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Réalisme/Historique
patapapier : Échec et maître [concours]
 Publié le 05/01/09  -  27 commentaires  -  4978 caractères  -  120 lectures    Autres textes du même auteur

Une journée dans la vie d’un génie fourbu.


Échec et maître [concours]


Ce texte est une participation au concours nº 8 : Les brèves d'eau (informations sur ce concours).



J’ai mal. C’est désormais la conscience de mon corps qui m’éveille à l’aube, dans la chambre claire de cette villa florentine où je suis contraint à résider. Les dessins de Léonardo sont revenus ce matin à ma mémoire ; ceux qui fixent le détail du squelette d’un homme. Sans doute ai-je dû les étudier autrefois, au cours d’anatomie, à l’université de Pise. J’avais si peu de goût pour ces études de médecine… Mon père ne m’a pas tenu rigueur de leur abandon et mes succès ultérieurs l’ont aidé à surmonter la déception.


Aujourd’hui allongé, je sens chaque os nommé occuper sa douloureuse place. En matière de chute de corps, je suis devenu un expert. Tout me meurtrit et tout me pèse, jusqu’à l’air que je respire. Je suis sûr, maintenant, que mes jours sont comptés.


Hier, les fontainiers du Grand Duc ont demandé une audience. Je les ai reçus malgré ma lassitude. Je ne saurais rien refuser aux Medicis. Bien qu’ils ne me soutiennent plus comme par le passé, ils m’ont cependant conservé leur hospitalité, et dans les heures les plus terribles. Ferdinand a entrepris d’aménager les jardins du Pitti ; ou la colline Boboli, que sais-je ? Je crains que sa passion de la botanique n’ait un moment raison de ses finances, mais qu’importe ! Des installations aquatiques ne seront pas plus inutiles qu’une guerre.


Evangelista s’est chargé d’introduire nos ingénieurs de l’eau dans ce salon où seul me préoccupe encore le confort du fauteuil où il m’a installé. Il remplit à ma place les devoirs domestiques, je ne suis pas vraiment le maître de maison. Alors comment l’exclure de cet entretien, lui si assidu à son travail, si fidèle à mon enseignement ? Ces hommes étaient venus m’exposer, dit le porte-parole, une de ces bizarreries du monde, obstacle à leurs travaux, qu’aucun d’entre eux ne parvenait à contourner et dont ma sagacité devrait venir à bout, moi qui sais tant de choses. La flatterie, hélas, a déserté le rang des ruses efficaces à me remettre en selle. Et pourtant j’écoutai leur étonnant constat :


- Nous avons fabriqué une pompe géante, inspirée de la vôtre. Celle précisément que vous fîtes à Padoue, au début de ce siècle. Malgré tous nos efforts, elle ne fonctionne pas. Nous devons chercher l’eau aux tréfonds de la terre et la monter très haut, au moins cinquante pieds. Mais l’eau reste bloquée à quelques dix-huit brasses. Tous les chevaux du monde ne la délogent pas de ce point de colonne où elle vient culminer. Maître, pourquoi faut-il ainsi qu’elle s’arrête en chemin ?

À Padoue, il est vrai, ma pompe était modeste, et ma démonstration a convaincu sans peine l’honorable assemblée conviée dans le jardin. Un cheval solitaire y suffisait sans mal, l’eau jaillissait du fleuve et nourrissait les plantes. Sans grande polémique, mon invention obtint illico son brevet et force compliments me furent prodigués.


- Mes amis, notre maître Aristote nous l’avait déjà dit, la nature du vide a toujours eu l’horreur. Cette détestation, semble-t-il, a trouvé ses limites. Elles se situeraient, selon vous, autour de 32 pieds. Passée cette hauteur, il se peut que la haine connaisse une trêve, qu’une paix soit signée entre les éléments…


Ma vue a bien baissé, depuis longtemps mes yeux sont source de tracas. Mais mon aveuglement ne va pas jusque-là. Point n’est besoin de voir, pour savoir qu’à l’instant où ma faiblesse seule pouvait être tenue pour cause de l’esquive, mon assistant dans l’ombre avait l’air accablé et, je le connais bien, pensait par-devers lui : « Une colonne d’eau, haute de dix-huit brasses et coiffée par du vide, est certes suffisante à noyer un poisson… »


S’il osait prononcer ces mots-là à voix haute, que saurais-je lui dire ? Car depuis quelque temps, il faut que je confesse que mes capacités ont un peu régressé. Prisonnier de ce lieu, je ne peux réfléchir, j’ai besoin du grand air et de sa liberté. Mais depuis ce procès, la villa d’Arcetri renferme une atmosphère peu propice aux idées et quelque peu pesante. Et les autres chagrins que le ciel m’envoya ont augmenté la charge.


Depuis cette entrevue, Evangelista s’active. Je l’entends qui s’emploie à tirer des archives les plans un peu cornés de ma machine ancienne, la pompe padouane. Sans répit il marmonne. Il finit par venir, pose sur mes genoux les croquis d’autrefois. Mais les traits restent flous, je ne peux déchiffrer des textes qui sans doute ont dû être de moi.


- Maître, je vous relis. Eh bien, si l’on s’en tient strictement au discours par vos soins prononcé au jardin de Padoue, je ne vois vraiment pas pourquoi cette eau stagnante cesse son ascension dans ce tuyau vidé… Et dans le cas précis, dans notre belle langue, je me dois d’ajouter : Eppur, dovrebbe muoversi


Il y a des jours où ce jeune Torricelli m’agace.


 
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   widjet   
5/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Patapapier nous revient et son langage raffiné aussi du même coup ! Une nouvelle scientifique précise et intelligente comme souvent avec cet auteur. Avec en toile de fonds, la vieillesse qui finit par avoir raison de nous et de nos sens.

Ca fait du bien par où ça passe.

Le concours est bien lancé !

Widjet

   Anonyme   
5/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Superbe écriture, quelle magnifique façon d'introduire un climat.
On voudrait vraiment en savoir plus sur l'avant sur l'après...

Bravo

   Anonyme   
5/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Superbe. Tout y est.
La qualité de l'écriture. L'originalité du sujet, historique et scientifique.

Un candidat redoutable!

   Anonyme   
5/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il fallait y penser... J'ai bien aimé ce monologue du maître, Galilée je suppose, qui, au travers de la fameuse pompe, passe plus ou moins le témoin à son non moins célèbre élève, Torricceli, à qui nous devons le premier baromètre, lequel, pour Patapier et sa participation au concours, indique "Beau fixe". Bravo ! Alexandre

   victhis0   
5/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
C'est plutot bien fichu, bien écrit, assez intéressant...Du beau texte court bien ficelé où l'intrigue ne se sent pas trop étriquée...

   Anonyme   
5/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L'écriture est agréable... je commenterai plus tard.

   Anonyme   
5/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Ah je retrouve Patapapier que j'apprécie. Mêlant humour et précision, rythme et style.
Yes!
L'histoire une fois de plus admirablement reprise à son compte.
J'aime bien aussi la façon subtile de laisser venir le fil de l'eau, petit à petit, presque sans le nommer mais en en faisant le sujet principal.
Bien.
Merci.

   xuanvincent   
5/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Beaucoup de commentaires pertinents ont déjà été écrits sur ce texte.

J'ai apprécié cette nouvelle, qui m'a semblé bien écrite comme les précédentes et sans doute bien documentée.

Le sujet m'a paru bien amené et les personnages bien mis en scène.

La chute m'a plu.

   Bidis   
6/1/2009
Galilée ? Personnellement, je penchais plutôt pour Cavalieri…
Cette nouvelle me semble bien parfaite, originale, habile et extrêmement bien écrite, en un mot très agréable à lire même si l’on ne sait absolument pas de quoi il s’agit (je parle pour moi : inculte et peu rapide de comprenure).
Je la relirai après m’être documentée sur Google plus avant…

   guanaco   
6/1/2009
Il se dégage de ce texte une odeur de manuscrit enfermé depuis des siècles mais que des mains expertes sont parvenues à dépoussiérer. Et tels des historiens, nous le parcourons avec des yeux d'enfants ébahis devant un trésor trouvé au pied d'une balançoire.
La note d'authenticité est ici très forte et elle est dûe à une belle écriture.
Le seul bémol en ce qui me concerne est la multiplicité des temps employés; personnellement j'aurais gardé le moment présent plutôt que d'introduire du passé simple par exemple.

Merci pour cet instantané historique qui colle très bien aux contraintes du concours.
Guanaco

   Menvussa   
7/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Galileo Galilei, un nom qui le prédestinait à servir de thème à ce concours. Texte fort bien écrit, limpide, manquant peut-être de rebondissements, d'intrigue... Mais on ne va tout de même pas récrire l'histoire.

   dude   
7/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
On ne peut qu'admirer la maîtrise du sujet... et de l'écriture. On sent le travail et la recherche derrière le texte et l'aspect historique n'est pas pour me déplaire (bien que mes connaissance sur le sujet soit des plus floues, hem).
En pinaillant, je pourrais dire que cela manque un peu de rebondissements. Mais bon, cela n'empêche pas qu'on se laisse porter par le fil (très tranquille) du récit.

   Ephemere   
9/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
C'est certainement bien écrit mais je n'accroche pas du tout ; je verrais plutôt ce texte faire partie d'un roman historique. Pour moi, une histoire a un début, un milieu et une fin et là, je ne le sens pas.
Il restera peut-être cependant dans les récits que je préfère car la contrainte est ici difficile.
FMR

   Anonyme   
10/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Super texte. malgré la contrainte de la taille l'écriture semble se trainer et faire des détours comme enlisé dans la vieilles ou la torpeur italienne. Bravo donc pour cette atmosphère et merci pour ce style si léger, fluide maitrisé

   Marian   
10/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est très bon et très bien vu. Pas la peine de s'étendre dans l'analyse globale, les autres s'en sont chargé.
Quelques détails m'ont arrêté, comme "au début de ce siècle" dans le dialogue. J'ai trouvé ça un peu curieux. Mais c'est discutable.
L'écriture est soignée et vraiment bien faite. Ca m'a beaucoup rappelé les passages "XVIIe" de Là où les tigres sont chez eux de Blas de Roblès. En largement aussi bien.

   melonels   
12/1/2009
 a aimé ce texte 
Pas
Désolé, malgré tous les éloges qu'a pu recevoir ce texte, je me suis ennuyée, mais vraiment ennuyée. Je n'ai pas reconnu un style particulier sinon un peu vieillot, mais peut être ne suis je pas assez erudite...

   Flupke   
14/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Titre bien trouvé. J'ai beaucoup aimé cette nouvelle qui sollicite l'intelligence vérificatrice du lectorat actif. Bonne recherche documentaire. Je suis toujours assez admiratif pour les nouvelles historiques de tout le travail préparatoire. Merci de m'avoir donné envie de farfouiller pour vérifier mes hypothèses citationelles :-) Bon je m'en souvenais de la citation dans les deux langues et je me souvenais qu'il y voyait moins bien à la fin de sa vie, mais je suis allé sur wiki quand même. Ca donne un côté interactif. Merci pour avoir précisé Padoue pour éliminer tout doute
Restera probablement dans mon top 5 en février pour ce concours.

   macada   
14/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
assez loin du thème du concours
très belle écriture, emphasée, qui décrit parfaitement bien l'atmosphère. excellent style.

   Faolan   
20/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Je n'ai malheureusement pas accroché...

Cela n'enlève rien à l'excellent travail de recherche et d'écriture !

   fisoag   
19/1/2009
nouvelle très bien écrite mais qui ne fait pas appel à l'émotion et qui pour moi est hermétique.

   Nongag   
20/1/2009
Très belle écriture. Comme bien d'autres Onisirien l'ont mentionné avant moi, je ne peux pas donner d'appréciation historique, mais, et heureusement, le plaisir de lire un bon texte ne demande aucune connaissance particulière!

Bien +

   Nongag   
21/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je note...

   marogne   
27/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Et oui, à partir d'une certaine hauteur il faut pousser....

J'ai bien aimé l'évocation historique, mais il me semble que le style fait un peu trop moderne par rapport à l'époque où le récit est censé se dérouler.

On parle un peu d'eau ici, mais le héros principal est quand même l'air qui ne pèse pas assez, qui ne pousse pas assez.

Et en - 32, il y a eu l'invasion...

   aldenor   
4/2/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Comme le ton désabusé du vieil homme est juste et maîtrisé !
« Je sens chaque os nommé occuper sa douloureuse place. » ; «…ce salon où seul me préoccupe encore le confort du fauteuil… » Superbe.
Même les digressions servent le sujet. « Ferdinand a entrepris d’aménager les jardins du Pitti ; ou la colline Boboli, que sais-je ? Je crains que sa passion de la botanique n’ait un moment raison de ses finances, mais qu’importe ! Des installations aquatiques ne seront pas plus inutiles qu’une guerre. » : La vieillesse, les idées qu’on ressasse, qui se brouillent, mais en même temps une sagesse…
Et l’humour est bien là. En finesse. Naît de la distance que prend le narrateur avec la vie et ses agitations, qu’il quitte.
Un point me chiffonne : Evangelista Torricelli. Ne connaissant pas son prénom, je me suis laissé surprendre par la mention de Torricelli dans la dernière phrase. Effet de surprise qu’escomptait manifestement l’auteur ; mais a-t-on le droit de miser ainsi sur l’ignorance du lecteur ?
Une tournure m’a eu l’air lourde : « la nature du vide a toujours eu l’horreur ».
Le titre me laisse perplexe. Est-ce un jeu de mots avec Echec et mat ? On peut sûrement trouver mieux.
Tout de même, un régal.

   David   
10/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Patapapier,

Bon, c'était pas du latin en fait la phrase de la fin j'ai galéré pour comprendre la chute de la blague : "Pourtant, il devrait aller ... ".

Je veux bien faire le dindon, pour cette farce là.

   estelane   
12/2/2009
Patatra, patapapier, écrit de longues phrases aimées (comme je les aime !),..., c'est harmonieux, sonore et agréable à lire même si l'histoire n'est pas forcément du goût de tout un chacun.

   Ariumette   
21/2/2009
D'abord félicitation d'avoir relevé le défi de ce concours !
Mon avis : Un instantané dans la vie d'un génie fatigué... On ressent l'amertume de cette perte d'idée... L'eau comme un problème autrefois résolu mais qui maintenant résiste... J'ai aimé le fond et l'idée, un poil moins le style (question de goût, rien à redire). PS : J'aime beaucoup le titre !

Pas de note cause concours


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