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Poésie libre
Pouet : Anatomie d'un souvenir
 Publié le 15/01/19  -  17 commentaires  -  2491 caractères  -  388 lectures    Autres textes du même auteur

Confessions d'un bourreau.


Anatomie d'un souvenir



L’aube me tombe des mains et je sais que déjà
s’exhalent de la terre des soupirs de bruine.

Mon cœur s’est grimé d’un masque d’attentat,

ici je me souviens,
mémoire cristalline.

Je me dis que pour nous le présent est un leurre,
qu’un sourire de vieillard est un gouffre de suie,

nous choyons comme nos fils ces lambeaux de bonheur
qui demeurent suspendus aux cils de la nuit

par temps de solitude.

Je commence à m’aimer,
bientôt je vais mourir,

j’ai tatoué sur mon âme l’ironie créatrice.

Nous avons en commun l’absence d’avenir,

nos prunelles sont gercées,
diaphanes cicatrices.

Sous le poids de nos rêves s’écroule la lumière,
de nos jours s’évapore la brume du regret,
sur nos murs pourrissent des chapelets de lierre,
tandis que sur nos braises pleurent les cheminées.

La mâchoire en faillite, la parole embuée,
nous offrons nos regards aux caries de l’instant.

Si nous passons l’hiver,
nous enjamberons l’été,

les saisons sonnent pour nous comme des rires d’enfants.

Pour ignorer le Monde j’insulte ma fenêtre,
il faut que je saisisse les mots de mon passé.

C’est l’encre qui fusille les contours de mon être,
car pour nous il ne reste que la sincérité.


La pièce transpirait la souffrance et la peur,

des couloirs d’infini,
des cris d’esprits défaits.

Les globules de glace et la chair en sueur,
j’observais le travail de l’électricité.

À la place du visage un bourbier de terreur,
une purée de sang et de glaires noircis,

l’homme est nu sur une chaise,
il écoute la douleur

transpercer son Histoire,

aurore du sursis.

La veille j’arrosais l’extase de mes vingt ans
et pourtant la conscience ne fuit pas la jeunesse,
l’âge est un arc-en-ciel d’espoirs renaissants,

de la tombe au berceau
vient s’échouer la tristesse

sur une plaie déserte.



La confusion l’emporte,
mon stylo se rétracte,
sur le pas de ma porte
gisent des cataractes.

Je suis ce fossoyeur qui vient traquer l’oubli,
ce sanglot d’arsenic qui brûle les rétines,
sur ma feuille se déposent des années d’insomnie.

Ce n'est pas au pardon que je dédie ces lignes.


 
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   Stephane   
2/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Ces confessions sonnent comme un coup de poing, à tel point que j'ai retenu ma respiration pendant toute la lecture.

La torture est ce qu'il y a de plus abject dans l'être humain et rentrer dans l'esprit d'un bourreau est une expérience qui fait froid dans le dos.

Ce poème percutant ne peut laisser personne insensible et le but recherché est indubitablement réussi. De plus, l'écriture est fluide et ponctuée ici et là de quelques rimes qui donnent un rythme soutenu et rendent la lecture "attrayante".

L'exercice n'était pas si aisé, mais le ton est juste et ce poème une réussite.

   LeopoldPartisan   
15/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
hormis l'accroche que je trouve personnellement dispensable, j'ai vraiment apprécié ce texte qui avec un scalpel bien effilé et pour le moins expert nous autopsie cette anatomie d'un souvenir.
Tout est passé au crible d'une rage froide et contenue, ceci pour bien marquer les esprits qui ne peuvent que constater les dégâts.

"Mon cœur s’est grimé d’un masque d’attentat
j’ai tatoué sur mon âme l’ironie créatrice.
Nous avons en commun l’absence d’avenir
Ce n'est pas au pardon que je dédie ces lignes."

   leni   
15/1/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Salut AMI Pouet
Là tu as fait fort très fort Je suis KO et compté 10
Je n'entre pas dans le jeu des citations j'épingle néanmoins le grandiose de ton réalisme humain et poétique

nous choyons comme nos fils ces lambeaux de bonheur
qui demeurent suspendus aux cils de la nuit

et voici que tu te défini

j’ai tatoué sur mon âme l’ironie créatrice.

nous offrons nos regards aux caries de l’instant.


OUI c'est très fort ce vers qui suit

Pour ignorer le Monde j’insulte ma fenêtre,
et pour clore le débat


Je suis ce fossoyeur qui vient traquer l’oubli,
ce sanglot d’arsenic qui brûle les rétines,
sur ma feuille se déposent des années d’insomnie.
et je viens de lire plus de dix fois ton dernier vers

Dieu que j'ai envie d'écrire un texte à nous deux camarade
MERCI

   Vasistas   
15/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
C’est effrayant de beauté.
Chaque phrase se suffit à elle-même, on veut lire la suivante (j'en salive à voix haute)
c’est longue liste est comme une énumération sur le temps d'une vie.
chaque vers est savamment travaillé et particulièrement évocateur.
Je lis et relis encore, je suis bouche bée.
heureux de vous lire.
Merci

   Anonyme   
15/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
" Je commence à m’aimer,
bientôt je vais mourir ". C'est à l'hiver de la vie que la conscience vient frapper fort à la porte et fait son bilan.

Ici, le souvenir des horreurs commises qui hantent le narrateur.
" Pour ignorer le Monde j’insulte ma fenêtre,
il faut que je saisisse les mots de mon passé.

C’est l’encre qui fusille les contours de mon être,
car pour nous il ne reste que la sincérité."

Un texte très bien conduit, des images percutantes, et la chute qui le clôt avec superbe
" Ce n'est pas au pardon que je dédie ces lignes."

   domi   
15/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un texte tellement fort, "dur", que je me suis d'abord "réfugiée" dans l'étude de la forme.
Un "libre" où se perçoit un "néoclassique" délicatement voilé par certains vers coupés en deux, mais les rimes sont bien là - sauf une (peut-être voulue...): "sur une plaie déserte".
Le fond est terrible, et, tout aussi "terrible", la beauté de cette écriture.

   Vincente   
15/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Deuxième lecture, j'ai compris la confusion du bourreau/narrateur en confession. Guidé par "La confusion l’emporte, / mon stylo se rétracte, / sur le pas de ma porte/ gisent des cataractes."

Ainsi de la première lecture je ne vois plus que :
"qu’un sourire de vieillard est un gouffre de suie"
"La mâchoire en faillite, la parole embuée,
nous offrons nos regards aux caries de l’instant."
"C’est l’encre qui fusille les contours de mon être,"
"sur ma feuille se déposent des années d’insomnie."
et je ne conserverais d'abord que ces vers inspirés et ces images fortes.

C'est là mon seul désagrément. Sur l'ensemble dorénavant, j'ai une adoption complète de la volonté narratrice, de l'expression domptée pour en rendre compte et une émotion non feinte envers le trouble et la force déversés. Et si je devais à nouveau lister les vers remarquables, il y en aurait plus d'un sur deux qui m'ont touché. Alors je ne sais pas s'il y avait un autre chemin plus direct pour exprimer ces "sur ma feuille se déposent des années d’insomnie.", mais celui-ci m'a convaincu avec si peu de réserves qu'il peut à mon sens rester ainsi. Après tout pourquoi espérer profiter d'une facilité éventuelle d'écriture pour signifier un brouillard émotionnel si difficile ?

Ah, ne pas oublier ce poème inséré en italiques qui est d'une prégnance puissante. Très réussi puisque je considère que le poète n'est pas le bourreau et que son adhérence à l'état du bourreau repenti n'est que l'exercice empathique d'un écrivain talentueux.

   Robot   
15/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pouet,

On entre pas facilement dans ce texte et il faut s'y replonger plusieurs fois pour en apprécier toute la profondeur et le tragique.

Je me suis trouvé mes propres références grâce au passage en italique. Cette partie du texte m'a fait songer au récit d'Henri Alleg "La question" et j'ai interprété ce texte comme une réminiscence d'une culpabilité ancienne, celle d'un jeune appelé ayant vécu les pires heures de "la guerre d'Algérie".

Même si je me fourvoie, je dois dire que ce poème m'a saisi par sa force d'évocation, par la valeur poétique de chaque vers accentué par le découpage et la construction équilibrée des trois parties du texte ainsi que par la profonde empathie du narrateur vis à vis de l'âme tourmentée qui se confesse.

   David   
15/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pouet,

C'est beau comme une charogne, avec un rythme incroyable s'allongeant, s'arrêtant brusquement pour un instant, pour repartir, avec un final magnifique aux regards des vers qui déjà me laissaient baba. Les images sont étonnantes, bouleversantes, et pourtant ça ne reste pas seulement à jouer des métaphores, c'est comme une langue propre. Il se devine une exécution sur la chaise électrique, racontée, psalmodiée même par le bourreau. C'est d'autant plus étonnant que ce n'est forcement pas un souvenir propre, mais c'est superbement incarné.

   papipoete   
15/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Pouet
Pour lui aussi le bourreau, l'heure est venue de passer l'arme à gauche, sans violence comme son " art " l'imposait !
" Maître des hautes oeuvres " dont le monde se détourna, tout au long de sa vie ; point de collègue, point d'amis, il lui fallait hurler contre les fenêtres pour apaiser sa solitude...
La mort qui s'approche de lui le délivrera enfin de ce long supplice...
NB même le bourreau a du coeur, en plus du coeur à l'ouvrage qu'il doit montrer au risque de perdre son travail... Il parle " beau " de son parcours depuis ses 20 ans, mais sa confession n'implore pas le pardon, puisqu'il ne fit qu'accomplir sa tâche .
Des vers remarquables " nous choyons comme nos fils ces lambeaux de bonheur/qui demeurent suspendus aux cils de la nuit/par temps de solitude "
Je vois dans votre écriture, que vos talents de poète flirtent avec le " néo-classique ", avec ses apparitions de rimes fugaces .
" l'homme est nu sur une chaise, il écoute la douleur transpercer son histoire ", ce moment m'évoque le film " la ligne verte ", quand John Coffey assis, refuse la cagoule car il a peur du noir !
Il n'y a pas de sot métier dit-on...bourreau de père en fils...
Bravo pour ce récit empreint d'émotion et mêlé d'une certaine tendresse !

   Cristale   
16/1/2019
Si l'auteur doutait du bon accueil de son texte libre publié entre deux classiques, je pense qu'il peut être rassuré ce matin de la qualité de son écriture.
Pour être honnête, ce que j'ai compris du récit est très dur pour ma sensibilité. Des vers me sont hermétiques :
"Je me dis que pour nous le présent est un leurre,
qu’un sourire de vieillard est un gouffre de suie,
nous choyons comme nos fils ces lambeaux de bonheur
qui demeurent suspendus aux cils de la nuit"

D'autres m'ont touchée par leur poésie:
"L’aube me tombe des mains et je sais que déjà
s’exhalent de la terre des soupirs de bruine."
"Sous le poids de nos rêves s’écroule la lumière,
de nos jours s’évapore la brume du regret,
sur nos murs pourrissent des chapelets de lierre,
tandis que sur nos braises pleurent les cheminées."

Je n'ai pas réussi a entrer à fond dans ce poème, j'ai pourtant essayé depuis sa parution. Il me plairait de savoir comment vous élaborez votre trame, comment vous choisissez vos mots et images par exemple : "La mâchoire en faillite, la parole embuée,
nous offrons nos regards aux caries de l’instant."

J'admire la finesse de la plume, le travail d'écriture, mais, dans l'immédiat, je ne sais pas "noter". Peut-être que le sujet est trop dur pour mon âme fleur bleue... Me pardonnerez-vous Pouet ? Je sais que oui.

Quoi qu'il en soit, bravo pour la réussite de votre poème. Votre talent a de nombreuses fois été démontré par vos écrits, il ne fait qu'être confirmé aujourd'hui.

Cristale

   sourdes   
16/1/2019
Bonjour Pouet,

beaucoup a été dit par les membres oniriens qui ont laissé un commentaire, tant sur le fond que sur la forme.

Tout d'abord la forme apparemment déstructurée, évolutive, semble adaptée au travail de dépeçage de votre travail créatif, aussi de la matière de votre esprit, de votre corps. Ce sujet de l'écriture comme bourreau de l'auteur est assez rare et mérite d'être relevé.

Enfin votre thème me ramène aux propos de Michel Foucault dans un bel entretien avec le critique Claude Bonnefoy quand il disait: "Pour moi écrire, c'est bien avoir affaire à la mort des autres, c'est essentiellement avoir affaire aux autres en tant qu'ils sont déjà morts." L'encre de l'écriture de ce fils de médecin puisait dans le sang de la mort à la recherche d'une vérité ultime. Mais là c'est votre propre mise à mort que vous décrivez, ce qui distingue le poète du philosophe, quand je vous lis: "c'est l'encre qui fusille les contours de mon être, car pour nous il ne reste que la sincérité".

Merci,

Sourdès

   Myndie   
16/1/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Pouet

Quel force dans cette poésie dure et bouleversante ! Des vers taillés à la serpe, des mots choisis, un travail d’équilibriste entre une relative douceur et la beauté diaphane de certaines images :
« l’aube me tombe des mains et je sais que déjà
s’exhalent de la terre des soupirs de bruine »…
« mémoire cristalline » ou encore les « cils de la nuit »

et la cruauté, l’indicible qui se dégagent d’évocations non moins belles pourtant :
«  c’est l’encre qui fusille les contours de mon être »
« A la place du visage un bourbier de terreur »
« ce sanglot d’arsenic qui brûle les fenêtres »

Jusqu’à la chute, ce dernier vers que je trouve magnifique.
C’est un poème maîtrisé, sans doute longuement mûri et finement écrit, avec tout l’art d’un peintre expressionniste.
Mais surtout, ce qui m’emporte ; c’est tout ce que vous réussissez à faire passer d’empathie et de compréhension (je ne voulais as dire de compassion car ce n’est pas ce que je ressens) pour cet homme, ce bourreau qui va mourir à son tour .
C’est terrible, puissant et remarquable.

myndie

   Hiraeth   
16/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte très travaillé, libre sans ignorer les vertus de la contrainte poétique ; un fort beau texte ma foi, puissant et mystérieux, comme une énigme qui plairait par sa seule énonciation et nous laisserait quand même comprendre son intention profonde. Des images qui parlent, confusément mais réellement, certaines dès la première lecture, d'autres aux suivantes.

Et pourtant... Ce qui m'enthousiasme dans ce poème est aussi ce qui m'empêche de l'aimer "passionnément". J'ai toujours un peu l'impression que l'auteur se regarde écrire, qu'il en fait un peu trop dans la recherche de l'image-poétique-de-la-mort-qui-tue. Il y a comme un trop-plein d'images qui, après l'ivresse, finit par donner un certain mal de tête. C'est pourquoi j'aime beaucoup et trouve d'autant plus touchants les rares moments de clarté et de simplicité quasi prosaïques : "Je commence à m'aimer, / bientôt je vais mourir", "l'homme est nu sur une chaise, / il écoute la douleur".

Félicitations

   Zorino   
17/1/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Salut Pouet,

Dehors il pleut et c'est en écoutant ceci que je viens de te lire pour la troisième fois.

C'est le troisième coup de poing de l'intérieur que je viens de prendre et pourtant, paradoxalement il m'apaise. Un texte où l'on pénètre dans le subconscient du narrateur. Où chaque détail est un monde. Les images sont d'une grande beauté. De la poésie à l'état pur. Les mots claquent comme un pied qui s'écrase violemment dans une flaque de sang.

Le dernier vers est magistral et résume fort bien l'état d’âme dans lequel le narrateur a traversé sa vie. Du grand Pouet.

Merci pour ce partage

   Castelmore   
17/1/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Au crépuscule d’une vie que reste -t-il ?
Peut-on se contenter d'espérer passer l’été ? Choyer quelques lambeaux de bonheur ? Même si l’on commence à s’aimer ?

lorsque «  l’oeil est dans la tombe... » et empêche de dormir ...

Le narrateur fait le choix de la sincérité, son âme et lui trouvent l’harmonie dans la vérité.

Tout ceci nous est conté avec des mots forts, des images sans concession, qui font des aveux simples et beaux par leur vérité... sans recherche de pardon...(ce qui est moins sûr... peut-être.)

Bravo et merci

   Anonyme   
20/1/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Cela commence beau avec l'image de ''l'aube me tombe des mains... ''

Puis l'histoire qui se déroule sous mes yeux m'emporte dans un effroi terrible, comme si jamais ne devait s'éteindre cette part d'horrible qui dort au fond de l'être humain...

L'homme à l'heure du jugement dernier face à ses regrets.
Et je ne sais pas pourquoi, ou plus tôt si, je sais pourquoi, grâce à l'introspection menée par le poète, je visite le cœur du bourreau. Si je ne trouve aucune excuse aux geste faits, la souffrance qui le saigne ne peut que me toucher.

Les images sont d'une intensité rare, elles vibrent à chaque vers. Je n'en relève aucun, tous me touchant par leur justesse infinie.

C'est ta magie, Pouet. Tu entrelaces la tendresse et la dureté de la vie dans une alchimie qui la rend plus âpre et rude, mais plus attachante aussi.

Je ne sais dire mieux...

Merci pour le partage.

Cat


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