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Poésie contemporaine
Miguel : Pastourelle
 Publié le 25/12/18  -  14 commentaires  -  3091 caractères  -  129 lectures    Autres textes du même auteur

Un chant alterné dans le style de poèmes antiques (chants amébées). Le berger répond à la bergère.


Pastourelle



La Bergère

Adieu, ma belle insouciance,
Adieu, doux repos de mes nuits ;
Je sens toute la violence
De l'amour, et tous les ennuis.

Le Berger

À tant d'amoureux au supplice,
À tant d'hommages repoussés,
Les cieux enfin rendent justice :
Souffrir tu ne saurais assez.

La Bergère

Pourquoi faut-il que ma pauvre âme,
Fier donjon de la fermeté,
Aussi fougueusement s'enflamme
Pour qui ne m'a rien demandé ?

Le Berger

Le Sort te jette en ces alarmes
Pour t'apprendre un peu ce que c'est,
Et te faire payer les larmes
Qu'en mille endroits tu fis verser.

La Bergère

C'est trop peu de dire que j'aime ;
Je brûle littéralement,
Et dans cette torture extrême,
Je suis la flamme et l'aliment.

Le Berger

Toi qui comptes tant de victimes
Au jeu funeste de l'amour,
Tu sauras l'ampleur de tes crimes
En étant victime à ton tour.

La Bergère

Celui qui fait fondre les glaces
De mon cœur au feu du désir,
S'il a pour lui toutes les grâces,
N'a pour moi regard ni soupir.

Le Berger

La passion qui te consume
Est sans écho chez son auteur ?
L'Amour inverse la coutume,
Lassé qu'il est de ta rigueur.

La Bergère

Regard tendre et tendre sourire
Sont les armes de ce bourreau ;
Dès qu'il paraît mon cœur chavire,
Et sans rien faire il en fait trop.

Le Berger

Enfin les dieux, à la cruelle
Ne sachant que supplicier,
Donnent un maître, et je l'appelle
Non point bourreau, mais justicier !

La Bergère

Je désespère de lui plaire,
Toute contente, au demeurant,
Quand mes efforts ont pour salaire
Quelque sourire indifférent.

Le Berger

Pour gagner ton propre sourire
Plus d'un amant se fût damné ;
Mais je n'ai pas entendu dire
Que tu l'eusses jamais donné.

La Bergère

Mon cœur, contre un tel adversaire,
Tu ne seras pas le plus fort ;
L'étau qui toujours se resserre
Dans peu nous réduit à la mort.

Le Berger

La mort, trop coupable amoureuse,
Peut bien être bonne avec toi ;
Tu fus longtemps sa pourvoyeuse :
Que de pendus elle te doit !

La Bergère

Eh bien, que la mort me ravisse,
Si du moins, en m'ôtant le jour,
Elle m'offre comme service
Le triomphe de mon amour !

Le Berger

Adieu, souveraine asservie,
Puisque, à l'heure où ton cœur se rend,
Il te faut soustraire ta vie
Aux rigueurs d'un indifférent.

La Bergère

Le regret de sa négligence
Harcèlera ce front si beau,
Et j'exercerai ma vengeance
De l'autre côté du tombeau.

Le Berger

Mais dans ce royaume de l'ombre
Dont tu te fais un paradis,
Que pourras-tu contre le nombre
De tes victimes de jadis ?


 
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   Gemini   
1/12/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je suis ravi de découvrir ce chant amébée, qui, je trouve, prend la forme d'un dialogue dans une pièce de théâtre. On voit que dans la réponse du berger à la bergère, c'est bien le premier qui a le dernier mot.
On découvre que son dépit suit une nette progression qui, passant par le chagrin et l'amertume, finit par se muer en aigreur et va jusqu’à la profonde rancune.
Outre l'amour déçu, une composante du thème rappelle celui de La Lionne et l’Ourse, la seconde rappelant à la première toutes ses victimes alors qu’elle pleure son enfant.
En plus de son originalité, le texte est bien mené. On trouve des vers au goût cornélien notamment ce « Et sans rien faire il en fait trop ». Je trouve d’ailleurs le ton général un peu précieux pour de simples pastoureaux, mais le propos est si bien rendu qu’on ne s’en rend compte qu’à la fin. De même, on peut trouver que le texte souffre un peu de redites (le reproche et la réponse ne varient pas, et les quatrains s’entassent sans progression du discours), mais on découvre à la fin que les phrases sont tournées distinctement, assez de toute manière pour ne pas lasser ou donner une sensation d’écho. C'est d'ailleurs un des mérites qu'il faut saluer.
De bonnes rimes (à part ce c’est/verser v14/16), et on sent que la plume n’a été qu’au service du texte.

   Queribus   
6/12/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

J'ai noté deux choses concernant votre texte:
-il témoigne tout d'abord d'une grande maitrise de la poésie néo-classique et ses vers sonnent bien
-il me semble toutefois qu'il est beaucoup trop long et que, de ce fait, il aurait tendance à tourner au bavardage; je pense qu'une dizaine de strophes, au grand maximum, auraient suffi.
Ceci dit, il est bien agréable, en ces temps agités, d'écouter et de lire un échange entre un berger et une bergère, comme autrefois à l'heure où les bergers et les bergères ont pratiquement, hélas, tous disparu.

En conclusion, j'ai beaucoup aimé votre poème et son côté un peu rétro malgré sa longueur.

Bien à vous.

   Gabrielle   
7/12/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une pastourelle dans laquelle l'amour se fait juge.

Le dialogue nous amène à une fin tragique souhaitée par l'un des deux personnages présents (suicide de la Bergère).

La tragédie, présente dans l'ensemble du dialogue est suggérée par le caractère comique de la situation.

Merci à l'auteur pour ce délicieux témoignage d'un genre parfaitement maîtrisé.


Bien à vous.

   Anonyme   
25/12/2018
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour

Pas trop fan de ce genre de textes anciens que je compare plus
à un exercice de style qu'à de la poésie pure, cette pastourelle contient quelques propos intéressants comme :

Toi qui comptes tant de victimes
Au jeu funeste de l'amour,
Tu sauras l'ampleur de tes crimes
En étant victime à ton tour.

Entres autres.

J'aime moins le : en ses alarmes

Oui, au final, un poème qui demande, certainement beaucoup de travail pour un résultat poétique aléatoire.

   Anonyme   
25/12/2018
Bonjour Miguel,

Ces deux-là, il ne faudra surtout pas les oublier dans la crèche. Dieu se garde au Paradis de me renvoyer dans cette époque. Nul besoin de compter les moutons. Le discours est assez clair pour qui a fait moyen-âge en première langue.

Un beau travail de rénovation de ruines millénaires. A lire les soirs de cafard, quand une maîtresse n’a pas pu se rendre disponible. Je suppose que la maîtrise historique de l’auteur l’a poussé à y inclure volontairement quelques assonances, défiant ainsi ce sot de Sorgel qui fit et confit de votre œuvre un poème contemporain.

Vous méritez le diplôme de compagnon. Votre nom figurera donc à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France. Saurez-vous prendre la route sans votre gps ?

FrenchKiss, soudain pastoral et contemplatif, les membres corsetés pour la journée.

   papipoete   
25/12/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
oyé, oyé Miguel
Nous voici plongés au temps du Vert Galant, quand trouvère et troubadour écumaient la France à la recherche du succès, d'un Bruno Coquatrix des châteaux-forts !
Ici, la Damoiselle ne sembla pas faire dans la dentelle, par trop d'amants qu'elle tourmenta du coeur jusqu'au salutaire trépas !
Le berger semble un irréprochable Seigneur qu'une fée transformât en agneau, condamnée à se languir de cette Belle si désirable, mais point pour lui !
NB bien qu'un peu long, ce " dialogue " pourrait se dire encore aujourd'hui ; pour le votre, je l'aurais bien vu en " vieux françois ", afin qu'il collât davantage à l'époque ?
je vois, sans vérifier jusqu'au bout du texte, un poème qui me semble " classique en octosyllabes ", mais la forme contemporaine retenue m'étonne ( à moins que les rimes âme/s'enflamme soient ici encore sujettes à controverse ? )

   Hiraeth   
25/12/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
@Gabrielle : Une pastourelle dans laquelle l'amour se fait juge... Et bourreau :-)

C'est un poème bien fichu, même si je l'ai trouvé trop long. Le thème et la forme sont très classiques, mais comme c'est bien fait, le texte reste agréable à lire et bénéficie même de quelques vraies bonnes trouvailles ou formules. J'aime beaucoup par exemple "Et sans rien faire il en fait trop" : cette série de monosyllabes est parfaite, pour le coup il n'y a rien en trop, le dérèglement et le paradoxe de l'amour sont dits avec une simplicité maximale, comme chez Racine (plutôt que Corneille je dirais). La dernière strophe est puissante, et m'a rappelé le "Dom Juan aux Enfers" de Baudelaire. La bergère sera-t-elle aussi indifférente que son homologue masculin ? D'ailleurs cela me fait penser à un autre poème, en anglais cette fois : https://www.poetryfoundation.org/poems/50450/a-thousand-martyrs

J'aime bien le choix de la situation d'énonciation, plutôt originale en ce qu'il ne s'agit pas d'un dialogue comme dans la plupart des pastourelles mais d'un monologue, celui de la bergère, commenté à l'écart par un berger (peut-être l'un de ses amants dédaignés) que la belle ne semble pas voir et dont le lecteur se rend complice. Là encore, on a sans doute déjà dû lire ça (que n'a-t-on pas lu qui en vaille la peine ?), mais c'est bien fait. Un joli travail d'orfèvre en somme, qu'on a envie de chanter.

   Corto   
25/12/2018
 a aimé ce texte 
Bien
Ce chant alterné pour un jour de Noël est une bonne idée.
On a l'impression que l'auteur est prêt pour écrire une geste qui après le Berger et la Bergère ferait apparaître de nouveaux personnages tout aussi amoureux, tout aussi concurrents, qui raconteraient un autre pan de cette histoire, puis encore d'une autre.
Bravo pour le souffle de l'auteur qui tient la longueur, même si en ces temps modernes le lecteur finit par s'impatienter.

   Stephane   
25/12/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonsoir Miguel,

Je me suis vraiment régalé à lire ces vers déclamés façon théâtral. J'y ai vu du Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand car la bergère, de par son caractère, m'a fait immédiatement pensé à Roxane.

J'ai donc adoré du début à la fin.

Cordialement,

Stéphane

   Castelmore   
25/12/2018
Bonsoir Miguel,

La trame du récit est parfaite, les fils du dialogue s'enchaînent ainsi le plus naturellement, décrivant les sentiments des personnages avec précision et, malgré la distance de la langue, disent leur vérité .
Les deux dernières strophes sont magnifiques d'ironie.

Peut-être un peu trop long ... le lecteur que je suis s'est senti aspiré par la langueur de la donzelle ...

   hersen   
27/12/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Ne prends pas mon com comme argent comptant, Miguel, car il ne reflète que mon ressenti : je le trouve trop long !
L'intére^t de la lecture s'en accroît cependant dans les strophes de fin, mais le début m'a paru un peu fade et j'ai failli abandonner. ce qui néanmoins eût été dommage.

berger-bergère ; je crois qu'on pourrait bien changer l'appellation, car l'amour et ses corollaires, eux, n'ont pas vraiment changé !

j'ai bien compris que tu calquais une forme ancienne, qui est fort bien tournée, je l'admets.

merci de cette lecture

   domi   
28/12/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
A la première lecture ça m'a semblé un peu long, mais en relisant, pas une once d'ennui, car la progression est bien là, fouillée, rien n'est de trop, c'est un beau travail.
Belle description des affres de l'amour ressentis par la bergère, j'ai adoré, merci.

   jfmoods   
29/12/2018
D'une tonalité élégiaque (champ lexical de l'amour, champ lexical de la douleur), cette pastourelle (personnages génériques appuyés par les majuscules : "La Bergère", "Le Berger"), composée de 18 quatrains en alexandrins, à rimes croisées, suffisantes et riches, majoritairement consonantiques, tour à tour féminines et masculines, s'attarde sur les écueils de la séduction.

Le texte se présente comme un dialogue à distance entre un homme éconduit et une belle particulièrement rebelle.

Dans cette conception guerrière, brutale, de l'amour (bien différente de la fin'amor), la femme, intransigeante, n'a pas voulu céder aux diverses sollicitations amoureuses qui lui ont été faites jusqu'à présent ("Fier donjon de la fermeté", "Pour gagner ton propre sourire / Plus d'un amant se fût damné ; / Mais je n'ai pas entendu dire / Que tu l'eusses jamais donné").

La voici maintenant elle-même condamnée à désirer sans retour ("Je désespère de lui plaire, / Toute contente, au demeurant, / Quand mes efforts ont pour salaire / Quelque sourire indifférent"), à tirer l'amère leçon de ses refus ("Toi qui comptes tant de victimes / Au jeu funeste de l'amour, / Tu sauras l'ampleur de tes crimes / En étant victime à ton tour").

Portée au comble de la souffrance, elle se dit prête à renoncer à la vie ("que la mort me ravisse") si au moins cela lui permet de gagner, en dernier ressort, le combat, de laisser derrière elle le malheureux à jamais inconsolable qui l'aura opprimé ("Le regret de sa négligence / Harcèlera ce front si beau, / Et j'exercerai ma vengeance / De l'autre côté du tombeau").

Cependant, à ce petit jeu de la surenchère, on rappelle à sa mémoire tous les fantômes d'hommes frustrés qui l'attendent là-bas, sur l'autre rive, pour la hanter de leurs sempiternelles plaintes ("Mais dans ce royaume de l'ombre / Dont tu te fais un paradis, / Que pourras-tu contre le nombre / De tes victimes de jadis ?").

Dans un monde où la femme se voit réduite au rang de pur objet érotique, l'homme n'hésite pas à forcer sa chance jusqu'au bout.

Merci pour ce partage !

   FANTIN   
11/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai failli décrocher d'emblée quand j'ai vu la forme classique utilisée: quatrains, rimes, octosyllabes qui ont fait leur temps. Et puis, passée la première strophe, j'ai continué avec la seconde, et ainsi de suite jusqu'à la fin, sans regretter d'avoir fait l'essai.
En fait, bonne surprise, ce n'est ni lourd, ni gratuit, ni guindé. Certes, ç'aurait pu être écrit au XVIIème: le vocabulaire et la tournure des vers y renvoient, mais cela fonctionne avec beaucoup de naturel, et si on y ajoute le thème traité, qui est de tous les temps, au final on obtient un poème tout à fait lisible et qui parle sans problème au lecteur moderne.
Quant au dialogue, théâtral dans l'esprit de l'époque, il participe au dynamisme et à l'équilibre de l'ensemble avec les allers retours constants d'un personnage à l'autre.
Merci pour ce bon moment de lecture et ce dépoussiérage bénéfique de mes souvenirs de lycée.


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