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Rimes, césures et autre garnitures poétiques
Organiris
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J'ouvre ce fil à partir d'un commentaire fait par Chene sur un poème publié récemment. Le problème posé me semble dépasser très largement le cadre du seul poème concerné, d'où cette ouverture sur un forum plus généraliste.

A propos du poème de MichelMartinez "Ô mon Ève...", Chene écrit :

Citation :
2°) Le rythme est variable d'une strophe à l'autre et d'un vers à l'autre : certains vers ont une césure nette et franche (en 4/4), d'autres 5/3. A voix haute ou "soto vocce" ce rythme variable est perceptible et amoindrit le plaisir de la lecture.

(Y a pas d'erreur, je commence par la fin, c'est exprès. La première partie demandera un peu plus de développements).

Il n'y a pas de césure fixe, au sens strict, dans les octosyllabes. Le poète peut découper son vers comme il l'entend. Il est vrai qu'en règle générale, celui qui écrit en octosyllabes essaiera d'avoir une métrique régulière. Mais c'est précisément la rupture de rythme nette, franche, insistante même, dans la dernière strophe qui donne un cachet particulier au poème et qui, AMHA, lui ouvre une dimension poétique intéressante. Cette rupture est précisément un élément de la qualité poéstique de ce poème, qui fait que j'ai ressenti l'entame de cette dernière strophe comme un immense cri d'amour jeté à l'aimée, fort, vibrant et intense.

On est précisément là dans le cadre de l'audace dans la construction mise au service de l'écriture poétique. On peut aimer ou ne pas aimer, être sensible ou non à cette rupture, mais elle ne constitue pas une faute du point de vue des règles de la catégorie. Juste un élément de jugement sur le texte en lui-même.

Citation :
1°) Les rimes, elles, sont tout juste suffisantes voire à la limite de ce qu'il est admis en "classique", exemple : "sommets" et "jamais" ne sonnent pas pareil (un son long assez fermé pour "sommets" et un son long et ouvert pour "jamais"). Je rejoins Alex dans son commentaire ; de plus la rime "visuelle" est limite. De même concernant les rimes "mourir" et "fuir", est-ce vraiment une rime ?).

Les rimes posent des problèmes bien plus complexes, qu'il va falloir probablement éclaircir un de ces jours. En effet, Yves Morin, un des plus brillants linguistes du XXe siècle (chercheur à l'université de Montréal – encore un Canadien pour nous apprendre à y voir clair dans notre p... de langue) expliquait dans un article paru en 1993 que la rime obéit à tout un ensemble de règles assez largement hétéroclites et dont beaucoup ne s'appuient plus que sur des conventions valables à une certaine époque, et qui ressortent d'un état de la langue obsolète (je cite en gros de mémoire, on devrait pouvoir trouver la trace sur Internet de cet article). Donc, un bon nombre des règles concernant les rimes sont assez artificielles, et gagneraient à évoluer (comme l'a très bien fait Verlaine, empereur des rimes classiquement improbables...). C'est le cas de la première citée par Chene.

La rime "sommet::jamais" est donnée comme suffisante par la moitié des dictionnaires de rimes et pauvre par l'autre moitié. Certains tiennent compte d'une évolution de la prononciation des phonèmes en "é" ouverts ou fermés, qui est souvent liée à un régionalisme plus ou moins marqué. Notre définition du classique accepte les rimes suffisantes : "(...) nous adaptons partiellement certaines de ces règles, en raison de l'évolution de la langue et de la grammaire depuis l'époque où ces règles ont été énoncées. Nous tentons cependant d'en conserver l'esprit, même si nous nous écartons un petit peu de leur orthodoxie." (in "Les classifications en poésie", forum "Annonces Officielles" - Oniris, 2010).

Et c'est ici très précisément le cas de cette adaptation à un parler plus simple que l'écartèlement phonétique classique, que veut préserver cette "règle dérogatoire", que j'avais imaginé dans la définition du classique "onirien" en pensant précisément – entre autres – à cet article de Morin, que j'avais lu... il y a prescription, mais qui, comme tous les "bons" textes qui disent des choses qui me semblent vraies, m'avait suffisamment marqué pour que j'y repense lorsque j'ai eu à me pencher sur nos catégories.

Le cas de "fuir::mourir" est plus complexe : la rime sera refusée ou acceptée selon le référent choisi. En principe, il n'est pas possible en effet de faire rimer une terminaison en "uir" avec "ir", les deux sons étant "pleins" et se suffisent à eux-mêmes. Mais de nombreux dictionnaires considèrent cette rime comme "suffisante", suivant en cela le mouvement de "libération" entamé par les Romantiques, et auquel Banville lui-même n'a pas échappé, commettant (ouh, le vilain !) de temps en temps quelques rimes que lui-même dénonçaient dans son Traité.

La rime est donc acceptable, selon nos critères, le CE n'a pas commis d'erreur dans la classification.

La rime est un problème d'une extrême complexité (cf. Morin, déjà cité, qui y a consacré une bonne partie de sa vie). Ceci dit, cette rime "fuir::mourir", précisément, me gêne autant qu'elle gêne Chene. J'aurais préféré qu'elle fût autre (quoique difficile à modifier), et sa présence (que je n'ai pas citée dans mon commentaire, par simple oubli) explique que je n'ai aps noté plus haut que "bien" le poème. Je serais allé au-dessus, très certainement, avec une autre rime.

Mais nous sommes là dans la discussion post-publication, dans la critique que nous pouvons faire à l'auteur et dans l'appréciation globale de sont texte. Ce n'était pas le but de ce post, qui voulait simplement préciser quelques principes généraux propres au site (n'utilisez pas cela dans une dissertation, ce sont des interprétations de règles propres à Oniris, pas une école reconnue et certainement pas une école de référence pour l'Éducation Nationale, qui a ses propres critères de ce qu'"est" le savoir orthodoxe).

Contribution du : 31/12/2010 11:44
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Re : Rimes, césures et autre garnitures poétiques
Expert Onirien
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Bonjour Leo

Merci pour l'ouverture de ce fil et tes explications. Elles éclairent mon commentaire sur le poème cité.

J'admets bien volontiers la remarque sur la césure des octosyllabes (comme la remarque de Tibullicarmina). J'ai exposé mon ressenti sur la perception du rythme, c'est bien sûr un ressenti subjectif (peut-être suis-je trop enclin à "attendre" dans un poème un rythme qui se prolonge à chaque vers ou chaque strophe...).

Sur la perception des sons longs ou brefs, ouverts ou fermés et leur réalité, l'absence de précision dans les catégories d'Oniris, attendus en la matière m'avait laissé penser qu'en classique il fallait toujours faire une différence... La précision dans l'interprétation que tu apportes dans les évolutions clarifie leur prise en compte ; il n'empêche que personnellement je fais toujours la différence entre ces sons tant en lecture qu'en énonciation - en particulier des sons "é", "è" et "ê"- Tout simplement parce qu'en primaire on m'a appris à la faire... avec des méthodes qui n'étaient pas celles d'aujourd'hui ;). Mais il ne semble pas que la "chose" soit complètement tranchée dans les instances chargées de définir les caractéristiques phoniques de notre langue française. Si c'est un choix d'Oniris, pourquoi pas.

Enfin sur les rimes, puisque les sons longs ouverts ou fermés sont considérés comme non discriminants sur Oniris, ma remarque sur "sommets/jamais", tombe effectivement à l'eau. En revanche, pour "mourir/fuir"... Là, je persiste et signe, plutôt deux fois qu'une.
D'ailleurs comme tu le remarques également pour la tienne, mon évaluation s'est arrêtée à bien-, et aurait été supérieure si je n'avais pas été surpris par cette rime "disgrâcieuse".
Mon jugement eût été tout autre avec une publication en "poésie contemporaine" qui collerait mieux tant au fond qu'à la forme de ce poème. Mais ça n'est que mon avis, évidemment.

Merci, Leo, pour cet échange et son éclairage.
Tous mes voeux pour 2011.

Chene

Contribution du : 31/12/2010 16:52
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Re : Rimes, césures et autre garnitures poétiques
Organiris
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Citation :

Chene a écrit :

Merci pour l'ouverture de ce fil et tes explications. Elles éclairent mon commentaire sur le poème cité.

C'était le but. Je pense qu'il ne faut jamais hésiter à ouvrir ce genre de débat, mais il est préférable de le faire en forum (il y a assez de place pour cela) plutôt que dans l'espace commentaire d'un texte, alors que le thème est plus général.

Citation :
J'admets bien volontiers la remarque sur la césure des octosyllabes (comme la remarque de Tibullicarmina). J'ai exposé mon ressenti sur la perception du rythme, c'est bien sûr un ressenti subjectif (peut-être suis-je trop enclin à "attendre" dans un poème un rythme qui se prolonge à chaque vers ou chaque strophe...).

C'est une position parfaitement défendable, qui porte sur la manière dont chacun va percevoir et recevoir le rythme donné par l'auteur. On est très précisément dans le cadre d'un commentaire de texte, où on va expliquer pourquoi, à partir de quels éléments techniques, on éprouve ou non un "intérêt" pour le texte. J'ai été sensible personnellement à la rupture brutale du rythme au début de la dernière strophe, tu le perçois différemment. Très bien ! C'est très précisément ce qui est intéressant et qui permet, en en discutant, de mieux comprendre et apprécier des aspects différents de la poésie ! Heureusement que nous ne sommes pas tous formatés de la même manière, nandijiou !

Citation :
Sur la perception des sons longs ou brefs, ouverts ou fermés et leur réalité, l'absence de précision dans les catégories d'Oniris, attendus en la matière m'avait laissé penser qu'en classique il fallait toujours faire une différence... La précision dans l'interprétation que tu apportes dans les évolutions clarifie leur prise en compte ; il n'empêche que personnellement je fais toujours la différence entre ces sons tant en lecture qu'en énonciation - en particulier des sons "é", "è" et "ê"- Tout simplement parce qu'en primaire on m'a appris à la faire... avec des méthodes qui n'étaient pas celles d'aujourd'hui ;). Mais il ne semble pas que la "chose" soit complètement tranchée dans les instances chargées de définir les caractéristiques phoniques de notre langue française. Si c'est un choix d'Oniris, pourquoi pas.

Non, en effet, c'est loin d'être tranché. Les règles varient selon les traités, et si nous avons choisi Sorgel, c'est aussi en raison de son côté "minimaliste" sur certaines de ces règles, ce qui nous permet de nous adapter à une écriture plus moderne, en essayant de respecter davantage l'esprit plutôt que la lettre même.

Citation :
Enfin sur les rimes, puisque les sons longs ouverts ou fermés sont considérés comme non discriminants sur Oniris, ma remarque sur "sommets/jamais", tombe effectivement à l'eau. En revanche, pour "mourir/fuir"... Là, je persiste et signe, plutôt deux fois qu'une.
D'ailleurs comme tu le remarques également pour la tienne, mon évaluation s'est arrêtée à bien-, et aurait été supérieure si je n'avais pas été surpris par cette rime "disgrâcieuse".
Mon jugement eût été tout autre avec une publication en "poésie contemporaine" qui collerait mieux tant au fond qu'à la forme de ce poème. Mais ça n'est que mon avis, évidemment.

Merci, Leo, pour cet échange et son éclairage.
Tous mes voeux pour 2011.

Chene

Nous sommes précisément dans le cadre de l'analyse post-publication. Nous estimons tous les deux que le choix de cette rime, acceptable selon nos critères de classement dans la catégorie choisie par l'auteur, affaiblit cependant le poème, et nous évaluons en conséquence. 0 l'auteur à présent – s'il le souhaite évidemment – de rebondir sur nos remarques et de nous apporter sa vision et d'expliquer son choix, ou de commenter nos interventions.

C'est autour de cet échange que chacun progressera.

Meilleurs vœux 2011, et rendez-vous pour la find e cette discussion l'année prochaine !

Contribution du : 31/12/2010 20:07
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