Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Carte blanche : L'outil et l'artiste
Posté par Cyberalx le 27/Feb/2009 (220 lectures)

Il existe des impressions horribles communes à toute l’Humanité.

Par exemple, il y a celle qui consiste à regarder les étoiles, à penser qu’elles sont déjà mortes il y a longtemps et que ce n’est que leur intensité lumineuse qui nous parvient du fond des âges, là, on se dit généralement qu’on est un tout petit point dans l’univers, qu’on ne vaut guère mieux qu’un moustique à l’échelle de l’infini, que nos problèmes, nos amours, notre Histoire sont finalement si peu de choses que ça confine quasiment au rien.

Sale impression, hein ?


Il y a cette autre impression : Vous êtes nu devant votre miroir (mais si, tout le monde fait ça, vous le savez bien, hypocrites !), vous vous détaillez des pieds à la tête (passant plus ou moins vite sur ces horreurs qui traînent entre le ventre et les cuisses), puis vous vous dites que c’est tout de même incroyable d’en arriver là sans savoir véritablement d’où l’on vient, et même, allez ! pourquoi on est là, et même peut-être qu’on est là pour rien, foutu hasard cosmique, inutilité au milieu d’inutilités encore plus grandes…

Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’en frissonne.
Une autre ? Ok…

Il y a cette sensation de vide qui vient parfois à la suite d’une intense réflexion, vous êtes devant votre feuille blanche, guettant les idées que peuvent vous souffler vos muses lorsque tout à coup, comme une révélation écrasante qui vous tombe sur le coin du nez, arrive ce sentiment :

Tout a déjà été écrit.

Tout a été découvert… L’Amérique, le savon, la lune, les étoiles, le pénicillium roqueforti dans les caves de Roquefort-sur-Soulzon, les ferments dans le quatrième estomac de la vache, le vaccin contre la rage, la fission nucléaire, le féminisme, tout !

Découragé, il arrive toutefois que dans un élan de bravoure, vous tentiez de faire mieux que vos illustres ancêtres, mais soyons francs, ça ne marche pas à tous les coups…

Bref, on n’est rien du tout, on ne sait pas ce qu’on fait ici bas, on a peu de chances d’être un génie et même si on l’était, les étoiles s’en tripoteraient les branches du haut de leurs âges honteusement élevés.

Mais où veut-il en venir ? (c’est précisément ce que vous êtes en train de vous dire si vous n’avez pas décroché en vous disant que vous avez nettement mieux à faire que de vous pencher sur les élucubrations du cyb’)
J’en viens au fait que bizarrement, nous continuons.
Les chercheurs cherchent, les écrivains écrivent, les astronomes explorent.

Et pourquoi on continue ?

Est-ce parce qu’il est inconcevable pour nous de penser qu’on ne sert à rien et qu’on ne peut rien faire d’autre que continuer ? Est-ce parce que secrètement, nous croyons en une présence divine qui justifierait notre dévouement à être meilleurs et à améliorer l’Humanité ? Est-ce qu’on redoute la mort à tel point qu’on finit bêtement par s’imaginer qu’on est immortels ?

Un début de piste pourrait être l’Art.

Quoi de plus futile que cette chose-là ?
Quoi de plus inutile qu’un tableau ?
Mais aussi quoi de plus indispensable ?

Vous ne voyez toujours pas où je veux en venir… Il faut dire que je ne suis pas toujours très clair, tant pis, j’explique :

L’Art est une chose qui procure un plaisir immatériel, et le plaisir, c’est pour cela que nous continuons à avancer. On ne peut pas vivre sans le désir et le plaisir qui va avec.
L’Art nous aide à appréhender l'invisible, il nous donne une perspective nouvelle sur les choses et transcende notre existence, nous permet de ne plus être juste cette petite chose perdue aux confins de l’univers.

Mais c’est un peu long comme introduction, ça…

En fait, ce dont je souhaite vous parler c’est de l’évolution de l’Art.
Qu’est-ce qui en est, qu’est ce qui n’en est pas et qui peut le dire ?

On a commencé en dessinant nos mains dans des cavernes (ne vous moquez pas, je suis certain que si on était des pointures en généalogie, on trouverait certains de vos ancêtres à se rouler dans de la bouse de mammouth pour rigoler). Puis on a sculpté, construit, inventé des outils, des pinceaux, des feuilles, l’écriture, on a fait des pièces de théâtre, des photographies, des films, de la musique…

Nous sommes les seuls à faire ça.

Les hamsters, pour ne citer qu’eux, ne le font pas, jamais, et cela parce qu’ils ne se posent pas la question de savoir s’ils sont seuls dans l’univers. Pour être honnête, puisqu’on parle des hamsters, je les trouve un peu limités au niveau métaphysique, mais ça reste entre nous… Même si eux ne doivent pas se gêner pour critiquer nos performances dans une roue.

Bref, nous avons l’Art et l’Art évolue, nous avons eu des Maîtres comme Leonardo da Vinci, Mozart, Picasso, Dali, etc.

Un jour, à l'occasion d'un concours de nouvelle qui impliquait une collaboration entre auteurs, alors que je parlais avec une amie dont je tairai le nom (mais qui est une Onirienne bien connue de tous, dont le pseudo en trois lettres commence par P et finit par T), nous parlions d’Art et notamment de l’Art nouveau, l’art numérique, l’infographie en somme.

Il en a découlé une conversation des plus intéressantes, du moins, c’était mon impression car il faut avouer que nous étions sérieusement imbibés de Gigondas (entre autres choses, la bougresse mélange, il faut dire…).

Bref P*t me disait ceci :

- Mon verre est tellement vide…
- Tiens, P*t, je te ressers. Donc, tu me soutiens que ça, ce n’est pas de l’art ?

J’étais en train de lui montrer un paysage entièrement numérique dans un magazine dédié à la 3D.

- Je ne dis pas que tout ça, c’est pas de l’art, pas en bloc.
- C'est-à-dire ?
- Ce n'est pas la technique utilisée qui me fait dire que ce n'est pas de l'art, ce sont les exemples que tu me montres qui me font dire ça, hips !
- Je pige pas.

À ma décharge, je pige peu quand j’ai bu.

- Il s'agit d'images de paysages qui ne présentent pas pour moi ces qualités. Ça fait un peu photos saturées, c'est très formel et ne donne l'impression que d'images très bien réalisées techniquement, sans doute, mais sans grand intérêt. Pour moi : aucune recherche, aucune créativité, aucune émotion même si ces images sont créées de toutes pièces. Essayer de reproduire la réalité en y donnant plus ou moins un aspect artificiel, ce n'est que de la technique, pas de l'art. Il y a de vraies productions artistiques qui utilisent l'informatique mais pour en faire quelque chose de véritablement original.

Moi aussi, j’étais étonné qu’elle me sorte une phrase si longue alors qu’elle tenait à peine debout !

- Mais comment tu fais la différence ? dis-je après trois bonnes minutes à regretter d’avoir lancé un sujet si compliqué alors que je n’avais même pas préparé mon Carpaccio.
- Mon idée c'est que les possibilités offertes par l'outil informatique font croire que cet art est à la portée de tous, un peu comme la composition musicale par informatique, où les gens qui ne connaissent pas les bases du solfège pensent que c'est facile. On peut aussi faire d'autres analogies : ce n'est pas parce qu'on sait écrire en français, même si on raconte des histoires intéressantes que c'est de la littérature. Même un best-seller, comme on en voit fleurir beaucoup aujourd'hui, pour moi ce n'est pas de la littérature… J’ai plus de pinard !
- C’est Ninjavert qui a bu dans ton verre, dis-je, cependant que le Ninj’ ricanait en dessinant un zizi à Madonna avec sa palette graphique.
- Hey ! faut qu’on bosse sur « la belle au con dormant » ! Cyb’, il a rien foutu que de nous faire picoler, il a pas fini son truc là… « Pope star » et je Rzzzzzz… (il s’est endormi)
- Tu disais, Pat ?
- J’ai plus de pinard…
- Oh, oui (je ressers P*t), non mais sur l’art ?
- Oui, je disais que ce n'est pas parce que ça paraît facile de faire des figures géométriques qu'on sait peindre comme Miro ou Kandinsky avec ce genre de remarques qu'on entend parfois : mon fils en fait autant… Et ce n'est pas parce qu'on connaît la structure et les règles d'une poésie qu'on est poète !
- Ok, je comprends
-… Pas parce qu'on sait bien jouer de la guitare et chanter, qu'on est un musicien ou pas parce qu'on sait bien reproduire des alphabets en calligraphie qu'on est calligraphe…
- J’ai pigé, c’est bon les exemples…

- Nrrrrr… Tu crois que j’ai peur d’un kangourou ? Chuis un fighter moi, mec, j’ai habité en banlieue, ok ? Les kangourous comme toi, moi, ben… j’leur vide la poche ! Nrrrr Zzzzz... Et il fait quoi Dark Vador avec son épée toute pourrie, là ? Hey ! Dark vador ! Tu m'as pris pour un jambon ou quoi ?

Oui, Ninjavert parle en dormant.

- P*t, faut plus qu’il boive d’alcool, le loulou-là…
- Oui, il me fait un peu peur…
- Tu disais donc que les outils modernes ne faisaient pas l’artiste, c’est ça ?
- L’outil c’est juste un moyen. Être artiste c'est proposer un regard original, sa vision du monde, parfois de son monde intérieur en se servant des techniques. C'est créer quelque chose, même si on ne crée pas à partir de rien. Tous ceux qui nous ont précédés nous influencent, à notre insu, souvent. En littérature, c'est ce qu'on appelle l'intertextualité.
- Mais, il y a une évolution, les gens pourront plus facilement devenir des artistes, libérés de certaines contraintes, je pense que l’écrivain qui a son correcteur d’orthographe peut d’avantage se concentrer sur son histoire, que le dessinateur va pouvoir s’occuper des lignes plus essentielles à son dessin puisqu’il n’aura pas à gérer l’ombre et la lumière, le progrès, ça aide, non ?
- Je pense que la facilité d'accès aux outils est trompeuse et fait croire que les choses sont à notre portée. Or, les outils ne dispensent pas de connaissances de base. Il y a des règles dans la composition d'une œuvre et même si on les transgresse, c'est en toute connaissance de cause. Par ailleurs, notre société nous propose tellement d'informations sous toutes les formes avec la possibilité d'y accéder facilement par Internet notamment (de plus en plus de gens s'expriment et montrent ce qu’ils font) que trier tout ça, dégager le bon grain de l'ivraie est compliqué. Nous manquons de plus en plus de culture qui nous permettrait de saisir ce qui est différent. En fait, il faut du temps pour ça. Notre société va trop vite, les œuvres sont vite périmées. Il est difficile de s'y retrouver surtout dans l'ici et maintenant.
- Mais comment tu fais pour réfléchir comme ça avec autant de Gigondas dans le sang ?
- J’ai fait des études, les étudiants sont des soulards.
- Eh ben waw… Tu sais faire l'alphabet en rotant ?

Je censure cette partie, oui, elle sait le faire...

- Je disais donc, je ne généralise pas en disant que l'art numérique c'est de la daube, mais ce que tu m'en as montré n'en est pas pour moi. J'insiste sur le "pour moi", car je ne détiens pas la vérité. Et mon avis n'est que mon avis, avec les quelques connaissances que j'ai.
- On refait l’apéro ? J’ai la flemme de faire à manger…
- Ok.

- Hein ? Apéro ? Leffe ?

Ninjavert se réveille, un long filet de bave séché orne son menton kirckdouglassien cependant qu’un œil torve, cyclopéen, s’entrouvre pour fixer de façon quasi libidineuse les cadavres de canettes en quête d’un fond injustement inexploité...

C’est au cours de ce périple semé d’embûches gastronomiques et éthyliques que nous créâmes « La belle au con dormant », mais ceci est une autre histoire…

Alors voilà, P*t avait un point de vue particulièrement éclairant concernant ce sujet :

La technique doit être au service de la création et pas l'inverse...

C’est vrai que les karaokés peuvent laisser penser à certains qu’ils sont destinés à faire une carrière dans la chanson, d’autant que ceux qui sont « doués » pour faire ça, le font avec une facilité apparente et ça pourrait laisser croire que c’est à la portée de tous.

Il n’en est rien.

On pourrait penser que les outils modernes dédiés à l’art feront plus d’artistes, mais cela ne mènera au final qu’à la confusion si nous n’éduquons pas les générations futures à avoir un regard critique.

J’ai lu quelque part que l’Homme évoluait selon les acquis de ses prédécesseurs, mais l’esprit collectif humain aussi ! C’est ainsi que de tailleurs de silex, nous en sommes arrivés à pouvoir soigner certaines maladies, de 1+1=2 nous avons trouvé Pi et Dieu (ou Nico) sait quoi d’autre.

Il y a une progression et si certains outils, comme la calculatrice, permettent aujourd’hui à un enfant de pouvoir calculer une équation sans se préoccuper des détails de base, on ne peut pas comparer les outils dédiés à l’art de la même manière.

Car il y a une notion d’intangible dans l’art, une part de magie qui ne se trouve pas dans les outils. Ceux-ci peuvent être de fantastiques atouts entre les mains d’une personne qui possède les clefs nécessaires.

Ils pourraient bien annihiler la notion même d’art entre les mains d’apprentis-sorciers autoproclamés « artistes ».

Mais toi, l’Onirienne, toi, l’Onirien, qu’est-ce que tu penses de ça ? (clique ici)


Oniris Copyright © 2007-2023