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AUSK : Histoire courte & fatale: mon ami
 Publié le 01/11/07  -  9 commentaires  -  6797 caractères  -  25 lectures    Autres textes du même auteur

Histoire d'un combat.


Histoire courte & fatale: mon ami


Cela ne ratait jamais. À chaque fois qu’on lui posait cette question - et je dois dire que ça arrivait souvent au cours de ses virées - il y répondait toujours de la même manière.


- Qui êtes vous ? »

- Qui je suis ? Pourquoi le saurais-je plus que vous ?


En général en entendant cette réponse l’importun s’éloignait ou du moins, replongeait la tête dans son verre.
Cette réponse… toujours la même. Toujours la même attitude aux limites de l’insolence.


À vrai dire c’était un bel homme. Grand, élancé, blond… il avait tout pour plaire mais lui s’en fichait. Le fait d’être un homme normal lui suffisait amplement. Pourquoi devrait-il valoir mieux qu’un autre ?... déjà qu’ils ne valaient pas grand-chose…
Il plaisait aux femmes, mais les femmes ne lui plaisaient pas… les hommes non plus d’ailleurs.


Quand j’y réfléchis je me rends compte que je ne lui ai jamais connu d’autre ami que moi. Pas de passions non plus. Aucune. En fait je me demande s’il portait un véritable intérêt à la vie en général, et à la sienne en particulier.
Il se contentait de la vivre sans trop avoir à s’en plaindre, et n’en demandait pas plus.


Tous les mercredi après-midi, entre 14h30 et 15h30 précisément, il rendait visite à sa grand-mère à l’hôpital central d’Unquam, sa ville. Cela le déprimait en général plus qu’autre chose, mais à quoi bon. Cela la rendait heureuse, et atténuait un peu la douleur qui la rongeait de l’intérieur.
De plus, sans qu’il l’avoue vraiment, voir autant de malheur lui procurait, à lui… du bonheur. Non pas qu’il soit sadique, je ne crois pas qu’il l’était, mais simplement, le fait de voir qu’il y avait plus malheureux que lui, lui remettait les pieds sur terre.


Il n’aimait pas son boulot mais ceci le laissait indifférent car il ne s’y intéressait pas. Il ne connaissait pas ses « collègues » de bureau et ne le souhaitait pas du tout. Par contre il prenait un réel plaisir à imaginer leur petite vie fade et pathétique ; il se les imaginait qui rentraient se mettre les pieds sous la table tous les soirs, regardaient les informations après s’être bâfrés, se plaignaient un peu du temps et aussi parfois des étrangers parce qu’il fallait bien se plaindre de quelque chose. Il se les imaginait le mercredi après-midi emmenant le fils à l’entraînement, et le samedi soir, après le match de foot à la télévision satisfaire la mère ; non par envie, non par plaisir, seulement par habitude.
Le simple fait de penser à tout ça, à tous ces pauvres types qui n’avaient pas le courage de quitter leur femme alors que celle-ci ne se privait pas pour les tromper dès que possible, le déprimait au plus haut point.


Alors, pour se changer les idées, il sortait. Il ne se retrouvait jamais autant que dans ces balades au cœur de la nuit où il n’était plus lui, mais un autre. Il n’était plus ce qu’il était, mais ce qu’il aurait voulu être. Entre ébriété et philosophie de comptoir, il se sentait renaître. Rien ne lui paraissait plus intense que ces moments où il refaisait le monde aux côtés d’un inconnu compagnon d’un soir, ou bien au bras d’une femme mûre à l’amour payant.
Seuls l’alcool et la jouissance lui permettaient réellement d’oublier qui il était, ce à quoi il servait et surtout, quelle était à sa place dans un monde qui lui fermait toutes ses entrées sans qu’il ne puisse les forcer…
De plus en plus souvent lorsqu’il était sobre, il broyait du noir. Et puis, l’ivresse montait et à nouveau il naissait. Le caractère éphémère de son existence ne lui importait plus et s’oublier de nouveau dans le fond de son verre devenait son leitmotiv.


Sombrant de plus en plus loin dans l’excès il entreprit de tester son corps et sa résistance.
Il s’essaya à de nombreux produits, il quitta son travail et ne vécut plus que la nuit.
Constamment ivre, perpétuellement drogué il ne passait plus deux jours sans qu’il ne se réveille un matin chez une femme dont il ne connaissait pas le nom mais juste le corps.

Plus sa déchéance l’entraînait vers le fond, plus son rire se faisait fort. Sa chute semblait inéluctable et pourtant lui semblait ne pas s’en soucier. Bien au contraire, il l’attendait, il l’espérait.


Il finit par maigrir à vue d’œil et à perdre l’esprit heure après heure.


Mais pourtant cette fin tant espérée ne venait pas, ne venait jamais.


Il se mit alors à se demander si ceci était bien ce qu’il voulait. Voulait-il vraiment baisser les bras et dire non à ce monde qui pourtant l’avait fait comme un autre. S’était assez battu ou avait-il lâchement abandonné un combat qu’il ne se sentait pas la force de mener ?
Jour après jour mûrissant la question, il reprit du poids. Rien ne l’arrêtait plus. Il était maintenant déterminé à vaincre cette société qu’il avait pourtant méprisée tout autant qu’elle, l’avait détesté.


Une détermination incroyable animait désormais ce corps autrefois désabusé. Son ancien travail ne voulait plus de lui ? Eh bien il en trouverait un autre. Les dettes s’étaient accumulées ? Ceci n’était pas un problème. Rien ne lui faisait plus peur.
Moi son seul vrai ami, je me réjouissais de cet élan soudain, de cette volonté de vivre que je ne lui avais jamais connue et qui pourtant dictait maintenant le moindre de ses mouvements.
Je lui proposais de vendre sa maison et de venir vivre chez moi avec ma famille, afin de récupérer de l’argent. Il accepta avec une réelle joie et ma famille adopta immédiatement ce bel homme blond qui jouait avec mes enfants avec le même entrain qu’il aidait ma femme dans ses tâches ménagères.
Le voir revivre, ou plutôt apprendre à vivre, me causait un bonheur extrême.


Je lui trouvais un travail dans ma société et il s’y plongea avec une étonnante volonté malgré l’ennui que celui-ci aurait procuré à tout autre que lui. Il consacrait à ce travail la majeure partie de sa journée, et le soir, ma femme et moi l’emmenions désormais dans nos soirées. Notre objectif était évidemment de lui trouver une femme et nombreuses sont celles qui auraient fait l’affaire. Lui pourtant ne s’y intéressait guère, mais ceci ne nous inquiétait pas outre mesure car il semblait heureux et cela était de loin le plus important pour nous tous.


Tout allait pour le mieux. La joie habitait sa vie et la nôtre.


Chacun d’entre nous, - et je me demande parfois si ce n’était pas aussi son cas - avait l’intime conviction que mon ami avait vaincu le monde, celui-là même qui l’avait d’abord repoussé.


Tout ceci dura, encore et encore.
Jusqu’au jour où il en eut marre, jusqu’au jour où je le trouvais pendu au lustre de sa chambre.


Mon ami était comme il était, et le monde comme nous le connaissions. Ils étaient incompatibles.
Ils s’étaient battus l’un contre l’autre. Il avait perdu.
Mon ami était mort.


 
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   nico84   
1/11/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
La fin et la mort terminent un texte assez noir qui fait réfléchir sur notre raison à nous de vivre et heureusement il y en a.

Le texte m'a donc plu à part la fin qui tombe aussi rapidement qu'une corde lourde.

   Anonyme   
3/11/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Texte qui manque de rythme ce qui ne met pas vraiment le texte en valeur. Bon

   Oli   
18/11/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'ai eu une impression très positive de ce texte, il est bien dans son ensemble et le sujet est vraiment intéressant.

Ce qui ma un peu deçu est la fin qui est un peu trop brusque et qui aurait du être développée un peu plus.

   strega   
26/11/2007
Non au contraire, je trouve le rythme assez soutenu et la fin abrupte accompagnant la mort suit la logique du texte et du fond à mon sens. Pourquoi développer plus alors que le personnage principal change assez rapidement de point de vue (extrême) sur le (tragique) monde. Je suis conquise. Merci

   FABIO   
10/9/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
j'ai adoré.Le rythme est bon car je ne me suis jamais senti exclu de ce texte.Les idées sont bien développées avec cet homme qui se laisse vivre ou mourir. Et puis la conclusion apporte tous le sens a ce
texte. Comme disait Mono Solo "il y'a toujours plus profond que le fond"

   dara   
12/10/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Texte vivant qui nous confronte à l'aspect insencé de la mort,
qui parle du suicide, tabou s'il en est, mais sans se complaire dans le simple constat,
Texte d'amitié bien menée, qui nous renvoie à notre rapport à l'autre en évitant le piège de l'intellectualisation.

Sur la forme, on sent bien les espoirs du narrateur, son absence de jugement, le rythme quasi sinusoidal du récit.

décidément, merci pour ce moment de lecture

   FILOMENE   
5/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien
on est toujours en dehors de l'autre, et ce texte laisse la place et le temps au spectateur d'être l'un et l'autre.

   Nongag   
20/2/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Moins enthousiaste que les autres critiques. Pas inintéressant, mais un peu court. C'est une description correcte de la déchéance d'un homme.

Mais la finale gâche la sauce. Pas parce qu'elle est brutale... Ce qui est brutal c'est de trouver pendu quelqu'un qu'on aime. Non, c'est dans le manque de questionnement du narrateur. "Mon ami était comme il était, et le monde comme nous le connaissions. Ils étaient incompatibles". C'est ça que je trouve court. C'est trop fataliste pour moi. Il me semble qu'après un tel évènement, une plus grande analyse serait de mise. C'était un dépressif, il n'a jamais été soigné. Si un autre de ces amis suivait la même pente, ferait-il de même? Bien sur, on ne peu pas aider une personne qui se referme sur elle-même... Mais, on peut se demander si des gestes différents n'auraient pas pu être posé...

Enfin, c'est très délicat tout ça. Ce genre d'évènement (que j'espère non autobiographique) est très difficile à vivre.

Bonne écriture.

   cherbiacuespe   
16/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
"mon ami avait vaincu le monde, celui-là même qui l’avait d’abord repoussé.", j'ai plutôt l'impression, à lire l'histoire, que c'est l'ami qui repoussait le monde, que c'est lui qui lui faisait la guerre.

L'histoire un peu bizarre d'un type qui ne se sent pas à sa place. Rare mais il arrive d'en rencontrer. Et ça ne se finit pas toujours bien, en effet!


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