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Poésie libre
LeopoldPartisan : Novembre 1977
 Publié le 08/07/21  -  6 commentaires  -  3803 caractères  -  113 lectures    Autres textes du même auteur

Que celui qui n'a jamais péché me lance la première pierre.


Novembre 1977



Nuit en déroute
Préludes à la joie
Peuples du doute
qui scandent des hymnes
à la foi

regards obliques
cimetières de voilures
au grand vent froid
du nord et de la bourra
bientôt
un séjour aux mille briques

le gardien
la douche
fouille au corps
essuie-bain
rêche et revêche
confisqués les lacets
confisquée la ceinture
Adieu insouciance
Adieu innocence

Porte sans clinche
en bon acier de Ciney
sceau d’aisance
qui pue la javel
Adieu les copains
Adieu bonne réputation

Perdue toute notion
du temps
Extinction des lumières
la literie n’est pas mauvaise
Sommeil sans rêve
surtout ne pas pleurer
devant eux
devant soi
un châlit de bois
couvert d’inscriptions
maladroites
d’imprécations
d’angoisse

Assumer désormais
la honte
le regard des autres
le rejet
toutes les demi-heures
lumières
avec obligation
de répondre à son nom
c’est la procédure
pour les jeunes détenus
risque de passage à l’acte
en chute de tension

La nuit tous les chats
sont gris
les voyous aussi
Un ancien mercenaire
tombé pour braquage
et dont le frère
encore pire que lui
venait d’être mis au secret
me raconta
lors de ma dernière nuit
avant la chambre du conseil
qu’il avait tué au moins
vingt guerriers ennemis
et qu’il se souvenait
de chacun d’eux
de leur regard éperdu
au moment du grand saut
lui n’avait aucun regret
de cette vie d’errance
de violence

Jamais tu ne seras
de ce bois d’ébène
ou d’acajou
de cette race
des seigneurs de guerre
et des vengeurs
au grand cœur
dont le code d’honneur
rime souvent avec l’horreur
et jamais avec le bonheur

Visite au parloir
Mère et grand-mère
en pleurs
avec pour seule question
le « pourquoi »
auquel je ne peux répondre

De la cour
vision de liberté
avec sur un coteau
surplombant la prison
des bûcherons du dimanche
confectionnant une réserve de bûches
pour l’hiver
Dieu que j’ai adoré
ces coups de cognée
fendant l’air sec
tandis qu’ils sifflotaient
autour de ce feu de branchage
cuisant des pommes de terre
et réchauffant leur gourde
de café noir
agrémenté d’eau-de-vie

Surtout une fois encore
ne pas pleurer devant eux
parce que je viens de me rendre compte
que mon enfance est morte
entre ces murs et ces grillages

Au-delà du bien et du mal
passer ma route
et choisir l’exil
tout plutôt
que la haine
et l’opprobre

Après cinq jours
j’ai été libéré
bénéficiaire d’une justice de classe
Famille irréprochable
Mère veuve de guerre
Avocat à robe sans tache
erreur de jeunesse
aucun danger pour la société
une fois que l’on m’aura repris en main

Bien des années plus tard
Maxime chantera et me rappellera
ces jours de proximité avec « ces sardines
alignées dans de l’huile de moteur
nées sur des ruines, the time where changing
on voulait juste des jours meilleurs
et qui si j’avais eu moins peur
m’auraient emmené ailleurs »*

Novembre 1977
s’est évaporé et la vie a repris
son droit chemin
dans le brouillard
et les éclaircies
pourtant si tout le monde
a oublié
cette saison en enfer
ces illuminations
moi pas


* Maxime Le Forestier : Les jours meilleurs


 
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   Robot   
1/7/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un texte que l'on vit du début à la fin. Un réalisme qui ne vous lâche pas. Même si la présentation n'est pas ordinaire pour un récit je trouve que cette forme ajoute à la puissance de l'écriture. Cette brièveté des vers force l'immersion du lecteur.
Le narrateur n'a peut être pas eu la chance du bachelier de Brassens dont le père venu chercher son voleur lui tend sa blague à tabac en lui disant "bonjour petit"

   papipoete   
8/7/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
bonjour Leopold
voici bien longtemps que je ne vous ai pas commenté ; vos textes m'étant trop complexes à suivre, pour ma boîte à méninges !
ce jour, je vois un taulard à la peau noire, non point ébène comme ceux du Congo " où il pleuvait des mains... ", mais un condamné goûtant à la prison où l'envie de recommencer devrait vite s'envoler, après ce régime " très particulier " !
heureusement pour lui, sa famille a " le bras long ", et bientôt les portes du pénitencier devant lui vont... s'ouvrir !
NB ce novembre 1977 fait froid dans le dos ( pas très longtemps pour le reclus ) et l'on découvre pour qui ne connait pas, entre autre Patrick Dills qui vécut ce cauchemar durant 15 ans, à tort ! le régime carcéral .
la 8e strophe est mon passage préféré dans ce dédale de grande misère !

   Corto   
8/7/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Tout d'abord bravo pour le style: pas un mot de trop dans ce monde où l'on ne parle pas, où on ne se livre pas, sinon pour se vanter devant le petit jeune "qu’il avait tué au moins vingt guerriers ennemis". Ici on est des caïds, accomplis ou en devenir, on n'a rien d'autre à dire.

Et puis "surtout ne pas pleurer devant eux devant soi" on n'est pas des gonzesses encore moins des gamins.

Cette ambiance est fort bien rendue et le narrateur lui-même veut s'affirmer:
"Au-delà du bien et du mal passer ma route et choisir l’exil tout plutôt que la haine et l’opprobre". Oui mais ! "Mère et grand-mère en pleurs"... et finalement "erreur de jeunesse aucun danger pour la société". Fin de la redoutable tension.

La chute rimbaldienne est superbement amenée et donne une référence audacieuse à cette aventure:
"si tout le monde / a oublié / cette saison en enfer / ces illuminations / moi pas."

Du grand art. re-Bravo.

   Anonyme   
8/7/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

Une forme toute personnelle et déroutante, comme cette nuit du premier vers, qui casse avec les habitudes de vie...

Le ton est donné. Pas drôle, la vie carcérale, même si celle-ci est de courte durée. Une coupure, que dis-je une fracture, un ancien monde fracassé par un neuf, avant le retour du premier, inespéré, venant clore l'expérience de la prison, que l'éducation a fait tant redouter.

Mention spéciale pour cette strophe :

"Jamais tu ne seras
de ce bois d’ébène
ou d’acajou
de cette race
des seigneurs de guerre
et des vengeurs
au grand cœur
dont le code d’honneur
rime souvent avec l’horreur
et jamais avec le bonheur"

Non, pas de bois noble pour ceux ci, ni le plus simple... malgré leur volonté de faire justice. Contre toute l'injustice dont leur vie est émaillée ?

Un poème rempli d'évocations authentiques sur le ressenti du tout 'neuf' détenu.

   Lariviere   
9/7/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Léopold,

J'ai beaucoup aimé ce texte versifié, où les découpes collent vraiment à l'ambiance, au ton du propos, c'est froid, c'est impactant tant par les mots choisis que par ce rythme brut de décoffrage... c'est un style d'écriture minimaliste dans ses effets qui donnent beaucoup de poids au mots choisis et je trouve que tu manies cela avec une grande aisance désormais...

Je ne citerais pas de passage, je trouve le tout de force égale, du début à la fin rimbaldienne, et quelle force !

Merci pour cette lecture et toujours bonne continuation !

   BlaseSaintLuc   
10/7/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
remise en contexte du moi de novembre 1977 (perso j'avais 11ans)


Ce mois de Novembre 1977, d'une durée de 30 jours, commence par un mardi et fini par un mercredi. Il compte 2 jours fériés : le 01 Novembre 1977 : jour de la Toussaint, le 11 Novembre 1977 : jour de l'Armistice 1918.

Les 9 et 10 novembre 1977 : le temps redevient très doux pour la saison avec généralement une vingtaine de degrés.


21 novembre 1977 : neiges précoces sur le Nord de la France - au passage d’une dépression, de fortes chutes de neige se déclenchent sur la Picardie et l’Ile de France.


Du 27 au 30 novembre 1977 : vague de froid - il gèle sur tout le pays et il neige dans le Midi, les régions du Nord et à Toulouse.

13 novembre : rupture des relations diplomatiques de la Somalie avec Cuba et l’Union soviétique.

23 novembre : échec d’une attaque somalienne sur Harar.

30 novembre : huitième victoire consécutive du parti national aux élections générales sud-africaines. John Vorster reste premier ministre.


https://youtu.be/FH9X0Xbs_vk

LE TEXTE:

réalisme pure , style épuré et tranchant , la glas sonne et puis l'on repars .
le séjour au mille brique ne durera pas , reste des traces de moteur.
moteur pour des rimes aux confins du ciel au travers des barreaux.


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