C’est ainsi que je vis l’océan en courroux et la rade
Se couvrir de mousse de mer et je l’entendis hurler
Ce vent, pleurant comme un amant fou de l’escapade,
De sa belle infidèle qu’il avait en vain et tant aimée.

Et je regardais les nues couleur d’encre et la houle
Bouillonner en gerbe d’écume à la crête des vagues.
J’avais peur que, là, le monde d’un seul coup s’écroule
Tant la tempête frappait les rochers comme des dagues.

Pourtant j’aime ces trombes de fin du monde, si belles,
Lorsque la mer reprend en une nuit ce qu’on lui a volé,
Et que le vent tord ses arbres chenus, aux allures affolées,
Et mine les roches, en y gravant des grottes de dentelles.

Je me sens alors fille du vent et de la mer, et de la terre,
Toute petite à l’extérieur mais immense en ma mémoire,
Car en mon sang bondit, encore vivant le rouge sang amer
De mes aïeux marins, morts sans être entrés dans l’histoire.