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Poésie libre
Luz : Accepter la nuit
 Publié le 20/11/23  -  6 commentaires  -  1412 caractères  -  160 lectures    Autres textes du même auteur


Accepter la nuit



marcher
bien avant le souffle de la ville
lorsque la lune mouillée file
sur le silence des pavés
suivre les lumières du hasard
laisser le temps se consumer vers d’autres nuages

marcher
au-delà des bétons empilés
des ponts des gares
des villages
chaque pas dépose un grain de mémoire
sur le versant inconscient de l’âme-dune

marcher
vers les friselis des lueurs noires
où s’effrangent les brumes
l’air délavé des pacages
coule sur les écorces dévoilées
l’aurore se courbe et renverse le sombre

marcher
le long des murets
où s’enroulent les couleuvres d’ombre
les criquets rouges crépitent
en étincelles d’élytres
les genêts en fleurs égouttent le soleil

marcher
le corps fourbu
raide comme la pierre des paysages fendus
boire au ventre des vallons ruisselant de miel
manger les racines
les feuilles les fruits

marcher
vers le poudroiement doré des collines
perdre peu à peu les couleurs
de la terre et de l’eau
le crépuscule déploie son voile de suie
sur l’écume lente des troupeaux

marcher
jusqu’au pays bossu où les chemins s’épuisent
retrouver le pré du ruisseau
coucher son cœur
sur les regains de jadis
accepter la nuit


 
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   Eki   
2/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Comme c'est...somptueux !

Chaque mot me frôle. Douce et tendre déambulation où l'on cueille les promesses d'une espérance à l'envi.

Chaque strophe est une délicate attention offerte au regard, au coeur, à l'âme...de la poésie qui me comble !

Puiser ce qui s'offre, alléger ce temps qui passe, aller dans le frémissement de tout ce qui s'offre pour mieux accepter la nuit...

Il y a dans ce poème des images très inspirantes, bucoliques...
chaque pas dépose un grain de mémoire, laisser le temps se consumer vers d'autres nuages, le crépuscule déploie son voile de suie (pour ne citer que celles-ci).

J'aurais aimé l'écrire ce poème.

Merci pour cette ode enchanteresse !

   Cyrill   
20/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour Luz
J’ai suivi avec douleur ce marcheur volontaire, forcené, semblant lutter contre le vent et les obstacles. Les paysages traversés se succèdent comme des images mentales, des représentations du sujet marchant. Le protagoniste semble aller à contre courant de l’évolution, de la civilisation jusqu’au sauvage. Jusqu’à l’eau, la soupe primordiale, la nuit.
Une autre lecture m’évoque la quête du beau par le désespoir assumé. Une recherche tenace, infatigable, d’origines peut-être fantasmées, en tout cas une aspiration à l’innocence d’un « jadis » idéalisé comme la nature perdue :
« boire au ventre des vallons ruisselant de miel
manger les racines
les feuilles les fruits ».
Une belle lecture, merci.

   papipoete   
20/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Luz
S'en aller marcher, et collecter des images ; des sensations éprouvées ; remplir son âme de réflexions positives ; et revenir fourbu de bonne fatigue...
D'un autre quidam, entendre
- rien que de l'herbe !
- de la flotte
- des bestiaux idiots
NB or, notre auteur qui a 100% aux deux yeux, voit mais surtout sait regarder, emmagasiner tel LEIKA ces sujets naturels, et les rassemblant dans sa tête, les faire jongler telle joyeuse sarabande !
Chaque strophe, avec son préambule " marcher ", nous transporte dans un monde où se joue son propre scénario.
la 3e strophe a ma préférence ; mais toute autre retient mon attention...

   Provencao   
20/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Luz,

"suivre les lumières du hasard
laisser le temps se consumer vers d’autres nuages'

J'aime cette résistance à la tentation des mots, ceux qui s’empressent de saisir, de comprendre… de nourrir cette nuit.
Belle intuition de l’instant, du hasard qui donne à penser que la création du temps
se consomme vers d'autres nuages. ...

J'aime beaucoup.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Vasistas   
21/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bon jour
J’aime tant marcher
et là sans bouger, à peine les lèvres.
Susurrer, lentement pour mieux entendre et voir.
Chaque vers se suffit presque à lui-même, comme un pas, parfois se prolonge, chaque pas est une nouvelle découverte.
Une note s’ajoute, une image, une couleur et plus on avance plus ça m’emplit, c'est sensible, sensuelle, riche.
Le dernier vers, simple et vrai : c’est la nuit, il faut s’arrêter, accepter.
Mais non, je reprends, au début, s’approcher autrement...
Je veux marcher encore…
Délicieux

   Louis   
23/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Marcher, marcher encore…
Non pas se déplacer en voiture, dans un bus, dans un avion, qui isolent et séparent des réalités du monde, mais au plus proche d’elles.
Marcher dès l’aurore : « bien avant le souffle de la ville », avant qu’elle ne reprenne vie, avant de se laisser happer par elle.
Marcher, et tracer une ligne de fuite, qui n’est pas absence de courage, mais ligne créatrice.
Marcher sans destination précise : « suivre les lumières du hasard », mais non sans orientation : « Au-delà des bétons empilés », toujours au-delà des constructions humaines « ponts », « gares », « villages ». Ligne vagabonde d’une errance.

Marcher, passer, mais sans tout laisser "passer", par des pas évanescents :

« Chaque pas dépose un grain de mémoire »

Quand chaque pas retient.
Marcheur : semeur de mémoire.
Chaque « grain » comme un point sur la ligne d’un itinéraire, l’arabesque d’une traversée ; ligne impossible sans la conservation des points générés par le mouvement de la marche.
Chaque grain comme un grain de sable, qui élève la « dune » d’une « âme », dans le « versant inconscient » de son relief. L’âme a ses « dunes » contre l’oubli, ses strates amoncelées des lignes d’un parcours de vie, même si l’on n’en a pas conscience.

S’il convient de « suivre les lumières », celles du hasard, il ne faut pas éviter pourtant le sombre et l’obscur : « marcher / vers les friselis des lueurs noires »,
L’oxymore se mêle à la synesthésie, pour dire l’épaisseur sonore et l’éclat de la noirceur, qui n’est pas néant, qui n’est pas vide.
Si le "sombre" est « renversé » par l’aurore, il demeure des « ombres », auxquelles s’associent les couleurs et les éclats de la vie :

où s’enroulent les couleuvres d’ombre
les criquets rouges crépitent
en étincelles d’élytres

Marcher jusqu’à « accepter » la noirceur de la nuit.
Marcher par ce mouvement d’une traversée du monde, jusqu’à se confondre avec lui :

Le corps fourbu
Raide comme la pierre des paysages fendus

Jusqu’à l’absorber :

Manger les racines
Les feuilles les fruits

Marcher sans relâche :
Jusqu’au pays bossu où les chemins s’épuisent
Et accepter enfin la nuit qui vient, au « crépuscule » qui « déploie son voile de suie »
L’acceptation ne se comprend pas ici, semble-t-il, comme une résignation, mais comme l’affirmation aimante de la réalité naturelle dans sa diversité. Et cette réalité ne peut être dissociée du sombre, de l'ombre, et de la « nuit », qui en sont une part irréductible.
La nuit qui est repos, un coucher, « coucher du cœur » ; la nuit, fin de journée, fin de vie, mais qui n’est pas rien, ni vide ni néant.

Accepter la nuit, sans crainte.
Accepter la marche de la vie, c’est accepter aussi la part de nuit qui lui est indissociable.
Si la ligne tracée s’interrompt avec la nuit, elle se poursuit pourtant, quand le jour a permis une fusion avec le monde et son élan de vie, ligne infinie.

Merci Luz pour ce beau poème.


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