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Récit poétique
socque : La passerelle
 Publié le 26/07/22  -  9 commentaires  -  3516 caractères  -  115 lectures    Autres textes du même auteur

Il y a du vent dans les branches.


La passerelle



Je marche sur une passerelle aménagée au sommet d'un antique aqueduc, ou viaduc, un de ces trucs si haut perchés, aux arches élégantes, qui laissent pantoise devant l'ingéniosité des Romains impériaux. Dire qu'ils ont inventé le béton.
Mais il est bâti de pierres blondes ce monument. Je crois. Peut-être que non, je n'en sais rien ; peut-être son matériau de base n'a-t-il pas été considéré comme suffisamment noble pour justifier un classement, sinon comment expliquer que le chemin soit une piste de macadam et que courent sur les côtés deux rambardes fort laides et fragiles, de minces poteaux de fer à moitié descellés reliés par un câble vibrant dans le vent ? J'ai du mal à réconcilier la trivialité du support sous mes pieds avec l'ancienneté et l'allure générale du noble ouvrage d'art.

La journée est fort belle, l'air un peu piquant comme il se doit pour stimuler la marche. Les nuages filent en hauteur, certes plus affairés que moi. Ils se déforment peu dans leur course, demeurent ramassés, denses, davantage des aéronefs suivant un couloir aérien que des amas de vapeur. Aucun promontoire de leur volume n'invite à la rêverie, à l'interprétation, la lumière les frappe de façon nette. Je n'aperçois pas de vallée céleste où flâneraient des rayons nonchalants se faufilant en quête d'arrière-cours entre des reliefs inattendus.
Le paysage ici-bas semble plus intéressant, au bout de la passerelle des masses vertes ondoient en va-et-vient telles des algues dans le courant. En cette fin de printemps les feuillages encore juvéniles gardent la tendresse du neuf, ils n'ont pas pris la dureté vernissée des mois d'été. Ce sont des pelages duveteux de chiots attendrissants, frémissant à la moindre brise, prêts à bondir patauds à la poursuite de chimères volages. Bien sûr, leurs troncs les ancrent à terre, entravent leurs rêves. Alors ils se contentent de se bercer au fond de l'océan d'air qui recouvre notre planète.
Les martinets, poissons ailés, les narguent en criaillant.
Soudain, en remarquant d'incongrus filaments verticaux blancs, je comprends l'allure bizarre des nuées : il s'agit de méduses ! Nonchalantes elles errent sans jamais perdre leur identité. Les martinets évitent leurs appendices sans doute urticants, en bancs ils virent, les insultent de leurs grincements.

Les algues ligneuses bruissent de plus en plus fort, leurs frondaisons touchent à la frénésie. J'entends, plus près de moi, les fils métalliques moches des rambardes qui résonnent en cordes de guitare, pour un peu je pourrais fredonner leur air.
Ça siffle maintenant sous mes pieds, dans les ouvertures des arches, remontent de leurs bases abyssales des courants glacés et puants. Menace.
Alors je comprends que je n'atteindrai pas le versant promis face à moi, la pente solide où s'ancre la forêt saine. Vouée suis-je à la passerelle que je pressens branlante, le chemin étroit de réalité aux dérisoires garde-fous, d'où à tout moment je peux basculer. Il faut m'y maintenir mais je n'ose agripper les câbles trop bas, à hauteur des genoux. Me maintenir au milieu de ce piège, espérer que les rafales qui me repoussent d'un côté l'autre ne vont pas me précipiter dans la vallée noire, si noire, de ce paysage intérieur.

Surtout rester debout, agissante, refuser la prostration à plat ventre, agrippée au matelas moelleux du macadam.


________________________________________
Ce texte a été publié avec un mot protégé par PTS.


 
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   Vilmon   
14/7/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
Alors avant de commenter, je suis aller me rafraîchir la mémoire à propos du récit poétique. Je crois bien que le personnage principal est cette passerelle peu élégante, en contraste avec son milieu et inquiétante d’emprunter. S’agit-il d’une image représentant le passage audacieux entre un monde structuré, érigé solidement et stable représenté par cet aqueduc romain et celui imaginaire et chaotique de la vallée ?
J’ai été un peu « agacé » par ces incertitudes au début à propos du type de structure et du type de pierre utilisé. Aussi, j’aurais aimé autant de métaphores concernant la passerelle que n’en comporte la vallée. J’ai eu l’impression que la passerelle s’est fait voler la vedette alors que c’est elle que l’on présente fièrement en titre.
J’ai bien apprécié les comparatifs de l’océan avec cette vallée vue de haut.

   Cyrill   
20/7/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Autant le dire, je ne suis pas certain d’avoir vraiment compris l’intention de l’auteur. Il me semble que vous nous racontez un rêve agrémenté de vos impressions et réflexions d’après le réveil.
Malgré ça, parce qu’on n’est pas tenu de comprendre ce qu’on apprécie, le côté surréaliste m’a plu, a éveillé de l’intérêt chez moi, et des questions éberluées : mais où sommes-nous donc ? Dans l’air ou dans l’eau ? C’est parfois une impression agréable que de ne savoir sur quel pied danser.
Mais ma lecture est quelquefois gâchée par des formulations guère poétiques, des notes très terre-à-terre, comme celles-ci : 
« La journée est fort belle, l'air un peu piquant comme il se doit pour stimuler la marche. »
«Aucun promontoire de leur volume n'invite à la rêverie, à l'interprétation » : ici, le recul pris sur l’onirisme m’ôte le sentiment d’être en empathie avec la narratrice et me sort de ce « paysage intérieur ».
La dernière phrase m’est assez mystérieuse, comme une allégorie qui invite à l’interprétation.

   jaimme   
26/7/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai beaucoup aimé cette lecture, car elle résonne en moi à plusieurs niveaux: j'aime l'art des Romains. Autant un aqueduc, un temple, une peinture, qu'une statue. Je déteste aussi les aménagements modernes enlaidissants qui sont une hérésie très vite vieillissante.
J'aime regarder les nuages et leur donner toute une vie foisonnante.
Et je suis sujet rapidement au vertige depuis quelques années.
Bref, le hasard a très bien fait les choses.
Mais au delà c'est la forme qui m'a touché. Poétiques, oui mais autant par le fond que par la forme. Rien n'est perdu en musicalité.
Aussi ces mixions de matières: solides et non solides qui participent à la beauté comme à l'angoisse.
Réussi. Bravo!

   Eskisse   
26/7/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Face à la tradition du poème- "paysage intérieur", l'auteur refuse ici délibérément de livrer un état d'âme, refuse tout lyrisme. La seule rémanence de lyrisme étant ici le "je". Pas de rêverie suscitée par les nuages, pas d'expression des sentiments. Mais la beauté du paysage est là, dans l'imbrication de l'air et de l'eau ( poisson ailés) ( arbres - algues/nuages - méduses), dans des images insolites ( feuillages-chiots).

Il me semble aussi que cette passerelle symbolise cette prise de risque ( évoquée à la fin du poème) entre le passé de la tradition et l'instant présent ou une poésie moderne. Mais peut-être suis-je à côté.

Un texte qui révèle sa profondeur au fur et à mesure des lectures

   EtienneNorvins   
26/7/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ça demande une immersion, lectures entrecoupées de pause... Et puis pêle mêle : ce monument composite qui sort des âges, des Romains impériaux au macadam ; au-dessus d'une nature primordiale encore largement indifférenciée, comme encore en cours de Création, où les feuilles sont des chiots et les méduses, des nuages… Au sommet, sur la passerelle, où l’on passe sans passer, puisque la 'forêt saine' en face semble irrémédiablement interdite, un ‘je’ féminin, entre menace et musique : allégorie du poète, métaphore de la création poétique ? Nanos gigantum umeris insidentes ?

Mais où le ‘nous’ serait devenu dramatiquement seul.e ? A qui, comment transmettre ? Cela n’est pas dit. Les anciens bâtisseurs autant que les ‘modernes moches’ sont absents. Il n’en reste qu’un bric-à-brac (qui bruisse, certes, et résonne comme cordes de guitare, dont on pourrait presque fredonner l’air – qu’on connaît donc ? Mais qui s’est perdu ?) et cette injonction finale à agir (à publier ?) pour demeurer debout, qui est quand même le propre de l’animal humain…

Et l'on est là, dans cette même suspension qui concluait sans conclure 'entre Charybde et Scylla'...

   Anonyme   
26/7/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
bonjour socque,

Vous êtes une écrivaine ophidienne, on ne vous trouve jamais là où on vous attend. Capable de balafrer une poésie puriste à grand coup de slip ou de m'embrouiller les neurones avec des fourmis concupiscentes. Et encore, je ne connais que la partie émergée de l'Iceberg...

Cette passerelle... Elle a une architecture solide parce que ses arches sont d'un style fait pour durer, la rivière des mots coule sous elles comme la Seine de Guillaume sous son Pont Mirabeau. N'ayez crainte de ce qui vient par en-dessous, ce n'est jamais létale, même si ça pue.

Pour votre originalité toujours renouvelée, vos hésitations que vous métaphorez en cordes ou en câbles, et aussi parce que je suis d'une bonne humeur indestructible à deux jours de mes vacances, note maximale.

Anna Du Pont La Joie

   papipoete   
26/7/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
bonjour socque
Je lis, je progresse sur cette passerelle, qui tangue tangue, pourrait soudain m'envoyer " ad patres ", dans un mélange de gros mots et d'autres si grivois... que nenni ! Et je retrouve l'univers " socquien ", un peu de " Cyrill masculin " .
C'est tout juste si ce récit, n'est pas écrit en phrases " alexandrines ? " Je lis, je lis et me retrouve à franchir le " Pont du Gard "... sous la mer avec ces méduses géantes frôlant... le macadam !
NB c'est du " socque ", à n'en point douter, la grivoiserie cette fois mise de côté. Je n'oserais pas m'aventurer sur cette passerelle, qui semble vouloir se secouer pour se défaire de ses rambardes moches, ( à hauteur de genoux )
Il y a du " abysses " et du " Avatar " dans ce scénario où je m'emmêle surement les palmes...

   Jemabi   
26/7/2022
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Il y a sûrement là-dessous une métaphore très profonde, et l'image de la passerelle - sur laquelle il est malaisé d'avancer et d'où l'on peut à tout instant tomber- marque
incontestablement les esprits, mais elle est noyée dans moult détails peu utiles au récit, au point qu'on finit par décrocher. Dommage. Sans doute un poème plus classique eût été plus efficace.

   senglar   
27/7/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Socque,


Je m'attendais à un poème en prose mais effectivement c'est bien un récit poétique comme l'indique la catégorie.
Vous écrivez d'ailleurs : "Aucun promontoire de leur volume n'invite à la rêverie,..."
La poésie attendue je l'ai ressentie à partir de "Ce sont des pelages duveteux..." c'est-à-dire à mi-texte et à trois reprises seulement celle-ci ayant été mitraillée par les mots "moches" et "puants", le mot "grincements" m'a aussi semblé mal accordé aux voltes-faces des bancs de martinets.
En ce qui me concerne j'ai vu là un texte plutôt réaliste perturbé par quelques intrusions poétiques.

J'attendais sans doute trop un poème en prose (j'ai une grande admiration pour cet exercice) d'où ma déception.

"Il y a du vent dans les branches" m'a semblé trop connoté.


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