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Re : la robe de toc au pressing
Organiris
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sinon, pour la maison à Ajaccio, c'est toujours bon pour la première quinzaine d'août ? Non, parce que si c'est juin, je baisse mon éval à "un peu".

(pourquoi le mp n'affiche pas "envoyé" comme d'habitude ?... marche mal, Oniris, cette après-midi...)


Contribution du : 03/09/2017 17:53
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Re : la robe de toc au pressing
Visiteur 
Citation :

Et le fait que dans ma petite enfance, ma mère m'aurait seriné jusqu'à l'écoeurement que les pommes étaient le fruit du péché ne rendrait pas ma conclusion plus pertinente.


Vous avez semble-t-il une très vague idée (déduite de mon commentaire, j'imagine) de ce que je souhaite écrire, mais vous êtes très loin du compte. J'écrirai, demain sans doute, j'y tiens, parce qu'il s'agit d'un sujet qui me tient trop à cœur.
Je le ferai uniquement au premier degré, sans user de métaphore ou de comparaison comme celle que vous avez faite. Je ne vous reproche pas de l'avoir faite, mais les comparaisons ont ceci de gênant qu'elle n'illustrent qu'une partie de la réalité et, surtout, déplacent l'attention du signifié (la situation réelle) vers le signifiant (l'objet ou la situation servant de comparant), le suite du développement reposant alors uniquement sur le signifiant sans que ce développement puisse être mis en rapport avec le signifié, c'est-à-dire la réalité première. Bref, ce peut être une technique de sophisme pour parvenir à dire n'importe quoi.
Je m'en tiendrai donc à la réalité, plate, sans figure de style. Elle sera à elle seule bien suffisante, je crois.

Je tiens à préciser que je n'ai aucunement supposé que l'auteur de ce texte faisait preuve de misandrie.
Je tiens seulement à expliquer comment je l'ai reçu, et pourquoi.

Au-delà de cela, j'aimerais aussi que l'on puisse s'interroger sur la place qu'occupe la misogynie dans notre société, dont j'entends très souvent parler, et celle qu'occupe la misandrie, dont je n'entends jamais parler, à tel point que ce n'est qu'à l'occasion de la lecture de votre texte que j'ai cherché le mot désignant le pendant de la misogynie, que je ne connaissais pas avant cela, les deux n'étant qu'une forme unique de sexisme.

Je sais que vous pouvez facilement vous enflammer et que c'est aussi mon cas. Aussi, je vous jure que je ne vous suis en rien hostile et que, si vous souhaitiez apporter un développement à ce que j'écrirai, il n'y aurait aucune raison pour que nous ne puissions le faire sereinement.

Contribution du : 03/09/2017 22:21
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Re : la robe de toc au pressing
Maître W
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Citation :

stony a écrit :

Au-delà de cela, j'aimerais aussi que l'on puisse s'interroger sur la place qu'occupe la misogynie dans notre société, dont j'entends très souvent parler, et celle qu'occupe la misandrie, dont je n'entends jamais parler


Vrai et très intéressant sujet (que celui du sexisme dans notre société actuelle, tellement à sens unique selon moi) pour lequel j'aimerais beaucoup intervenir tout en ignorant si je suis en capacité de garder mon sang-froid.

Widjet
(auteur qui a peur de lui)

Contribution du : 03/09/2017 23:31
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Re : la robe de toc au pressing
Visiteur 
Toc-Art,

Je crains que vous ayez à recevoir le message le plus long de toute l’histoire d’Oniris, que peut-être personne ne lira (ce qui serait pourtant dommage). J’en suis désolé, sincèrement. J’ai pris toute la journée et une partie de la nuit pour l’écrire.

J’aimerais vous expliquer pourquoi je ne vous accuse nullement de misandrie, mais j’aimerais aussi vous expliquer pourquoi j’ai reçu ce texte comme faisant état de misandrie. J’aimerais surtout en tirer quelques enseignements que je ne crois pas totalement erronés.


Je n’ai pas connu le viol… quoi que… j’y reviendrai…

Mais j’ai quand même très bien connu la violence à l’égard des femmes, ou d’une femme du moins, celle de mon père, c’est-à-dire ma mère. J’aurai toujours en tête des images d’une violence inouïe, dont celle de mon père, assis sur un coussin, et le visage de ma mère dessous, en train d’étouffer, à deux doigts de la mort et je me revois moi-même, tout petit bonhomme, épouvanté, hurlant, peut-être pour appeler à l’aide, peut-être uniquement comme conséquence de l’horreur que j’avais sous les yeux et qui dépassait mon imagination. Sont-ce mes hurlements qui ont extrait mon père de sa folie et qui ont sauvé la vie de ma mère, je ne le saurai jamais.

J’ai longtemps détesté mon père. J’ai vécu comme une libération son départ du foyer familial, le terme foyer étant davantage à considérer comme le centre du brasier dont il était l’unique carburant. J’ai longtemps eu en tête d’autres images, des images fantasmées, celles représentant mon irruption au domicile de mon père, lorsque j’aurais grandi et que des muscles me seraient poussés. Je me voyais en train de casser la gueule de mon père et, ensuite, je le voyais ramper à mes pieds, le visage ensanglanté. Et pourtant, lorsque ces images fantasmées me venaient à l’esprit, je me mettais à pleurer. D’une part, je ressentais de la honte et un sentiment d’échec d’avoir succombé à ce que je condamnais et, d’autre part, une infinie tristesse d’avoir infligé à un homme ce qu’il pouvait peut-être subir de pire, la violence de son fils à son égard, car je sentais confusément que cela n’aurait peut-être pas été aussi mérité que l’apparence le rendait pour évident.

Car tout n’est pas aussi blanc que la robe de votre héroïne. Il est hors de question de dédouaner mon père du comportement violent qu’il a eu ; celui-ci est inacceptable et restera toujours inacceptable. J’ai vécu comme une épouvantable trahison le fait qu’un juge décide que je doive me rendre un samedi sur deux chez mon père après son divorce d’avec ma mère, comme une trahison de la justice et comme une trahison de ma mère, qui m’avait demandé si je souhaitais revoir mon père alors que j’avais cru naïvement qu’il suffirait que je réponde non pour que ma volonté soit respectée.

J’ai commencé à connaître réellement mon père à l’occasion de ces visites espacées de deux semaines. La peur, la terreur même, que j’ai connue lors des premières visites s’est apaisée au cours du temps. J’ai découvert quelqu’un de cultivé, parlant couramment cinq langues, qui utilisait l’unique jour dont il disposait par quinzaine pour me faire découvrir des choses, l’incroyable beauté architecturale que l’on peut découvrir dans certaines des villes de mon pays, l’intérêt que l’on peut trouver à parcourir des musées, l’atmosphère apaisante que l’on peut connaître en pêchant au bord d’un étang, Enfin, j’imagine, tout ce qu’un père peut faire avec son fils, bien que je ne n’aie jamais bénéficié d’aucun geste de tendresse. Peut-être était-ce pas pudeur de sa part, peut-être parce qu’il n’avait jamais reçu lui-même le mode d’emploi de son père, mon grand-père que je n’ai connu autrement que par le fait qu’il serait hors de question d’en parler, peut-être par la honte qu’il pouvait avoir de s’être rendu coupable de certains comportements, peut-être parce qu’il imaginait qu’une entreprise de démolition pouvait être par railleurs développée à son égard. J’ai également découvert un homme sans restriction dévoué à l’aide de ses semblables, un militant communiste ayant une utopie que l’on peut ou non contester, mais dont le souci constant était d’améliorer le sort des autres sans se préoccuper du sien. Un homme qui jamais n’usa de violence à l’égard de quiconque, qu’elle fût physique ou seulement verbale. Et pourtant, je continuais de le détester. Enfin, je ne savais pas très bien s’il s’agissait de ce sentiment-là ou d’un autre. Peut-être cette détestation était-elle un peu artificielle, entretenue, créée même par ma mère qui ne manquait aucune occasion pour casser l’image de mon père, l’accablant de tous les maux, de tous les vices imaginables.

Ma mère prit amant qui devint compagnon intégrant notre domicile. Je reçus en cadeau un père que je n’avais jamais eu, qui, lui aussi, me fit découvrir des choses nouvelles, me témoignant en plus affection et gestes de tendresse. Au cours des années, ma mère devint agressive à son égard. Il partit, revient, repartit, revint à nouveau, faisant ainsi des allers-retours entre Bruxelles et Paris, sa ville natale où, je l’apprendrais bien plus tard, il vivait par intermittence avec un homme. Et pendant ce temps, je grandissais, devenais pubère. Je devenais, moi aussi, un petit homme. Ma mère se mit à être agressive à mon égard, de plus en plus souvent et de plus en plus violemment. Elle entrait dans des crises d’hystérie dont je ressortais à chaque épuisé, m’épuisant ensuite encore à en chercher l’origine sans jamais y parvenir. Etais-je coupable de quelque chose ? Peut-être par anticipation car ces nombreuses crises d’hystérie se terminaient invariablement par une prophétie de ma mère : « Tu vas devenir comme ton père ! ». Cette prophétie me terrorisait. J’ai vécu mon enfance et mon adolescence dans la terreur et la culpabilité. Je voyais le fait de devenir un homme comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de ma tête. J’allais devenir mauvais, comme tous les hommes. J’intégrais cette moitié pervertie de l’humanité. Je voyais les femmes comme des anges, comme la pureté martyrisée par le diable masculin. Plusieurs dizaines d’années plus tard, une cousine, plus âgée que moi et ayant beaucoup d’affection pour moi, me confiera un avertissement qui lui avait alors été adressé par ma mère : « Ne t’y fie pas ! Il changera comme tous les autres ».

Mon beau-père, mon vrai père comme je le considérais, revint une nouvelle fois. J’accueillais chacun de ses retours comme une bénédiction car il m’extrayait de l’agressivité de ma mère, subissant vraisemblablement à ma place ses crises d’hystérie. Il était homosexuel. Enfin, bisexuel, j’imagine. Un jour, il se livra sur moi à des attouchements et mon attitude changea à son égard. Il partit à nouveau, cette fois pour toujours. Ma mère reçu une lettre avec un timbre-poste français. Elle me la mit sous les yeux pour que je puisse la lire, mais une phrase seulement, en cachant le reste : « Pierre ne m’aime plus, il m’a traité de salaud ». Elle ajouta une nouvelle culpabilité aux autres. Je ne parlerai jamais à personne de ces attouchements pendant des dizaines d’années et ne le révélerai donc à ma mère que bien plus tard lorsque j’entreprendrai une auto-thérapie par l’écriture.

Un jour, au cours d’une nouvelle crise d’hystérie de ma mère, les coups se mirent à pleuvoir. C’était la première fois que la violence verbale se transformait en violence physique. Au bout d’un moment, n’en pouvant plus, je levai les bras, ce qui stoppa net l’élan de ma mère qui me déclara, le visage injecté de sang : « Ne t’avise jamais de lever la main sur moi ! ». Je n’avais eu aucune intention de lever la main sur qui que ce fût. Je voulais seulement que les coups cessassent de pleuvoir. Mais la prophétie... toujours la prophétie... Pour ma mère, elle commençait à se matérialiser, sans imaginer le moins du monde que, si elle avait réellement existé, elle aurait elle-même provoqué ce qui ne venait pas.

Je grandis encore et rencontrai une demoiselle. Nous ne nous quitterions plus durant seize années et deviendrions amants, ensuite mari et femme, et enfin père et mère. J’avais toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Bien qu’ayant toujours trouvé cette prophétie de ma mère totalement stupide, elle m’avait été administrée si souvent que j’en restais malgré tout imprégné. Mais cette prophétie finit par s’éloigner car je témoignais à l’égard de ma femme affection et tendresse que je n’avais jamais reçues ni de mon père ni de ma mère. Cette tendresse n’était donc pas une chose qu’il faille avoir reçu pour être capable de la transmettre. Elle pouvait être inventée, créée à partir de rien. Et j’en recevais en retour, pendant plusieurs années de pur bonheur.

Plus tard, je ne cessai de me préoccuper de ma femme, de son mal être, d’un mal de vivre qui l’accablait. Elle tomba en dépression. Je cherchais tous les moyens de l’aider, peut-être maladroitement. Elle me dit « J’espère que tu ne m’accompagneras pas dans ma dépression » et je lui répondis « Ne t’inquiète pas, je serai fort pour deux ». J’avais présumé de mes forces et tombai moi aussi en dépression. L’attitude de ma belle-mère changea à mon égard. Elle me devint hostile alors que nous avions toujours eu de bonnes relations et que nous passions beaucoup de temps ensemble.

Un jour, ma femme me quitta pour partir chez ses parents et ne plus jamais revenir. J’apprendrai plus tard que ses parents avaient organisé sa « fuite ». Je fus coupé du jour au lendemain de tout ce qui constituait mon univers, y compris de mon fils que sa mère avait emporté sous le bras comme on emporte une valise avec des effets personnels. Malgré tous mes efforts en ce sens, ma femme ne me donna jamais aucune explication. Elle me dit uniquement une phrase « Je trouve que tu es quelqu’un de violent ».

La prophétie de ma mère s’était donc enfin accomplie. Le jour où ma femme prononça cette phrase, elle m’ôta la vie. Je pensai un moment finir le travail, mais n’étant pas suicidaire, je passerai les dix années suivantes, en mort-vivant, à tenter de renaître. Dix années de purgatoire. Cette phrase tournait en boucle dans ma tête : « Je trouve que tu es quelqu’un de violent ». Pourquoi ? Mais pourquoi ? Avais-je jamais été autrement que tendre ? Avais-je jamais levé la main sur quiconque, sur un homme ou sur une femme, de la cours de récréation de mes premières années jusqu’au jour où ma femme prononça cette phrase ? Non, jamais. Mais alors, pourquoi ? Bon sang, mais pourquoi ? Une intonation dans la voix, quelque chose dans le regard qui aurait trahi toute la violence dont j’avais été gavé et qui serait ressortie d’une façon ou d’une autre, même à peine perceptible ? Je ne le saurai jamais.

Un jour que je ne savais plus vers qui me tourner, je fis une visite à cette personne que je savais pourtant être la dernière à laquelle demander de l'aide : ma mère. Je passai au moins une heure à pleurer devant elle sans qu’elle ne prononce un seul mot ni qu’elle fasse le moindre geste, jusqu’à ce qu’elle me sorte une phrase : « Je ne peux rien faire pour toi », et je partis en pleurant. Bien des années plus tard, une personne évoquera cette visite dont ma mère lui avait parlé en me confiant que ma mère lui aurait dit : « Un homme, ça ne pleure pas ».

Je fis ensuite une visite à ma grand-mère, la mère de mon père, à qui je n’avais pas encore osé annoncer mon divorce. Comme ma mère, elle ne me dit rien, mais me prit immédiatement dans ses bras. Je me souviendrai toujours de la chaleur de ce corps, de cette affection donnée sans calcul, l’unique que j’aie reçue dans ces moments si pénibles, l’unique depuis des semaines, des mois, des années. Nous passâmes ainsi plusieurs minutes, l’un dans les bras de l’autre, sans rien dire. Me tenant toujours dans ses bras, ma grand-mère rompit le silence en me disant « Vous devez pourtant savoir ce que vous faites ! ». Je tentai de me dégager, mais elle me retint en me comprimant contre sa poitrine et je n’eus pas la force de contredire celle dont je me doutais bien qu’elle avait dû avoir une existence pénible et je pris encore sur moi de subir une accusation infondée. Ma grand-mère ne me vouvoyait bien sûr pas. Il n’était pas difficile de comprendre ce que signifiait ce « Vous ». Les hommes, n’est-ce pas ? Toujours les hommes. Le diable incarné en plusieurs milliards d’individus. Je n’avais plus aucun secours.

Après des mois et des mois à pleurer nuits et jours, il fallait que je me ressaisisse. Puisque personne ne voulait donner de réponses à mes questions, il faudrait que je les trouve tout seul. Je refusai les prescriptions de mon médecin qui voulait que je continue à prendre des antidépresseurs. Un jour, une amie me proposa une balade dans un endroit qu’elle voulait me faire découvrir. Je ne lui en dis rien, mais je me retrouvai au bord d’un étang que je connaissais très bien, celui où mon père m’emmenait jadis pêcher. Ce fut une explosion de souvenirs s'enchaînant les uns aux autres, de joyeux et de très douloureux. De retour chez moi, le soir, je me mis à faire ce que je n’avais jamais fait : écrire. Très rapidement, je m’employai à donner une forme moins brute à ce que j’écrivais, peut-être pour en adoucir le contenu, peut-être pour rendre beau ce qui ne l’était pas, alors que je n’avais jamais rien lu de littéraire. Ou peut-être tout simplement parce que j’y trouvais du plaisir. J’écris toute la soirée et toute la nuit, interrompu uniquement par l’épuisement au petit matin.

Je me livrerai ainsi durant plusieurs mois à de l’archéologie personnelle, à de l’archéologie familiale, tentant de recouper souvenirs et éléments objectifs. Je ne pouvais interroger personne pour confirmation, ni bien sûr ma mère, ni mon père avec lequel les liens s’étaient distendus et que je ne voyais plus depuis plusieurs années.

Un jour, un événement fortuit. J’avais perdu mon téléphone portable dans une brasserie. Le patron de l’établissement avait sans doute cherché dans le répertoire et avait trouvé un numéro à appeler pour restituer l’appareil. Dans ma boîte aux lettres, je trouvai une enveloppe contenant mon téléphone et une lettre avec ces seuls mots : « Voilà, le téléphone a retrouvé son propriétaire. Papa ».
Je déposai à mon tour une enveloppe dans la boîte aux lettres de mon père pour le remercier, accompagné d’un extrait de ce que j’avais écrit, sélectionné parmi les passages les moins durs. Il m’écrit à son tour pour m’encourager à lui confier le tout, même s’il devait en prendre « plein la gueule ». Après bien des hésitations, j’acceptai, lui confiai les deux-cent pages que j’avais écrites et il en prit en effet plein la gueule. Plusieurs semaines plus tard, je reçus les deux-cent pages qu’il venait à son tour d’écrire.
Ce furent deux-cent pages jonchées principalement d’horreurs, sans aucune complaisance à son propre égard. Il y avouait même un épisode unique de violence sur ma personne, que je ne me rappelais même pas.

D’abord, une enfance et une adolescence apocalyptiques. J’appris à connaître ce grand-père que je ne connaissais pas et décédé depuis, d’une violence inouïe, d’une jalousie maladive, allant même (mon père n’avait pas écrit cela, mais c’était perceptible) jusqu’à imaginer que mon père n’était pas son fils et instaurer et une ségrégation épouvantable entre mon père et son frère, lui interdisant l’accès aux études que mon père espérait tant, alors que son frère y aurait accès, affublant mon père du sobriquet « Grand singe », détruisant à coups de hache le piano que mon père venait de recevoir pour son plus grand bonheur car ayant le rêve de devenir chef d’orchestre, estimant qu’il n’apprenait pas assez rapidement ses gammes. Il y faisait l’impasse sur la violence de son père à l’égard de sa femme, ma grand-mère, mais ce n’était pas très difficile à imaginer.


Ensuite, la violence inouïe de ma mère. Entre autres choses amusantes, une agression au couteau de ma mère, dont mon père conserve une cicatrice sous le sein gauche.

En bon cartésien et type sérieux ne prenant jamais aucune hypothèse pour certaine sans vérification, je me devais de mettre en doute ces allégations. Elles n’auraient pu être qu’inventions ou exagérations pour justifier quelques épisodes violents de sa part, même s’il ne s’en dédouanait pas. Je me suis souvenu de l’émotion de mon père, lorsque, un samedi où j’avais été en visite chez lui, il avait cassé sa tirelire pour m’offrir un petit piano, et le plaisir qu’il avait manifestement pris en me voyant jouer avec. Je ne vous dis pas ma propre émotion à la lecture de ce passage, comprenant à quoi avait correspondu l’émotion de mon père bien des années auparavant.

Je me suis souvenu de mes années de petite enfance passées à Moscou, ma mère ayant toujours prétendu qu’il nous avait traînés là-bas, guidé par son admiration pour les bolchéviques (« bolchévique » étant un sobriquet dont ma mère m’affublait parfois après m’avoir copieusement insulté). Dans son récit, mon père explique qu’il a eu une occasion professionnelle tout à fait fortuite de diriger un bureau d’import-export à Moscou, occasion qu’il a d’abord repoussée, mais ensuite acceptée pour échapper à la violence de ma mère et qu’il est parti seul à Moscou pour y apprendre le russe, laissant derrière lui, la mort dans l’âme, un fils, et que c’est ma mère qui m’a ensuite traîné là-bas pour le rejoindre.

Je me suis souvenu que j’avais un couteau quelque part dans une case de ma mémoire, mais sans pouvoir le rattacher à un événement précis. Je me suis souvenu que, enfant, je faisais un cauchemar récurrent, dans lequel je sautais du balcon d’un appartement où nous habitions alors. Je me suis rappelé également que j’avais d’autres images, dans d’autres cases de ma mémoire : une sorte de jeu effectué avec ma mère, au cours duquel nous mettions la tête dans un four, situé dans la cuisine attenante à ce balcon, sans d’ailleurs effectuer le moindre lien entre ce jeu et mes cauchemars. Dans le récit de mon père, se trouve une scène dans laquelle il entre dans l’appartement, trouve la porte de la cuisine fermée à clef, appelle sans que personne ne lui ouvre, parvient à défoncer la porte pour trouver sa femme et son enfant, leurs têtes dans le four à gaz, un linge humide avait été disposé devant la porte de la cuisine pour que le gaz ne puisse pas s’en échapper. Sa femme se précipite alors sur le balcon et enjambe la balustrade en tenant un bébé dans les bras. Ce bébé, c’était moi. Et le balcon, c’était celui de mes cauchemars récurrents d’enfant, dont j’ignorais l’origine. Il s'agit probablement de mon souvenir le plus ancien.

Je vous épargne le reste.

Pourtant, ce comportement hystérique de ma mère, je l’avais eu sous les yeux durant des années, s’exerçant à mon encontre même, mais il m’aura fallu au total plusieurs dizaines d’années pour faire le ménage dans un organe ayant subi ce que l’on pourrait appeler un lavage de cerveau.


Suis-je devenu misogyne ?

Non, je ne le crois pas. J’ai d’abord eu, au contraire, le sentiment du devoir de protection des femmes, que j’estimais être les martyrs des hommes, avant de parvenir à un équilibre plus satisfaisant, me rendant compte que les femmes peuvent être aussi formidables que les hommes, mais aussi, hélas, aussi mauvaises.


Suis-je devenu homophobe ?

Non, certainement pas. Mieux, ou pire peut-être au risque de choquer, je garde de mon beau-père un souvenir bien sûr contrasté car entaché d’un événement très regrettable, mais je lui suis malgré tout reconnaissant de m’avoir apporté des choses que ma mère ne pouvait m’apporter et surtout de m’avoir préservé par intermittence de ses accès d’hystérie, sans rien oublier ni rien admettre comme acceptable du comportement qu’il a pu avoir à mon égard. Je m’en souviens comme d’un homme qui m’a aimé et comme d’un homme que j’ai aimé comme un père.


Ai-je été atteint de misandrie ?

Oui, sans aucun doute. Je pense qu’il ne fut pas facile de se construire comme garçon dans le dégoût des hommes. Là était le principal travail à accomplir sur moi-même.


Ai-je perdu la raison ?

Heureusement, non, même si je vous avoue que certains moments de mon existence ont pu me donner le vertige. Je dispose heureusement d’une intelligence qui vaut certes ce qu’elle vaut, mais qui m’aura permis à toutes périodes de mon existence de conserver une capacité d’analyse minimale, mais suffisante pour ne jamais sombrer totalement ou me laisser emporter là où le courant voulait m’emmener.


Que prouve mon témoignage ?

Rien, absolument rien. C’est une expérience unique qui ne représente qu’elle-même.


Alors, pourquoi avoir écrit tout ceci ?

Je m’interroge. Je vois plusieurs raisons.

Peut-être que si vous n’aviez pas moqué mon commentaire (j’ai bien compris qu’il s’agissait d’une plaisanterie, ne vous inquiétez pas, je ne vous en veux pas), je n’aurais rien écrit du tout.

Peut-être que si votre réaction ne m’avait pas rappelé la réaction de Charivari, il y a plusieurs années, dans le cours d’un fil auquel vous aviez participé, je n’aurais rien écrit.

J’avais écrit un texte – peut-être pas très bon dans sa forme, mais peu importe – dans lequel j’avais imaginé une petite fille dans un foyer où régnait la violence conjugale. Chaque jour, au retour de l’école, elle passait dans un parc où elle retrouvait un vieux monsieur assis sur un banc. Petit à petit, la confiance venant, elle lui relatait à demi-mots ce qu’elle vivait. Le vieux monsieur, plutôt que de la plaindre, ne relevait pas ses récits, mais s’employait plutôt à lui faire voir le bon côté de la vie, lui faisait comprendre de manière détournée que la vie de ses parents n’était pas la sienne, qu’elle n’était ni responsable de ce qui se passait, ni responsable d’un éventuel dénouement, heureux ou pas, qu’elle n’était pas la mère de ses parents. Le dernier jour, avant de disparaître, ce vieil homme lui fit juste une suggestion : peut-être, et pour autant que cela puisse correspondre à une envie qu’elle aurait elle-même eue, elle pourrait embrasser son père et lui dire qu’elle l’aimait, tout simplement.
J’avais écrit ce texte sans réelle réflexion, ou alors peut-être une réflexion souterraine. Peut-être aurais-je eu envie, petit garçon, de croiser moi-même ce vieil homme dans un parc. Peut-être, après tout, ce vieil homme n’était-il que moi-même me penchant sur ma vie de petit garçon.

Charivari avait donné la note la plus basse à ce texte, était monté sur ses grands chevaux comme un preux justicier, dans son commentaire, pour dénoncer l’ignominie de ce qu’il avait lu, m’avait poursuivi jusqu’en fil de discussion pour me faire passer pour un salaud. J’en étais arrivé à un stade où je sentais que ne pourrais plus poursuivre en me privant de faire une révélation intime et peut-être, de faire la peau de Charivari. Je n’avais aucune réelle envie de lui faire la peau et ne voulais pas franchir la ligne rouge de cette révélation intime. J’avais alors choisi de quitter Oniris.

Si j’ai écrit une parenthèse dans mon commentaire sous votre texte, Toc-Art, ce n’était qu’une parenthèse dont je ne pouvais m’abstenir, mais qui n’influerait en rien mon jugement de votre nouvelle que je trouvais bien écrite. Je n’ai pas la grandeur d’âme ni l’esprit chevaleresque de Charivari.

Peut-être comprendrez-vous mieux comment j’ai reçu votre texte, et pourquoi.

Et pour votre information, le jour où j’ai lu votre texte en EL, j’en ai lu un autre (c’était sans doute un jour de malchance) faisant preuve, selon moi, d’une invraisemblable misogynie. Je reçu celui-là bien plus violemment que le vôtre et il m’aura fallu plus de vingt-quatre heures pour le commenter.


Pourquoi ai-je reçu votre texte comme faisant état de misandrie ?

A aucun moment, je n’ai supposé que vous, auteur, faisiez preuve de misandrie. J’ai simplement reçu le texte comme tel. Je pense m’en être expliqué en commentaire. Tous les personnages féminins de votre nouvelle, sans exception, sont des personnages pleins de candeur, et des victimes. Tous les personnages masculins de votre nouvelle, sans exception, sont des criminels exerçant leurs crimes sur des femmes. J’avais même oublié le père de la jeune fille, dont il n’est presque rien dit, mais dont on peut supposer qu’il a lâchement abandonné la mère et ses enfants en bas-âge.
Je ne doute pas un instant qu’il ait existé, aux Etats-Unis ou ailleurs à cette époque, un tel climat. Je ne doute pas du témoignage de cette dame dont vous vous êtes inspiré pour écrire cette nouvelle. Je ne doute pas que cela existe encore ailleurs actuellement, et même parfois chez nous.
Je ne pense pas que j’aurais reçu votre texte de la même manière s’il s’était trouvé un homme, au moins un, un seul, pour ne pas être l’envoyé du diable.
L’unique personnage de sexe masculin à être épargné est le jeune garçon. Mais ce n’est pas encore un homme ; il n’est pas encore pubère. Sous les traits de cet enfant, je me suis reconnu et j’ai cru reconnaître, comme « morale » de cette histoire, la prophétie de ma propre mère.

Car s’il y a bien une chose contre laquelle j’ai dû lutter en permanence, y compris contre moi-même, c’est cette prophétie absurde, cette fatalité selon laquelle les travers, voire le crime, seraient trangénérationnels, hérités, transmis de père en fils. J’y suis peut-être plus attentif que d’autres, mais croyez-moi, cette croyance est bien implantée dans les esprits, y compris dans ceux des hommes. Je n’ose penser à ce que le père de mon ex-femme, que j’adorais, a pu imaginer. Je n’ose penser à ce que sa fille a pu lui raconter pour justifier ses agissements, en ce compris le rapt de notre fils, car il s’agissait bien de cela, même si l’amour que j’avais pour ma femme m’empêchait de le qualifier ainsi. Comment expliquer sinon que je fus coupé du jour au lendemain de tous ceux qui faisaient mon existence, que mon beau-père avec lequel je riais encore une semaine plus tôt, me considéra subitement comme un monstre ? Figurez-vous qu’une employée de ne je ne sais plus quel service social, qui qualifiait de rapt la rétention de mon fils par sa mère, me conseilla d’attendre mon fils à la sortie de l’école, de le prendre et de le garder chez moi. Rendez-vous compte ! Une employée d’un service social censé régler des problèmes familiaux me conseillait, pour compenser le rapt de mon fils par sa mère, de l’enlever à mon tour, parce qu’elle craignait que ce fût le seul moyen ! Peut-être savait-elle que ce serait beaucoup plus difficile pour moi que pour ma femme, qu’une femme qui garde son enfant, c’est normal, puisque c’est sa mère, que ce n’est pas un enlèvement. Ce n’était peut-être pas ainsi dans les lois, encore que, mais il en était en tous cas ainsi dans les mentalités. Et ce qui m’a encore le plus choqué, c’est que cette dame ne considérait finalement que mon propre intérêt, celui d’avoir mon fils auprès de moi, mais ne considérait absolument pas l’intérêt de l’enfant, le seul qui me guidait, moi. Je n’avais aucune envie de faire intervenir la police, la justice ou quoi que ce soit de « violent ». J’avais encore l’espoir que quelqu’un doué de raison, quelque part, puisse m’aider. Cette aide, je l’ai trouvée. Elle m’a été apportée par un homme, le frère de ma femme, qui a pu lui faire entendre raison. En aparté, il m’a dit qu’il avait bien compris que s’il voulait conserver la quiétude dans son couple à lui, il fallait qu’il voit le moins possible ses parents, en particulier sa mère. Il ne m’a donné aucun détail et je n’en ai pas demandé.

Si je me suis battu, ce n’est pas tant pour sauver ma vie à moi, qui était déjà bien abîmée, que pour sauver celle de mon fils et d’éventuelles générations suivantes de mâles. La fatalité était passée par mon grand-père paternel. Elle était passée par mon père. Mais elle ne passerait pas par moi pour être transmises à mon fils. Il n’y aucune fatalité. Jamais !

Aujourd’hui, mon fils est un jeune homme épanoui, sensible et fort. C’est un homme déjà. Combien de générations ai-je sauvé, peut-être ? Je ne le sais pas. Il me plait en tous cas de penser que mon passage sur cette terre n’aura pas été vain, ne serait-ce que pour faire obstacle à cette prétendue fatalité.

Et pour ce qui me concerne plus particulièrement, il m’aurait été impossible de poursuivre mon existence en conservant de la haine au fond de moi, de la haine pour mon père et de la haine pour ma mère, ou même seulement de la colère. Après tout, c’était peut-être cette haine ou cette colère que ma femme avait vu en moi et qui lui avait fait peur. C’est une explication comme un autre et je n’en ai pas d’autre. Si la prophétie de ma mère m’avait empêché de tourner cette haine contre qui que ce soit, elle ne me préservait pas de ma propre destruction. Si je voulais vivre sereinement et avoir une petite chance de me reconstruire, et de participer à la construction de mon fils, je n’avais d’autre voie que la compréhension. Pour comprendre, il me fallait savoir. Savoir qui avait été mon père. Ce fut accompli grâce à ses écrits succédant au miens. La haine ou la colère s’est transformée en compassion. Savoir qui était avait été ma mère. Mais ça, c’est beaucoup plus difficile car si une parole a depuis pu être rétablie entre elle et moi pour des sujets anodins, je sais pertinemment qu’il m’est impossible d’aborder des sujets intimes avec elle sans m’exposer à ce que je n’ai que trop connu. Ça, je n’ai ai plus l’envie ni la force, et je suis persuadé que ce serait contre-productif, tant pour elle que pour moi. En revanche, l’archéologie familiale peut être abordée par d’autres voies que la voie directe. Ma mère à quatre sœurs et un frère, qui eux-mêmes ont des enfants, dix cousines, susceptibles de connaître une partie de la vie de leurs parents. J’ai toujours noté une différence importante de comportement entre les deux derniers de la fratrie, plutôt sereins, et les quatre premiers, quatre femmes dont ma mère, plutôt agressifs et tourmentés. Quelle différence chronologique majeure peut-il exister entre ces quatre premiers enfants et les deux derniers, hormis bien sûr leur âge ? La date du décès de leur père. Les quatre premiers enfants étaient déjà des femmes lors du décès de leur père, tandis que les deux derniers, une femme et un homme, n’étaient encore que des enfants. Leur père, c’est l’autre de mes grands-pères, que je n’ai pas non plus connu et dont je n’ai presque pas non plus entendu parler. Avec le temps, toutefois, certaines langues se délient, même si elles ne se délient que partiellement et à demi-mots, si on les mets en condition et qu’on leur accorde toute la patience dont elles sont besoin, toute la confiance qu’elles réclament. Deux cousines ont un peu délié leurs langues. L’une comme l’autre ont évoqué, avec des mots choisis, jamais directs, la relation ambigüe et vraisemblablement plus qu’ambigüe que notre grand-père commun avait pu entretenir avec leurs mères respectives, les deux aînées de la fratrie. Aucune de ces cousines ne savait que l’autre m’en avait parlé, ce qui permet une confirmation par recoupement. Je suppose que vous avez compris comme j’ai dû le comprendre que cela pouvait avoir un rapport très direct avec le contenu de votre texte, sans que j’en connaisse le moindre détail. J’ignore jusqu’à quel stade de la fratrie ces choses peuvent être extrapolées. Ma mère en fit-elle partie ? Je l’ignore et ne le saurai peut-être jamais. Je considère néanmoins cela comme une piste significative, à laquelle je n’aurai peut-être jamais réellement accès, mais qui me permet néanmoins d’imaginer un certain nombre de choses. Ces choses, à demi ou au quart dévoilées, me permettent néanmoins aujourd’hui de concevoir de la compassion aussi à l’égard de ma mère.

Que votre texte dénonce des comportements anciens qui perdurent encore parfois aujourd’hui, c’est très bien. C’est sans doute indispensable. Je vois un peu cette dénonciation comme correspondant à la phase de colère que j’ai connue trop longtemps. Mais cette phase, à elle seule, ne suffit pas, et sans la phase suivante, je crains que la colère perdure et, avec elle, la perpétuation des comportements qui la nourrissent, parce que peut-être aussi qu’elle les engendre. Pour moi, cette phase fut une question de vie ou de mort, au moins psychologique.

Voyez-vous, Toc-Art, ce que j’aurais aimé, c’est que Charivari, plutôt que de faire l’imbécile en croyant être valeureux devant tout le monde, pût regarder deux secondes plus loin que le bout de son nez.

Que toutes les victimes deviennent des bourreaux est, je crois, une légende. Qui plus est, particulièrement injuste pour les victimes. J’en sais quelque chose. En revanche, je pense que beaucoup de bourreaux ont été victimes. S’intéresser uniquement à leur statut de bourreau est, je crois, totalement stérile.


Mais qu’en est-il, de manière générale, de la misandrie ?

Une fois de plus, je ne peux vous apporter que témoignages personnels n’ayant aucune valeur statistique.

Après m’être remis plus ou moins de mon divorce (pensais-je, mais j’étais loin du compte), j’ai connu quelques aventures.
Etant plutôt timide et n’ayant jamais su ce qu’était draguer une femme, je m’étais inscrit sur un site de rencontres. Première désillusion en parcourant les profils féminins. Ceux-ci défilaient sur lesquels je lisais « Marre des menteurs, des hypocrites, des menteurs, des manipulateurs, des obsédés, pas de plan-cul, … ». Et v’là que ça recommence. Cette moitié masculine de l’humanité serait-elle donc à ce point pervertie ? Serait-ce possible ? Était-ce la majorité des profils féminins ? Je n’en sais rien. Beaucoup ? Oui, beaucoup, beaucoup.
Après un ou deux rancards, je tombe sur une demoiselle avec laquelle je m’entends plutôt pas mal. Une aventure débute. Après quelques semaines, elle m’invite au restaurant pour mon anniversaire. Sympa, très sympa. Ça me fait chaud au cœur. Entre la poire et le fromage, elle m’annonce tout de go : « En tous cas, si je n’ai pas d’enfant avant tel âge (je ne me rappelle plus lequel), je saurai bien comment faire pour en avoir ». Après un long moment de stupéfaction, je réponds que je comprends parfaitement ce que peut représenter, pour une femme, le concept d’horloge biologique, mais que je suis stupéfait d’apprendre qu’une femme peut chercher un géniteur avant de chercher un compagnon ou un père pour ses enfants, surtout s’il est peut-être assis en face d’elle et, accessoirement, que ça me fait tout bizarre de me sentir comme un spermatozoïde assis au bord de note table. Etant plutôt bien éduqué, j’ai pris le dessert avec elle et je l’ai remerciée de son invitation, mais je l’ai quittée. A ma connaissance, elle est actuellement mère de eux enfants, et divorcée.
Autre aventure. Une mère, ce qui me rassure. Elle a une fille, j’ai un fils quasiment du même âge. Elle me plait bien. Nous vivons des moments d’une légèreté que je n’avais plus connus depuis une éternité. Nous nous baladons dans Bruges, ville romantique s’il en est. Elle débarque chez moi avec une guitare. Je possède un micro que je n’ai jamais utilisé. Nous nous mettons à chanter. Ça me plait bien. La vocathèque bien avant l’heure. Je suis sur un petit nuage. Nous faisons des pique-niques avec les enfants. Une famille. Mon Dieu, quel beau concept ! Celui qui me fuit depuis toujours. Quelques semaines plus tard, elle débarque chez moi. Elle me quitte. Je suis encore bien trop emprunt du souvenir de mon ex-femme, estime-t-elle. Et d’ailleurs, c’est toujours le même problème avec les hommes, ils n’arrêtent pas de parler de leurs ex. J’avais dû lui en parler une ou deux fois. Elle n’avait pas arrêté de me parler de son ex-mari. J’avais même dû faire cent bornes pour aller chercher sa fille chez lui, ce qui ne m’avait nullement dérangé.

Quelques années plus tard, arrivé de nulle part, je reçois un message dans ma boîte mail. Elle est tombée par hasard sur les emails que nous avions échangés quelques années plus tôt. Ça l’a bouleversée. Elle s’est remémorée les moments de tendresse que nous avions connus. Elle les regrette. Elle trouve qu’elle a été injuste à mon égard. Elle aimerait me revoir, enfin si j’accepte.
J’accepte. Moi aussi, je regrette les moments passés avec cette femme plutôt bien faite pour moi et pour lequel j’étais plutôt bien fait. Un restaurant, puis un cinéma et une nouvelle aventure débute. Elle est dans une passe délicate, elle va sans doute être licenciée, puis elle l’est en effet. Je la conduis partout car elle a dû rendre la voiture de fonction octroyée par son employeur. Nous parlons beaucoup de sa situation professionnelle qui la tracasse. Je la rassure. J’écris pour elle un courrier à son employeur. Je regarde avec elle des comédies romantiques nœud-nœud qui me font bien chier, accepte de lire comme elle me l’a recommandé des romans de Marc Levy, de Guillaume Musso et de Paolo Coelho, mais ce n’est pas le moment de la contrarier, elle est dans une passe difficile, je dois comprendre et puis, je ne vais tout de même pas être misogyne en pensant que les femmes ne regardent et ne lisent que des conneries. Et puis, est-ce si important ? N’est-ce pas moins important que ce que nous avons de commun ? Elle a régulièrement des sautes d’humeur, se met à pleurer. Je la rassure, la console. Je comprends. Sa situation professionnelle. Des angoisses bien compréhensibles, celles que je connais depuis des années sans en parler. Ah si, pardon, je lui en parle une fois. Une fois seulement. Nous prenons le petit déjeuner chez elle et, au moment de la quitter pour le boulot, je n’arrive pas à me décider à partir. Je voudrais rester avec elle plutôt que de me perdre l’existence dans ce trou à rats. Je lui en parle un peu. Elle me convainc que je dois y aller.
Deux jours après, elle me convoque à une heure précise dans un parc. Elle doit m’y dire des choses. J’obtempère. Elle prend la parole. Ça ne va plus du tout. Je lui parle tout le temps de mon boulot pour m’en plaindre. Plutôt que de me plaindre, je ferais mieux de me bouger le cul pour que ça change. Et puis, d’abord, pourquoi que j’ai accepté de la revoir ? Si j’ai accepté de la revoir, c’était probablement uniquement pour m’envoyer en l’air. De toute façon, les hommes sont tous pareils. Elle me quitte.
Ce n’est pas la première fois dans ma vie que je suis stupéfait, mais là, je suis quand même stupéfait bien comme il faut et il me faut un bon moment avant de reprendre mes esprits avant de répondre.
« Bien. Tu m’as envoyé un email parce que tu voulais me revoir, bien que je n’aie rien demandé à personne et que je ne fréquentais aucune femme depuis au moins deux ans. Tu étais d’ailleurs la dernière. Mais bien sûr, je comprends : si j’ai accepté, c’est parce que je voulais m’envoyer en l’air. Voilà au moins deux mois que je t’écoute parler de ton boulot, que je te rassure, que je te console, que je t’aide pour toutes les démarches, que je te suis avec enthousiasme dans tes idées de reconversion professionnelle, même si, en toute franchise, je les trouve un peu débiles. Mais t’avoir parlé une fois de mon boulot était sans doute une fois de trop. Je comprends très bien. Et puis, on est tous pareils. Je sais. C’est malheureux, dramatique même. Dis-moi, heureusement que je ne suis pas misogyne et que je n’imagine pas que toutes les femmes qui m’envoient des emails pour me voir sont des salopes. Pour se dire adieu, on se fait la bise ou tu préfères m’envoyer une tarte dans la gueule ? Ah, j’oubliais… ne me recontacte plus, plus jamais !».
Depuis, je sais qu’elle a déménagé. J’ignore si elle a trouvé quelqu’un d’autre pour l’écouter, si elle a trouvé un nouveau boulot ou si elle a créé le sien. Je l’ignore et je m’en fous.

C’était il y a plus de trois ans. Depuis, j’ai décidé de penser exclusivement à ma gueule et à celle de mon fils. J’ai été licencié. Je suis sans emploi. Je me suis lancé dans une reconversion professionnelle en essayant de créer ma propre entreprise. C’est angoissant, très angoissant. Je ne cherche pas de femme pour m’entretenir ou m’écouter parler de mes soucis. Je ne serais peut-être pas hostile à l’idée de partager ma vie, mais pas au prix de lourdeurs récurrentes dont on m’attribue ensuite la responsabilité. Plus aucune femme n’a à se plaindre de moi. Je préserve la moitié angélique de l’humanité de sa moitié monstrueuse.


Un jour, je me trouve dans les transports en commun bruxellois. J’y vois une affiche encourageant la cordialité et le respect pour les usages faibles. Sur la photo, on voit une jolie jeune femme, rayonnante, enceinte jusqu’aux dents. Elle est debout dans un bus. Pourquoi est-elle debout ? Parce que personne ne lui a cédé sa place. Toutes les places assises sont occupées par des hommes, couverts de boue et vêtus de peaux de bêtes. Il ne leur manque que des gourdins.
Je n’ai jamais entendu parler de ces affiches. Rien dans les médias. Personne pour s’en offusquer. Moi-même, j’ai envisagé d’écrire une lettre de plainte avant d’y renoncer.
Il y a quelques jours à peine, un sac distribué dans les magasins Auchan a fait un tollé dans les médias français. Dessus, il y avait l’inscription suivante : « Hourra ! J’ai la carte de crédit de mon mec ! »
On en a entendu parler pendant une semaine.



Bon, j’arrête là. Inutile d’étaler des dizaines d’exemples.



La misogynie est partout. On en parle. On s’en plaint. Et on a bien raison de le faire.

La misandrie est partout. Personne n’en parle.

Combien de personnes, d'ailleurs, connaissent ce mot ?
Moi même, je ne le connaissais pas il y a quelques jours à peine.

Contribution du : 05/09/2017 01:12
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Re : la robe de toc au pressing
Visiteur 
Stony,

Ce matin j’ai beaucoup de peine et je ne voudrais pas t’en faire autant. Beaucoup de peine de te voir brader un si beau texte sur un si banal forum. Depuis quelques années on se parle assez souvent par mail, mais j’ai préféré pour une fois te dire ça où tout le monde pourra le lire. Je t’en supplie, fais retirer ce texte de là où il n’aurait jamais dû se trouver.
Je ne vais pas en faire des tartines, on se connaît assez pour que tu imagines tout ce que j’ai envie de te dire en cet instant.

Amitiés
Ludi

Contribution du : 05/09/2017 09:56
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Re : la robe de toc au pressing
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Je suis tout à fait d'accord avec Ludi: protégez-vous, prenez soin de vous... Ce fil est entièrement public, et internet n'est pas le bon lieu.
(Perle, à titre tout personnel)

Contribution du : 05/09/2017 10:00
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Re : la robe de toc au pressing
Visiteur 
Cher stony

Je vais vous dire franchement les choses : retirez ce texte ! Les intervenants précédents ont parfaitement raison, ne bradez pas votre vie sur un fil de discussion qui puisse être lu par le tout-venant.

En tout cas vous avez toute mon amitié et ma sympathie !


Grange

Contribution du : 05/09/2017 10:07
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Re : la robe de toc au pressing
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Bonjour, ami Stony. Tu vois que ton texte est lu, même caché dans un forum peut-être peu fréquenté. Éprouvante lecture de ces fragments autobiographiques qui sonnent vrai. De la franchise, mais aucun exhibitionnisme dans cet écho multiplié de la lecture de la nouvelle de Toc-art. On lit toujours en résonance avec sa propre histoire, mais là tu le mets en évidence sans détour.
Je n'en dirai pas plus, sinon pour regretter que tu ais retiré tes textes du site - j'aurais volontiers relu celui qui évoque le club de tennis, par exemple - car ce que je viens de lire ne se trouve pas à la bonne place. Je ne te dirai pas de le supprimer, puisque tu as décidé de faire ainsi. Mais, que diable, envoie le selon l'usage pour qu'il soit publié selon les règles! Amicalement.
pierre

Contribution du : 05/09/2017 10:55
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"Nous oublions ordinairement qu'en somme c'est toujours la première personne qui parle."
H.D. Thoreau
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Re : la robe de toc au pressing
Visiteur 
Bonjour,

J'ai lu vos interventions, Ludi, Perle et Grange.

Je vous en remercie, mais je vais me permettre de ne pas suivre vos recommandations. Si la modération devait considérer que mon post, pour Oniris et uniquement pour Oniris, est à modérer, qu'elle le modère.
Par contre, pour ce qui me concerne, c'est à moi d'en juger.

Je reprends ce que j'avais écrit à Toc-Art un peu plus tôt sur ce fil :

Citation :

Aujourd’hui, je fais le choix de parler. Et tant pis pour l’impudeur ! Si elle devait gêner quelqu’un, ce ne serait pas moi.


Ne soyez donc pas gênés pour moi !

Beaucoup de mes textes précédemment publiés sur Oniris n'étaient que des extraits d'une sorte de roman entamé il y a une dizaine d'années, dont le contenu était identique, et plus ou moins maquillés en nouvelles.
J'aimerais un jour trouver le temps de terminer ce roman, de le construire convenablement. Lorsque je serai retraité, peut-être.

Quant à ma protection, si mal devait être fait, il serait déjà fait :

- Mon père a lu l'intégralité de ce que j'avais écrit.

- Ma mère s'est remariée avec un dingue et elle lui rend bien ce qu'il lui "donne". Les gens ne se rencontrent pas uniquement par le hasard. Cet exquis personnage est tombé sur mes écrits et s'est empressé, pour une vengeance parmi d'autres, de confier mes écrits à ma mère. Elle a donc également lu l'intégralité de ce que j'avais écrit.

- Quelqu'un de ma famille maternelle pourrait lire ceci ? Ce serait tant mieux ! Les secrets familiaux font beaucoup de dégâts, dans l'espace et dans le temps.

- Mon fils pourrait lire ceci ? Si j'avais entamé l'écriture de ce "roman", c'était en grande partie en pensant à lui, pour qu'il puisse le lire, mais plus tard car il était encore petit. Il ne l'est plus.

- What else ?



Et puis, vous savez quoi ?

Le danger que présente la parole est bien moins important que le mal que fait le mutisme.

Il se trouve que ma mère, par bien des aspects, essentiellement matériels, fut une mère exemplaire, extrêmement courageuse, ce qui me fut répété très régulièrement au cours de ma vie... et je choisissais bien sûr de me taire, ce qui me faisait un mal invraisemblable, sachant, moi seul, ce qui se passait réellement derrière une porte que ne franchissait pas ceux me louant les vertus de ma mère.

Il y a deux semaines à peine, une dame habitant l'immeuble de ma mère, que je connais depuis très longtemps, me disait encore "Eh bien, tu as vraiment eu une mère courageuse. Vraiment courageuse. Très, très courageuse. Tu dois te rendre compte de la chance que tu as eu !".
Pour la protection de ma mère. Il serait vraiment saugrenu de ma part de contester cette parole. Et dans ce cas, je passerais pour un salaud.
Je n'ai donc bien sûr rien répondu à cela.
Eh bien, ça fait mal, très mal, très très très mal de se taire !

Contribution du : 05/09/2017 10:56
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Re : la robe de toc au pressing
Expert Onirien
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12/05/2017 21:35
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Bonjour Stony,

Je n'ai pas tout lu car j'avais l'impression de regarder chez vous par le trou de la serrure. Ce que vous raconter est difficile et très privé. Le raconter vous libère sans doute, mais préservez vous en ne vous livrant pas sur un forum si public. Protégez-vous
Faites-en un roman

Contribution du : 05/09/2017 10:59
_________________
Louison

Un homme digne de ce nom ne fuit jamais. Fuir c'est bon pour les robinets. (Boris Vian - Les bâtisseurs d'empire)
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