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Poésie néo-classique
Miguel : « Y a-t-il hiatus ? »
 Publié le 16/02/23  -  11 commentaires  -  2156 caractères  -  256 lectures    Autres textes du même auteur

Je me suis amusé à taquiner ce cher hiatus, dans une sorte de satire à la façon de Boileau, et sous la forme d’un affrontement humoristique entre mon « moi » rebelle et mon « moi » conventionnel. Classicisme oblige, devinez qui gagne à la fin.
Pour tout saisir de ce petit jeu, sans doute est-il préférable de maîtriser la prosodie classique.


« Y a-t-il hiatus ? »



Dans ce bel art des vers qu’avec soin je cultive,
Un problème se pose à ma plume naïve :
Par je ne sais quel tour du fantasque hiatus,
C’est à l’œil, pour les sons, qu’il est donné quitus.
Arbitraire absolu, tyrannie ubuesque,
Mon sens du garde-à-vous s’en rebellerait presque.
Enfin, jugez plutôt de ses étranges lois ;
Oyez ce que j’entends, lisez ce que je vois :

« L’enfant tirait les fils de sa marionnette… »
« Marionnette », ah bien ! mot ludique et charmant.
Vers fluide et léger, classique assurément.
« Heureuse épouse enfin, qui d’un mari honnête… »
« Mari honnête », ah Ciel ! Est-ce là d’un poète ?
Ô barbarie ! ô haïssable manquement !
Quel démon vous inspire une hideur pareille,
Outrage au bel esprit, supplice pour l’oreille !
Chassez d’ici ce monstre, ou renoncez aux vers.
– Soit ; quittons notre rêve et rentrons dans nos fers :
La rigueur des traités n’admet point de réplique.

« L’oiseau poussait son chant sur le bout d’un scion… »
« Scion », quel mot joli ; musical et rustique.
« L’oiseau gazouille, heureux, sur sa branche, et si on… »
« Si on » ! Par Apollon, quelle mouche vous pique
De blasphémer ainsi la métrique et ses lois ?
Par ce vil procédé l’oreille est mise en croix !

« La rue est sans une âme, et le ru est de glace… »
De quels feux de l’enfer paierai-je mon audace ?
Car je vois mon censeur sur « ru est » se ruer,
Crier à l’assassin, glapir et me huer.
En vain toujours l’esprit s’étonne et se rebelle :
L’oreille a beau plaider, l’œil décide pour elle ;
Et sans que de ses droits elle puisse jouir,
Où l’œil voit l’hiatus, l’oreille doit l’ouïr !

– Quichotte ferraillant contre l’antique usage,
Cesse donc de te croire et plus docte et plus sage :
La règle blâme là, la règle ici permet.
C’est bien à toi, peut-être, à régenter Malherbe :
Retourne dans le rang, et dompte ta superbe !

– Malherbe… Ah, du Parnasse et l’astre et le sommet !
Soit : mon orgueil vaincu s’incline et se soumet.


 
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   Mokhtar   
4/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Ce texte sur la technique prosodique semble réservé aux fossiles (en voie d'extermination ici) adeptes de poésie classique. Mais, bien plus que son thème, son intérêt majeur réside dans l’excellence du style, digne des grands du XVII éme. C’est extrêmement bien tourné, primesautier, plein d’humour. Et d’une habileté remarquable.

L’hiatus dénonce le soubresaut de son causé par deux voyelles consécutives, compromettant, pour l’oreille, la fluidité. Or l’hiatus I-A , avec sa sorte de liaison « ille », n’est pas condamnable. Il coule parfaitement. C’est l’euphonie qui disqualifie la règle : pas besoin de comparer avec un vocable incluant « légalement » l’hiatus. D’ailleurs, l’exemple avec u-é est beaucoup moins convaincant.

« L’oreille a beau plaider, l’œil décide pour elle ». Cela dénonce aussi ces rimes parfaites à l’oreille mais condamnées pour une consonne finale, muette depuis la nuit des temps.

Belle conclusion en forme de soumission révérencieuse ; bien enlevée, fustigeant les audacieux qui osent taquiner Malherbe. Mais quelles seraient ses règles s’il était un de nos contemporains ?

Contentons-nous de considérer que ces contraintes sont celles des règles d’un jeu, et que s’y conformer est un exercice ludique. Pour ceux qui ont la chance de pouvoir s’y livrer.

Bravo pour ce brillant exercice.

   Lebarde   
6/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Vouloir parler de hiatus dans un poème classique, c'est déjà risquer de l'exclure de la catégorie sans qu'il soit nécessaire d'y "oublier "comme ici, un alexandrin de 13 syllabes (V3).

Mais qu'importe vous avez écrit là un bien fameux poème qui pour n'être pas classique, constitue pourtant un magnifique néo-classique.

Pourquoi faudrait il hiérarchiser la poésie et vouloir confondre et uniformiser le classique, le néo-classique, le contemporain ou le libre en modifiant les lois et principes?
Chacune des catégories a ses mérites que les lecteurs apprécient avec leur sensibilité personnelle et ses règles qu'il suffit tout simplement pour l'auteur de respecter sans les refuser ni critiquer à chaque instant.

Bravo pour avoir traité avec autant de justesse ce sujet original qui fait pourtant couler tellement d'encre dans notre petit Landeneau onirisien, avec ce brin d'humour et de légèreté et une écriture d'une remarquable fluiidité.
Quelques belles formules parmi beaucoup d'autres, m'ont particulièrement plu :

" Par je ne sais quel tour du fantasque hiatus,
C’est à l’œil, pour les sons, qu’il est donné quitus."

"Oyez ce que j’entends, lisez ce que je vois"

"L’oreille a beau plaider, l’œil décide pour elle ;
Et sans que de ses droits elle puisse jouir,
Où l’œil voit l’hiatus, l’oreille doit l’ouir "

En résumé, sachons saluer sans sectarisme ni soumission ni complaisance, la poésie qu'elle soit classique ou libre, si elle est bonne.

Merci

En EL

   poldutor   
16/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonsoir
Ah l'hiatus ! Effectivement pourquoi admettre "scion" et refuser "si on" ,"marionnette" et pas "mari honnête" ?
Ah l'hiatus qui d'une poésie parfaitement classique, fait un poème néo !
L'hiatus, la bête noire des poètes en herbes (et les autres), il est vrai que la poésie moderne ne s’embarrasse pas de tels "détails"!.
Techniquement ce poème est parfait, je crois reconnaître la "patte" d'un grand onirien !
Bravo.
poldutor en E.L

   papipoete   
16/2/2023
bonjour Miguel
Chasser le hiatus, comme ici dans ce texte fantasque, ferait fuir l'élève peu/enclin ( hiatus ) à tâter du classique !
" y/a " est le premier d'une sûrement longue série, laquelle je ne vois pas le plaisir de le traquer !
J'ai des amis horrifiés par ces vers à pieds, aux règles scabreuses, auxquels j'entrepris le temps d'un mi-temps poétique, de se risquer à versifier en huit, en douze... qui se virent fiers d'y être parvenus !
Je doute que ce texte les emballa, tout comme moi qui soudain, ai mal à la tête !
Je me garderai de poser une notation, sous cet exercice " haut en couleurs ! "

   Anonyme   
16/2/2023
Bonjour Miguel

Un exercice qui se veut amusant mais qui, pour moi, malgré
toute la maestria de son auteur, se révèle finalement plus
ennuyeux que distrayant. Peut-être une longueur trop déployée ?
Je ne sais mais, toujours selon ma propre compréhension, car il
en ravira d'autres, à vouloir trop en faire, ce texte, même parfaitement
écrit, passe à coté de son sujet qui, je pense, était de distraire.

Un un peu + comme appréciation personnelle.

   Antoninus   
16/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Miguel,

Merci pour ce beau poème inventif aux rimes habiles et aux images pertinentes.
Je pense qu'il aurait dû figurer en classique et non en néo-classique, car il est tout à fait régulier, hormis les hiatus volontaires mis entre guillemets qui sont un peu comme ces exemples de tournures fautives que l'on trouve dans les manuels précédés d'un astérisque et qui ne sauraient être considérés ni comme une faute ni comme un exercice de "néo-grammaire" !
Je parle de manuels et il me semble que ce poème a tout d'un art poétique du XXIe siècle. Boileau l'eût écrit en notre temps !

   Ramana   
16/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Exercice réussi avec brio, j'admire votre aisance apparente et la vivacité de votre verbe. Vous prêchez un convaincu, je pense qu'il y a de beaux hiatus (qui du coup n'en sont plus vraiment), et de vilains hiatus. Bravo pour ce texte éloquent.

   Ornicar   
16/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Miguel

J'adore ! Je n'ai pas eu l'heur d'accéder à ce poème dans mon espace lecture. Mais à la vue du titre, je ne sais pourquoi, j'ai pensé que vous en étiez probablement l'auteur.

C'est une totale réussite, un véritable régal. La langue est magnifique, à la fois colorée et châtiée. Le texte est truffé de trouvailles, de bons mots, de jeux sur les sonorités, d'humour, d'esprit, d'une forme de grandiloquence théâtrale qui prête à sourire et atteint par là-même son but. Exemples concrets à l'appui, vous traitez très sérieusement, d'un sujet sérieux, le hiatus, pour qui s'intéresse à la poésie, sans vous prendre au sérieux. Dès la strophe d'introduction, j'ai senti que je lisais du "très bon".

Des esprits chagrins pourront peut-être vous objecter deux choses.
La première, qu'un tel texte se destine à un public d'initiés, ce que vous ne manquez pas d'annoncer en préambule, comme pour parer l'éventuel reproche. Je pense qu'il recèle au contraire des vertus pédagogiques et qu'il fait appel de façon ludique à l'intelligence de chacun.
La seconde, qu'il est un peu long. Je n'ai pas trouvé car je n'ai guère eu le temps de me lasser. Pour tout dire, je vois dans ce poème un esprit très "français". Et je ne manquerai pas pour l'avenir de retenir la leçon :
Ce que l'oreille me permet, l'oeil ne saurait le tolérer !

   Donaldo75   
16/2/2023
L’exergue explique bien l’intention et elle ne m’étonne pas de l’auteur dont je salue la prise de risque en la matière. C’est bien travaillé, en tant que lecteur je sens le sachant, le poète qui maitrise sa technique et sa culture, tente la conjonction des deux pour nous donner à nous amateurs du verbe de quoi penser l’art que nous aimons tant. Après, est-ce que j’ai aimé ? Je ne sais pas, j’ai trouvé cet exercice un peu longuet à la lecture et je ne pense pas en accrocher la copie contre le mur de mon bureau, mais je salue l’effort.

   EtienneNorvins   
17/2/2023
Bonjour Miguel,

Pas fan du sujet - ce débat prosodique, assez proche de l'art de couper les cheveux en quatre dans le sens de la longueur, me semblant chouïa ... suranné -, je n'ai pourtant pas boudé mon plaisir de lecteur.

C'est drôle et docte, comme une guerre picrocholine ou un combat Papimanes / Papefigues - qui tourne parfois à l'exercice de diction : "Où l’œil voit l’hiatus, l’oreille doit l’ouïr !", ah ! prends garde, archiduchesse en chaussettes !

Quoique cela sans doute eût fait tiquer Malherbe...

Merci du partage

   Liryc83   
18/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Miguel,
Loin d'être un spécialiste du classique, j'ai trouvé le texte drôle avec une allure à l'ancienne. On sent que vous vous êtes amusé à l'écrire. Le désaccord entre l'oeil et l'oreille dans la quatrième strophe m'a fait sourire.

Bravo et merci pour le partage


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