. Chaque partie de mon corps vibre comme une vaste symphonie, frappé par les gouttes d'eau de mon existence. Je respire profondément, sentant l'air salin pénétrer mes poumons, et je me réjouis de cette purification où chaque moment oppressant peut être balayé par le flux inéluctable du temps.
Je m'éloigne du tumulte, empli d'un calme nouveau. Je contemple l'horizon infini, caressé par un nectar marin, me connectant au monde porté par ce souffle de douceur. La renaissance vient du flux, mer d’huile ou vagues submersibles. Je suis prêt à affronter les murs lisses de la ville, avec la certitude que je peux transcender mes propres limites et trouver la paix dans les eaux profondes de mon âme.
Combien de temps devrais-je feindre mon égo, rester les pieds enracinés dans le sable, avant de reprendre contact avec le goudron inhospitalier de l’enrobé ? Les routes sont comme un linceul au milieu de nos paysages, où le bitume, même sang-mêlé, fait couler sur la chaussée nos tristes errances. Le voyage de retour au monde, au-delà de l'océan, me happe dans le déversoir d’un monde inachevé. Je quitte la rive, laissant derrière moi les vagues qui m'ont bercé. Mais je ne m’endors pas, je suis excité à l’idée de me confronter aux défis, d’essayer de retirer l’embauchoir qui tend nos âmes torturées.
Je retourne vers la ville avec une détermination renouvelée, chevauchant dans la tôle à vive allure sur le béton froid de l'asphalte. J’appuie sur l’accélérateur grâce à mes pinceaux recouverts d’une virgule marchande globalisée afin d’en découdre avec l’abrutissement. Je traverse de vastes paysages, les forêts épaisses et mystérieuses semblent gardiennes de mes secrets inavoués, les collines aux pentes grisonnantes et les montagnes disgracieuses, avec leurs sommets fracassés par le temps, s'élèvent fièrement à l'horizon. Suis-je vraiment le reflet de cette naturalité ?
Le doute s’installe lorsque je vois s’effondrer le soleil rougeâtre, teintant le ciel, obscurcissant l’étendue qui se déploie sous mon regard. La route serpente, chaque tourment se révèle, se concentre alors que je voulais tant communier avec le mycélium de la terre. Le soleil touche enfin l'horizon, créant un spectacle final étourdissant, laissant apparaître les prémisses d’une ville. L’odeur de l’essence, le bruit assourdissant de mon destrier voguant vers les crêtes aux formes rectangulaires, me retournent le cœur que je croyais apaiser.
De la méprise, ce goût dans ma bouche, ce déferlement du nectar ravive la douceur de ma vie. Aucun dégoût ne peut survivre si chacun se souvient des moments vaguement heureux et la ville ne peut tendre vers la renaissance infiniment compromise si elle ne peut prendre de repos. Seuls les infortunés restent pour couvrir de sens le vide absolu, car le décrépissement acharné des visages imaginaires crée une ambiance pastorale où les brebis joyeuses marchent au son désordonné des reflets des lumières. Je ne me hais plus, je renais doucement car seule la lenteur peut raviver les couleurs et les cœurs.


 
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   EtienneNorvins   
27/11/2023
J'avais lu votre texte en EL - et je retrouve à le relire ici la même sensation, de vite être perdu : tout étouffe, à commencer par la présentation très compacte...

Un parallèle s'est fait avec Lautréamont - et il me semble entendre des échos de l'invocation au vieil ocean, ou de l'autoportrait de Maldoror...

Mais peut être que je fais totalement fausse route en cherchant à me raccrocher à des impressions connues.

L'écriture est travaillée, c'est indéniable, mais mon émotiomètre demeure désespérément plat.

J'espère que d'autres onirien.ne.s auront plus d'enthousiasme. Pour ma part, il m'est impossible d'aller plus loin dans l'appréciation...

   Robot   
28/11/2023
Dualité aussi pour mon approche de lecteur.

Je ressens bien la recherche d'une écriture de qualité, touffue, d'une alternance entre le sombre complaisant du rejet de la ville et l'espérance d'une nature qui ne peut atteindre l'extase.
Une insatisfaction entre crainte et envie.

Il est indéniable que la volonté d'une rédaction littéraire est présente, mais n'est-elle pas un peu trop forcée au dépens de l'émotion.
Bien sûr il y a un désir de poésie mais tellement intellectualisée que je ne parviens pas à y entrer. Certes la prosodie ne m'est pas désagréable, mais je reste froid sans parvenir à pénétrer la profondeur des sentiments; et curieusement le récit à la première personne, le "je", me laisse tel un observateur extérieur.

Je m'abstiendrai de toute appréciation sommaire.

   Paris   
30/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
La forme du texte, en blocs, me plaît beaucoup. Les phrases s'enchaînent sans répit, je me sens en contact direct avec l'intériorité du narrateur, sans filtre, sans tricherie. J'ai l'impression que le narrateur m'offre quelque chose de vrai, que je le rencontre dans sa vérité.

Il y a beaucoup de modernité dans cette approche poétique. L'individu, seul, confronté à la réalité du monde, qui résiste grâce à son for intérieur (ou fort intérieur devrait-on dire), et nous livre ses pensées.

Le texte regorge de belles formulations, qui semblent avoir été trouvées au fil de la plume et de la libération de la conscience :
"Il n’y a pas de secret aussi lourd que ces particules de poussière baignant dans les rayons du soleil de cette froide pièce. J’ai couché avec le monstre, patriote de l'humanité, patriarche sans volonté."

Le passage du bain de mer m'a beaucoup plu.

Également ces descriptions :
" Je traverse de vastes paysages, les forêts épaisses et mystérieuses semblent gardiennes de mes secrets inavoués, les collines aux pentes grisonnantes et les montagnes disgracieuses, avec leurs sommets fracassés par le temps, s'élèvent fièrement à l'horizon."

" Le soleil touche enfin l'horizon, créant un spectacle final étourdissant, laissant apparaître les prémisses d’une ville. L’odeur de l’essence, le bruit assourdissant de mon destrier voguant vers les crêtes aux formes rectangulaires, me retournent le cœur que je croyais apaiser."

Ce texte m'a procuré un bon moment de lecture, et je vous remercie de nous l'avoir offert.


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