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Poésie contemporaine
Pouet : L'auberge du hasard
 Publié le 30/01/14  -  11 commentaires  -  2568 caractères  -  139 lectures    Autres textes du même auteur


L'auberge du hasard



L’étendard a brûlé.

L’enseigne se balance ;
Son grincement subtil invite le voyageur,
Le curé en campagne,
Le chevalier sans lance

À venir y goûter

L’espoir pour quelques heures.

C’est une sombre bâtisse aux murs impénétrables
Posée sur la dépouille de nos terres oubliées,
Une escale de pierre pour ces êtres friables
Partis à la conquête d’une autre liberté.

Ses fenêtres ne s’ouvrent que par Temps d’injustice,
Lorsque le froid du Monde se fait un peu trop rude
Afin de mélanger sa chaleur au factice
Du dehors habité par tant de solitude.

Une immense cheminée semble percer le ciel
Comme l’épée d’ardoise d’un ange sans escorte.
Sur le seuil on piétine les cœurs artificiels…

Inutile de frapper,
Il n’y a pas de porte.

L’intérieur se compare au ventre maternel
Infiniment profond d’une antique déesse,
Un écrin palpitant à l’orée du réel
Où chacun peut apprendre à rire de sa tristesse.

La salle défie les lois de la géométrie,
Les angles sont des miroirs,
Les reflets des mirages ;

Tout s’habille de noir,
Tout clame l’asymétrie,

On peut y modeler son propre paysage.

Le comptoir est sculpté dans le tronc d’un vieux chêne,
Le plancher tapissé d’astres multicolores,
Le plafond maquillé par la rouille des chaînes
Abandonnées par ceux que le bonheur ignore.

Sur chaque table danse la flamme d’une bougie
Dont la cire se fige en arabesques d’or :
Un pinceau de lumière fouillant l’ombre rougie,
Un phare miniature en berne sur l’aurore.

Ici se réconfortent l’obèse et le mendiant,
Le bourreau nostalgique, l’assassin démocrate,
L’établissement se targue d’accueillir le client
Qu’il soit prêtre exorciste ou vampire des Carpates.

Le noble et l’ouvrier viennent chercher refuge
Comme des enfants perdus en ce lieu de partage,

Les destins se confondent,
Le voleur et le juge,
D’un journal partisan,
Lisent les mêmes pages.

La route s’arrête là,
S’entrecroisent les cils
De la mélancolie en songe inachevé.
L’horizon porte encore les stigmates de l’exil,

Le soleil a fondu
Et le doute s’est levé.

L’ivrogne étanchera sa soif d’expiation,
Le joueur misera ses derniers idéaux,
Le poète apatride trouvera sa nation,

L’auberge du hasard
Est un simple radeau.


 
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   Robot   
10/1/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
N'ayant pas trouvé de référence donnée par l'auteur, mon imagination m'a porté vers les romans d'Ellis Peters pour l'ambiance un peu mystérieuse et le côtoiement des individus. Car il y a du médiéval dans ce texte. Pas d'ennui, rien d'exceptionnel non plus, pourtant une lecture agréable de la simple description d'un décor et de ceux qui le fréquentent.

   Anonyme   
14/1/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Don Quichotte m'est immédiatement venu à l'esprit. Un poème picaresque aux tonalités frôlant une forme de fantastique lié au mélange des personnages, des décors, des lieux... La tonalité générale sous une certaine légèreté d'expression reste grave et désabusée. Alice m'est aussi venue à l'esprit à travers ce tourbillon où tout se mêle à tout, au hasard de la vie, bien servi par une expression très soignée et très évocatrice.

   Anonyme   
30/1/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'aime tout dans ce poème. Le rythme qui dans la mise en page semble irrégulier à l’œil mais à la lecture les alexandrins et les hexasyllabes mènent le lecteur à la découverte de cette auberge hypothétique et des personnages qui s'y côtoient.
Si le moyen-âge semble évoqué, ce lieu devient vite intemporel.
Il me semble le refuge de tous les blessés de tous les temps, mais des blessés qui savent dépasser les conflits.
Cette "auberge du hasard" est "en-soi", partout, nulle part.

   Pimpette   
30/1/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Excellent texte!
le sujet est rare et profondément singulier!
ce défilé dans une auberge imaginaire(quoique!) est une vraie trouvaille!

Chaque personnage est évoqué avec un bonheur d'expression qui m'a emballée!

je me demande si notre monde n'est pas,lui aussi, cette auberge dans la quelle nous défilons avec, chacun nos caractéristiques....et si nous sommes poètes, avec NOS MOTS

Je note très haut!

   Anonyme   
30/1/2014
Salut Pouet

Pas d'erreur, t'es un vrai poète
Pas le genre pisse-froid ou pisse-petit qui laisse au lecteur le soin de déchiffrer ses traits de génie.
Non avec toi, on en a pour son argent. C'est franc, superbe et généreux comme dans cette auberge ouverte à tout vent.

Y a tant à boire et à manger (c'est une métaphore) qu'il faut relire (plutôt deux fois qu'une) afin de ne rien laisser passer.

C'est de la poésie contemporaine comme je l'aime. On y est pas coincé par des exigences d'un autre âge mais on en garde tout de même le rythme et les rimes (qui permettent au lecteur non initié d'identifier la poésie)

Merci Pouet et bravo pour cette peinture picaresque dont la générosité fait penser à Bruegel.

   LeopoldPartisan   
30/1/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Que revez de mieux pour retrouver un François réprouvé et banni de Paris et dont on va vite perdre la trace. On y cause le jobelin jargon, on y boit aux femmes infidèles ou par trop fidèle. C'est une peinture dont on a longtemps rêvé sans jamais oser l'écrire.

Cette année que j'ai consacré à la lecture du "Trône de Fer" (13 volumes en français à ce jour) a donc été truffée d'endroits comme celui-ci.

Bravo de me les remémorer. J'ai adoré ce que vous avez peint avec vos mots.

   leni   
30/1/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut Pouet
C'est clair,pittoresque,imagé,rythmé et poétique Et un peu fantastique Joli talent Ami Pouet Ici rien à interpréter Tout est dit
L'auberge est ouverte à tout vent au milieu de nulle part C'est un radeau!

L’ivrogne étanchera sa soif d’expiation,
Le joueur misera ses derniers idéaux,
Le poète apatride trouvera sa nation,
Superbe!
Merci et salut amical
Leni

   Arielle   
30/1/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Elle doit être espagnole cette auberge où chacun y trouve ce qu'il cherche et y a probablement apporté. Mais derrière les murs impénétrables de la sombre bâtisse c'est un château qu'on découvre,
"Un écrin palpitant à l’orée du réel" un peu gothique, un peu magique, à la limite du cinéma fantastique dans ses images mais tellement chaleureux qu'on se laisse bercer avec bonheur par la musique de ses alexandrins parlés qui réconcilient passé et présent.
Une escale agréable que l'image du radeau, à la fin, vient briser un peu trop brutalement à mon goût

   Marite   
30/1/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Au fil de la lecture de ce long poème contemporain, cette auberge nous devient familière.
Deux vers m'ont arrêtée et je m'interroge :
" Le plancher tapissé d’astres multicolores,
Le plafond maquillé par la rouille des chaînes"
Ils m'obligent à un effort d'imagination ... la tête à l'envers.

La forme convient à l'expression. Les vers sont solitaires ou regroupés par deux, trois ou quatre ... courts ou longs ... enfin le lecteur chemine en plein hasard aussi dans la forme et c'est bien sympathique.

" La route s’arrête là,
S’entrecroisent les cils
De la mélancolie en songe inachevé.
L’horizon porte encore les stigmates de l’exil,"

Ce sont les vers que je préfère.

   David   
30/1/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pouet,

Cette auberge est un peu comme un poème, notamment par les personnes qu'elle peut rassembler, ses clients doivent être aussi bigarrés que des lecteurs. Ça tient très bien la longueur, sans refrain ça prend à peu près la place d'un texte de chansons, leurs formats à deux/trois minutes doit coller au temps de lecture.

   melancolique   
31/1/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir Pouet,

C'est un très beau poème au titre évocateur,la description de cette auberge lui donne un aspect magique. J'aime beaucoup l'idée de ces destins qui "se confondent", de tous ces personnages tellement contradictoires mais qui y trouvent tous refuge.

Plusieurs vers sont très beaux, je retiens surtout:
"C’est une sombre bâtisse aux murs impénétrables
Posée sur la dépouille de nos terres oubliées,"

"Une immense cheminée semble percer le ciel"

"Les angles sont des miroirs,
Les reflets des mirages ;"

"Un pinceau de lumière fouillant l’ombre rougie,"

"Les destins se confondent,
Le voleur et le juge,
D’un journal partisan,
Lisent les mêmes pages."

C'est un texte réussi, merci pour cette lecture.
Au plaisir de vous relire.


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