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Dissection d'un "Coeur de Poète".
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Je ne vois pas d’inconvénient particulier à parler de son propre texte. Si des mots ou des images restent obscurs pour le lecteur, il me semble normal de les expliquer. Ma poésie ne se veut pas hermétique. Alors bien sûr, cette explication comporte toujours le risque de réduire le sens à une seule sensibilité, une seule interprétation, la mienne. Il est bon je crois qu’un certain doute subsiste toujours, et ouvre ainsi plusieurs voies dans l’imaginaire de chacun. Comme on dit, une fois écrit, le texte ne nous appartient plus.
Mais bon, certains commentateurs de mon texte aimeraient semble-t-il quelques éclaircissements, ce qui dénote tout de même une envie d’en savoir plus, et je ne me vois pas ne pas répondre à cette marque d’intérêt.
Il faut malgré tout bien comprendre que chaque style est unique, que chacun utilise les mots qu’il veut pour dire ce qu’il a à dire. On peut toujours s’amuser à réécrire pour soi-même le texte d’un autre, mais cette réécriture ne sera jamais « qu’une autre façon de dire les choses, une autre approche poétique issue de sa propre sensibilité ».
Cela pour dire que je veux bien « expliquer » mais pas poursuivre d’échanges interminables sur ces explications, à la manière d’un dialogue de trolls.
Cette introduction terminée je me propose de décortiquer le sens de chaque vers, puisque si j’additionne les demandes de chacun, c’est le poème entier qui est concerné.


J’ai donné mes rêves à la grisaille des soirs
A la brume des jours où sombre l’horizon
A mes failles à la nuit griffée de sillons noirs
J’ai arraché les mots fardés de la raison

A la peur à l’espoir qui me tenaient debout
J’ai pillé mes douleurs comme une délivrance
Et lorsque tous mes cris ont plié les genoux
Au miroir de ma vie j’ai figé mon enfance

A tous ceux condamnés pour un vers de poète
J’ai levé plus d’un verre plein de mots capricieux
J’ai léché dans la boue le sang de leurs conquêtes
A tous les oubliés je veux fermer les yeux

A vos larmes gravées sur le mur des prisons
Pendent vos rimes comme à la corde d’un nœud
Les armes de vos crimes ont fui les garnisons
Et se taisent à l’instant de passer aux aveux


Je veux d’abord évacuer les questions de versification et de ponctuation. Cher Alexandre, vous dites que plusieurs vers dont le premier ont un nombre de syllabes supérieures à l’alexandrin. Soit nous n’avons pas le même boulier, soit vous en êtes resté à votre pré-lecture, qui elle comportait effectivement deux vers « décalés ». A l’origine, j’avais rangé mon texte dans la catégorie « Néo-classique », suite à quoi, les correcteurs (que je salue au passage pour m’avoir signalé les deux vers en question) m’ont demandé de bien vouloir ponctuer mon texte pour figurer dans cette catégorie. Résultat : j’ai déclassé mon poème dans la catégorie du grand écart « Poésie contemporaine ».

Ceci m’amène tout droit au problème de la ponctuation qui semble vous avoir beaucoup gêné. Un forum qui a donné lieu à des échanges très intéressants, a été ouvert il y a environ un mois. J’ai eu l’occasion d’y participer avec grand plaisir et de donner mon avis en long et en large. Pour résumer ma position, je dirais que pour moi, la ponctuation est une tueuse d’émotion et de mystère. Je n’y trouve aucun intérêt, je la trouve nuisible et improductive (voir le forum pour +). En plus, dans un poème comme le mien dont le rythme coule sous le sens, il me semble que la position des virgules ou des points est si évidente, que la faire figurer serait presque une injure à votre intelligence. Si vous avez des petits problèmes de respiration, je vous préconise une cure oxygénée d’Aragon, lequel n’a jamais utilisé un seul signe de ponctuation dans toute sa poésie. En tant que poète à la petite semaine, je me suis également attribué d’office cette liberté. Je suis donc très triste de devoir dorénavant être toujours mal noté par vous, cher Alexandre, mais vous savez ce que c’est, le reniement coûte souvent plus cher que les convictions.
J’ai l’intention de soumettre prochainement un poème « classique » écrit en vieux français, mais non ponctué. Il sera donc édité dans la catégorie « poésie contemporaine », ce dont je me régale d’avance.

J’en viens à la dissection de mon poème, dont le sens semble avoir intrigué mes quelques lecteurs.
Tout d’abord j’ai voulu rendre un hommage vibrant à tous les poètes. Aucun doute là-dessus, et j’ai été un peu surpris de l’hésitation de quelques uns.

1. La 1ère strophe concerne l’inspiration du poète :

- « J’ai donné mes rêves à la grisaille des soirs
A la brume des jours où sombre l’horizon
A mes failles à la nuit griffée de sillons noirs » :


Ces vers sont une allégorie de son inspiration : « la grisaille », « la brume », « la nuit griffée de sillons noirs », marquent sa difficulté à trouver les mots de cette inspiration. Le poète peine à exprimer ses rêves. Les mots sont masqués par cette « grisaille de l’esprit » etc… Ses émotions sont un miroir de la nature.

- «J’ai arraché les mots fardés de la raison » :

Le poète rejette « les mots fardés de la raison », qui sont ceux du quotidien, clichés pomponnés, maquillés de banalité et de vulgarité. Il s’efforce de détruire ces mots, de les « arracher » de cette pensée « raisonnable ».


2. La 2e strophe file la métaphore précédente :

- « A la peur à l’espoir qui me tenaient debout
J’ai pillé mes douleurs comme une délivrance
Et lorsque tous mes cris ont plié les genoux
Au miroir de ma vie j’ai figé mon enfance » :


Le poète est comme tout le monde, il vit de peur et d’espoir. Mais lui essaie de trouver sa « délivrance » en ouvrant la soupape de cette peur et de cet espoir (comme dirait Freud) pour laisser s’échapper ses douleurs. Le 3e vers est une ellipse de : « Et lorsque tous ses cris de révolte lui ont fait plier les genoux », doublée d’une personnification de cette révolte. Cette double figure de style introduit la strophe suivante. On peut supposer que le poète doute d’avoir pu changer le monde, et lorsqu’il est à terre, vaincu par la bêtise humaine, il se réfugie dans la candeur de son enfance.

3. La 3e strophe est un hommage à l’art poétique, à tous les poètes, réputés ou anonymes, qui souvent, malgré la critique et l’incompréhension, n’hésitent pas à explorer de nouvelles voies vers cette création :

- « A tous ceux condamnés pour un vers de poète
J’ai levé plus d’un verre plein de mots capricieux » :


Le terme « condamné » introduit déjà un aspect dramatique qui sera développé dans la dernière strophe. Il s’agit ici aussi bien d’une condamnation de la forme (la création artistique) que d’une condamnation du fond (le poème en tant que lutte pour la liberté). Les « mots capricieux » sont précisément ceux de l’art poétique, ce sont les mots que le poète tord pour leur donner un nouveau sens, ce sont les figures de style propres à la poésie. L’homophonie « vers/verres », que Leni prend pour une faiblesse, est un clin d’œil justement à la prosodie propre à la poésie (ici par exemple, la rime interne, qu’on retrouve dans la 4e strophe : «larmes/rimes » avec « armes/crimes,, et qu’Aragon familiarisa) . Ces deux vers sont une mise en abyme, dans laquelle j’utilise moi-même des mots capricieux (les homonymes vers/verres) pour illustrer en miroir l’idée que je suis en train d’exprimer.

- « J’ai léché dans la boue le sang de leurs conquêtes
A tous les oubliés je veux fermer les yeux » :


Ici je compare ce combat du poète pour redonner vie au langage, à une guerre de tranchées. Ses ennemis sont nombreux, ses bourreaux aussi. Leurs « conquêtes » sont celles du style, de la forme et de la prosodie, celles de la liberté.
Les poètes meurent souvent seuls au combat, les yeux ouverts, « oubliés » ou anonymes. C’est à eux qu’on doit « fermer les yeux », pour leur rendre leur dignité.

4. La 4e et dernière strophe évoque les poètes engagés.

- « A vos larmes gravées sur le mur des prisons
Pendent vos rimes comme à la corde d’un nœud » :

Cher Alexandre, pour vous tout spécialement je vais traduire cette complexité par le langage du quotidien :
« Vos rimes pendent à vos larmes comme vous avez été pendus à une corde ».
Quelque soit le sort du poète, son œuvre est gravée dans la pierre.

- « Les armes de vos crimes ont fui les garnisons
Et se taisent à l’instant de passer aux aveux » :


Comme le dit Brabant, les mots sont « les armes » du poète. Contrairement aux autres, elles ne sont pas stockées dans les armureries des « garnisons » militaires. Et ces « crimes », chère Arielle, sont bien évidemment ceux que leurs bourreaux leur imputent. Vous avez vraiment cru que je pensais autre chose ?
Enfin, le dernier vers conclut et résume le poème à lui tout seul. Un poème ne dévoile jamais tout son sens (ni à la première lecture, ni jamais), et donc les mots « se taisent » au moment où on les lit. Le bourreau veut faire avouer le sens au poète, mais celui-ci peut en donner l’interprétation qu’il veut. C’est exactement ce que je viens de faire.

Cordialement
Ludi

Contribution du : 01/05/2012 11:22
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Re : Dissection d'un "Coeur de Poète".
Visiteur 
Bonjour cher Ludi ! Tout d'abord sachez que si vous êtes un poète à la petite semaine, j'en suis un autre. Nous voici donc à égalité !
Pour ce qui est de mon commentaire, je ne crois pas vous avoir maltraité ni, c'est vous qui le dites, mal noté d'autant que je me suis abstenu de toute appréciation.
Quelque que soit le boulier utilisé, le premier vers comporte bien 13 syllabes (et non pas 14 comme je l'avais souligné). Compte tenu de la catégorie choisie ça n'a pas grande importance, je vous l'accorde.
A la lumière de vos explications j'ai fini par comprendre ce qui me semblait obscur quand bien même le vers où figurent la corde et le noeud me semble un peu tiré par les cheveux...
En conclusion, sachez, cher Ludi, que ce cher Alexandre n'a strictement rien contre vous pas plus d'ailleurs que contre quiconque sur ce site...
Permettez-moi de vous offrir un brin de muguet, symbole d'aimables relations entre gens de bonne compagnie, et de vous souhaiter une bonne continuation... Cordialement, Alex

Contribution du : 01/05/2012 12:07
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Re : Dissection d'un "Coeur de Poète".
Maître Onirien
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J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les différents commentaires Les règles poétiques sont une chose la perception poétique en est une autre La perception dépend du vécu affectif de chacun Les formes poétiques compliquées donnent priorité aux rimes sur les idées C'est pour cette raison que parfois on n'y comprend que dalle!!Et on peut ajouter:Si vous avez compris ce que je viens de dire c'est que je me suis mal exprimé!! Faut-il faire compliqué pour avoir l'air profond La poésie ne sera jamais un slogan!! J'ai bien aimé votre texte Salut cordial Leni
PS je ne suis qu'un trousseur de ritournelles Gaston ligny Noomiz où
mes chansons peuvent être éccoutées

Contribution du : 01/05/2012 12:58
_________________
La vérité d'aujourd'hui est l'erreur de demain
Le talent c'est d'en trouver aux autres R Hossein
Plaire à tout le monde c'est plaire à n'importe qui S Guitry
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Re : Dissection d'un "Coeur de Poète".
Visiteur 
Cher Alexandre,

A aucun moment je n'ai pensé que vous m'aviez maltraité. J'ai souvent l'occasion de croiser vos commentaires , et jamais je n'y ai vu d'agressivité ou de mauvaise foi. Je remarque que lorsque vous avez un doute sur la compréhension d'un poème, vous vous abstenez de noter, ce qui me semble parfaitement honnête.
J'ai juste voulu vous taquiner un peu avec cette histoire de boulier. D'ailleurs je vais insister pour la dernière fois, parce que sauf aveuglement de ma part, je compte bien 12 syllabes au premier vers :

- "J’ai / do /nné / mes / rêves / à / la / gri /sa / ille / des / soirs":

Peut-être commettez-vous l'erreur de compter 3 syllabes pour "rêves à".
Le pluriel d'un e muet (ici, le s de "rêve") ne compte jamais pour une syllabe. Le e reste élidé.
De la même manière "rêvent à" aurait compté aussi pour 2 syllabes et non pas 3.

Je sais, c'est pas toujours évident. C'est d'ailleurs un peu dommage que cette quantité astronomique (14 syllabes) enlève quelque crédibilité à votre commentaire, par ailleurs tout à fait intéressant.

Merci en tout cas pour votre brin de muguet. C'est avec plaisir que je vous en offre un à mon tour.

Cordialement
Ludi

Contribution du : 01/05/2012 18:33
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Re : Dissection d'un "Coeur de Poète".
Visiteur 
Bonsoir cher Ludi ! Décidément, nous sommes inséparables en ce premier Mai. Vous aurez deviné que je reviens sur le problème de "boulier". Pour moi il y a bien 13 syllabes dans votre vers car effectivement j'en comptabilise 3 dans rê/ves/à tout comme dans rê/vent/à...
Voici deux exemples extraits d'un poème de De Vigny, intitulé Moïse,
qui semblent confirmer mes dires :

-Le/ fleuve/ aux/ gran/des/ eaux/ se/ ran/ge/ quand/ je/ passe (12)
-Vos/ an/ges/ sont/ ja/loux/ et/ m'ad/mi/rent/ entre/ eux (idem)

Ce cher Alfred aurait-il triché avec la prosodie ?
Qu'en pensez-vous ? Cordialement, Alex

Contribution du : 01/05/2012 19:07
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